Section 2 Revue sélective de
littérature
2.1. Le processus d'intégration économique
L'intégration économique selon Balassa
(1961) peut être appréhendée comme un processus ou
un état. Comme un processus, elle comprend les mesures visant
à abolir les discriminations entre unités
économiques appartenant à des nations différentes
; vue comme un état, elle peut être
représentée comme l'absence de diverses formes de
discriminations entre des économies nationales. Ainsi donc pour Balassa,
l'intégration peut prendre diverses formes qui correspondent
à des degrés d'intégration de niveau de plus en plus
poussé. Il distingue :
- la zone de libre échange
dans laquelle les tarifs et les restrictions
quantitatives
sont supprimés entre les Etats membres, chaque pays
maintenant ses tarifs à l'endroit de pays tiers ;
- l'union douanière qui en
plus des caractéristiques de la zone de libre échange
consiste en l'institution d'un tarif extérieur commun à
l'endroit des pays non membres ;
- le marché commun,
caractéristique d'une union douanière dans laquelle est
maintenue la libre circulation des biens, des services, des personnes
et des capitaux ;
- l'union économique et monétaire
qui est un marché commun avec une harmonisation des
politiques économiques et monétaires.
Le stade ultime du processus d'intégration
serait l'union politique qui est
caractérisée par une autorité supranationale
qui régit les politiques économiques et sociales communes, les
processus judiciaires et législatifs communs.
Ainsi donc conformément à ces étapes
de l'intégration, on peut considérer que l'Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine qui s'est fixé
comme objectif l'accomplissement d'une union économique totale, a
réalisé l'union douanière avec une convergence des
politiques économiques.
2.2. L'intégration commerciale régionale
Les théories relatives à l'intégration
commerciale régionale sont développées surtout autour des
zones de libre-échange et des unions douanières. L'analyse
classique de l'échange de Viner (1950) met en évidence les effets
contradictoires d'une intégration commerciale régionale sur les
échanges à savoir les effets de création et les effets de
détournement de commerce.
L'effet de création de commerce intervient lorsque la
libéralisation douanière permet
de passer à des sources d'approvisionnement moins
coûteuses. La suppression des barrières tarifaires rendant plus
efficaces des productions jusque là inefficientes pour
un pays, car protégées jusque là par
un tarif. La libéralisation douanière crée des
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Intégration régionale et promotion des
investissements dans l'espace UEMOA
sources d'importation moins chères en provenance
des partenaires d'une union.
Quant à l'effet de détournement de commerce,
il correspond à la situation dans
laquelle la création d'une zone de libre
échange ou d'une union douanière fait substituer des
importations en provenance de pays membres à des importations en
provenance de pays tiers, jusque là plus efficaces.
L'exemple suivant illustre le phénomène. Supposons
qu'un pays X produise un bien
B pour un prix de 10 um4, alors que les prix mondiaux
de ce même bien sont de 6 um
dans un autre pays Y, et de 5 um ailleurs. X protège sa
production grâce à un tarif douanier de 100%, c'est-à-dire
de 5 um. Le consommateur paye 10 um et la nation X
en complément de sa production s'approvisionne au
prix mondial de 5 um pour satisfaire sa demande intérieure.
Supposons maintenant que les pays X et Y décident
de former une union douanière. Dans ces
circonstances, le bien B devient moins onéreux dans le pays Y
qu'ailleurs (bien que plus cher hors tarif douanier que dans le reste du
monde dont le prix est toujours de 5 um). La suppression des tarifs
douaniers entre X et Y rend le bien B produit dans le pays Y plus
compétitif. Si la production de B est parfaitement élastique dans
le pays Y et dans le reste du monde,
on assistera à une création de commerce entre
les pays X et Y ; le pays X va substituer des importations du pays Y
à celles du reste du monde. La formation de l'union
douanière conduit les consommateurs à s'approvisionner dans le
pays Y (création de commerce) au détriment du reste du
monde (détournement de commerce) alors même que la production
reste plus efficace dans les pays tiers à l'union.
Les gains en termes de bien-être qui découlent de
l'intégration sont basés sur l'effet
net entre la création de commerce et le
détournement de commerce. Une Union a
d'autant plus de chance d'élever le bien-être de
la zone que les effets de création sont importants et les effets
de détournement moindres. Les effets de création de
commerce sont d'autant plus importants et les effets de détournement
d'autant plus faibles que :
- les écarts de compétitivité entre les pays
membres sont élevés, autrement dit que sont moindres les
différences de coûts entre les pays partenaires et les pays tiers
;
- le niveau de la protection initiale est élevé
;
- le tarif extérieur commun appliqué aux pays tiers
est bas.
Les sources possibles de gains liés à
l'intégration sont multiples. Pour Robson (1980), l'augmentation de
production découlant d'une plus forte spécialisation selon
les avantages comparatifs5 et d'une meilleure exploitation des
économies d'échelle ainsi que l'amélioration des termes de
l'échange du groupe intégré avec le reste du monde sont
des facteurs favorables. Pour que des gains puissent effectivement se
réaliser,
4 Abréviation de unité
monétaire
5 La théorie des avantages comparatifs
(Ricardo, 1817) montre que les nations ont intérêt
à se
spécialiser dans les activités dans lesquelles
elles sont relativement le plus efficaces ou à défaut
le moins inefficaces.
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Intégration régionale et promotion des
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des conditions doivent être réunies, notamment,
qu'une compétition existe au sein de
marchés transparents, qu'une libre circulation de la main
d'oeuvre et du capital existe
entre les pays partenaires et que les prix reflètent les
coûts de production (Lee, 1999).
Toutes ces conditions ne peuvent être réunies ni
dans les pays développés, et encore moins dans les pays en
développement, car les conditions qui induisent une création
de commerce entre les pays développés sont
différentes de celles prévalant au sein des pays en
développement. En effet selon Aly (1994), « les pays en
développement souffrent de déséquilibres structurels
et particulièrement du manque d'un secteur industriel bien
développé. De façon invariable, ils produisent des biens
primaires, et
le commerce extérieur est mené avec les pays
développés tandis que le commerce entre pays en
développement reste extrêmement faible. Les gains de la
réallocation
ne peuvent donc pas escompter s'accroître à
partir de ce schéma non équilibré entre production et
échanges extérieurs. L'intégration peut au mieux
être neutre, sinon inutile, lorsque aucun des pays ne produit un bien
donné. Dans ce cas la suppression des barrières douanières
entre les pays ne cause aucun changement dans le schéma
du commerce de ce bien ; chaque pays continuant à
importer ce bien de la source la moins chère existante hors de la
zone ». La situation de l'UEMOA semble bien correspondre à
une telle hypothèse. Les pays membres sont
caractérisés par des productions primaires abondantes (produits
agricoles et miniers) et des productions industrielles insuffisantes. Les gains
attendus de l'intégration en matière d'échanges
commerciaux ne sont pas réalisés. Les échanges
extérieurs des Etats membres de l'Union restent orientés
principalement vers les pays du Nord.
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