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De l'être politique au droit à la politique: un essai de compréhension du sens de la politique chez Hannah Arendt

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par Tshis Osibowa Godefroy TALABULU
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachelier en philosophie 2007
  

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II. 3. Le dépassement de Hannah Arendt

H. Arendt s'oppose donc à Platon et sa suite, jusqu'à l'ontologie de Heidegger, qui affirme le primat du bios théôretikos, de la solitude, de la contemplation sur le bios politikos, caractérisé par l'action. Pour elle, ces deux concepts ne doivent pas être hiérarchisés mais plutôt conciliés car il existe une relation intrinsèque d'interdépendance entre les deux. En effet, si la solitude de la pensée constitue un danger, l'action, quant à elle, menace la pensée de l'étouffement. Notre auteur veut poser des nouveaux fondements de la pensée politique. Elle veut tourner l'attitude du philosophe, l'homme de la contemplation, vers le domaine politique. Cela revient à reformuler le rapport entre l'homme en tant que philosophe et l'homme en tant qu'être politique ou encore la relation entre la pensée et l'action. Elle épouse en cela la position de Jaspers quand il dit : « une vue s'imposa à moi : il n'y a pas de philosophie sans politique ni sans effets sur la politique »25(*).

L'ancienne hostilité entre philosophie et politique qui existe depuis que la cité a condamné Socrate à mort, l'ancien conflit entre le bios théôretikos et le bios politikos, doit être surmonté. La pensée et l'action, quand bien même elles sont radicalement différentes, ne doivent plus être considérées en fonction d'une hiérarchie ni à l'exclusion de l'une ou de l'autre. Le retrait de celui qui veut méditer sur l'action ne peut être que partiel et provisoire. L'homme, en aucun cas, ne doit se couper de la pluralité au risque de retomber dans le piège de la solitude. C'est comme écrit Jaspers: « la philosophie doit devenir concrète, pratique, sans perdre un instant de vue ses origines. »26(*) Ou encore Merleau-Ponty : « si philosopher est découvrir le sens premier de l'être, on ne philosophe pas en quittant la situation humaine ; il faut au contraire s'y enfoncer, s'enfoncer dans le sensible, dans le temps, dans l'histoire vers leurs jointures. »27(*)

Ainsi, la solution pour surmonter l'antique dualité de la pensée et de l'action consisterait donc à les placer au même niveau en les liant fermement l'une à l'autre. Partout où l'action et la pensée ne sont pas liées, même s'il s'agit en un certain sens de choses fondamentalement différentes, on a affaire soit à une action sans pensée, soit à une pensée impuissante. Questionnement et pensée de l'action vont ensemble et fonde la pensée politique de H. Arendt. En effet, Le questionnement est à la base de toute réflexion. Arendt s'est livré à cet exercice, le faisant porter sur le rôle de l'homme dans la gestion des affaires de la polis. Qui est cet homme ? Arendt s'oppose aux spéculations métaphysiques de Platon et ses disciples, voire même son l'ontologie de son contemporain Heidegger, qui soutiennent le primat de l'homme contemplatif sur l'homme actif, relativisant ainsi la responsabilité politique de l'homme par rapport son être au monde. Hannah, à la suite d'Aristote, insiste sur l'aspect politique de l'homme qui serait donc le lieu par excellence où celui-ci se manifeste, s'accomplit et s'immortalise bien que mortel. Cet homme est par essence un être politique.

Pour autant que l'animal politique se réalise dans une coexistence avec ses semblables, il est directement un être avec les autres. Il est donc de son droit de penser, de vivre et d'exercer ce lien qui le lie avec les autres, ce lien qui consiste à initier, à commencer et à renaître de nouveau. C'est la politique au sens arendtien. Elle est le lieu d'épiphanie de l'homme dans la mesure où elle a comme raison d'être la liberté. Pour H. Arendt, l'homme ne peut se retirer dans la solitude pour y demeurer ; car son identité, sa réalisation et son accomplissement sont toujours liés à ses semblables. Par ailleurs, H. Arendt recourt aux Anciens pour bien définir le concept de politique, vue sa source intrinsèque dans le réseau de relations humaines. Ainsi, si le sens ou la raison d'être de la politique c'est la liberté, son mode d'actualisation est celle de l'action et de la parole.

Par l'action, les hommes arrivent à transcender l'automatisme et l'habitude pour commencer quelque chose de neuf, pour introduire l'inattendu. Puisque chaque individu est unique au monde ; son agir est une nouveauté qui enrichit le monde de l'action, et le rend ainsi pluriel : monde des co-actions marqué par la diversité et la multiplicité des individus. La praxis se comprend précisément comme le fait de prendre part aux devoirs civiques (que sont les élections, les manifestations politiques, l'expression d'opinions individuelles etc.), mais aussi d'initier d'autres actes civiques imprévus, puisque l'homme a la capacité de créer du neuf. C'est pourquoi l'action est encore définie comme une capacité de commencement, d'un commencement qui révèle l'agent aux autres. Par l'agir, l'homme répond à la question `qui es-tu' que les autres lui posent dès son entrée dans le monde c'est-à-dire sa naissance.

Mais l'action resterait mal comprise, si elle était analysée séparément de la parole. Pour Hannah Arendt, en effet, «l'acte ne prend un sens que par la parole dans laquelle l'agent s'identifie comme acteur, annonçant ce qu'il fait, ce qu'il a fait, ce qu'il veut faire. L'action est inséparable de la parole, la praxis et la lexis sont en liaison nécessaire l'une avec l'autre. La parole dont il est question ici n'est pas bien sûr le monologue, ni la parole dictée, elle est parole échangée qui n'est pas violence ni bavardage. C'est une parole donatrice de sens à l'agent - diseur puisque celui-ci révèle son identité par ce qu'il dit en se prononçant.

Dès lors, la parole se comprend comme la capacité qu'a l'individu humain de dire ce qu'il est et ce qu'il fait aux autres qui l'entendent et le voient. Le rôle spécifique de la parole publique est celui de matérialiser et de rappeler (nommer) les choses neuves que l'action (praxis) a introduites, les choses qui apparaissent ainsi et qui jettent leur éclat dans le monde des hommes. En d'autres termes, la parole aide la mémoire collective à se souvenir des résultats des actes de l'action (praxis).

Nous savons que la nouveauté et l'imprévisibilité introduites, désormais, par l'action suscite nécessairement des réactions de la part des autres, qui ont normalement chacun la même capacité d'initier quelque chose de différent. C'est que le neuf rencontre et suscite d'autres neufs. Il y a ainsi un débat public à plusieurs qui s'ouvre à la suite de l'acte langagier ou de l'action simplement (praxis). C'est à cet échange de paroles et d'actes que Hannah Arendt veut en arriver pour qu'on puisse parler effectivement de l'espace politique et de la participation politique. L'acte muet devient violence arbitraire. La participation par la lexis est donc le fait de prendre part aux débats publics en toute liberté d'expression.

* 25 Jaspers K., Autobiographie intellectuelle, Aubier, Paris, 1963, p.152

* 26 Ibid., p. 22

* 27 Merleau-Ponty, Eloge de la philosophie, Gallimard, Paris, 1989, p. 25

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