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Les différentes formes de fraudes et leurs impacts négatifs prévisibles sur la filière industrielle: L'exemple de la compagnie sucrière sénégalaise (CSS)

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par Abdoulaye Basse
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise droit de l'entreprise 2004
  

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Section II : Des pérspéctives dans la lutte contre ladite concurrence.

On se contentera dans le cadre de l'étude de ces perspectives de préconiser des solutions consistant en des mesures à court terme d'une part et des mesures à long terme d'autre part.

La nécessité de les prendre au plus vite trouve sa justification dans le fait que les fraudeurs n'attendent guère pour faire prospérer leurs activités. Et les conséquences néfastes sur l'activité industrielle ne cessent de s'aggraver.

S'agissant des mesures immédiates ou à court terme, elles tournent pour l'essentiel autour de la question du renforcement des moyens de la douane et de la sensibilisation sur le « consommer local » d'une part et de celle relative à la définition et au développement par les services compétents de la CSS d'une politique claire et expressive de marketing de leurs produits et à la préservation de l'image de l'entreprise auprès du public.

S'agissant des mesures à long terme préconisées, elles devront premièrement s'articuler autour de la question de l'assainissement de l'environnement concurrentiel et fiscal du marché. Deuxièmement, elles doivent conférer à la lutte contre la fraude un caractère sous-régional à travers l'implication de certaines organisations communautaires telles que l'UEMOA.

Paragraphe I : Des mesures à court terme.

Elles doivent dans un premier temps tendre vers un renforcement des moyens de la douane et de la sensibilisation sur le « consommer local » puis dans un second temps, viser le développement par la CSS d'une politique expressive de marketing de ses produits.

A : le renforcement des moyens de la douane et de la sensibilisation sur

le « Consommer local »

Avec ses 700 Kms de frontière maritime, le contrôle du territoire national demeure difficile pour les soldats de l'économie. A cela s'ajoute l'hétérogénéité de l'environnement économique national et sous régional caractérisé par des conflits d'intérêts entre opérateurs économiques ou Etats de la zone géographique ouest-africaine. Certains pays favorisent leurs propres ressortissants ou des opérateurs économiques étrangers à s'adonner irrégulièrement et de façon intensive à l'importation frauduleuse de produits vers le Sénégal.

Face à cette situation, il semble nécessaire de renforcer les moyens techniques, humains et opérationnels des services de contrôle de l'Etat : douanes, police et gendarmerie. Des efforts considérables ont été consentis par l'Etat qui a pris conscience de la nécessité de lutter contre ce trafic aux conséquences désastreuses pour l'industrie locale. Ces mesures méritent d'être renforcées de façon significative.

A cet effet, des efforts de recrutement en personnel doivent être consentis pour mieux enrayer les conséquences négatives liées à la fraude. En effet, face à l'ampleur du travail qui les attend sur le terrain, l'Etat se doit de garantir aux agents de la douane une meilleure protection à travers un renforcement des moyens matériels et du cadre de travail afin de mieux faire face aux fossoyeurs de l'économie nationale. La situation matérielle dans laquelle nous avons trouvé durant nos enquêtes les agents de la brigade commerciale de la douane de Rosso et plus généralement les services de répression de la fraude n'est pas du genre à faciliter une lutte efficace contre les contrebandiers. Seul 12 agents y compris le chef de brigade ont la lourde mission de surveiller un territoire allant de Kheud à Bokhol puis de Rosso vers Gouye Mbeuth en profondeur. Un seul véhicule était à la disposition de ces agents qui sont installés dans des locaux qui appartiennent à l'ancienne ORTAL d'après les dires de l'agent interpellé sur la question. Selon ce dernier « on ne peut pas assurer la surveillance avec le peu de moyens dont on dispose. Il nous faut 20 personnes au minimum. C'est la raison pour la quelle  on travaille avec des civils  et la gendarmerie qui détache un agent tous les deux ans pour venir nous appuyer. »80(*)

A ces difficultés, il faut ajouter celles liées à l'hostilité du milieu naturel durant la saison des pluies. Le fleuve devient inaccessible à cause de la crue pour pourchasser les fraudeurs. Face à ce manque de moyens, les services locaux de la douane ont le plus souvent recours à la vedette du Groupement National des Sapeurs Pompiers (GNSP) de RD-TOLL pour traquer les fraudeurs qui utilisent des pirogues pour déverser des marchandises en provenance de la Mauritanie.

L'exemple de sous équipement matériel et humain sus évoquer est assez illustratif pour pousser l'Etat à envisager le renforcement des moyens des services de la douane notamment ceux situés dans des zones frontalières. La mise en oeuvre du plan « Equipement Douane Plus » de 100 millions FCFA s'annonce comme un début de solutions de ce problème lié aux sous équipements de ses services.81(*)

Par ailleurs, il faudra envisager de renforcer la collaboration exemplaire qui existe entre la douane, la gendarmerie et la police. Cette synergie des forces permettra de mettre hors d'état de nuire ces fossoyeurs de notre économie nationale. C'est là sans doute l'explication des résultats encourageants obtenus dans le cadre de la lutte contre la fraude sur le sucre. Cette collaboration a permis de faire reculer la progression de la fraude sur le sucre. La CSS commence à redresser la vente au niveau de ses ventes. La figure ci-après en est une illustration convaincante.

Schéma 7 : EVOLUTION DES VENTES DU 01/01/04 AU 30/04/05.

Source : Service Commercial de la CSS

L'étude de ce tableau offre deux avantages : d'une part, il permet de retracer l'évolution des ventes réalisées par la CSS durant la période allant du 1er juin 2004 au 30 avril 2005 ; d'autre part, il permet d'apprécier l'impact de la lutte contre la fraude.

Entre le mois de Mai 2004 (3724 T) et le mois d'Avril 2005 (7767 T), on constate une hausse progressive des ventes réalisées par la CSS. Les meilleurs résultats ont été atteints durant les mois d'Août, Septembre et Octobre 2004 avec respectivement 9028 T, 9504 T et 14552 T de sucre vendu. D'ailleurs, les ventes du mois d'Octobre constituent la seconde meilleure performance des 10 dernières années (février 1995 : 15223 T). L'influence du Ramadan est sans doute pour quelque chose dans cette hausse.

Aussi, si l'on compare l'évolution des ventes réalisées entre les quatre premiers mois de l'année 2004 et ceux de l'année 2005, on note une évolution constante des ventes pour l'année 2005. « A ce rythme de 8000 T/mois, la CSS sera en mesure d'écouler la totalité de sa production »82(*) nous confie le responsable du service commercial.

Au regard de ces résultats, il semble nécessaire d'encourager une telle collaboration devant permettre de venir à bout de la fraude. Ce partenariat doit aussi être étendu au secteur privé car une confiance mutuelle doit exister entre les opérateurs économiques et les services chargés de la sécurité économique de nos frontières. La concertation entre les différents acteurs de la vie économique doit être encouragée. L'organisation de rencontres entre la douane et le secteur privé sur des thèmes comme celui-ci : « Quel partenariat entre la douane sénégalaise et les entreprises pour renforcer la confiance des entreprises et la sécurité aux frontières »83(*) est à encourager afin de lever tout équivoque entre ces acteurs de l'économie et les populations.

En effet, en plus de l'hostilité généralement manifestée par les populations riveraines à l'égard des soldats de l'économie, il faut noter qu'on est entrain d'assister à une proféssionnalisation et une criminalisation de la fraude. L'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication par les fraudeurs rend difficile le travail des douaniers. A cause du recours aux armes à feu par les fraudeurs, la douane subit annuéllement d'importantes pertes en vies humaine. Les incidents survenus le Vendredi 20 Mai 2005 à Baila, localité située à 16 Km de Bignona, suffisent à rendre compte de cette situation : lors d'une fouille effectuée sur des voitures de transports en commun, des agents de la douane ont fait l'objet d'une attaque par une bande armée. Un ancien agent de la douane reconverti en indicateur au profit de ses anciens collègues est tombé sous les balles de ce groupe de malfaiteurs. Trois autres agents on été blessés dont un grièvement. Il faut rappeler que cet incident est intervenu au moment où le DG de la Douane effectuait une tournée d'inspection des services placés sous son autorité dans cette zone.84(*) En guise de réponse à ces problèmes récurrents d'insécurité, ce dernier affirmait déjà lors de la cérémonie d'ouverture des journées nationales sur la surveillance douanière que « notre réflexion porte sur la meilleure manière de faire usage de l'arme à feu en cas de nécessité surtout d'entretenir avec nos concitoyens des relations à prévenir des incidents tels que ceux que nous avons eu à déplorer dans le passé.»85(*)

Aussi, la douane se doit de mener une campagne d'information et de proximité vers les populations pour les sensibiliser sur les dangers de la fraude et les objectifs qu'elle poursuit en luttant contre la fraude. Ceci permettra de mieux dissiper les incompréhensions entre elle et les populations qu'elle protège à travers la défense de notre économie.

C'est la raison pour la quelle il semble nécessaire d'essayer de définir un cadre de défense et de valorisation des produits locaux. Le « consommer local » doit être favorisé afin de permettre un meilleur écoulement des produits locaux. C'est pour cette raison que la démarche entreprise par certains producteurs locaux en association avec les associations de consommateurs demeure salutaire. Grâce à cette collaboration, la CPCN (coalition pour la production et la consommation nationale) a été portée sur les fonds baptismaux.

Le mouvement Artisans- Paysans- Eleveurs- Travailleurs- Industriels (A.P.E.T.I) « se veut d'être à l'avant garde pour le développement de notre cher Sénégal par la consommation des produits faits par les sénégalais, pour les sénégalais. » De même, cette coalition qui doit cultiver le sens du patriotisme « refuse donc que notre économie soit phagocytée par une mondialisation dont les règles du jeu sont faussées au départ. » Aussi, « elle dit non à la concurrence déloyale des excédents de production subventionnés que nous dévérsent les pays développés transformant ainsi le Sénégal en SOUKS. »86(*)

A l'analyse de ces idées véhiculées, on serait tenté de la rattacher à une branche du mouvement alter-mondialiste qui lutte pour une meilleure équité dans le commerce international. La promotion de la production nationale devra nécessairement passer par un développement d'une politique expressive de marketing pour sensibiliser les populations.

B : le développement d'une politique expressive de marketing par la CSS.

S'il y'a un domaine dans lequel la CSS s'illustre et se singularise foncièrement des autres grandes entreprises, c'est sans nulle doute son absence sur le marché publicitaire local.

Malgré la libéralisation intervenue dans le secteur du sucre, elle semble être victime de son passé d'entreprise en situation de monopole. Le sucre produit par la CSS ne semble faire l'objet d'aucune publicité. De même, il est à noter l'absence d'un service chargé de cette mission particulière dans ladite entreprise. L'entreprise semble être mal préparée au changement de contexte législatif et réglementaire du marché. Raison pour laquelle, un réaménagement interne allant dans le sens d'une meilleure promotion de son sucre s'impose.

La qualité de son sucre est parfois indexée par certains consommateurs qui la juge incompatible avec le thé, produit très prisé par les sénégalais.

Il faudra par conséquent envisager l'organisation de campagnes publicitaires aux fins d'informer et de sensibiliser les consommateurs sur l'ensemble du processus de fabrication de son sucre depuis la culture de canne à sucre au stade de conditionnement. Ceci permettra aussi de mettre en exergue les garanties sécuritaires offertes par son sucre par rapport à celui frauduleusement importé.

La promotion de la qualité au sein des entreprises demeure par conséquent un préalable pour accroître la productivité et la compétitivité des produits locaux sur le marché national et international. La soumission à ces normes de qualité permettra de mieux faire face à la concurrence déloyale des produits importés frauduleusement et à moindre coût.

Il incombe à la CSS d'aller dans le sens d'un rapprochement et d'une meilleure proximité avec les consommateurs.. Ses sigles et effigies doivent être présentent dans toutes les grandes manifestations locales et nationales afin d'offrir une meilleure visibilité de ses produits. La publicité demeure de plus en plus un maillon fort de toute une politique commerciale. Pour mieux faire face à la concurrence, les entreprises, qu'elles soient multinationales ou nationales développent des stratégies publicitaires, usent des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) et collaborent à cet effet avec les médias qui sont les instruments de propagande par excellence. Des sommes colossales sont prévues et injectés dans le marché publicitaire. Un devoir d'information de l'entreprise à l'égard de ses clients et plus généralement des consommateurs s'impose aux entreprises. La confection d'un site Web s'impose à la CSS au regard de sa dimension

En effet, « La culture de la qualité aussi bien au niveau des industries qu'au niveau des services est aujourd'hui fondamentale pour nos économies. La conquête des marchés étrangers passe par la promotion de la qualité.»87(*) De même, « Les entreprises doivent se conformer avec la modérnité. La promotion de la qualité doit être leur priorité. Mais, cette culture de la qualité doit aussi se faire au niveau des services.»88(*) Ceci illustre bien cette nécessité d'adaptation au contexte actuel du marché caractérisé par la liberté de concurrence. Certes, la CSS est connue à travers le pays mais il s'impose donc à elle de soigner son image à l'endroit des populations.

Par ailleurs, il faut ajouter que la CSS souffre d'un problème d'intégration et d'acceptation par son milieu. Malgré son impact économique et social indéniable su la localité de RD-TOLL et sa périphérie, une frange de la population locale considère qu'elle doit davantage s'impliquer de façon plus poussée dans les politiques de développement et de réalisations d'infrastructures socio-politiques et sportives dans la ville. Dans ce même ordre d'idées, la CSS est parfois opposée à des entreprises telles que la Société Nationale de Télécommunications (SONATEL) qui, selon les populations, invéstissent dans le social pour améliorer les conditions de vie des populations dans les zones ou elles se sont implantées. 89(*)

Selon les dirigeants de l'entreprise, celle-ci s'acquitte régulièrement des taxes à la mairie qui il revient de biens gérer ces deniers. « La CSS n'a pas vocation à investir dans le social »90(*) déclare à cet effet le DRH qui en même temps révèle que son entreprise ne cesse de s'activer dans ce domaine pour venir en aide aux populations.

Face à ces critiques, il y'a lieu pour la CSS de mener une large campagne d'information et de sensibilisation sur ses actions quotidiennes et réalisations pour les populations. Ceci dissipera les malentendus avec les populations et accroîtra l'estime de ces dernières à son égard. Aussi, elle doit envisager un marketing poussé dans les régions qui se trouvent éloignées des sites de productions. Les dirigeants de l'entreprise devraient voir comment dans la mesure du possible installer un peu partout à travers le pays des services commerciaux afin de se rapprocher davantage de ses clients. Celle-ci permettra à ses partenaires d'entrer directement en contact avec l'entreprise.

Ces actions, alliées aux mesures à long terme permettront de venir à bout de la fraude.

Paragraphe II : Des mesures à long terme

Ces mesures devront aller dans le sens d'un assainissement de l'environnement concurrentiel et fiscal du marché d'une part et donner un caractère sous-régional à la lutte contre la fraude en impliquant les organisations communautaires notamment l'UEMOA d'autre part.

A : Aller vers un assainissement de l'environnement concurrentiel et fiscal

La non appartenance de certains pays frontaliers du Sénégal à la même zone économique et monétaire constitue une des principales sources d'accroissement de la contrebande. Une telle configuration est entrain de faire subir à l'Etat du Sénégal et à son industrie locale des pertes considérables en térme de recéttes fiscales et en chiffres d'affaires. Des entreprises mettent la clef sous la porte et des milliers de travailleurs se sont retrouvés au chômage à cause de la fraude.

Face à cette situation, il appartient à l'Etat sénégalais de jouer la carte de la fermeté face à ces Etats et aux trafiquants afin d'éradiquer la fraude. Certes, les Etats sont libres de définir la nature de la politique économique qui leur convient, cependant leur mise en oeuvre ne doive pas porter préjudice à l'économie des pays limitrophes. La Mauritanie et la Gambie s'adonnent à une politique de rééxportation qui porte préjudice à l'industrie sénégalaise. L'essentiel des produits importés frauduleusement au Sénégal proviennent de ces Etats voisins.

Des mesures de rétorsions économiques peuvent être prises dans le cadre de l'UEMOA afin de pousser ces autres pays à collaborer dans le cadre de la lutte contre la fraude avec ces Etats. Par ailleurs, un renforcement des moyens juridiques de lutte contre la fraude s'impose. L'impunité « ZERO » contre les fraudeurs doit être de mise. Cette fermeté doit aller dans le sens de l'imposition d'un certain nombre de quotas d'importations attribués à des commerçants légalement agrées pour permettre les entreprises nationales d'écouler leur production. Dans le cas précis de la CSS, le gouvernement peut prendre des décrets d'interdictions de toute forme d'importation sur le sucre durant la période de campagne agricole pour lui permettre de vendre sans grandes difficultés ses 90.000 T de sucre. Le marché national étant aujourd'hui estimé entre 140.000 et 150.000 T, le reste devra être partagé entre ces importateurs. Les services chargés du commerce intérieur doivent à cet effet se charger de l'application de cette mesure. Le retour au monopole demeurant impossible dans le contéxte actuel de mondialisation. En effet, l'art.6.1 infine relatif aux pratiques anticoncurrentielles imputables aux Etats du Règlement N° 02/2002/CM/UEMOA du 22 mai 2002 relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l'intérieur de l'UEMOA dispose que Les Etats membres s'interdisent en outre, d'édicter des mesures permettant aux entreprises privées de se soustraire aux contraintes imposées par l'article 88 paragraphes (a) et (b) du Traité de l'UEMOA.

Face à cette globalisation de l'économie mondiale, il faut veiller à ce que la libéralisation n'aboutisse pas à un démantèlement progressif du tissu industriel local déjà précaire. Même les pays industrialisés procèdent à une protection de leurs industries contre les dangers de la libéralisation sauvage. L'UE et les USA protégent leurs industries du textile contre les exportations chinoises à destination de leur marché.

Le gouvernement ivoirien est allé dans le sens d'une interdiction totale des importations pour sauver son industrie locale : «  en vue de lutter contre la fraude qui met en difficulté notre industrie sucrière, le gouvernement a pris un décret suspendant pour une période allant jusqu'au 31 décembre 2006, toute importation de sucre en cote -d'ivoire » indique le communiqué du conseil des ministres91(*).

Au plan fiscal, une application renforcée et intégrale des règlements portant mise en oeuvre de la TEC et la TCI demeure nécessaire. En effet, malgré l'adoption du TEC le 1er Janvier 2000,de la TDP instituée le 25 Mars 1999, de la TCI adoptée le 17 Septembre 1999 et plus récemment le règlement d'exécution de la valeur minimale pris le 13 Mars 2002, on constate un accroissement excessif des importations frauduleuses. La chute des ventes de la CSS est assez illustrative de cette situation. Une comparaison des ventes réalisées avant et après la libéralisation permet de constater cette recrudescence92(*).

Les mesures prises dans le cadre du TEC n'ont pas permis à leur tour la pleine promotion de la croissance des exportations de nos produits vers de marché mondial d'une part, et le contrôle des importations frauduleuses en direction des Etats membres. Les produits locaux sont fortement concurrencés par ceux bénéficiant de subventions gouvernementales étrangères. Qu'il s'agisse de la TDP, la TCI et la VR, mesures communautaires, elles sont d'application nationale, le principal problème réside au niveau de leur efficacité. En effet, si dans le cadre d'une importation de sucre entre deux pays membres de l'UEMOA, l'un refuse d'appliquer la TCI, ce pays pourra importer du sucre puis le réexporter frauduleusement dans l'autre pays. Ces produits échappent au contrôle des services de la douane et mettent en péril l'avenir de l'industrie locale.

Relativement à la TDP, il faut dire qu'elle n'a pas connu un franc succès car n'ayant pas permis de compenser, de façon temporaire, une baisse importante de la protection tarifaire liée à la mise en oeuvre du TEC. D'application temporaire aussi, la TDP s'appliquait aux importations en provenance de pays tiers. L'inconvénient réside dans le fait qu'un produit, originaire de l'union, importé par un pays tiers et réexporté vers un autre pays membre de l'union, pouvait coûter moins cher. Par ailleurs, les modes de calcul du taux de protection effectif ignorent les variations subies par certaines composantes retenues. Dans le cas du Sénégal, la mesure était impopulaire.

S'agissant de la TCI, elle est aussi d'application nationale et s'applique aux importations en provenance de pays tiers. Un produit originaire de l'Union pourra y coûté plus cher s'il provient d'un pays tiers. Destinée à protéger la production communautaire contre les variations erratiques des prix internationaux de certains produits et contre les pratiques commerciales déloyales, la TCI ne prend en compte que certaines catégories de produits à un taux de 10%.

Sur le plan intérieur, le principal problème réside dans l'acquittement des taxes et impôts. Ceci entrave la concurrence entre les différents acteurs du marché. Par rapport au secteur informel, il faudra accentuer le contrôle pour ne pas permettre aux différents opérateurs économiques évoluant dans le dudit secteur de se soustraire à leurs obligations fiscales. Ceci permettra non seulement d'augmenter les recettes fiscales d'une part, mais aussi d'éviter l'imposition d'un prix maximum susceptible de rompre les règles de la concurrence entre leurs produits importés et ceux des industriels d'autre part. La création de la Contribution Générale Unique (CGU), impôt synthétique destiné à simplifier les procédures fiscales applicables au secteur informel constitue un début de règlement du problème.

Les efforts entrepris dans le cadre de la réforme fiscale de 2004 sont à redoubler afin de mieux améliorer l'environnement fiscal des entreprises. C'est ainsi que des mesures de baisses de 35 à 33% de l'Impôt sur les Sociétés (IS) ont été prises. La décision prise lors du cinquième conseil présidentiel de l'investissement par le chef de l'Etat de réduire l'IS de 33% à 25% à partir de 2006 est salutaire en ce sens qu'il s'agit d'une mesure de soutien au secteur privé93(*). On devra aussi envisager de définir un cadre fiscal spécifique temporaire pour les entreprises confrontées à la fraude. Cet allégement de régime fiscal pourra leur permettre de mieux résoudre les problèmes auxquels elles doivent faire face. La réduction de la TVA sur certains produits de grande consommation comme le sucre permettra aux produits locaux d'être plus productif. Il en est de même pour la suppression de la Taxe d'Egalisation (TE) de 2%.

Il s'agit d'une solution alternative à la question des subventions et aides d'Etat que le gouvernement pourrait accorder à certaines entreprises en difficultés ou à des productions menacées par la concurrence extérieure. Mais au regard des faibles moyens dont disposent nos Etats, une telle mesure semble improbable. Ces aides d'Etat ou publiques sont définies par l'art.1. b) du règlement n°4/2002/CM/UEMOA relatif aux aides d'Etat à l'intérieur de l'UEMOA et aux modalités d'application de l'art.88 (c) du traité comme « toute mesure qui : (i) entraîne un coût direct ou indirect, ou une diminution des recettes, pour l'Etat, ses démembrements ou pour tout organisme public ou privé que l'Etat institue ou désigne en vue de gérer l'aide; et (ii) confère ainsi un avantage sur certaines entreprises ou certaines productions. »

Si sur le principe, l'art.4 de ce même règlement dispose que « sont interdites de plein droit sans qu'un examen conformément aux dispositions de l'article 2.2 soit nécessaire : a) les aides publiques subordonnées, en droit ou en fait, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, aux résultats à l'exportation vers les autres Etats membres ; b) les aides subordonnées, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, à l'utilisation de produits nationaux de préférence à des produits importés des autres Etats membres. », il faut néanmoins préciser que le législateur communautaire a pris le soin de déterminer un certains nombres d'aides jugées compatibles avec le marché commun. Il s'agit notamment «  les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt communautaire ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un Etat membre » tel que précisé à l'ar.3.1 (c) du règlement n°4 précité. En effet, au regard des méfaits qu'elle cause à l'économie locale, la fraude apparaît comme un phénomène qui perturbe et désorganise la composition et l'organisation d'un marché. Il faut donc envisager un réaménagement des dispositions de protection et fiscale pour permettre une application des mesures inhérentes à la mise en oeuvre du dispositif tarifaire dans l'union.

B : Donner un caractère sous régional à la lutte contre la fraude notamment dans le cadre de l'UEMOA.

Au regard des proportions de plus en plus inquiétantes prises par la progression de la fraude, il urge pour les gouvernements des Etats membres de l'UEMOA élargissent les bases de la lutte contre ladite concurrence. Plusieurs textes communautaires ont été élaborés pour réguler la concurrence l'espace de l'UEMOA. C'est à cet effet que le Règlement N° 02/2002/CM/UEMOA du 22 mai 2002 relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l'intérieur de l'UEMOA a été adopté. A travers celui-ci, les Etats ont voulu d'une part «  renforcer l'efficacité et la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d'un marché ouvert, concurrentiel et favorisant l'allocation optimale des ressources » et d'autre part considéré que «  le libre jeu de la concurrence est le cadre idéal pour l'épanouissement des entreprises opérant sur le marché communautaire.» les pratiques anticoncurrentielles visées sont, conformément aux dispositions de l'art.88 du traité interdites à l'intérieur de l'Union. Il s'agit : des ententes anticoncurrentielles (art.3), de l' abus de position dominante (art.4), des aides d'État (art.5) et des pratiques anticoncurrentielles imputables aux Etats membres(art.6).

L'implication des organisations patronales et syndicales doit être envisagée afin de mieux faire face à ce phénomène.

En effet, il est certain qu'un seul Etat ne saurait faire face efficacement à la montée de la fraude favorisée par la non appartenance de certains pays à l'espace UEMOA. L'exemple du Sénégal cerné par la Gambie et la Mauritanie est assez illustratif de cette hétérogénéité de l'espace ouest-africaine. Ces pays alimentent pour l'essentiel les réseaux de contrebande à destination du Sénégal.

Intéresser les institutions communautaires de l'UEMOA reviendrait à faire adhérer les Etats membres à des principes communs acceptés par tous.

D'une part, il permettra de définir un cadre juridique pertinent de lutte et de répréssion du trafic frauduleux de marchandises entre les différentes parties. A ce titre, l'édification par les organes de l'UEMOA d'un règlement portant code des douanes94(*) est un pas très important qu'il faut davantage saluer. Aussi, les efforts d'harmonisation des législations portant sur les transactions internationales sont à consolider.

D'autre part, il devra aboutir à une harmonisation des positions notamment pour ce qui concerne les négociations commerciales de l'OMC. Cette unité devra permettre de dénoncer d'une seule voix la pratique des subventions agricoles octroyées aux producteurs de coton et de sucre des pays du nord par leurs gouvernements. La récente condamnation de l'UE par l'OMC à propos des subventions destinées aux producteurs de sucre suffit à motiver les Etats membres de l'UEMOA à adopter une position commune lors des débats internationaux portant sur le commerce international.

Dans cette perspective, il revient à ces différents pays de faire déclarer certains produits et secteurs tels que le sucre, le coton ou le textile des questions d'intérêt national. Elles doivent bénéficier, en raison de l'importance des recettes fiscales versées dans les caisses du trésor public ou des emplois créés, d'une plus grande attention. La position prise par l'UE et les USA sur la question du textile chinois montre bien qu'il est du rôle des Etats de protéger efficacement leurs industries nationales. C'est dans ce sens que doit être apprécier à sa juste valeur la proposition des pays les moins avancés (PMA) à l'union européenne concernant l'adaptation de l'initiative TSA concernant le sucre et le rôle des PMA dans l'orientation future du régime du sucre UE. 95(*)

Adressée le 3 mars 2004 « la présente proposition constitue une base sur laquelle ce processus pourrait être réalisé pour le sucre. »

Une unification des stratégies doit aussi aller dans le sens d'une restriction de l'accès de certains produits au marché de l'UEMOA. Des mesures de sauvegarde s'imposent nécessairement. Il faut par conséquent limiter les importations de certains produits qui menacent la survie de l'industrie sénégalaise. La démarche visant à interdire l'importation d'oignons durant 4 mois pour permettre l'écoulement de la production nationale est à reproduire dans le cas du sucre pour protéger la CSS. Il en est de même pour les autres secteurs de production industrielle menacés par la fraude.

Cette protection devra par ailleurs permettre une meilleure compétitivité des produits nationaux face à ceux importés de l'Occident ou de l'Asie. Une concurrence déloyale contre nos entreprises ne fera qu'accroître la morosité économique dans la zone UEMOA. Les efforts consentis depuis la dévaluation du FCFA resteront vains et le taux de chômage subira une hausse galopante.

A l'image des organisations patronales et syndicales nationales, les organisations professionnelles doivent s'organiser au niveau communautaire pour pousser les Etats membres de l'UEMOA à porter plus d'attention à leur sort lors des négociations internationales.

Le regroupement des acteurs de la filière sucre dans l'UEMOA et la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) au sein d'une même structure pour défendre leurs intérêts constitue une démarche à imiter dans les différentes branches d'activités.

« Structure professionnelle de rencontre et d'échange élargie aux deux zones régionales UEMOA et CEMAC »96(*), le Groupement des Producteurs de Sucre (G.P.S) a été créé à Abidjan lors de la réunion des 7 et 8 Avril 2004 portant sur l'harmonisation des positions face aux règles communautaires des deux espaces. Le GPS-CEMAC regroupe les Etats suivants : Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, République Centre africaine alors que le GPS-UEMOA est composé par les pays ci-après : Burkina-Faso, Côte-d'Ivoire, Mali et Sénégal.

L'importance prise par ce secteur et sa contribution dans le tissu économique de ces Etats est illustrée par les données suivantes :

- 500.000T de sucre produit en 2004.

- 30.000 salariés employés par la filière.

- 40 Milliards de masse salariale et autant en valeur ajoutée.

- 100 Milliards investis ces deux dernières années.

- 50 Milliards versés à titre de recettes fiscales.

Ces organisations et lobbies sont des outils efficaces de pression sur ces différents gouvernements.

Au regard de ces données, il apparaît claire qu'un soutien croissant doit être apporté par les institutions communautaires à cette filière afin de mieux protéger l'industrie locale.

* 80 Extrait de l'entretien réalisé avec notre intérlocuteur au niveau de la brigade des douanes de Rosso. op. cit.

* 81 Extrait de l'entretien accordé par le DG de la douane à la radio WalFadjri dans son journal parlé en français du mercredi 25 mai 2005 à 12h00 à la suite de sa tournée effectuée dans la partie sud du pays.

* 82 Extrait de l'entretien réalisé le Vendredi 08 avril 2005 avec le résponsable du sérvice commércial de la CSS. op.cit.

* 83 Lire l'article Lutte contre la fraude : la douane et le sécteur privé à l'unisson des stratégies publié dans l'édition du Samedi 10 Mai 2003.

* 84 Information diffusée par la radio Walfadjiri dans son journal parlé en français de 12h du vendredi 20 mai 2005.

* 85 Extrait du quotidien Walfadjiri du jeudi 12 Mai 2005.

* 86 Extrait de la première déclaration de la coalition sortie en novembre 2004. Vous pouvez aussi consultez le quotidien le soleil dans son Edition du Jeudi 3 février 2005.

* 87 Propos tenus par le ministre d'Etat, ministre de l'Industrie et de l'Artisanat, Landing SAVANE lors des journées nationales de la qualité. Extrait du quotidien le Soleil, Edition du Jeudi 3 février 2005. op.cit.

* 88 Propos du premier ministre Macky SALL à la même occasion. Extrait du quotidien le Soleil. op.cit.

* 89 Nouvel Horizon-°431, op.cit.

* 90 Nouvel Horizon-°431, op.cit.

* 91 Communiqué du conseil des ministres du vendredi 13 août 2004.

* 92 Se rapporter à la partie consacrer à l'incidence de la fraude sur les ventes de la CSS. page

* 93 Le soleil. Mardi 21 juin 2005. page 4.

* 94 Code des douanes de l'UEMOA dont le LIVRE I est entré en vigueur le 1er janvier 1999.

* 95 Le règlement du Conseil n°416/2001 (l'Initiative Tout sauf les Armes ou TSA).

* 96 Walfadjiri du 04 Mai 2004. N°3640.p.3.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe