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La problématique de la mise en oeuvre du DSRP par les collectivités locales au Bénin

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par Laurence Herédia et Cica Mathilda DADJO
Université d'Anvers - Master en gouvernance et développement 2004
  

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Chapitre 3

CH 3 L'ORGANISATION INSTITUTIONNELLE DE LA DECENTRALISATION AU BENIN.

Au Bénin, bien que la lutte contre la pauvreté ne soit pas expressément mentionnée comme objectif de la décentralisation, les communes et municipalités de par leurs compétences sont placées au c ur de cette lutte. Ce role dans la lutte contre la pauvreté a été renforcé par la place réservée aux collectivités décentralisées dans le mécanisme de mise en uvre du DSRP.

Mais pour que ces collectivités puissent effectivement être des instruments de lutte contre la pauvreté, il faut que l'organisation institutionnelle de la décentralisation leur en donne les moyens nécessaires. En nous référant au chapitre préliminaire, nous pouvons affirmer a cet effet que la lutte contre la pauvreté par les collectivités locales dépend du processus et de l'autonomie de prise de décision au niveau des structures locales de décision. Mais les collectivités territoriales doivent également disposer d'une autonomie financière suffisante et être traitées en fonction de leurs capacités qui peuvent varier d'une commune a une autre. Un autre élément important pour assurer l'efficacité des collectivités locales est la qualité des ressources humaines dont ils disposent. Cette épineuse question sera abordée avec plus de détails dans le chapitre consacré a l'évaluation des capacités institutionnelles.

3.1 LE PROCESSUS DE PRISE DE DECISION AU NIVEAU LOCAL

L'importance du processus de prise de décision dans la lutte contre la pauvreté relève du fait que le succès et la pertinence des actions dépendent de leur ancrage dans les réalités locales et la prise en compte des perceptions et besoins des populations concernées. Pour cela, il faut une participation des citoyens a la prise de décision au niveau des collectivités. L'endogénéité des actions de lutte contre la pauvreté ne peut être en effet garantie que par une participation effective des populations a la prise de décision.

Par ailleurs, les collectivités locales doivent disposer de l'autonomie décisionnelle nécessaire pour traduire en plan d'action la volonté de leurs citoyens.

3.1.1 La participation des citoyens au processus de prise de decision.

Au Bénin, la participation des populations a la prise de décision se fait grace au système d'élection de leurs représentants au niveau des conseils locaux. Ces derniers sont censés traduire pendant les conseils, les désirs et besoins des populations qu'ils représentent.

Mais encore faut-il que les élus locaux et les fonctionnaires des administrations locales soient responsables et comptables de leurs actions devant la population.

3.1.1.1 Le système de rep résentation au niveau local.

La décentralisation vise la création d'un cadre d'exercice de la démocratie a la base et la promotion d'une véritable citoyenneté a travers un rapprochement des organes de décision de la base qui désigne ses représentants par des élections (PNUD, 2003 b: 108). Le rapprochement du citoyen au Bénin est organisé en trois échelons : le niveau départemental, le niveau communal et le niveau infra communal.

Au niveau départemental, le conseil de concertation et de coordination est compétent pour délibérer sur les questions principales de développement telles que le schéma directeur d'aménagement territorial, les projets de développement etc. Ce conseil a a sa tête le préfet représentant de l'Etat et regroupe les maires des communes, leurs adjoints, et des représentants de diverses catégories socio professionnelles5. Ces trois représentants sont tous élus dans leurs structures respectives et constituent avec les maires un échantillon assez représentatif de la population. Mais en réalité, le conseil départemental de concertation et de coordination (CDCC) demeure un simple organe de consultation car ses décisions n'engagent point le préfet. Tous les pouvoirs au niveau départemental demeurent donc concentrés dans les mains du préfet dont les compétences n'ont de limite que celles prévues par la loi6.

Au niveau communal, l'organe délibérant est le conseil communal ; celui-ci est composé de membres élus dont le nombre varie suivant l'importance de la population de la commune. C'est ce conseil qui élit en son sein le Maire, chef de l'exécutif de la commune.

5 Un représentant de l'union départementale des producteurs, un représentant de la chambre consulaire départementale et un représentant de la fédération départementale des associations des parents d'élèves.

6~rticles 16 a 20 de la loi 97-028 portant organisation du 15 janvier 1999.

La commune est divisée en circonscriptions administratives locales placées sous l'autorité de la mairie. Il s'agit des arrondissements, eux-mémes subdivisés en quartiers de ville ou en villages selon que l'on soit en milieu urbain ou rural. Leurs organes délibérants sont respectivement le conseil d'arrondissement et le conseil de quartier ou de village dont les membres sont également élus et désignés démocratiquement. Ces conseils jouent un role consultatif et font des propositions sur toutes les affaires concernant leur territoire, en particulier sur les questions relatives au développement et a la bonne administration de leurs entités.

