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Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique.

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par Koffi Afandi KOUMASSI
Université de Lomé - Master 2 en Droit Public Fondamental 2015
  

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B-) LE DÉSENCADREMENT DU POUVOIR POLITIQUE

« Au coeur de l'État de droit, il y a fondamentalement l'idée de limitation du pouvoir et de la soumission de l'État au droit »53(*). Il s'agit là de l'idée fondatrice du renouveau démocratique. Pour sa réalisation effective, le constituant a mis en place un système de contre-pouvoirs destiné notamment à enserrer la forte présence tutélaire présidentielle d'antan. Mais chacune des digues de ce système n'a pas pu résister à la soif de pouvoir des chefs d'État. Ainsi, certains contre-pouvoirs sont détournés de leur office légitime (1) tandis que les autres sont purement muselés (2).

1-) Des contre-pouvoirs institutionnels instrumentalisés

Dans le schéma de la séparation des pouvoirs exposé par Montesquieu, les contre-pouvoirs institutionnels sont le pouvoir législatif et le pouvoir juridictionnel. Ils sont prévus pour assurer l'équilibre interne du système politique et empêcher ou limiter les excès éventuels des actions du pouvoir exécutif. Dans cette dynamique, le professeur Th. Holo décrit le mécanisme des contre-pouvoirs comme un « un véritable système de lutte contre les inondations politiques »54(*) dont l'objet est de poser des balustrades pour empêcher « qu'aucun des pouvoirs ne déborde de son lit pour submerger les autres »55(*). Or, la plupart des dirigeants africains ont encore à l'idée que « le pouvoir est à vie et le pouvoir d'un chef est absolu »56(*). Comme tel, ils ont réussi à faire fondre les trois pouvoirs de l'État dans le moule du système partisan de façon à en conserver le monopole.

Malgré une certaine émancipation du pouvoir législatif, le parlement demeure « l'ombre portée du chef de l'État (...) placée sous sa dépendance »57(*). Comme le remarque le professeur P. Jan, « l'exécutif et le législatif vont de concert mais dans un schéma déséquilibré accordant une domination sans partage réel au pouvoir exécutif »58(*). Il n'est donc pas erroné de constater que les assemblées parlementaires africaines ne se sont pas encore débarrassées de leur statut de caisse de résonnance et de chambres d'enregistrement de l'action gouvernementale. Les chefs d'État s'en servent très souvent pour fomenter des forfaitures attentatoires à l'alternance démocratique. Il en est ainsi de l'initiative des projets de révisions constitutionnelles pirates destinées à garantir leur inamovibilité et leur omnipotence.

L'addition est corsée par les incongruités du fait majoritaire. En fait, l'avènement de la démocratie majoritaire a quasiment effrité la faculté d'empêcher du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif. Perçu comme la pièce maitresse de la séparation des pouvoirs, le contrôle de l'action gouvernementale par le parlement s'est pratiquement tari. Le parlement ne contrebalance que marginalement le gouvernement. En conséquence, c'est l'idée même du Parlement en tant que contre-pouvoir de l'exécutif qui se trouve de la sorte vidée de toute sa réalité. En résumé, Monsieur K. Somali écrit que « l'Assemblée nationale est cantonnée dans un rôle d'approbation. Son droit d'initiative demeure largement théorique et la prérogative qui lui est reconnue de contrôler l'action de l'exécutif n'a que valeur de symbole »59(*).

Apparue comme le maillon central du renouveau constitutionnel, la justice constitutionnelle est timorée par l'avidité de pouvoir des chefs d'État africains pendant que la justice ordinaire est travestie par la corruption. A tout voir clairement, le juge constitutionnel n'est bien plus qu'« un valet du pouvoir politique »60(*). La partition minimaliste qu'il joue dans la symphonie politico-institutionnelle des États participe de la contrefaçon de la constitution61(*). A son corps défendant, il accepte de « faire souffrir le droit pour servir le pouvoir »62(*). En conséquence, toute tentative d'atteindre le respect de la légalité du pouvoir et la légitimité de son exercice au moyen de son interpellation est vouée à l'échec. Ce qui ne peut que donner une légitimité à toute démarche insurrectionnelle. Dans certains cas de figure, le juge constitutionnel a joué au pyromane plutôt qu'au pompier. A l'issue des élections présidentielles du 16 décembre 2001 au Madagascar, la Haute Cour constitutionnelle a refusé de procéder à la confrontation des procès verbaux officiels des opérations de vote présentés par le ministère de l'intérieur avec ceux dont disposent les différents candidats et les observateurs des élections. Ce refus a été l'élément déclencheur du durcissement d'une crise latente qui s'est rapidement transformée en la plus grave impasse politico-institutionnelle que la République de Madagascar ait connue depuis son indépendance. Dans cette crise, il s'est avéré que le gardien de la constitution et le garant naturel de la démocratie s'est dispensé de dire le droit63(*).

Les contre-pouvoirs socio-politiques participent également à l'office de modération et d'empêchement du pouvoir exécutif. Mais ils se trouvent généralement muselés (2).

* 53 J. CHEVALLIER, L'État de droit, op.cit., p. 55.

* 54 TH. HOLO, « La présidence impériale : du Potomac au Sahel », RBSJA, n° 9, Décembre 1987, p. 5.

* 55 Ibid.

* 56 Propos du feu président Sésé Séko Mobutu, Voir Études congolaises, vol. 27, Bruxelles, 1982, p. 9.

* 57 J. GICQUEL, « Le présidentialisme négro-africain, l'exemple camerounais », in Le pouvoir, Mélanges Georges Burdeau, Paris, L.G.D.J, p. 711.

* 58 P. JAN, « Les séparations du Pouvoir », in Constitutions et Pouvoirs, Mélanges Jean Gicquel, op. cit., p. 258.

* 59 K. SOMALI, Le parlement dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique. Essai d'analyse comparée à partir des exemples du Bénin, du Burkina Faso et du Togo, Law, Université du Droit et de la Santé, Lille II, 2008, p. 24.

* 60 A. SOMA, « Le statut du juge constitutionnel africain », in La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 : Un modèle pour l'Afrique ?, Mélanges Maurice Ahanhanzo-Glèlè, op. cit., p. 457.

* 61 « la constitution est contrefaite lorsque le juge use de sa liberté d'interprétation pour escamoter les équilibres institutionnels en procédant à une régulation partiale de la vie politique surtout en matière électorale, ou offre une protection délibérément minimaliste ou évanescente des droits de l'homme et du citoyen notamment en s'abstenant d'apurer l'ordonnancement juridique des normes liberticides ou enfin en livrant une interprétation neutralisante de la constitution pour, par exemple, cautionner l'hostilité des gouvernants à l'égard des droits politiques et la répression de l'ensemble des libertés qui expriment une opinion ». S. BOLLE, « Des constitutions « made in » Afrique », op.cit., p. 19-20.

* 62 P. MARCILHACY décrivait de la sorte le rôle du Conseil constitutionnel français à ses débuts. Voir Le Figaro 12 février 1960.

* 63 Voir J. E. RAKOTOARISOA, « 1991-2002 : le difficile apprentissage de la démocratie », Madagascar après la tourmente : regard sur dix ans de transitions politique et économique, Afrique Contemporaine, n°202-203, avril-septembre 2002, pp 15-27.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus