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L'Homme Démocratique

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par François Palacio
Université Montpellier III - Master I Philosophie 2003
  

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La nature et l'histoire

Le problème central de l'idée libérale consiste à articuler la liberté fondamentale d'agents moraux indépendants avec l'aliénation politique que constitue l'existence d'un gouvernement menaçant l'autonomie que la société parvient à tirer d'elle-même. Comment résoudre cette nécessaire collusion du moral et du politique? A cette question deux réponses peuvent être apportées: ou la révolution violente qui rétablit le peuple dans son droit originaire, ou la lente réforme des principes du gouvernement à partir de l'idée de droit. Or ces deux solutions s'avèrent problématiques, comme nous allons pouvoir le constater. Mais une troisième solution doit permettre de résoudre l'antinomie sur le plan de l'histoire. Or, par là- même, le sens du concept d'histoire va se voir redéfini sur un nouveau terrain, celui d'un progrès orienté par l'idée de nature.

?Fichte et la révolution

En 1793, le jeune Fichte fait paraître ses Considérations destinées à rectifier les jugements du public sur la Révolution français. Dans la première partie de son ouvrage, Fichte pose la question de la légitimité de la révolution. " Un peuple a-t-il le droit de changer

à son gré sa constitution? "3. Cette interrogation se raccroche directement à la problématique libérale en tant qu'elle cherche à déterminer si le droit des individus est premier par rapport à celui du pouvoir. Existe-t-il une antériorité de l'homme sur le citoyen?

Fichte part de la distinction kantienne entre une nature sensible et une nature intelligible de l'homme. La seconde consiste en la loi morale qui constitue la forme originaire

de notre moi. Ce que cette loi nous commande nous contraint absolument et ainsi, la nature sensible se trouve déterminée par la nature intelligible et non l'inverse. Celle-ci est une loi du devoir et renvoie à notre liberté en tant qu'êtres de raisons alors que la seconde consiste dans

le libre arbitre de faire ou ne pas faire ce à quoi notre nature sensible nous incline. Ce que la

loi morale nous prescrit, nous sommes obligés de le faire. Tout ce qu'elle ne défend pas, nous

1 Enquiry concerning political justice, Londres, ed. Kramnick, Pelican, 1976, p. 554, in Le capitalisme utopique,

p. 152.

2 Les droits de l'homme, p. 157.

3 J-G Fichte, Considérations destinées à rectifier les jugements du public sur la Révolution Française, p. 86.

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pouvons le faire1. Tout ce qui touche à cette loi morale constitue un droit inaliénable. C'est le droit de faire son devoir. En dehors de cette législation, l'homme possède les droits aliénables qui ressortent de son libre arbitre. La limitation de ce libre arbitre ne regarde que lui, et quand bien même il limite son droit à l'égard d'un autre, il ne s'oblige que lui-même. Il " concède librement à l'autre l'exercice de son droit "2. Ainsi le domaine du contrat, et notamment, celui

du contrat social par lequel l'homme transige de ses droits ne porte en aucun façon sur le droit inaliénable mais seulement sur ceux laissés à sa libre disposition, ses droits aliénables. Comme cette aliénation ne naît que d'un accord volontaire, l'obligation qu'imposent les lois civiles ne peut naître qu'avec " l'acception volontaire de ces lois par l'individu "3.

Mais l'homme peut-il s'engager par un contrat à demeurer éternellement sous la même constitution politique? Peut-il renoncer à son droit de contracter à nouveau une nouvelle alliance politique? Finalement " l'immutabilité de la constitution politique n'est-elle pas contraire à la destination que la loi morale nous assigne"4?

Quelle est cette destination? Relativement à notre nature sensible, il s'agit de la culture, c'est-à-dire " l'exercice de toutes les facultés en vue de la liberté absolue, de l'absolue indépendance par rapport à tout ce qui n'est pas nous-mêmes, notre moi pur "5. Dès lors tout

ce qui entre sous la catégorie du simplement permis par la loi morale ne doit cependant pas aller à l'encontre de cette loi? Si cette loi est une loi d'autonomie, l'exercice de nos droits aliénables doit servir de moyen en vue de cet autonomie6. Dès lors, l'association politique elle-même ne peut avoir d'autre fin que nous faire concourir à la culture de cette sensibilité. Toute constitution qui va à l'encontre de ce droit est par conséquent illégitime7. Il s'ensuit qu'une constitution immuable, et par conséquent qui ne s'accorderait pas avec la perfectibilité inscrite en la nature sensible de l'homme, conduit à renoncer à notre nature d'être de raison, ce que nous défend la loi morale8. L'Etat n'est donc qu'un moyen qui ne peut se présenter comme responsable de tout ce qui découle de la constitution d'agent libre de l'homme. Pas plus la

1 Ibid., p. 95: "Ce que la loi morale ne fait que nous permettre, nous avons le droit de le faire; mais nous avons aussi le droit opposé au précédent, celui de ne pas le faire. La loi morale se tait, et nous rentrons tout à fait dans notre libre arbitre. Nous avons aussi le droit de faire notre devoir; mais nous n'avons pas le droit opposé à celui-

là, celui de ne pas le faire. De même nous avons le droit d'être des êtres libres, moraux; mais nous n'avons pas celui de ne pas l'être. Le droit est donc très différent dans les deux cas: dans le premier, il est réellement

affirmatif; dans le second, il est purement négatif ".

2 Ibid., p. 110.

3 Ibid., p. 111.

4 Ibid., p. 113.

5 Ibid., p. 114

6 Ibid. p. 115: " Cette culture en vue de la liberté est le seul but final possible de l'homme, en tant qu'il est une partie du monde sensible; mais ce but final sensible n'est pas encore le but final de l'homme en soi: il n'est que le dernier moyen pour atteindre un but final plus élevé, son but final spirituel, à savoir la parfaite concordance de sa volonté avec la loi de la raison. Tout ce que l'homme fait doit pouvoir être considéré comme un moyen d'arriver dans le monde sensible à ce dernier but final; autrement ses oeuvres sont sans but, ce sont des oeuvres déraisonnables ".

7 Ibid. p. 124: " Si la culture de la liberté peut être l'unique but final de la constitution politique, toutes les constitutions politiques qui ont pour fin dernière le but précisément opposé à celui-là, à savoir l'esclavage de tous

et la liberté d'un seul, la culture de tous en vue des fins de ce seul individu, et l'étouffement de toutes les espèces

de culture qui peuvent conduire à la liberté d'un plus grand nombre, toutes ces constitutions ne sont pas seulement susceptibles de changement, mais elles doivent aussi être réellement changées ".

8 B. Bourgeois, Philosophie et droits de l'homme, p. 52: " Renoncer au droit de pouvoir modifier, y compris par

la force, une constitution mutilant le droit, ce serait nier l'esprit même de l'humanité, qui consiste à pouvoir se perfectionner à l'infini, c'est à dire à devenir plus parfait - plus auto-suffisant, plus libre -, et à le devenir par soi- même - à se libérer soi-même toujours plus ".

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propriété1, que la culture2 de l'individu ne doit servir d'argument au pouvoir pour faire de l'homme son obligé.

Par conséquent, comme l'Etat n'a pas droit sur tout ce que l'individu ne lui a pas volontairement abandonné, dans le cadre permis par la loi morale, il s'ensuit que la loi civile n'abroge en aucune façon son droit naturel3. Il s'ensuit que chacun est parfaitement libre de reprendre son engagement à l'égard de l'Etat et peut parfaitement contracter à nouveau et ainsi instaurer une nouvelle association politique4.

L'on voit donc qu'avec Fichte, le contrat social cesse d'incarner la loi fondamentale par laquelle, une constitution juridique étant établie, chacun se voit capable d'assurer sa destination humaine fondamentale. Ici la relation s'inverse et c'est cette destination qui devient

la condition de l'association politique. Or avec cette soumission du politique au moral et de l'association à la liberté de l'individu, la question se pose de savoir quelle consistance possède encore l'Etat. Ce dernier est un simple moyen, mais encore un moyen superflu. L'écueil anarchiste n'est pas loin. Si l'individu possède le même droit en matière politique qu'en matière religieuse, droit consistant à s'unir librement en une association possédant ses lois propres5, l'on peut se demander si cette association particulière qu'est le contrat social possède encore une consistance suffisante pour assurer aux lois civiles leur efficace. S'il est à craindre que l'individu, en l'absence d'une législation universelle, ne devienne pour ses semblables un danger permanent; mais si, d'un autre côté, il faut craindre de l'autorité politique qu'elle ne contrarie notre devoir de perfectibilité, qui, tôt ou tard, conduira à sa disparition, comment penser alors l'articulation de l'obligation politique et du devoir moral? Comment penser la co- existence contradictoire, et pourtant nécessaire, de l'homme, qui doit dépasser le citoyen, et du citoyen, qui empêche le progrès de l'homme6?

Kant et le dessein de la nature

Nous avons vu que Kant refuse le droit aux sujets de résister aux décisions du monarque. En effet, l'établissement d'une législation universelle est une condition nécessaire, quoique non suffisante, d'accès à la vertu. En l'état naturel où chacun voit sa volonté contrariée par les déterminations sensibles que constitue la menace permanente que les autres font peser sur lui, l'homme ne peut accomplir son devoir. Il doit donc instaurer un ordre légal

1 Considérations, p. 143: " Ce n'est pas l'Etat, mais la nature raisonnable de l'homme en soi qui est la source du droit de propriété, nous possédons indubitablement certaines choses en vertu du droit purement naturel, et nous pouvons légitimement exclure tous les autres de la possession de ces choses ".

2 Ibid., p. 153: " Ce que je suis, c'est en définitive à moi que je le dois, si je suis quelque chose par moi-même ".

3 Ibid. p. 148: " Si l'Etat ne peut ni nous retirer ni nous donner les droits qui sont notre propriété originaire, il faut que toutes ces relations persistent réellement dans la société civile. Je ne puis pas posséder comme citoyen, en tant que tel, un droit que je possède comme homme; et je ne puis avoir déjà possédé comme homme le droit que

je possède à titre de citoyen. C'est donc une grande erreur de croire que l'état naturel de l'homme est supprimé par le contrat civil; il ne peut jamais être supprimé, il passe et subsiste sans interruption dans l'Etat ".

4 Ibid. p. 159: " Chacun a parfaitement le droit de sortir de l'Etat, dès qu'il le veut; il n'est retenu ni par le contrat civil, qui n'a de valeur qu'autant qu'il le veut, et dont les comptes peuvent se régler à chaque moment, ni par des contrats particuliers sur sa propriété ou sur sa culture acquise (...). Si un individu peut sortir de l'Etat, plusieurs

le peuvent. Or ceux-ci rentrent, à l'égard les uns des autres ou à l'égard de l'Etat qu'ils abandonnent, dans le simple droit de nature. Si ceux qui se sont séparés veulent se réunir plus étroitement et conclure un nouveau

contrat civil aux conditions qui leur conviennent, ils en ont parfaitement le droit en vertu du droit naturel, dans le

domaine duquel ils sont rentrés ".

5 Locke, Lettre sur la tolérance, p. 17: " L'homme n'est pas par nature astreint à faire partie d'une église, à être lié

à une secte; il se joint spontanément à la société au sein de laquelle il croit que l'on pratique la vraie religion et

un culte agréable à Dieu. L'espérance du salut qu'il y trouve ayant été la seule cause de son entrée dans l'église, elle sera de même la seule raison d'y demeurer ".

6 Le règne de la critique, p. 110: " La simple morale ne pouvait garantir que le for intérieur puisse arriver

vraiment au pouvoir. L'hiatus qui subsistait était comblé par la philosophie de l'histoire ".

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dont les inconvénients ne sauront jamais dépasser ceux du vide éthique que constitue l'état naturel.

Dans le cadre de la soumission à une volonté souveraine incarnant le principe du droit,

les sujets possèdent, comme nous l'avons vu, le droit d'exprimer publiquement leurs remontrances au pouvoir. Mais un problème se pose néanmoins quant à savoir comment un gouvernement pourra accepter de laisser se propager les Lumières, et fera donc droit à " l'usage public de la raison " si ce gouvernement n'est lui-même déjà éclairé. Comme le note Habermas, " l'opinion publique est commandée par la volonté de rationaliser la politique au nom de la morale "1. Mais si la politique ne garantit pas à la morale un moyen d'accéder jusqu'à elle, et si d'autre part, l'usage de moyens violents contre cet ordre politique ne saurait

se justifier sur un plan moral, l'on peut se demander si nous ne sommes pas pris dans un cercle infernal.

Selon Habermas, c'est sur le plan de la philosophie de l'histoire que Kant résout cette question: " tant qu'un régime républicain n'est pas réalisé, comment pourrait-on garantir l'unité de la politique et de la morale "2?

Kant conçoit en effet une faculté morale et intelligible par laquelle l'homme est cause nouménale et principe de détermination transcendantal de son existence empirique. Du point

de vue sensible, l'homme est inscrit dans la causalité naturelle. Or c'est un devoir pour lui de dépasser ce niveau d'hétérogénéité pour réaliser pleinement sa nature d'être raisonnable. L'on

ne peut par conséquent interdire à l'homme de " progresser dans les Lumières ", c'est-à-dire d'atteindre à l'autonomie effective de la pensée. " Ce serait un crime contre la nature humaine, dont la destination originelle consiste précisément en cette progression "3. Mais si cette nature humaine est étouffée par les contraintes sensibles d'une législation hétéronome, comment parvenir à un état tel que la fin morale puisse se réaliser?

La solution du problème va consister à résoudre cette contradiction sur le plan purement sensible de la causalité naturelle4. En effet, " quel que soit le concept qu'on se fait,

du point de vue métaphysique, de la liberté du vouloir, ses manifestations phénoménales, les actions humaines, n'en sont pas moins déterminées, exactement comme tout événement naturel, selon les lois universelles de la nature "5. Ainsi en l'homme, en qui se rencontre un double principe de détermination intelligible et sensible, l'on peut considérer que " les dispositions naturelles qui visent à l'usage de la raison ", c'est-à-dire les capacités qu'a l'homme de s'approcher d'un état où il sera déterminé par la seule loi de sa raison, autrement

dit les moyens de la culture, " sont déterminées de façon à se développer un jour complètement ", mais dans l'espèce et non dans l'individu. Or cette idée d'un développement générique de ces capacités inclut par là-même l'idée d'un processus temporel à grande échelle

au cours duquel ces dispositions pourront se révéler. Mais cette destination morale de l'homme va se réaliser, sur le plan sensible, à partir du conflit des intérêts sensibles entre les individus. La nature incline les hommes à entrer en société, mais, en même temps pousse chacun à chercher son intérêt propre et par conséquent conduit au heurt des passions. C'est là

le principe de l'insociable sociabilité grâce auquel, selon l'axiome mandevillien qui veut que

les vices privés se transforment en vertus publiques, la nature extorque pathologiquement, c'est-à-dire sur un plan d'immanence purement sensible, un accord sur les règles du droit. La

1 L'espace public, p. 112.

2 Ibid., p. 118.

3 Qu'est-ce que les Lumières?, p. 48.

4 Projet de Paix Perpétuelle, p. 105: " Il faut qu'un tel problème puisse être résolu. Car le problème ne requiert pas l'amélioration morale des hommes, mais seulement de savoir comment on peut faire tourner au profit des hommes le mécanisme de la nature pour diriger au sein d'un peuple l'antagonisme de leurs intentions hostiles, d'une manière telle qu'ils se contraignent mutuellement eux-mêmes à sa soumettre à des lois de contrainte, et produisent ainsi l'état de paix où les lois disposent d'une force ".

5 E. Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, p. 71.

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concorde naît de la discorde via le principe de l'intérêt particulier universalisé. L'on retrouve encore une fois l'idée d'un ordre immanent et naturel entre intérêts concurrents et " d'une justice immanente au marché réglé par la libre concurrence "1. Néanmoins se pose toujours le problème de l'éducateur éduqué2. Dans ce cas, " la nature nous oblige à ne pas chercher autre chose qu'à nous approcher de cette idée "3. L'on peut tout de même attendre, toujours selon le principe de l'intérêt bien entendu, que les chefs eux-mêmes trouvent leur intérêt dans le progrès des Lumières qui gagneront ainsi " une influence sur les principes du gouvernement "4

.

Revenons donc sur le sens de ce dessein de la nature introduit par Kant. D'un point de vue théorique, cette idée d'une providence veillant au développement des facultés humaines,

est une idée transcendante et ne saurait faire l'objet d'une expérience. Mais d'un point de vue moral, " nous pouvons et nous devons l'ajouter par la pensée, afin de nous faire un concept de

sa possibilité, par analogie avec les actions de l'art humain "5. En effet, si du point de la connaissance, nous sommes impliqués dans la causalité temporelle et par conséquent nous ne pouvons connaître par l'expérience l'origine ou la fin de la nature, nous pouvons du point de vue moral, en tant que nous sommes cause nouménale, nous représenter l'idée d'une fin en la nature par laquelle nous puissions nous orienter sensiblement6. Mais il s'agit dès lors d'une idée régulatrice7, un jugement réfléchissant, par lequel nous pouvons subsumer le particulier sous une règle générale, et nous orienter, sans pour autant chercher à découvrir dans la nature une telle fin. Il ne s'agit pas d'un principe constitutif de l'expérience. Il ne faut donc pas essayer de déduire de l'observation sensible la preuve d'un progrès vers l'unité de la morale et

du politique car croire en un tel progrès est un devoir, l'on peut rechercher seulement les signes historiques8 qui nous permettent d'identifier la conjoncture en laquelle nous nous situons par rapport à ce progrès.

Ainsi voyons-nous que c'est sur le terrain de l'histoire que doit être résolu le problème d'une autonomie de la société par rapport à l'arbitraire politique. Dans ce cadre, le progrès vers la maîtrise effective de l'homme par lui-même apparaît comme un progrès naturel et irréversible. Mais il ne s'agit pas, pour Kant, d'affirmer la réalité phénoménale d'un tel processus naturel. La nature ne joue ici que le rôle d'un principe réfléchissant par lequel

1 L'espace public, p. 120.

2 Idée d'une histoire universelle, p. 77.

3 Ibid., p. 78.

4 Ibid., p. 85.

5 Projet de Paix Perpétuelle, p. 100.

6 E. Kant, Critique de la faculté de juger, §84, p. 410: " J'ai dit que le but final n'est pas une fin que la nature suffirait à effectuer et à produire conformément à l'Idée de ce but, parce qu'il est inconditionné. (...) Mais une chose qui doit exister nécessairement à cause de sa constitution objective comme but final d'une cause intelligente, doit être telle qu'elle ne soit dépendante dans l'ordre des fins d'aucune autre condition que de sa simple Idée. Or nous n'avons qu'une seule espèce d'être dans le monde, dont la causalité est téléologique, c'est à dire orientée vers des fins et en même temps cependant constituée de façon que la loi selon laquelle doivent se déterminer des fins, est représentée par eux-mêmes comme inconditionnée et indépendante des conditions naturelles, mais comme nécessaire en soi. L'être de cette espèce est l'homme mais considéré comme noumène; c'est le seul être de la nature dans lequel nous pouvions reconnaître, de par sa constitution propre, un pouvoir suprasensible et même la loi de la causalité, ainsi que l'objet de celle-ci, qu'il peut se proposer comme fin suprême ".

7 En ce sens la représentation d'un accord naturel entre les intérêts permet, en une certaine mesure, de faire jouer

la philosophie de l'histoire comme un quatrième postulat de la raison pratique.

8 Le conflit des facultés, p. 210: " Il faut donc rechercher un événement qui indique l'expérience d'une telle cause

et aussi l'action de sa causalité sur le genre humain d'une manière indéterminée sous le rapport du temps, et qui permette de conclure au progrès comme conséquence inévitable; cette conclusion pourrait alors être étendue aussi à l'histoire du passé (à savoir qu'il y a toujours eu progrès); de sorte toutefois que cet événement n'en soit pas lui-même, la cause, et, ne devant être regardé que comme indication, comme signe historique, puisse ainsi démontrer la tendance du genre humain considéré en sa totalité, c'est à dire non pas suivant les individus, mais suivant les division qu'on y rencontre sur terre en peuples et en Etats ".

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puisse être pensée la réalisation du devoir moral. Néanmoins, il semble que l'idée d'une harmonisation naturelle des intérêts divergents conduisant à une régulation autonome de la société qui, hors de l'arbitraire politique se découvre comme naturel, acquiert justement, dans

le discours libéral, la réalité d'un principe constitutif, dans la mesure où la main invisible du marché fonctionne comme principe transcendantal; et d'autre part, que cette idée d'une régulation naturelle se greffe justement sur l'idée d'un progrès historique nécessaire pour constituer un processus quasiment providentiel justifiant la diffusion du modèle libéral. L'on

ne peut accuser Kant de ce glissement de sens, mais ce léger aperçu de sa philosophie de l'histoire nous aide à mettre en évidence le fondement naturaliste de la démocratie libérale.

C'est sur ce fondement naturaliste que s'ancre l'idée d'un gouvernement non-politique

et partant, non-violent, à même de réaliser, dans un processus historique orienté, la libération

et l'affirmation de l'essence même de l'homme. Mais en même temps, ce sont les structures conceptuelles mises en place dans le dispositif libéral qui rendent possible la pensée d'un progrès historique en terme de processus naturel. Néanmoins, avant de nous porter à l'étude de

ce pouvoir immanent et naturel ainsi produit, un dernier point semble essentiel à la description de la configuration de la démocratie libérale: l'idée d'un lieu vide du pouvoir.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon