WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le NEPAD ou l'ère de la conditionnalité intériorisée

( Télécharger le fichier original )
par Julien Vlassenbroek
Université de Louvain-La-Neuve (UCL) - Diplôme d'études spécialisées en études du développement 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

4.2.3. Les vieilles recettes néolibérales

A travers cette répercussion docile d'objectifs fixés en d'autres temps et en d'autres lieux par d'autres responsables, les chefs d'Etat africains à la base du NEPAD ont en outre exposé le flanc de leur créature à un autre type d'attaques : celles qui condamnent son conventionnalisme et son manque d'originalité.

Les bonnes vieilles recettes que sont l'ouverture au marché mondial et l'intégration au système global, la libéralisation interne, l'accentuation des exportations, le contrôle strict des dépenses publiques et l'intégration régionale ont en effet toutes été réactivées dans ce « nouveau » partenariat58(*). Pourtant, comme le rappellent Gathaka et Wanjala, au vu des expériences passées on sait que « market-oriented reforms cannot be the panacea for the economic ills that afflict Africa »59(*) et même des économistes néolibéraux reconnaissent que « one of the most important shortcomings of the NEPAD scheme is that it is very conventional in its thinking, offering no particular insights about past development failures beyond the obvious notions that wars must be ended and good governance installed »60(*).

Autrement dit, sur le plan des politiques économiques, le cap n'a pas changé.

Ce cap c'est notamment celui qui mène l'Afrique à l'intégration à la globalisation avec comme fin de booster l'économie du continent en misant sur le `trickle-down effect'. Il s'agit ni plus, ni moins d'une réactivation volontariste de la théorie du `catching up' chère à Rostow et remise à l'ordre du jour par l'OCDE61(*) et les Institutions Financières Internationales (IFI's). En 1999, le FMI publiait le « World Economic Outlook » dont le chapitre 4, intitulé « How can the poorest countries catch up ? » 62(*), laisse peu de doute sur son origine doctrinale. C'est notamment au vu de la récupération de cet héritage idéologique par les leaders africains qui ont initié le NEPAD que certains ont estimé que du point de vue des postulats de base « it [le NEPAD] blends nicely into the neo-liberal globalisation mainstream »63(*).

La relation insertion au marché global - récolte de bénéfices est pourtant loin d'être évidente dans le cas de l'Afrique, comme le rappellent plusieurs auteurs. Les partisans du `catching up' sous-estimeraient « l'architecture internationale » car même après les promesses faites à Monterrey puis au sommet du G8 de Kananaskis, « la tendance profonde des grandes puissances demeure très en deçà des enjeux mondiaux en termes [...] de concurrence loyale »64(*), ainsi les logiques à l'oeuvre au niveau planétaire font en sorte qu'une « reprise significative des investissements privés paraît peu réaliste »65(*), bref pour que la globalisation économique tienne ses promesses et ne contrecarre pas les espoirs de l'Afrique, il faudrait que « le libéralisme asymétrique pratiqué par les pays industriels et les économies émergentes soit remis en question »66(*), ce qui est loin d'être à l'ordre du jour.

Le Sud-africain Richard Cornwell se montre plus acerbe dans ses critiques lorsqu'il écrit non sans ironie : « our leaders are willing to embrace the inevitability of the historical triumph of a process commonly known as globalisation, satisfied with the claims of its high priesthood that allowing the unimpeded operation of market forces and the flow of goods and capital (if not labour) will deliver massive and irreversible material benefits to our country and the bulk of its people »67(*) terminant ce paragraphe par : « Well, what is wrong with that ? Quite a lot really »68(*). Notamment le fait qu'il est loin d'être évident que le chemin du développement économique tracé par les stratèges du libre marché soit accessible en l'état à la masse des pays sous-développés69(*) et que par conséquent : « of `catching up' or `trickle down' there is little evidence »70(*).

Parallèlement à l'orientation idéologique générale, une multitude de carences ponctuelles sont soulevées par les détracteurs comme par les partisans du projet.

Melber signale par exemple, non sans pertinence, que la partie du texte consacrée à l'agriculture ne fait aucune référence à la propriété des terres (« land tenure systems ») ni à l'urgence de mettre en place une redistribution de celles-ci71(*), éléments qui constituent pourtant des enjeux majeurs de la problématique agricole africaine.

Toujours en ce qui concerne l'agriculture, Tom Amadou Seck estime que « le Nouveau partenariat favorise une agriculture entrepreneuriale et intensive. Or, au Sahel, c'est la recherche de la sécurité alimentaire, reposant sur la valorisation de la petite agriculture familiale, qui peut permettre de lutter contre la pauvreté et l'exode rural. [...]. Les conséquences de ce type d'agriculture sont la disparition de la propriété foncière collective, la course aux rendements, le recours aux engrais chimiques et l'endettement. Une révolution `verte' [...] suivie d'une réforme agraire authentique n'est pas envisagée par le NEPAD. [...]. [Pourtant] c'est une des priorités pour lutter contre les famines et la dépendance alimentaire du continent »73(*).

Même certains aspects de l'APRM, pourtant présenté comme la grande innovation et une des principales forces du NEPAD, sont remis en question par certains auteurs. Pour certains le manque de courage dans les réactions des leaders face aux pratiques de Mugabe lors des élections présidentielles de 2002 au Zimbabwe a été interprété comme un signal que les pratiques africaines en matière de gouvernance n'étaient pas en voie d'amélioration74(*).

Le manque de leviers de contraintes réelles est également pointé. Cet aspect semble d'ailleurs potentiellement problématique pour l'ensemble du plan puisqu'il pourrait faire en sorte que celui-ci reste au stade de la déclaration de principes sans implications concrètes étant donné son manque d'attributs normatifs capables de soumettre les Etats membres à respecter les règles qu'ils se sont eux-mêmes imposées75(*) ; la question de la compatibilité des statuts de l'UA avec le NEPAD et donc de la fonctionnalité même de l'APRM apparaît comme non dénuée d'aspects problématiques.

Plus fondamentalement, la pertinence même de ce mécanisme et l'objectif qu'il vise, à savoir garantir des pratiques de bonne gouvernance, seraient issus d'un postulat fallacieux selon Patrick Chabal. Pour cet auteur, l'idée que les pas réalisés en direction de la démocratie - qui se matérialisent par l'adoption d'éléments de démocratie formelle sans changer le fond de la culture politique qui resterait marquée par le néopatrimonialisme - permettront de fournir un cadre dans lequel une meilleure gestion politique et une activité économique revitalisée amèneront les pays africains vers le développement est un leurre.76(*) Ce point de vue marqué par l'afro-pessimisme et le fatalisme du néopatrimonialisme se base sur l'idée que la démocratie est entendue non pas comme une `précondition à' mais bien comme un résultat du développement économique.77(*)

* 58 Voir notamment: - S. D. Sy, « NEPAD : A Vision for the Global Governance ? », op. cit.;

- B. Ndiaye, « Le NEPAD : un plan d'ajustement structurel pour l'Afrique », sur http://www.sommetjohannesburg.org/institutions/nepad-liens.html;

- A. Soumare, « NEPAD - New Partnership for Africa's Development - historique, présentation, ambitions, modalités de mise en oeuvre, structures », op. cit.

* 59 J. Gathaka et S. Wanjala, « Kenya and NEPAD », p. 21.

* 60 R. Herbert, « Implementing NEPAD : A Critical Assessment », op. cit., p. 9.

* 61 S. D. Sy, « NEPAD : A Vision for the Global Governance ? », op. cit., p. 14.

* 62 IMF, « World Economic Outlook », publication du Fond Monétaire International, Washington, 2000, pp. 113-148.

* 63 H. Melber, « The New Partnership for Africa's Development (NEPAD) - Scope and Perspectives » in H. Melber, R. Cornwell, J. Gathaka et S. Wanjala, The New Partnership for Africa's Development (NEPAD) - African Perspectives, Nordiska Afrikainstituet Discussion Paper n°16, Uppsala, 2002, p. 10.

* 64 P. Hugon, « Le NEPAD entre partenariat et gestion des conflits », op. cit., p. 346.

* 65 Ibid.

* 66 Id., p. 347.

* 67 R. Cornwell, « The New Partnership for Africa's Development : Last Chance for Africa ? » in H. Melber, R. Cornwell, J. Gathaka et S. Wanjala, The New Partnership for Africa's Development (NEPAD) - African Perspectives, Nordiska Afrikainstituet Discussion Paper n°16, Uppsala, 2002, p. 24.

* 68 Ibid.

* 69 Id., p. 25.

* 70 Ibid.

* 71 72 H. Melber, « The New Partnership for Africa's Development (NEPAD) - Old Wine in New Bottles? », op. cit., p. 192.

* 73 T. A. Seck, « Leurres du Nouveau partenariat pour l'Afrique », Le Monde diplomatique, décembre 2004, p. 19 ; texte complet disponible sur http://www.monde-diplomatique.fr/2004/11/AMADOU_SECK/11653

* 74 Voir notamment R. Herbert, « Implementing NEPAD : A Critical Assessment », op. cit., p. 14.

* 75 Cf. J. Gathaka et S. Wanjala, « Kenya and NEPAD », p. 19.

* 76 P. Chabal, « The quest for good government and development in Africa: is NEPAD the answer? », International Affairs, vol. 78, n° 3, juillet 2002, p. 454.

* 77 Id., p. 465.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein