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Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique.

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par Koffi Afandi KOUMASSI
Université de Lomé - Master 2 en Droit Public Fondamental 2015
  

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Paragraphe II : Le refus de la gouvernance démocratique

En 1998, le Secrétaire Général des Nations-Unies, Monsieur Kofi Annan, a fait observer que « c'est la nature du pouvoir politique dans bien des pays d'Afrique, de même que les conséquences réelles ou perçues comme telles de la prise du pouvoir et du maintien de celui-ci, qui est une source majeure de conflit dans le continent [...]. Dans des situations extrêmes, des collectivités rivales peuvent avoir le sentiment que leur sécurité, voire leur survie, ne peut être assurée que si elles contrôlent le pouvoir national »70(*). On retient de cette analyse des sources des conflits en Afrique deux éléments essentiels : d'une part l'exercice défectueux du pouvoir (A) et d'autre part les retombées des facteurs socio-culturels (B).

A-) L'EXERCICE DÉFECTUEUX DU POUVOIR

La gouvernance démocratique a été au coeur de la renaissance constitutionnelle des États en années 1990. Se posant en rupture avec les errements autocratiques des décennies précédentes, elle constitue le terreau de la démocratie, de l'État de droit et du respect des droits de l'homme, des valeurs qui en sont les références motrices. Mais aujourd'hui, elle se fait terrasser par une forme de gouvernance politique qui révèle effectivement la survivance du présidentialisme négro-africain (1) et les traces indélébiles de la patrimonialisation de l'État (2).

1-) La survivance du présidentialisme négro-africain

Par présidentialisme, on désigne « les régimes qui se sont inspirés du système des États Unis mais qui n'ont pas respecté ce qui en fait le mérite essentiel, le partage équilibré des pouvoirs et ont laissé le chef de l'État accaparer toute l'influence politique »71(*). Le présidentialisme exprime donc la magnificence du chef de l'État et l'insignifiance des autres institutions qui sont sous le contrôle de celui-ci. En effet, le virage des États africains vers la démocratie en 1990 était supposé précipiter aux calendes grecques les dérives du présidentialisme négro-africain. Mais aujourd'hui, le constat semble clairement établi que ce virage s'est soldé par un crash inattendu. Le portrait des chefs d'État africains, à l'ère de la « constitutionnalisation du pouvoir politique »72(*), fournit l'image d'un personnage omnipotent qui « se confond avec le système politique lui-même. Il n'en est pas seulement le symbole. Il le modèle et le contrôle »73(*). Ainsi, la plupart des présidents africains font encore figure d'un « pontife constitutionnel »74(*). Ils ont la ferme assurance qu'« il ne pouvait y avoir de partage du pouvoir au sommet de l'État »75(*). Pour preuve, le président congolais Denis Sassou Nguesso déclarait en 2000 qu'il faut en Afrique « un chef... avec de grands pouvoirs sinon les citoyens sont désemparés »76(*). Plus que partout ailleurs, « la constitution est elle-même liée à la personne du Chef de l'État qui donne vie aux institutions qui sont son outil, les instruments de sa stratégie (politique) »77(*). C'est pour cela que B. Badie affirme à juste titre que « l'origine et l'agencement des règles constitutionnelles produisent un contre-effet et favorisent la dérive autoritaire »78(*). Ainsi, les chefs d'Etat africains sont perçus « au moins de façon empirique, en partie responsable de la faiblesse du parlement, de la justice et des contre-pouvoirs politiques (...) Le soupçon de « fraude » ou d' « instrumentalisation » des constitutions s'applique presque toujours au Président de la République »79(*).

L'omniprésence présidentielle dans les exécutifs africains et la personnification du pouvoir qui en résulte font des chefs d'État les mentors de la recrudescence de la violence et des coups d'État, de la manipulation à outrance de la constitution, de la suppression des clauses limitatives des mandats présidentiels, comme procédure de changement politique. Toutes ces considérations ont amené le professeur J. du Bois de Gaudusson à faire observer clairement que « l'une des causes des conflits politico-institutionnels, entrecoupés de coups d'État politico-militaires, réside dans l'organisation de l'exécutif dominé par un chef auquel on porte un culte sans bornes »80(*). Tout au plus, ces chefs d'État omnipotents se transforment en détenteurs viagers du pouvoir (2).

* 70 K. ANNAN, Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique, Rapport du Secrétaire Général, A/52/871 - S/1998/318, 13 avril 1998.

* 71 B. JEANNOT, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Dalloz, 1991, p. 120.

* 72 Comme le souligne André Hauriou, constitutionnaliser le pouvoir, c'est le soumettre à des règles précises, et plus particulièrement mettre au point des mécanismes de représentation politique, établir auprès des gouvernements des censeurs qui seront qualifiés pour dialoguer avec ceux-là. Voir A. HAURIOU, Droit constitutionnel et Institutions politiques, Montchrestien, 1970, 4ème Edition, p. 73.

* 73 G. CONAC, « Portrait d'un chef d'État », op. cit., p. 121.

* 74 EFOÉ K. M. KINI, Le chef de l'État en Afrique noire francophone : Cas du Bénin, du Cameroun et du Togo, Mémoire de DEA en Droit Public Fondamental, Université de Lomé, 2007-2008, p. 10.

* 75 O. F. NATCHABA, « La succession constitutionnelle du chef de l'État dans les régimes africains », op. cit., p. 9.

* 76 Voir Le Figaro, 11 mai 2000.

* 77G. CONAC, « Portrait d'un chef d'État », op. cit., p. 123.

* 78 B. BADIE, L'État importé, Fayard, 1992, p. 210.

* 79 A. LOADA, « La Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance », Conférence inaugurale de rentrée académique 2012-2013, Chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie, Cotonou, Chant d'oiseau, Centre des publications universitaires, 17 décembre 2012, p. 9.

* 80 J. DU BOIS DE GAUDUSSON, « Quel statut constitutionnel pour le chef d'État en Afrique ? », in Le nouveau constitutionnalisme, Mélanges Gérard Conac, Paris, Economica, 2001, p. 334.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon