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De l'être politique au droit à la politique: un essai de compréhension du sens de la politique chez Hannah Arendt

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par Tshis Osibowa Godefroy TALABULU
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachelier en philosophie 2007
  

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b. le bios politikos

H. Arendt ne partage pas l'unilatéralité platonicienne qui dédaigne la portée essentielle de la dimension politique de l'homme au profit de celle contemplative. Elle se trouve amenée à opérer à la fois une déconstruction et une destruction de bien des structures charriées par l'héritage de la métaphysique depuis Platon. Elle s'appuie ainsi sur les textes préplatoniciens qui témoignent de la manière dont les Grecs évaluaient la vie active avant qu'il ne fût question d'une primauté du bios théôrètikos. Parmi ces textes, elle fait allusion à Homère, Hérodote, Thucydide, etc. Par ailleurs, elle trouve aussi un appui important dans les textes aristotéliciens, pour autant que ceux-ci réagissent aux excès et aux réductions qui accompagnent, chez Platon, la célébration de l'excellence du bios théôrètikos. Cette référence textuelle, comme il en est de la méthode arendtienne, n'a rien d'exclusif car l'attention qu'elle porte aux Anciens s'accompagne toujours d'une vigilance dans l'interrogation de notre époque. Ainsi, elle commence par déconstruire la métaphysique platonicienne, en faisant mémoire des Anciens, avant de finir par un regard posé sur la société contemporaine.

Cela étant, pour définir l'homme, H. Arendt recourt aux Grecs. Elle fait explicitement appel à la Politique et l'Ethique à Nicomaque d'Aristote au début de laquelle celui-ci reconnaît que sa recherche est « en un sens l'étude de la politique ». Or, pour Aristote, ce qui fait la spécificité de l'homme consiste dans le bios politikos.

Il est donc évident que la cité est du nombre des choses qui sont dans la nature, que l'homme est naturellement un animal politique, destiné à vivre en société et que celui qui, par sa nature et non par l'effet de quelque circonstance, ne fait partie d'aucune cité, est une créature dégradée ou supérieure à l'homme. Il mérite, comme dit Homère, le reproche sanglant d'être sans famille, sans lois, sans foyers ; car celui qui a une telle nature est avide de combats et, comme les oiseaux de proie, incapable de se soumettre à aucun joug. On voit d'une manière évidente pourquoi l'homme est un animal sociable à un plus haut degré que les abeilles et tous les animaux qui vivent réunis. La nature, comme nous disons, ne fait rien en vain. Seul, entre les animaux, l'homme a l'usage de la parole; la voix est le signe de la douleur et du plaisir et c'est pour cela qu'elle a été donnée aussi aux autres animaux. Leur organisation va jusqu'à éprouver des sensations de douleur et de plaisir et à se le faire comprendre les uns aux autres ; mais la parole a pour but de faire comprendre ce qui est utile ou nuisible et, par conséquent aussi, ce qui est juste ou injuste.12(*)

L'homme est un animal politique, pense Aristote. Il est fait pour vivre en société et dans une société politique. Seul un Dieu où une bête peuvent vivre seul (et l'homme n'est ni l'un ni l'autre). Encore que certains animaux vivent-ils en société (les abeilles) ou en troupeaux (les moutons) mais aucun n'est animal politique. La nature ne fait rien en vain. Or elle nous a donné le langage, preuve de notre destination à une société de type politique c'est-à-dire où on discute de l'utile et du nuisible, du juste et de l'injuste. La société des hommes n'est pas celle des abeilles. La reine des abeilles ne règne pas. Dans la ruche, il n'y a pas de révolution ni même de lois. Chacun a sa tâche prescrit par l'instinct et ne peut en discuter. La société des hommes, elle, suppose des lois et donc la discussion politique, l'établissement des lois.

Dire que l'homme est un animal politique c'est dire aussi que la politique a une valeur absolue. L'homme est voué à la politique, non au sens où il y est contraint par la force des choses, mais au sens où telle est sa vocation, sa complète réalisation. Par ailleurs, il est aussi et surtout un animal politique dans la mesure où il ne se contente pas d'obéir à un quelconque instinct social, mais doit établir lui-même, grâce à la parole, les lois qui vont organiser la vie de sa cité de la manière la plus juste possible. C'est d'ailleurs pourquoi les sociétés humaines méritent le nom de cité, dans la mesure où bien que naturelles, elles sont aussi le produit de la pensée qui cherche à établir des institutions justes.

Cependant, Aristote fait la différence entre le politique et le social. Quand il dit que l'homme est un zôon politikon, cela revient à dire qu'il est aussi bien social que politique. Le premier adjectif montre que l'homme peut vivre sans organisation politique, mais sa vie est alors d'une qualité inférieure. Ainsi, Aristote, tout en soulignant le caractère non universel de la politique, c'est-à-dire tout en soutenant que les hommes peuvent vivre en dehors du lien politique, affirme le caractère naturel de la politique: la vie politique est inscrite dans l'essence humaine, qu'elle accomplit, réalise complètement; mais le passage de l'homme animal social à l'homme animal politique suppose que certaines conditions soient remplies. Autrement dit, la communauté politique est sans doute la meilleure des communautés: c'est elle qui assure la civilisation.

Il ressort de la définition de l'être humain par Aristote que le bios politikos est celui qui fait la spécificité de l'homme au milieu de tant d'autres animaux, sociaux et grégaires. Le bios politikos a deux dimensions : la praxis, c'est-à-dire l'action et la lexis, pour dire la parole. Ces deux dimensions s'opposent à la force et à la violence. Pour Aristote, l'homme est un Zoon logon ekhon, c'est-à-dire un être vivant capable du langage. Ceci revient à dire, remarque-t-il en jetant un regard social sur sa société, que les esclaves et les barbares par exemple sont exclus de ce monde de la conversation parce qu'incapables de toute parole libre. Ils sont donc aneu logou, muets, parce que absents de la polis. Cette dernière étant le lieu qui garantissait la liberté de parole et l'égalité entre citoyens.

Le domaine privé chez les Grecs représentait en effet une privation de vie authentique : être privé de la réalité qui provient de ce que l'on est vu et entendu par autrui, être privé d'une relation `objective' avec des autres, qui provient de ce qu'on est relié aux autres et séparé d'eux par l'intermédiaire d'un monde d'objets commun, être privé de la possibilité d'accomplir quelque chose de plus permanent que la vie.13(*)

Tout porte à croire que chez les Grecs, l'homme privé n'apparaissait pas, voire n'existait pas dans la mesure où la présence des autres lui fait défaut. « Si le domaine privé était celui de l'inauthenticité de vie, le public désignait tout ce qui peut être vu et entendu de tous »14(*). C'est le monde qui nous est commun, comme dit Arendt, « lié aux productions humaines, aux objets fabriqués de main d'homme et aux relations entre les habitants ».15(*) C'était donc tout ce qui ne devrait être confondu avec la terre ou la nature. L'homme n'est donc défini qu'à partir de ce monde, la polis.

* 12 Aristote, Politique, Livre I, Chap. 2, § 6.

* 13 Arendt H., Condition de l'homme moderne, op.cit, p.99

* 14 Ibid., p. 89

* 15 Ibid., p.92

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