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L'Homme Démocratique

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par François Palacio
Université Montpellier III - Master I Philosophie 2003
  

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Spinoza et l'ontologie de l'immanence

Spinoza cesse, en effet, de penser la divinité sur fond de volonté transcendante pour la ramener à l'ordre déterminé de la Nature3. Au chapitre II du Court traité, Spinoza montre ainsi qu' " il ne peut y avoir de substance plus parfaite que celle qui existe déjà dans la nature

"4. Il suit de là qu'une telle substance ne peut être qu'une, puisque, limitée par une autre, elle perdrait cette infinité qui la définit5. Par conséquent, la substance divine n'engendre pas une autre substance séparée d'elle-même, mais cette substance est Dieu même, causa sui. Dès lors

il y aura autant de perfection dans la cause que dans l'effet6. Ainsi " la nature est connue par elle-même et non par autre chose. Elle est formée d'attributs infinis dont chacun est infini et souverainement parfait en son genre, à l'essence desquels appartient l'existence, en sorte qu'en dehors d'eux n'existe aucune essence ou aucun être et elle coïncide ainsi exactement avec l'essence de Dieu, seul auguste et béni "7. Contre la séparation de la cause et de l'effet, Spinoza peut ainsi affirmer de Dieu qu'il " est une cause immanente et non transitive en tant qu'il agit en lui et non hors de lui, puisque rien n'existe hors de lui "8. L'on peut par conséquent concevoir l'homme comme une partie de Dieu et non comme un simple effet

1 Ibid., ch. XXXII.

2 Ibid., ch. XXVIII: " Les choses qui ne font qu'exister ne sont pas imparfaites en raison de l'imperfection de l'être pris lui-même absolument: c'est qu'elles ne possèdent pas l'être selon toutes ses virtualités, mais y participent selon un mode particulier, très imparfait ".

3 Spinoza, Traité de la réforme de l'entendement, §5, p. 184: " Nulle chose considérée dans sa propre nature, ne sera dite parfaite ou imparfaite, surtout quand on aura connu que tout ce qui arrive se produit selon un ordre

éternel et des lois de nature déterminées ".

4 Spinoza, Court Traité, Ch. 2, §1, p. 49.

5 Ibid, p. 48 note 2: " Si nous pouvons démontrer qu'il ne peut y avoir aucune substance limitée, toute substance doit alors participer sans limitation à l'être divin. Or, nous le prouvons ainsi: ou bien la substance doit s'être limitée elle-même, ou bien elle a été limitée par une autre. Elle ne peut s'être limitée elle-même car, étant illimitée, elle aurait dû changer toute sa nature. Elle n'est pas non plus limitée par une autre, car cette autre devrait être limitée ou illimitée; le premier n'est pas, donc, c'est le second; donc elle est Dieu ". Cf. aussi Ethique, Première partie, Axiome V, p. 67.

6 Court Traité, Ch. 2, §8, p. 51: " Nous demandons: si, dans la substance qui devrait être cause de celle qui s'est produite, il y a autant de perfection ou s'il y en a moins ou plus que dans celle qui est produite. Il ne peut y avoir

moins. Plus, pas davantage: parce qu'en ce cas cette deuxième substance devrait être limitée. "

7 Ibid., Appendice, Corrolaire, p. 162.

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déficient ontologiquement1. Dès lors, l'attribution d'une volonté propre et étrangère à Dieu n'est que le signe de l'ignorance et de la superstition qui conçoit ce qui lui échappe comme supérieur et doué d'une volonté propre2. Mais pour qui a une connaissance claire du rapport des corps au sein de l'étendue suit un ordre identique dans l'ordre de la pensée. Et par-là la véritable liberté ne se découvre que comme la claire connaissance de la somme totale des causes et des effets qui se déploient dans l'immanence de la nature3. Il s'ensuit par conséquent une égalité totale des prédicats qui remet totalement en cause l'autorité d'un sujet éminent par rapport à ceux-ci et qui déplace la connaissance du terrain de la foi vers celui de l'enchaînement causal et mécaniste des corps au sein de la nature.

Or, par-là même, Spinoza produit un déplacement considérable dans la définition de la puissance jusqu'ici référée à l'être transcendant de la divinité. A partir du moment où " la puissance, grâce à laquelle tout ce qui est dans la nature existe et exerce une action, ne saurait différer de la puissance même de Dieu "4, chaque être se voit qualifié, non par rapport à son inscription dans l'ordre hiérarchique de la création, mais par la puissance même qu'il a d'agir. Connaître une chose, c'est connaître sa puissance ou la puissance qui agit sur elle et la limite. C'est donc à partir d'une causalité réciproque que les êtres doivent être appréhendés. Loin d'une essence étrangère dont il reçoivent leur nature, c'est de leurs rapports qu'ils tiennent leur pouvoir. Par-là même, chaque corps se voit individualisé comme une certaine somme de puissance visant à sa conservation5. Dès lors le bien et le mal vont se voir ramenés au simple calcul de forces accroissant ou diminuant la puissance et non plus au rang d'essences hypostasiées dans l'ordre immuable de la création. A la question: " le bien et le mal sont-ils des êtres de raison ou des Etres réels ?", Spinoza répond que " considérant que le bien et le mal ne sont autre chose que des relations, il est hors de doute qu'il faut les ranger parmi les êtres de Raison, car jamais on ne dit qu'une chose est bonne sinon par rapport à quelque autre qui n'est pas si bonne ou ne nous est pas si utile qu'une autre "6.

8 Ibid. Ch. 3, §2-1, p. 65. Cf. aussi, Ethique, Partie I, Proposition XVIII, p.87: " Dieu est cause immanente, mais non transitive, de toutes choses ".

1 Court traité, Ch. 18, §2, p. 129: " En premier lieu, il s'ensuit que nous sommes en vérité serviteurs et esclaves

de Dieu et que c'est notre plus grande perfection de l'être nécessairement. Car, si nous étions réduits à nous- mêmes et ne dépendions pas ainsi de Dieu, il y aurait bien peu de choses ou même il n'y aurait rien que nous puissions accomplir, et nous trouverions à bon droit dans cette impuissance une cause d'affliction; tout au contraire ce que nous voyons maintenant, à savoir: que nous dépendons de ce qui est le plus parfait de telle façon que nous soyons une partie du tout, c'est à dire de lui-même, et contribuons en quelque sorte à l'accomplissement d'autant d'oeuvres habilement ordonnées et parfaites qu'il en est qui dépendent de lui ".

2 Ethique, Première partie, Appendice, p. 106: " Car, ayant considéré les choses comme des moyens, ils ne pouvaient pas croire qu'elles se fussent faites elles-mêmes; mais, pensant aux moyens qu'ils ont l'habitude

d'agencer pour eux-mêmes, ils ont dû conclure qu'il y a un ou plusieurs maîtres (rectores) de la Nature, doués de

la liberté humaine, qui ont pris soin de tout pour eux et qui ont tout fait pour leur convenance. Or, comme ils n'ont jamais eu aucun renseignement sur le naturel de ces êtres, ils ont dû en juger d'après le leur, et ils ont ainsi admis que les Dieux disposent tout à l'usage des hommes, pour se les attacher et être grandement honorés par eux ".

3 Ibid., Troisième partie, Proposition II, scolie, p. 186: " Le décret de l'esprit, aussi bien que l'appétit et la détermination du corps, vont ensemble par nature, ou plutôt sont une seule et même chose que nous appelons Décret quand elle est considérée sous l'attribut de la Pensée et s'explique par lui, et que nous nommons détermination quand elle est considérée sous l'attribut de l'Etendue et se déduit des lois du mouvement et du repos; ce qui deviendra encore plus évident par la suite ".

4 Traité de l'autorité politique, II, 2, p. 15.

5 Ethique, Troisième Partie, Proposition VII, p. 190: " L'effort (conatus) par lequel chaque chose s'efforce de persévérer dans son être n'est rien en dehors de l'essence actuelle de cette chose ".

6 Court Traité, ch. X, p. 83.

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Or cette conception est déjà mise en avant par Hobbes1. Ce dernier pousse le principe mécaniste jusqu'à ses dernières conséquences en ne voyant d'autre réalité que corporelles2.

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