Il existe donc un système de représentation qui permet la participation des citoyens a travers leur implication dans le choix de leurs dirigeants surtout au niveau communal. Toutefois, le système de désignation des membres de ces conseils comporte encore de graves insuffisances tant au niveau de la représentativité des différentes couches de la population, de la société civile que de l'approche genre. Dans le rapport 2003 sur le développement humain au Bénin il est constaté que:

F Le mode des élections comporte encore des lacunes profondes en ce sens qu'il ne favorise pas l'émergence par la voie des urnes d'une représentativité effective et équitable de toutes les couches de la population . Il ne permet pas non plus la promotion des leaders d'opinion, des intellectuels communautaires, des personnes ressources locales bien avisées des questions de développement.

On peut constater notamment que le niveau de la représentativité de la société civile est encore faible. Seul le Conseil départemental de concertation et de coordination compte trois représentants de la société civile. Au niveau de l'arrondissement, du village ou du quartier de ville qui constituent les unités de base pour l'organisation de la vie communautaire, aucune représentation de la société civile n'est prévue par la loi; ce qui peut émousser la participation dynamique des communautés existantes qui ont déjà capitalisé une certaine expérience en matière de développement local (PNUD, 2003b: 108-109).

Par ailleurs, une analyse approfondie des compétences, du mode de fonctionnement et de prise de décision au niveau des organismes infra communaux révèle que leur caractère d'organes propre a la gestion décentralisée n'est qu'une apparence. Elles ne sont en réalité que des relais administratifs des conseils communaux ou municipaux et fonctionnent comme des structures d'administration locale déconcentrées (LALEYE, 2003 : 89).

Le système de décentralisation au Bénin comporte encore de forts relents centralisateurs qui ne permettent pas encore une participation effective de toute la population a la prise de décision. Et ce, malgré l'organisation d'élections pour la désignation des représentants locaux. Ceci risque de conduire a une capture du processus de décision par une élite locale.

3.1.1.2 Responsabilité et comptabilité.

Pour que le système de représentation permette la prise en compte effective des besoins des populations, il faut également que les élus locaux et les fonctionnaires des administrations locales rendent compte de leurs actions devant la population. De même la population doit disposer d'un moyen de sanction des élus locaux qui n'auraient pas bien défendu leur cause.

Le vote démocratique semble le seul moyen dont disposent les populations pour sanctionner leurs élus locaux en cas de défaillance. Ces derniers sont liés par les engagements pris envers leur électorat et se doivent donc de respecter les choix dictés par les besoins des populations et de promouvoir des programmes en leur faveur.

Mais encore faut-il que les populations soient informées sur les principaux aspects de l'administration de la collectivité afin de pouvoir juger les actions de leurs représentants. Au Bénin, le principe de la transparence dans la gestion de la collectivité contient une obligation légale d'information des citoyens sur les activités de la commune7.

Théoriquement, les dispositions légales garantissent donc la disponibilité et l'accessibilité pour tous des informations sur la gestion de la commune. Mais dans la pratique, l'effectivité de ce principe n'est pas assurée quand on sait que la majorité de la population béninoise est analphabète et que la langue officielle de travail est le français.

Quant a la responsabilisation et a l'imputabilité des actes des élus locaux et des fonctionnaires communaux, elles ne peuvent être effectives que si les citoyens disposent de moyens de recours et de mise en accusation de leurs élus locaux. A cet

7 La loi prévoit l'ouverture au public des délibérations et actes des conseils communaux ainsi que la publication des documents budgétaires par l'autorité de tutelle. Il en est de même des conseils d'arrondissement, de village et de quartier de ville dont les réunions doivent se tenir en lieux publics. De plus, tous les actes communaux peuvent être consultés sur place et tout citoyen dispose du droit d'en faire copie. Article 34 de la loi 97029 du 15 janvier 1999.

effet, les textes sur la décentralisation prévoient le recours des citoyens devant l'autorité de tutelle pour inexécution par l'autorité locale des tâches qui lui sont dévolues8. Tout citoyen ayant subit un préjudice du fait de la commune ou de ses agents peut également ester en justice contre elle. Mais encore faut-il que le citoyen ordinaire soit parfaitement au courant de la délimitation des compétences entre l'Etat et les communes afin de pouvoir situer les responsabilités et agir en conséquence.

De plus, la justice paraIt particulièrement inaccessible aux couches les plus pauvres, les moins éduquées et les plus illettrées de la population qui ignorent largement leurs droits et ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour les défendre.

3.1.2 L'autonomie décisionnelle.

Afin de traduire en actes et en programmes la satisfaction des besoins exprimés par leurs populations, les communes doivent disposer d'une autonomie décisionnelle suffisante. L'étendue de cette autonomie dépend de la délimitation des compétences entre les collectivités locales et l'Etat central mais également de l'organisation de la tutelle.

3.1.2.1 La délimitation des compétences.

La loi reconnaIt a la commune deux types de compétences; des compétences qui lui sont propres en tant que collectivité territoriale et des compétences qui lui sont déléguées par l'Etat.

Toutefois, elle ne précise pas clairement les limites des compétences dans ces domaines par rapport a celles de l'Etat. Les dispositions législatives stipulent juste que la commune exerce toutes ces compétences aux stratégies sectorielles, réglementaires et normes nationales en vigueur. Il en résulte une imprécision quant a la délimitation des compétences entre les communes et l'Etat.

De méme, il est très difficile a la lecture des dispositions législatives de discerner les compétences qui sont propres a la commune, celles qu'elle partage avec l'Etat et celles qui lui sont déléguées par l'Etat. Ainsi, les domaines énumérés par le programme pour le développement municipal comme faisant objet de répartition de compétences entre les collectivités locales et l'Etat (PDM, 2000 :5), sont considérés comme domaines de compétence propre des communes par le PNUD (PNUD, 2001 :32).

8~~ticle 161 et 162 loi O 97-029 du 15 janvier 1999.

Face aux diverses interprétations auxquelles donne lieu ce flou juridique, le dernier rapport du PNUD sur le développement humain après avoir constaté le fait s'est juste contenté d'énumérer les principaux domaines dans lesquels les collectivités territoriales ont des pouvoirs (PNUD, 2003b: 106).

Cette absence de classification peut empiéter sérieusement sur l'autonomie décisionnelle des collectivités décentralisées. D'autant plus que le Bénin a une longue tradition de centralisme qui rend les fonctionnaires réticents a tout transfert de pouvoir vers le bas. Ce qui risque d'être favorable aux responsables de l'administration centrale dans leurs stratégies pour limiter dans les faits l'autonomie des collectivités locales (NACH MBACK, 2003 : 424).

3.1.2.2 L'organisation de la tutelle.

La tutelle administrative sert a maintenir l'unité et la cohésion nationales, il s'agit d'un contrôle administratif exercé par l'autorité centrale sur les actes des collectivités décentralisées. Au Bénin, l'autorité de tutelle des collectivités locales est le chef des services déconcentrés du territoire dont relève la commune : le Préfet. La tutelle sur les communes est assurée par les chefs des 12 circonscriptions administratives et départementales du pays.

Le pouvoir de tutelle sur la commune comporte trois principales fonctions. Elle consiste d'abord pour l'Etat a porter assistance aux communes, a soutenir leurs actions et a veiller a l'harmonisation de leurs actions avec celles de l'Etat. Elle consiste également au contrôle de légalité des actes pris par les responsables communaux que sont le conseil communal et le maire. Enfin, l'autorité de tutelle exerce un contrôle sur le budget de la commune. Le contrôle de tutelle s'exerce par approbation, par annulation ou par substitution de la décision des autorités communales. La législation a établi une liste exhaustive des matières dans lesquelles les décisions des autorités locales ne peuvent entrer en vigueur qu'après approbation du Préfet (voir annexe 4).

Les matières dans lesquelles l'exercice des compétences des collectivités locales est soumis a un contrôle administratif a priori couvrent l'essentiel des transferts de pouvoir dont bénéficient les collectivités locales, puisque les questions budgétaires, fiscales, de services urbains et de gestion du personnel sont au c)ur même de l'autonomie locale (NACH MBACK, 2003 : 426).

Il existe ainsi très peu de matières sur lesquelles les décisions des autorités locales sont exécutées de plein droit. Mais ces délibérations doivent également être transmises a

l'autorité de tutelle et ne deviendront exécutoires que 15 jours après leur transmission, délai qui est réduit a 8 jours en cas d'urgence déclarée. L'autorité de tutelle dispose également d'un pouvoir d'inspection des services de la commune et peut prononcer la suspension du conseil communal.

L'étendue de la tutelle administrative compromet ainsi l'autonomie locale et ralentit les actions des collectivités locales. La plupart des décisions sont encore placées sous le contrôle des autorités centrales, ce qui confine les collectivités décentralisées dans une grande dépendance administrative.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein