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L'Homme Démocratique

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par François Palacio
Université Montpellier III - Master I Philosophie 2003
  

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Configuration épistémologique du pouvoir moderne:

l'ontologie de l'immanence

C'est donc sur un terrain proprement épistémologique et scientifique qu'émerge une nouvelle signification de l'ordre naturel. C'est en fait de l'élaboration d'un monde nouveau que va naître un homme nouveau, l'homme moderne, qui encore aujourd'hui structure notre rapport à la réalité politique. En effet, la requalification des forces naturelles entraîne une compréhension neuve du pouvoir humain. Ce pouvoir nous apparaît dès lors tributaire d'une redéfinition de la puissance, non pas à partir de ce que l'homme peut, entendu comme ce qui

est rendu possible par la loi transcendante, mais comme ce qu'il peut, à partir de sa force propre. C'est à partir de la médiation de la conservation de soi que nous assistons ainsi à une réappropriation du fondement du pouvoir, désormais conçu comme dynamique des forces sociales. Nous sommes ainsi préparés à comprendre en quelle mesure la démocratie moderne consiste en une libération du corps social à l'égard de toute médiation transcendante.

Saint Thomas et la transcendance du premier principe

Nous avons vu qu'avec Thomas d'Aquin commence à s'amorcer une réhabilitation de l'ordre purement humain de l'exercice du pouvoir. Néanmoins c'est toujours sur le fond de la transcendance que ce pouvoir se voit défini. En effet, c'est à partir d'une hiérarchie intrinsèque à la création que peut se découvrir le sens véritable de la fonction directive dont la

fin est " de conserver cette unité qu'on appelle la paix "1. Or en vertu de l'analogie entre les formes naturelles et les artifices de la raison, Thomas conçoit le gouvernement naturel comme celui d'un seul2. En effet, de même que Dieu règne sur la création en cause éminente, le pouvoir du souverain doit être transcendant au corps politique, une inégalité de facto ordonnant la répartition des charges au sein du Royaume. Mais cette analogie entre la royauté

de dieu et l'office du monarque, et la distance qui les sépare l'un et l'autre de l'objet de leur puissance, ne trouve de justification dernière qu'en un discours théologique sur l'essence même de la création.

En effet, au fondement même du discours thomiste se trouve cette idée que l'homme

ne peut avoir de connaissance positive de l'être divin. L'abîme qui sépare la créature de son créateur est telle que même la plus parfaite de ses oeuvres, l'homme doué d'une âme intellective, ne saurait acquérir de juste définition de Sa puissance3. Aussi existe-t-il une inégalité ontologique fondamentale entre la cause divine et l'effet engendré. Dieu est le sujet éminent duquel ne peut être prédiqué aucun attribut de manière univoque. Il n'est pas possible d'attribuer les mêmes noms, dans le même sens, à Dieu et à l'ordre des créatures sous peine

1 Thomas d'Aquin, Du gouvernement royal, p. 15

2 Ibid., p. 17: " Toute multiplicité dérive de l'unité. C'est pourquoi, si l'art imite la nature et si l'oeuvre d'art est d'autant meilleure qu'elle saisit mieux la ressemblance de la nature, il s'ensuit nécessairement que le meilleur pour la société humaine, c'est d'être gouverné par un seul ".

3 Somme contre les gentils, Liv. I ch. XXX, : " Le degré suréminent dans lequel ces perfections se trouvent en Dieu ne peut s'exprimer au moyen des noms que nous avons choisis, sinon par négation, quand nous disons, par exemple que Dieu est éternel ou infini; et encore par les rapports qui existent entre lui et les autres êtres, comme lorsque nous l'appelons la première cause ou le souverain bien; car nous ne saurions comprendre ce qu'est Dieu, mais seulement ce qu'il n'est pas, et quels sont les rapports qui rattachent à lui les créatures ".

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de remettre en cause la transcendance du premier principe. Ainsi " les réalités dont Dieu est la cause ont des formes qui ne sont pas au niveau de la puissance de Dieu, puisqu'elles reçoivent d'une manière fragmentaire et parcellaire ce qui se trouve en Dieu de manière simple et universelle. Il est donc clair que l'on ne peut rien affirmer d'univoque de Dieu et des autres choses "1. Par conséquent, les réalités qui ne possèdent l'être que de par la bonté divine ne sauraient se concevoir indépendamment de cette puissance et partant ne reçoivent de statut ontologique que de leur dépendance2. On ne peut dès lors penser l'unité de l'Être que hiérarchiquement et absolument pas sur un plan d'immanence et d'égalité. Ainsi se voit justifiée l'image de Dieu comme roi et du monde comme royaume. Par analogie, l'autorité du recteur naturel jouit d'une prévalence absolue sur les sujets qui lui sont soumis.

Or c'est avec une telle ontologie de la transcendance et les limites qu'elle pose a priori

à la connaissance et l'action humaine que va rompre la modernité. Les exemples ne manquent pas, tant à la Renaissance qu'à l'Age classique, de tentatives visant à réinscrire les fondements de la connaissance dans un cadre purement humain. Mais, sur cette voie, Spinoza nous semble le meilleur guide en tant qu'il promeut une véritable ontologie de l'immanence fondée sur une redéfinition de la puissance, lourde de conséquences quant à l'organisation du champ politique.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault