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De l'être politique au droit à la politique: un essai de compréhension du sens de la politique chez Hannah Arendt

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par Tshis Osibowa Godefroy TALABULU
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachelier en philosophie 2007
  

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CHAPITRE TROISIEME : LE DROIT A LA POLITIQUE

Le chapitre précédent nous a conduit à conclure avec Hannah Arendt que l'homme est naturellement un animal politique, un être politique dont le plein accomplissement consiste dans son vivre-ensemble, dans un espace public. Ce vivre ensemble est caractérisé par les gestes et les paroles, condition sine qua non pour toute vie politique. Dans ce sens, l'action et la parole constituent l'activité politique par excellence, elles sont une prérogative exclusivement humaine. C'est pourquoi, chaque homme, en tant que tel, est dans la stricte obligation de prendre activement part, d'une manière ou d'une autre, aux affaires politiques de son pays. Il est de son droit de vivre la politique, d'exercer la politique, de penser la politique. Ce chapitre se veut donc une lecture critique de la politique moderne à la lumière de la pensée politique de Hannah Arendt qui fait de la politique un droit de tout citoyen, membre de la cité.

III.1. Redéfinir la politique

Parler de ré-définition suppose, à la base, un oubli ou une remise en question d'une définition préalable. En effet, la politique, aux temps Modernes, avec l'avènement de la société des masses (le totalitarisme dont Arendt a parlé) et de la société économique (ou société de consommation avec Karl Marx, dont Arendt a aussi critiqué l'irruption de l'économie dans la réalité politique...) se trouve biaisé quant à son sens et à son exercice: elle inclut le règne du despotisme ou de la tyrannie excluant une majorité de citoyens de la gestion de la cité ou du monde, tel fut le cas des Juifs d'alors et tel aussi le sort de plusieurs peuples en Afrique qui ne sont pas toujours concernés par les choses qui engagent leur destinée, pendant q'un petit groupe privatise la gestion de l'espace politique.

La politique pourtant pour H. Arendt, est opposée à la domination violente, aux rapports de force, aux secrets d'Etat, à l'ordre militaire de l'intimidation et de la destruction. Elle ne se réduit pas non plus à l'exercice du pouvoir qui ordonne et qui force. Elle n'est pas la gestion étatique des intérêts privés, des intérêts de classes sociales, des difficultés domestiques ni la résolution des conflits sociaux qui peuvent survenir entre ces intérêts, ni les luttes des partis pour arracher le pouvoir et le conserver.

Formulée positivement, la vie politique selon Arendt est à la fois l'institution d'un espace particulier (telle est la leçon romaine de la loi) et la vie des hommes dans cet espace (telle est la leçon grecque de l'Agora homérique et de Solon). Le domaine politique est cet espace institué qui permet aux hommes d'agir et de parler et par là de manifester leur singularité. Il est celui de pluralité humaine qui agit ensemble. Il fait surgir un monde commun où nous débattons de son sens, où nous agissons ensemble, le monde étant, pense H. Arendt,  cela même qui surgit entre les hommes et où tout ce que chacun apporte, par naissance, peut devenir visible et audible, faisant surgir dans le champs de l'histoire, de situations inédites.

La politique est normalement liée au lieu public ou commun où se discutent et se règlent toutes les affaires de la polis. Malheureusement, cette conception véritable de la politique, qui consiste dans un rapport de libertés égales qui se respectent strictement et s'expriment librement dans et par la parole et l'action, n'est plus qu'un antique idéal difficile à atteindre.

Par ailleurs, H. Arendt pense que la politique est avant tout le lieu d'existence de l'homme en tant qu'homme. L'homme, essentiellement "animal politique", ne se retrouve dans son espace réel ou proprement humain que lorsqu'il est dans l'espace politique. Celui-ci est alors l'espace public où les paroles et les actes s'échangent dans un débat ouvert et public entre des personnes libres et égales. Cet espace n'est pas un lieu matériel ou une entité quelconque, mais il advient lorsque les hommes parviennent à la co-action interlocutoire, parce qu'ils sont capables, par droit de naissance, d'agir et de dire une parole en concert.

Puisque l'espace politique est surtout marqué et fondé par l'agir de l'homme parmi les hommes, comprendre la politique devient, dès lors, réfléchir sur l'action en tant qu'activité fondatrice et caractéristique de la politique. Car l'action constitue vraiment l'auto-expression de l'identité de sujet. Par l'action, en effet, ce dernier exprime son originalité en face de ses pairs qui, eux aussi, expriment la leur. Par le fait même, l'ensemble qu'ils forment est un espace politique. « la polis proprement dite n'est pas la cité en sa localisation physique, c'est l'organisation du peuple qui vient de ce que l'on agit et parle ensemble. Le domaine politique naît directement de la communauté d'action, de la mise en commun des paroles et des actes »30(*)

Il en ressort que, pour faire advenir la politique en son vrai sens tel qu'Arendt nous le propose, chaque citoyen doit reconnaître et réclamer son droit et son devoir de prendre l'initiative, d'agir et de dire ce qu'il pense sur la marche ou la direction des affaires communes ou publiques. L'homme, voulant devenir plus humain, est dans l'obligation (en toute liberté) de prendre la parole et de poser des actes en présence de ses égaux. C'est le fait de poser l'acte politique de dire et de l'agir avec les autres et en présence d'eux qui correspond à ce que Hannah Arendt appelle humaniser le monde. C'est ainsi qu'évoquer la politique revient à élucider ses notions corollaires, conditions de possibilité de l'action, dont la liberté, la pluralité, la participation, etc.

III.1.1. Le sens de la politique : la liberté

La conception de la liberté telle qu'elle était comprise et vécue par les « hommes libres » dans l'Antiquité n'est plus la même qu'aujourd'hui. Sans doute la liberté est-elle le concept majeur impliqué à travers l'usage de tous les autres, surtout s'ils concernent la condition sociale de l'humanité : un concept particulièrement difficile, tel le « cercle triangulaire »31(*). Pour les Grecs, la polis était le domaine privilégié de la liberté. Autrement dit, la politique serait impensable sans le concept de liberté : comme l'affirme H. Arendt, « la raison d'être de la politique est la liberté, et son champ d'expérience est l`action ».32(*) En outre, les anciens distinguaient la liberté intérieure de la liberté extérieure ou celle qui était la raison même de la politique.

La « liberté intérieure », est un phénomène tardif dans l'histoire antique. L'ancien esclave Épictète (50-125) ne définit la liberté que comme le renversement des notions politiques courantes à son époque. En effet, « la liberté d'Épictète qui consiste à être libéré de ses propres désirs n'est qu'un renversement des notions politiques courantes de l'antiquité »33(*). On retrouve dans les formules d'Épictète toute l'importance des notions politiques du citoyen athénien, telles que le pouvoir, la domination, et la propriété34(*) . La liberté intérieure serait chose inconnue de l'homme antique, s'il n'avait expérimenté ou s'il n'avait vu pratiquer une liberté plus tangible, la liberté politique propre à l'homme libre.

Dans les temps plus récents assombris par le totalitarisme, la réflexion sur les rapports de la liberté et de la politique est devenue dramatique : ni la coïncidence ni la complémentarité des deux notions ne sont plus d'actualité, pense H. Arendt. Il semble maintenant que la liberté commence là où la politique finit. Antérieurement à cette époque, on remarque que la liberté politique est une possibilité de libération par rapport à la politique effective. Certains auteurs du XVIIème et XVIIIème siècles ont défini la liberté politique comme étant « sécurité ». Les premiers chrétiens furent attentifs à leur liberté politique : d'où la suavitas reconnue par Saint Augustin, alors qu'avant eux les philosophes antiques avaient précédemment reconnu comme mode de vie éminente la vita contemplativa.

Aussi, ce n'est donc pas au liberum arbitrium (libre-arbitre), notion à la fois religieuse et métaphysique, inconnue de l'antiquité classique, que H. Arendt consacre l'essentiel de sa réflexion sur la liberté, mais à la liberté politique et à ce qu'elle appelle un vieux truisme : « la raison d'être de la politique est la liberté et (...) cette liberté est essentiellement expérimentée dans l'action »35(*). Car l'action exige la liberté. H. Arendt présente la théorie de l'action libre comme n'étant dirigée ni par la volonté ni par l'entendement, mais par un « principe » qui est permanent, au-delà de la volonté qui s'épuise ou de la validité parfois limitée d'un jugement de l'entendement. Il s'agit donc d'une liberté inhérente à l'action, « un auxiliaire du faire et de l'agir »36(*). À travers la langue grecque, la liberté s'assimilerait au pouvoir de commencer spontanément une action, un sens qui serait dû au terme Üñ÷åéí pour l'action de commencer ».37(*) C'est par elle que la politique trouve pleinement sa raison d'être car elle révèle le caractère unique de chaque citoyen appelé à se réaliser dans la pluralité.

* 30 Arendt H., Condition de l'homme moderne, Op.cit., p. 223

* 31 Ibid., p. 362.

* 32 Arendt H., La Crise de la culture, Gallimard, Paris, 1972, p. 190

* 33 Ibid., p. 191.

* 34 Ibid., p. 192.

* 35 Ibid., p. 196.

* 36 Ibid., p. 214.

* 37 Ibid., p. 215.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault