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Les différentes formes de fraudes et leurs impacts négatifs prévisibles sur la filière industrielle: L'exemple de la compagnie sucrière sénégalaise (CSS)

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par Abdoulaye Basse
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise droit de l'entreprise 2004
  

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CHAPITRE II :

Des stratégies de lutte contre la fraude sur le sucre

Chapitre II : Des stratégies de lutte contre la fraude sur le sucre

L'étude et l'analyse des stratégies de lutte contre la fraude porteront sur deux parties : la première sera consacrée à la lutte qui est en cours alors que la seconde consistera à des recommandations dans le cadre de la lutte contre la fraude.

Relativement à la lutte en cours, il faut dire qu'elle est essentiellement engagée par l'Etat, les organisations syndicales et les entreprises telles que la CSS victimes par la fraude. Celle-ci a eu à prendre des mesures de lutte tant au niveau interne qu'externe.

Quant à l'Etat, il a entrepris des séries de mesures au niveau national et qui font l'objet d'une application de la part de ses services décentralisés. La forte implication des syndicats se manifeste tant au niveau national que local.

Concernant les perspectives dans la lutte contre le phénomène de la fraude, il faudra les appréhender sous l'angle des mesures à court terme ou immédiates, d'une part et, sous celui des mesures à long terme nécessitant une définition dans le futur du cadre de répression de la fraude, d'autre part.

Dans l'immédiat, il s'agira de renforcer les moyens dont dispose la douane tout en incitant les populations à consommer les produits issus de la production locale. Aussi, il faudra, pour ce qui concerne la CSS, définir une bonne politique de marketing de ses produits.

Pour le long terme, il faudra assainir l'environnement fiscal et concurrentiel du marché national et communautaire. Aussi, il faudra élargir les bases de la lutte contre la fraude en l'érigeant comme priorité au sein de l'UEMOA.

Ainsi, il s'agira de traiter en premier lieu la question relative à la lutte en cours puis, en second et dernier lieu, essayer d'envisager des perspectives dans le cadre de la lutte contre la fraude.

Section I : De la lutte en cours

Aujourd'hui, la lutte contre le phénomène de la fraude a pris une nouvelle dimension nationale très considérable. En ce sens qu'il touche tous les secteurs de la vie politique, économique et sociale, les différents acteurs qui s'activent dans tous ces domaines précités à savoir Etat, patronat, syndicat et association de consommateurs ont senti la nécessité de s'impliquer dans cette lutte.

D'abord, au niveau étatique, des séries de mesures ont été prises au niveau national. L'Etat sera au niveau local à travers les services gouvernementaux.

Ensuite, les organisations professionnelles représentant les travailleurs se sont fortement impliquées dans cette lutte contre la fraude qui menace la survie de leurs propres emplois.

Enfin, la CSS particulièrement touchée par la croissance exponentielle de la fraude sur le sucre s'est particulièrement distinguée en développant des stratégies de lutte tant au niveau interne qu'externe.

Ainsi, il s'agira de procéder successivement à l'analyse des différentes actions menées par l'Etat, les syndicats et la CSS.

Paragraphe I : De la lutte engagée par l'Etat

En vue de mieux atténuer les conséquences nuisibles engendrées par fraude, l'Etat a mené diverses actions de lutte contre ladite pratique tant au niveau national que local.

A : Des mesures prises au niveau national

A travers une série de mesures, l'Etat a montré son engagement à lutter vigoureusement contre la fraude. Depuis la libéralisation, il a entrepris un certain nombre de « garde fous » pour atténuer les conséquences néfastes devant découler de cette politique d'ouverture du marché à la concurrence extérieure. Pour preuve, la loi 94-63 du 22 Août 1994 sur le prix, la concurrence et le contentieux économique précise dans son exposé des motifs qu' : « en marge de l'organisation de la concurrence dont le destinataire final est le consommateur, des règles de protection de celui-ci sont posées pour pérmettre à l'autorité administrative de faire face aux insuffisances du marché et aux fraudes. »

Les dispositions du CD viennent réprimer convenablement les infractions relatives à la circulation et la détention de marchandises ne respectant pas les prescriptions légales, à la possession ou la détention de marchandises frauduleuses importées, aux fausses déclarations ou désignations, aux mensonges portant sur les poids et quantités de marchandises importées.

Afin de mieux lutter contre la fraude et accroître les recettes douanières nécessaires à l'accomplissement de sa mission régalienne, l'Etat a engagé depuis quelques années des actions considérables pour équiper la douane en moyens humains et matériels.

Relativement aux moyens humains, il faut noter que le gouvernement du Sénégal a entrepris des efforts de recrutement de personnels pour renforcer les ressources humaines de la douane.

Relativement aux moyens matériels, l'Etat a équipé le Port Autonome de Dakar (PAD) matériels de détéction issus de la technologie de pointe. Ces scanners permettent de passer en radio l'ensemble des containers sans procéder à leur ouverture. D'une part, ils permettent de gagner du temps et d'autre part, à lutter contre les dissimulations et fausses déclarations portant sur la quantité des marchandises importées.

À travers le « Système Gaindé », l'Etat a entrepris des efforts d'informatisation des services de la douane. Il s'agit d'un outil efficace qui permet d'effectuer en toutes simplicités les procédures de dédouanement en faisant des économies en temps. Il renforce la transparence dans l'accomplissement des différentes formalités nécessaires au paiement des droits de douane.

Dans la lancée du « système Gaindé », le « système  Orbus 2000 » a été lancé pour permettre aux différents démembrements de la douane de communiquer plus facilement entre eux. Il constitue une passerelle entre l'administration et ses clients. En effet, « la célérité dans le traitement des transactions commerciales et financières constitue un impératif de premier ordre pour la compétitivité de nos entreprises et surtout un instrument d'incitation et de promotion des investissements au Sénégal »65(*) selon le DG des Douanes. Cet outil permettra une simplification et une facilitation des formalités liées au dédouanement de marchandises. De même, sa mise en oeuvre permettra la réduction des délais de traitement des formalités, l'amélioration de l'efficacité des traitements effectués par les services de la douane. Ce nouveau système est un prolongement de la nouvelle version du système informatique « Gaindé » 2000 de la douane spécialisé dans la collecte électronique des documents nécéssaires au dédouanement. De ce fait, il permet de mieux lutter contre la corruption qui favorise la fraude douanière notamment celle administrative.

Par ailleurs, l'Etat a eu à équiper l'administration de la douane en dotant celle-ci de « 100 véhicules de poursuites » d'après un agent haut placé de la douane66(*).

L'engagement des autorités s'est manifesté par la tenue le 14 Avril 2004 d'un conseil présidentiel sur la fraude. La décision majeure qui était ressortie de cette réunion portait sur la création de l'observatoire national de lutte contre la fraude. Les parlementaires se sont à leur tour impliqués dans la lutte. Ils ont eu à organiser des tournées et visites à la CSS pour s'imprégner de la question de la fraude et exprimé leur engagement à voir renforcer les moyens de lutte.67(*)

La douane a eu à tenir à son tour des concértations sur la question de la fraude. Les journées nationales organisées les 11 et 12 Mai 2005 illustrent l'engagement des services de la douane à lutter contre cette concurrence déloyale.

Pour l'année 2004, les recettes douanières ont été estimées à un peu plus de 277 milliards. Elles ont subi une hausse de 15 milliards par rapport à ceux de 2003. Les résultats contentieux fournis par la direction de la répression de la fraude sont évalués à 2 milliards pour 150 affaires traitées. Les amendes ont généré des recettes de plus de 7 milliards.68(*) Les actions menées par ses services ont permis de mettre la main sur des quantités importantes de marchandises frauduleusement entrées sur le territoire douanier. On peut citer la saisie de marchandises frauduleuses d'une valeur de plus de 200 millions de Fcfa par la douane sénégalaise. C'est à bord du navire Zhu-yu 629 battant pavillon Chine populaire que les soldats de l'économie ont mis la main sur ces articles : ustensiles de cuisines, draps de lits, serviettes, tissus, moteurs etc.69(*) La valeur cumulée des marchandises et du bateau appartenant la société "China Industrial Shipping" est éstimée à 1.5 Milliards. Il s'agit d'une des saisies les plus importantes depuis les 15 dernières années.

Relativement au sucre, il faut dire que les saisies ont très fortement progressé, comme nous l'indique le tableau suivant. Il s'agit d'un tableau récapitulatif de l'ensemble des saisies opérées par la douane sur l'ensemble du territoire national depuis l'année 2005. Pour l'année 2005, seuls les données recueillies pour les mois de janvier, février, mars, avril et mai sont considérées.

Schéma 6 : Récapitulatif Sucre Saisi par la Douane sur l'ensemble du

Térritoire National par année : 2002-2003-2004-2005

Source : Sérvice Commércial de la CSS.

Nous pouvons constater une forte progression des saisies sur l'ensemble du térritoire national au cours de cette période. De 3044 en 2002, elles sont passées à 8570 en 2003 puis à 21323 sacs de 50 kgs pour l'année. Rien que pour les quatre premiers mois de l'année en cours, le total des saisies chiffré à 5453 est supérieur à celui de l'année 2002.

Cela est dû en grande partie à la forte mobilisation de l'Etat qui a doté la douane de moyens substantiels de lutte contre la fraude. Le dynamisme de ses services a permis cet accroissement des saisies. Le point culminant a été atteint en 2004. Les pressions faites par la CSS confrontée à une mévente y ont sans doute étaient pour quelque chose. Il en est de même de la forte implication des services déconcentrés de l'Etat.

B : Des actions menées par les services déconcentrés au niveau local

La lutte contre la fraude est organisée au niveau local par les services de la douane, de la gendarmerie nationale et de la police municipale de RD-TOLL qui collaborent entre eux pour enrayer le phénomène de la fraude.

S'agissant de la douane, il faut dire que c'est la brigade commerciale de Rosso communément appelée brigade mobile de Rosso qui a pour mission d'organiser de façon permanente la lutte contre la fraude. Cette dernière a connu une évolution dans son organisation et son fonctionnement.

En effet, il s'agissait au départ d'une brigade mobile qui a été par la suite transformée en poste de douane. Par la suite, un bureau auquel a été rattachée une brigade mobile commerciale a été érigée en lieu et place de ce poste.

La brigade commerciale apporte son concours au bureau afin qu'elle puisse accomplir convenablement sa mission. Elle a un rôle dissuasif car, à travers les déplacements effectués par ses agents, la brigade pousse les gens à aller directement dédouaner leurs marchandises auprès du bureau de la douane. Aussi, elle contrôle puis reprend les excédents de marchandises non déclarées.

Pour cela, la brigade procède à des « opérations coups de point » sur l'ensemble de sa zone d'action qui va de kheud à Bokhol sur la longueur et de Rosso vers Gouye Mbeuth en profondeur. A cet effet, les agents ont le plus souvent recours à des barrages posés sur les principaux point d'entrées et de sorties des villes et villages situés sur son périmètre d'intervention.

La douane collabore avec des populations civiles qui lui servent d'informateurs pour identifier les personnes responsables de ce trafic. Il s'agit pour l'essentiel de trafiquants reconvertis. Cependant, « la douane ne recrute pas de pisteurs ou d'indicateurs »70(*) selon ce même un haut responsable de la douane interrogé sur la situation professionnelle de ces civils qui travaillent avec leurs sérvices.

Le mauvais état des pistes dans cette zone rend plus difficile le travail que les agents de la douane ont à accomplir. Mais ces « soldats de l'économie » ne jouissent pas d'une grande estime de la part des populations locales qui ont tendance à les considérer comme des spoliateurs qui retirent à de « pauvres citoyens » leurs seuls moyens de survie dont elles disposent pour mener une vie normale. Les relations sont souvent très heurtées et aboutissent dans certains cas à des affrontement qui se soldent par des pertes en vies humaines. On en voudra pour preuve les récents incidents survenues à Dagana entre la douane et les populations de cette localité. Lors d'une opération de poursuite contre des fraudeurs, un agent de la douane a eu à tuer un ressortissant de cette localité accusé par la douane d'être un trafiquant. Cette version des faits sera par la suite contestée par les populations qui s'en sont pris aux agents de la douane. Celle-ci subira des blessés dans ses rangs. Ils feront l'objet d'un transfert vers Dakar pour y recevoir des soins. La tension ne sera retombée qu'après évacuation des douaniers et de leurs familles L'intervention de personnes de bonnes volontés a permis de faire baisser la tension. Toutefois la méfiance reste de mise entre ces populations et la douane.

Le constat qu'il y'a lieu de faire est que cette situation dépasse les frontières du département de Dagana dans son ensemble. Elle s'est généralisée sur l'ensemble du territoire national. Les douaniers, dans le cadre de leurs missions de sauvegarde de l'économie nationale, font face à une résistance des populations locales ou des fraudeurs qui sont parfois armés pour s'opposer à ces derniers. Des incidents similaires à ceux de Dagana ont été notés dans le passé entre la douane et les populations de la localité de Bongo. Aussi récemment, l'intervention des services de la douane de Mbour contre des fraudeurs s'est soldée par la mort d'une personne. C'est donc dire que la mission de ces agents n'est pas du tout des plus aisée.

Toutefois, ces services sont parvenus tant soit peu à donner un coup de frein au développement de la fraude. Leurs actions sur le terrain ont permis de procéder à l'arrestation des fraudeurs et la diminution des points de vente sur la route nationale. Des vendeurs continuent malgré les interventions inopinées de la douane à s'adonner quotidiennement à la vente de sucre sur l'ensemble de la ville de RD -TOLL et ses environs.

La brigade commerciale de Rosso appuyée dans l'accomplissement de sa mission par la brigade de la gendarmerie de RD-TOLL qui l'assiste matériellement et humainement en procédant à des arrestations et intérpéllations. Des opérations combinées sont souvent menées par ces deux services.

La police municipale (PM), en charge de gérer la circulation sur la route nationale appuie aussi les services compétents de la douane en procédant à des fouilles sur les calèches ou voitures. Elle procède à des interpellations et arrestations de personnes suspectées de s'adonner à la fraude sur le sucre. C'est le cas des petits vendeurs ou commerçants établis sur les voies publiques. L'immixtion de la PM dans la lutte contre la fraude s'explique selon le contrôleur de la PM par le fait que « la CSS est un partenaire de la commune dont la police municipale dépend. Agresser un partenaire de la commune, c'est agrésser la commune elle-même. »71(*)

A cet effet, il avoue que ses agents sont intransigeants avec les fraudeurs qui détiennent du sucre frauduleux.

On peut noter l'implication de la municipalité de RD-TOLL dans la lutte contre la fraude sur le sucre. Fortement dépendante de la CSS qui contribue à plus de 60% de son budget, les autorités locales ont eu à prendre des mesures pour lutter contre la fraude. Ainsi par les arrêtés n°00011/ CRT/ SGM du 30 Mai 2003 et n°007/ CRT/ SGM du 20 Avril 2004 portant interdiction de ventes sur la voie publique sans autorisation, les autorités ont voulu de façon indirecte porter un coup à la vente de sucre frauduleusement importé de la Mauritanie. Par ailleurs, il est à signaler que la municipalité est entrain de finaliser un protocole d'accord de partenariat avec la CSS. En voie de signature, cet accord va intégrer le volet lutte contre la fraude même s'il est à noter que le document qui nous avait été montré au cours de nos enquêtes n'en fait pas spécialement référence. En des termes génériques, la mairie s'est montrée disponible à l'aider au développement de son exploitation.

Au niveau départemental, on note l'existence d'un comité de pilotage de lutte contre la fraude composé des différents maires des communes de Rosso, RD-TOLL et Dagana ou de leurs représentants, du préfet du département, du contrôleur de la PM, du chef de brigade de la GN et de la CSS. Au plus fort de la crise de mévente rencontrée par la CSS, le comité avait organisé des séries de réunions auxquelles les différentes autorités précitées ont assisté.

Mais le constat est que ces différentes mesures non pas de façon visible encore eu d'effet sur la commercialisation du sucre frauduleusement importé de la Mauritanie. Les populations continuent de vendre ce sucre en toute impunité sur la route nationale n°2 et sur l'Avenue Jacques Mimeran au vu et su des autorités communales et des forces de l'ordre. Le contraste est accentué par le fait que le point de vente le plus important de la ville est localisé à la gare routière située en face de la mairie et de la PM et à moins de 100m de la brigade de la GN.

Néanmoins, il faut noter que la lutte a permis un accroissement des saisies de sucre réalisées au niveau de la région de Saint-Louis. Ceci est illustré par ce tableau ci-après.

Schéma 7:Total saisi région de Saint-louis : 2002/2003/2004/2005.

Source : Sérvice Commércial de la CSS.

A l'analyse, on s'aperçoit que les saisies dans la région de Saint-Louis ont connu une forte progression dans la mesure où elles ont progressé de 1441 en 2002 à 6098 en 2004. en 2003, les saisies ont aussi progressé en passant de 1441 en 2002 à 2520 en 2003. Rien que pour les quatre premiers mois de l'année 2005, elles sont évaluées à 1250 sacs. La forte hausse de 2004 s'explique par les efforts fournis lors de cette année pour combattre la fraude. C'est d'ailleurs durant cette période que le problème a pris une telle ampleur alarmante au point d'inquiéter l'opinion nationale. La grave crise de mévente rencontrée par la CSS en mai 2004 en est une illustration convaincante.

Autorités centrales et décentralisées se sont engagées dans la lutte contre la fraude qui connaît des résultats mitigés et ne va pas sans grandes difficultés.

A l'image des services étatiques, les organisations syndicales se sont aussi fortement impliquées dans la lutte pour l'éradication de cette pratique nuisible.

Paragraphe II : De la forte implication des organisations syndicales

La forte implication des syndicats se manifeste à travers l'importance des actions de lutte contre la fraude qu'ils ont engagés à l'échelon national et local.

A : Au niveau national

Diverses actions ont été entreprises par les syndicats représentés au niveau de la CSS pour venir à bout de la fraude sur le sucre. Elles s'inscrivent, « ces actions de sensibilisation », pour l'essentiel dans le cadre d'une stratégie unitaire définie par toutes les composantes du mouvement syndical pour intéresser populations, décideurs politiques, partenaires sociaux et opérateurs économiques sur les dangers liés à la pratique de cette catégorie de concurrence déloyale72(*). Néanmoins, «  chaque syndicat peut de façon autonome décider de mener des actions en dehors de toute concertation avec les autres organisations »73(*) comme le souligne un responsable syndical interrogé sur la question.

Inquiétés par la poussée grandissante du phénomène de la fraude qui s'est généralisée à travers le pays, ils ont eu à mener des actions de sensibilisation dés le début de la crise de la mévente en Mai 2004.

Dans ce cadre, de multiples campagnes de sensibilisation ont été menées. On peut à ce titre citer par exemple :

- l'organisation par l'inter-syndicale d'une réunion en date du 26 Mai 2004 à 16h à la maison du travail de l'Union Démocratique des Travailleurs du Sénégal (UDTS) sis à Pikine Tally-Boubess portant exclusivement sur la situation de crise que traverse la CSS. A l'issue de cette réunion à laquelle ont pris part Alioune Sow SG de UDTS, Mody Guiro SG de la CNTS, Cheikh Diop SG de la CNTS/FC, Mamadou Doumbia SG Adjoint de la Confédération des Syndicats Autonomes (CSA) et Bounama Diallo de l'Union Nationale des Syndicats Autonomes du Sénégal (UNSAS), a été prise la décision de tenir une conférence de presse sur la situation de la fraude au Sénégal le vendredi 28 Mai 2004 à 11h à l'hôtel Indépendance. La présence effective de ces différents leaders montre l'importance que les syndicats accordent à cette question.

- l'organisation d'une série de rencontres avec le Ministre d'Etat, DC du Président de la République par ailleurs président du comité de lutte contre la fraude, le DG des douanes et les autorités de la gendarmerie.

- l'organisation d'une rencontre à Kaolack avec les membres du Conseil National de Concertation des Cadres Ruraux du Sénégal (CNCR) pour les sensibiliser sur le problème de la fraude ainsi que les risques qu'elle fait peser sur la commercialisation de leur produit. Ces mêmes actions ont été menées auprès des associations d'éleveurs, d'artisans et de consommateurs.

- visites auprès d'entreprises comme la SIPS, SEDIMA, SIGELEC, SONACOS et BD. Tout comme la CSS, elles rencontrent des difficultés de commercialisation de leurs produits à cause de la fraude.

- rencontres avec le patronat et les industriels nationaux notamment le Conseil National du patronat (CNP), Conseil National des Employeurs du Sénégal (CNES) et le Syndicat des Professionnels de l'Industrie et des Mines du Sénégal (SPIDS). Et dans une perspective à long terme, « les syndicats envisagent de mener la lutte sur un plan global notamment en intéressant les autres entreprises touchées par la fraude »74(*) comme le souligne le même interlocuteur pour qui aussi, « l'idée est de créer une coalition fédérale de tous les acteurs de la production industrielle pour lutter contre la fraude »75(*). De même, ils envisagent d'initier un projet de coopération intér-entreprises qui favoriserait selon eux les échanges de produits entre les industries : chaque entreprise devenant du coup fournisseur de l'autre pour les produits qu'elle fabrique. Ces deux projets au niveau national étaient en cours de réalisation au moment de notre enquête.

Il faut rappeler qu'individuellement, certaines centrales ont eu à mener des actions de sensibilisation pour leur propre compte. C'est le cas notamment de la CNTS qui a organisé une marche pacifique le vendredi 09 juillet 2004 à Dakar « pour attirer l'attention des pouvoirs publics et populations sur les dangers de la fraude qui plongent également des milliers de personnes et mères de familles dans la pauvreté.76(*)»

Tout comme au plan national, les organisations syndicales ont eu à engager des actions au plan local pour lutter contre la fraude.

B : Au plan local

A l'échelon local, la lutte contre la fraude a été engagée dans le cadre de l'inter-syndicale. Si des actions ciblées ont été menées à titre individuel, il faut dire qu'elles restent marginales par rapport à celles entreprises de façon collégiale.

A ce titre, on peut citer par exemple :

- l'organisation de visites d'information sur les impacts négatifs de la fraude sur l'économie de RD-TOLL et ses environs auprès des Imams des mosquées de la commune afin qu'ils relayent le message auprès des populations.

-l'organisation et la participation à de nombreuses émissions de sensibilisation sur les dangers de la fraude diffusées sur les ondes de l'antenne FM de la radio DUNYA-RD-TOLL.

- l'initiation de séries de rencontres avec les différents délégués de quartiers de la commune et les conseillers municipaux dont 11 sur 52 sont des travailleurs de la CSS. Cette sensibilisation a été élargie auprès des différentes associations féminines, sportives et culturelles. Les artisans locaux, fortement dépendant de la CSS, ont été approchés par l'inter-syndicale.

Au plan administratif, les syndicats ont organisé différentes missions auprès des autorités douanières et celles de la gendarmerie locale. A titre d'exemple, on peut citer l'organisation d' « une mission composée de Mamadou DIOP, Ablaye SAMB, Baidel SARR et Souleymane SY respectivement secrétaire général adjoint de l'UDTS, de la CNTS, de l'UNSAS et de la CNTS/FC qui s'est rendue le 20 octobre 2004 à saint-louis. »77(*)

Dans ce cadre, l'objectif était de rencontrer « les responsables des forces de douanes et gendarmerie des régions de Saint-Louis et Matam. » Et il ressort clairement de la conclusion du compte rendu de cette mission qu'elle « a permis à la commission de raffermir les relations, déceler un partenariat basé sur le renseignement pour faire face à ce fléau qui est la fraude. » Ces différentes actions ont permis de poser le débat sur l'acuité de la problématique de la fraude et ont par conséquent permis à stimuler la lutte contre la fraude au Sénégal.

Et pour finir, il faut rappeler que les membres de la CNTS (Section CSS) on eu à participer à la rédaction du mémorandum sur la fraude initié par la CNTS qui constitue l'acte majeur qui concrétise les efforts de lutte, au plan national et local, contre la fraude et résume la position des syndicats par rapport à cette forme de concurrence.

Les auteurs de ce document commencent :

- d'abord, par une description de la situation actuelle des entreprises locales rongées par le phénomène de la fraude qui touche tous les secteurs de la vie économique ;

- ensuite, ils procèdent à une analyse des incidences fiscales, économiques et sociales négatives qu'entraîne la fraude sur notre économie ;

- et enfin, ils terminent par présenter une série de propositions qui vont dans le sens d'un combat plus accentué et permanent contre la fraude.

Ce document remis au Président de la République a fait l'objet d'une félicitation de la part de ce dernier comme en atteste cette correspondance n°0769 en date du 16 juillet 2004 adressée au Secrétaire général de la CNTS.

On peut dire que les organisations syndicales se sont particularisées, dans la lutte contre la fraude, par leur forte implication qui se manifeste par l'importance des mesures et actions menées tant au plan national que local.

La CSS, en tant qu'entité  directement menacée et interpellée par la question de la fraude, a eu, à son niveau, à prendre des mesures au niveau interne et entrepris des démarches avec ses partenaires au niveau externe.

Paragraphe III : Des initiatives prises par la CSS

Afin de répondre aux différentes critiques auxquelles elle fait l'objet, la CSS a eu à définir une série de mesures tant au niveau interne qu'externe.

A : des mesures prises au niveau interne

Plusieurs griefs, parmi lesquels la cherté du sucre qu'elle produit, l'absence de marketing de ses produits et la qualité supposée inférieure de son sucre par rapport à celui importé de l'étranger, sont adressées à l'endroit de la CSS.

Aujourd'hui, conscients des remarques faites sur l'entreprise et ses produits, les dirigeants ont entrepris d'inscrire leurs actions dans une nouvelle dynamique d'ouverture et d'adaptation à la concurrence extérieure.

Sur le premier point, l'entreprise envisage pour les années à venir de diminuer les prix de son sucre pour être plus compétitifs sur le marché local. En effet, le niveau élevé du sucre produit par la CSS participe au désintéressement des populations qui s'alimentent le plus souvent avec le sucre importé frauduleusement de pays voisins. Ce sucre coûte moins cher que celui produit par la CSS.

Concernant le volet marketing, il est placé dans la catégorie des programmes à développer ultérieurement par l'entreprise. Pour le DRH interrogé sur la question, la CSS envisage de développer ce volet qui n'est pas encore pris en compte dans l'entreprise, une fois que le sucre redeviendra moins cher et plus compétitif par rapport au sucre importé.

Quant à l'amélioration de la qualité du produit, des efforts sont entrain d'être faits pour rendre beaucoup plus conforme le produit final aux attentes du consommateur. Il faut cependant noter que pour le responsable de la qualité au sein de cette entreprise que « la blancheur ne devrait pas être elle seule plus déterminante pour apprécier la qualité du sucre par les consommateurs mais plutôt le pouvoir sucrant.78(*) »

Différentes mesures ont été prises pour atteindre un certain nombre d'objectifs jugés permanents.

Pour ce faire,

- des contrôles et suivis journaliers de la qualité du sucre sont opérés à tous les maillons de la chaîne de production.

- l'entreprise procède à l'achat des meilleurs produits de traitements et des jus et sirops nécessaires à la fabrication du sucre.

- un contrôle régulier est fait par les services en charge de la culture de la canne à sucre.

- le maintien d'un taux d'humidité à la sortie de 0,2% du sucre raffiné.

- le maintien d'un taux d'impureté de 0.2% au maximum pour la blancheur du sucre raffiné à sa sortie.

Il ajoute que l'omission ou le non respect d'une de ces conditions entraîne la non commercialisation de ce produit qui sera retraité à nouveau pour être mis à nouveau sur le marché sous réserve du respect des exigences de qualité.

Toutefois, il faut préciser que la plupart de ces points sus-évoqués ne sont qu'à l'état de projet à l'exception du volet amélioration de la qualité du sucre produit par la CSS. Ceci présume de l'inefficacité de ces mesures internes dans la lutte contre la fraude. En d'autres termes, la part de ces mesures dans la baisse de la fraude est relativement faible.

La réalisation de ces mesures dans le long terme devrait permettre à la CSS de convaincre le consommateur à recourir à son sucre pour ses besoins en consommation. En favorisant la compétitivité de son produit, la CSS parviendra à écouler ses produits sans grande difficulté et résister aux agressions du sucre importé frauduleusement.

Il faut aussi dire que la direction mène à l'intérieur de l'entreprise, auprès des travailleurs, une politique de sensibilisation sur les menaces qui pèsent sur la CSS. Ceci, participe à leur conscientisation et permet d'attirer leur attention sur les conséquences néfastes de la fraude et les dangers qui guettent leurs emplois. La diréction de l'entreprise demeure sévère contre les travailleurs et leur famille qui s'adonnent à la fraude. L'exercice d'une telle activité par un travailleur apparaît comme une violation de la clause de non-concurrence qui lie tout employé à son employeur. Par conséquent, sur la base de ce motif, un licenciement le cas échéant ne serait pas illégal.

Ces mesures prises en interne seront appuyées par d'autres prises en externe pour venir à bout de la fraude.

B : des démarches entreprises au niveau externe.

Même si elle n'a vocation à organiser la répression contre la fraude, la CSS participe, de part ses contributions au fond national de lutte contre la fraude, au renforcement du dispositif de lutte mis en place pour enrayer cette pratique.

Premier contributeur à ce fond, elle apporte assistance matérielle et financière aux équipes et services en charge de la lutte contre la fraude. A ce titre, elle collabore avec les douanes, la GN et la PM de la ville de RD-TOLL et du département de Dagana.

A la PM, la CSS avait, au moment de l'intensification de la lutte contre la fraude qui a coïncidé avec la période de mévente, à mettre à sa disposition un véhicule et un chauffeur pour l'appuyer dans sa lutte contre la fraude. Ceci a permis, selon le contrôleur de la PM, d'accroître la saisie de marchandises frauduleuses. Toutefois, il est à déplorer selon notre interlocuteur le fait que cette assistance ne se soit pas pérenniser car la CSS a par la suite retirée l'ensemble des moyens mis à la disposition de son service.

Aussi, la CSS dispose d'un large réseau d'informateurs privés. Par le biais de celui-ci, elle aide les services gouvernementaux engagés dans la lutte contre la fraude à obtenir des informations relatives aux différents points de passage et de stockage du sucre frauduleux et à l'identité des trafiquants.

Précisons que dans sa collaboration avec la douane, celle-ci restitue à la CSS les quantités de sucre saisies dans le cadre de la lutte contre la fraude. Le sac est revendu à 15.000 Fcfa à la CSS nous révèle le responsable de la vente dans ladite entreprise. Cependant, il précise que ce sucre est retraité avant sa mise en vente. Ceci permet de respecter les normes de qualité et de sécurité auxquelles la CSS est soumise79(*).

De même, elle se sert de lobbies composés de syndicats des travailleurs et des organisations patronales pour faire pression sur l'Etat pour qu'il accentue davantage la lutte contre la fraude et accroît la répression de cette forme de concurrence déloyale.

Par ailleurs, la CSS soutient des initiatives prises tant au niveau national que local pour organiser des marches et émissions radios portant sur la sensibilisation sur les dangers de la fraude.

* 65 Le Soleil. Jeudi 13 MAI 2004. p.7.

* 66 Intervention du Colonel Dialo Kane Zator dans le journal parlé en français de 22H de la radio Walfadjiri du 21 février 2005.

* 67 Consulter le quotidien Walfadjiri dans sa parution du Jeudi 22 juillet 2004.

* 68 WalFadjri du 26 février 2005 publié sur le web le 28 Février 2005 : www.allAfrica.com.

* 69 WalFadjri du 26 février 2005 publié sur le web le 28 Février 2005 : www.allAfrica.com. op. cit.

* 70 Interview du Colonel Dialo Kane ZATOR accordée à la radio Walfadjiri le 21 février 2005 dans son journal parlé en français de 22 H. op. cit.

* 71 Interview réalisée le 23 Novembre 2004 avec le commissaire Adama GUEYE de la PM de Richard-Toll.

* 72 Lire le quotidien Walfadjiri du 22 Juillet 2004.

* 73 Extrait de l'entretien réalisé le 03 Novembre 2004 avec Mr Ablaye SAMB, secrétaire général adjoint de la CNTS/séction CSS.

* 74 Entretien avec Mr Abdoulaye SAMB, op. cit.

* 75 Entretien avec Mr Abdoulaye SAMB, op. cit.

* 76 Lettre circulaire du 21 Juin 2004 adressée par la CNTS aux secrétaires généraux des organisations syndicales pour les informer de l'organisation de sa marche contre la fraude.

* 77 Extrait du compte rendu de la mission de la mission de l'inter-syndicale des travailleurs de la CSS fait à Richard-Toll, le 26 Octobre 2004.

* 78 Extrait de l'entretien réalisé le vendredi 26 Novembre 2004 avec Mr Abdoulaye DIOUF, résponsable de la qualité à la CSS.

* 79 Extrait de l'entretien réalisé le Vendredi 08 avril 2005 avec le responsable du service commercial de la CSS.

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