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Recomposition des rapports ville - campagne en Ile de France: exemple de la zone maraichère de Cergy

( Télécharger le fichier original )
par Ibrahim HESSAS
Université Paris X (nanterre) - Master I Géographie et améngement (mondialisation et dynamiques rurales comparées) 2006
  

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Deuxième partie :

La zone maraîchère de Cergy : un espace agricole urbain.

Au fil de l'histoire, les orientations de l'aménagement du territoire régional en Ile de France ont produit le maintien d'un certain nombre d'espaces agricoles disposés en îlots à l'intérieure de l'agglomération qui demeurent gérés par l'agriculture bien qu'ils soient entièrement enclavés par l'urbanisation. Si l'absence de données chiffrables sur le nombre de sites et les surfaces agricoles concernées, on peut néanmoins estimer qu'ils se localisent pour leur majorité dans le périmètre de la ceinture verte. Tandis que certains de ces espaces sont aujourd'hui sérieusement menacés par l'urbanisation, d'autres jouissent au contraire du privilège d'être maintenus agricoles au moins jusqu'en 2015 dans le SDRIF de 1994, puis par des schémas d'aménagements locaux (schémas directeurs, PLU), dès lors, il devient intéressant d'analyser le fonctionnement de ce types d'espaces réservés pour l'agriculture dans les milieux urbains, ainsi que l'organisation de cette activité en rapport avec sa localisation urbaine.

La zone maraîchère de Cergy illustre un exemple parmi d'autres de ce type d'espaces agricoles urbains, c'est un terrain d'environ 80 ha de superficie localisé sur le périmètre de la commune de Cergy au centre de l'agglomération de Cergy Pontoise (Nord Ouest de l'agglomération parisienne). Le site qui occupe l'une des boucles de l'Oise, apparaît sous forme d'une « banane » avec un côté convexe (Sud) limité par ce cours d'eau et un côté concave (Nord) limité, pour sa majeure partie, par le bois de Cergy.

Par sa localisation géographique particulière, cette zone conjugue plusieurs aspects propres à l'aménagement régional de l'Ile de France ; l'extension de l'agglomération parisienne en « doigts de gants » suivant les fonds de vallées et son impact sur les orientations décidées aux différents schémas directeurs qui se sont succéder en vue de la contenir, l'émergence de la préoccupation environnementale ainsi que l'apparition des nouvelles attentes de la société vis-à-vis de l'agriculture, sont autant d'événements qui ont marqué la zone maraîchère de Cergy.

Le positionnement de cette zone au centre géographique de l'agglomération de Cergy Pontoise échappe à la localisation habituelle d'un quelconque territoire périurbain se situant plutôt aux alentours des espaces urbanisés d'une façon extérieure à un centre d'agglomération le plus souvent bâti. Il s'agit là de la particularité de cet espace périurbain que l'on pourrait qualifier d'urbain par sa situation et qui, comme beaucoup d'espaces ouverts de la ceinture verte, continu d'être géré par une agriculture maraîchère témoin des vestiges d'une ceinture

Echelle : 1/100000 Source : I HESSAS. 2006.

Menucourt Vauréal

Figure 02 : La zone maraîchère de Cergy : un espace agricole urbain.

Cergy

Courdimanche Saint-Ouen-

L 'Aumône

Boisement Eragny-

Jouy- Neuville - Sur- Oise

Le Moutier Sur - Oise

Puiseux - Pontoise

Osny

Pontoise

78 93

92 94

91

Agglomération de Cergy Pontoise

95

77

maraîchère qui jusqu'au milieu du 20ème siècle alimentait encore le marché parisien en divers produits agricoles (Phlipponneau, 1956). En comparaison avec cette agriculture en ceinture maraîchère qui - à son époque - était urbaine puisqu'en échange de l'approvisionnement de Paris, elle recyclait les déchets urbains de cette ville (Donadieu et Fleury, 1997), la localisation urbaine de l'agriculture de la zone maraîchère au sein de l'agglomération de Cergy Pontoise ne lui suffit pas pour devenir pleinement une activité urbaine c'est-à-dire jouir de relations fonctionnelles avec la ville qui l'entoure ; aujourd'hui encore d'autres facteurs freinent l'intégration de cette activité dans les projets urbains de la ville.

La ville nouvelle de Cergy Pontoise dont la création sur des champs agricoles a été marquée par des expulsions d'agriculteurs ayant abouti à leur exclusion du projet urbain de départ, est aujourd'hui amenée à redéfinir la place de l'agriculture sur son territoire pour accéder à un développement cohérent qui associe développement socioéconomique et cadre de vie : l'agriculture pourrait ainsi retrouver sa place en ville à travers sa capacité à jouer d'autres rôles plus bénéfiques pour l'agglomération que celui de son approvisionnement en denrées alimentaires désormais assuré par la grande distribution.

Par ailleurs, rattrapée par son histoire, cette zone illustre la difficulté, voire l'impossibilité, du dialogue ville - agriculture si les agriculteurs eux-mêmes n'ont pas été préalablement associés au projet urbain qui, même lorsqu'il parvient à concrétiser ses objectifs souhaités en terme de population, d'emplois et d'infrastructures, n'obtient que peu ou pas l'adhésion des agriculteurs : quarante ans après, la ville nouvelle demeure ce projet qui leur a été imposé et qui a été mené sans leur consentement ; les agriculteurs continuent de la considérer en inadéquation avec leurs préoccupations, même s'ils ne la voient plus comme une menace pour leur activité.

1. Une position particulière : au centre de la ville nouvelle de Cergy Pontoise.

On ne peut comprendre le fonctionnement de la zone maraîchère si l'on ne tient pas compte de son histoire et des circonstances qui l'ont conduit à son positionnement actuel au centre de l'agglomération de Cergy Pontoise. Comme tous les espaces agricoles de l'agglomération cergypontaine, la zone maraîchère est antérieure à la ville nouvelle. C'est cette création urbaine « de toutes pièces » qui lui a procuré son positionnement particulier « au centre de l'espace urbain de l'agglomération ».

Photo 01 : Le site de la ville nouvelle avant l'urbanisation (non datée).

Limite de la zone maraîchère

Source : vue aérienne réalisée par Alain Perceval N° 3450/ IAURIF N° 4374

Figure 03 : Le centre de la ville nouvelle de Cergy Pontoise en 1999.

Boisement Jouy-Le-Moutier

Courdimanche

Puiseux Pontoise

Vauréal

Cergy

Osny

Neuville- Sur- Oise

Pontoise

Source : IAURIF, 2005.

Entre la ville nouvelle et l'espace agricole de Cergy une histoire douloureuse marquée par l'expropriation et l'expulsion des agriculteurs qui occupaient le site ; de vives tensions ont ainsi longtemps opposé agriculteurs et artisans de cette ville convaincus de la pertinence de leur choix et déterminés à mettre en oeuvre leurs plans au non de l'aménagement de la région parisienne.

C'est en 1965 que la volonté d'étendre l'agglomération parisienne en villes nouvelles a été adoptée et concrétisée par le SDAURP. Dès son arrivée à la tête du district de Paris, Paul Delouvrier avec l'aval du Général De Gaule a précipité la révision du PADOG qui gérait jusqu'alors l'extension de l'agglomération parisienne. Cette révision a été justifiée par l'inadéquation de la restructuration de l'agglomération parisienne autour des « points forts » de sa banlieue (que propose ce schéma) avec la volonté de répondre aux besoins criants en logements et en équipements provoqués par la croissance parisienne : Delouvrier estimait que la limitation foncière du PADOG est trop ardue pour dégager en temps voulu l'espace constructible exigé par la croissance démographique, et que le périmètre d'agglomération imposé céderait sous la pression de celle - ci ; il a donc opté pour une extension urbaine discontinue en « terrains neufs », polarisée par des « villes nouvelles » voisines de l'agglomération, mais séparées de celle - ci.

Pour choisir ces sites, deux contraintes ont orienté l'équipe de Delouvrier : d'une part la surestimation de la croissance démographique de la population régionale lors des projections faites pour l'an 2000 ; et d'autre part, la présence d'axes tangentiels favorables à l'urbanisation de part et d'autre de Paris et qui reprenaient les infrastructures déjà mises en place. La première contrainte, qui a abouti à l'exclusion des vallées jugées trop étroites pour contenir le surplus de la population13, a justifié l'orientation des constructions et des infrastructures vers des endroits les plus loin des vallées à chaque fois que cela est possible,

La décision de placer ces villes sur des terrains vierges de toute urbanisation a suscité, pour l'AFTRP, d'importants achats fonciers dans le but de constituer l'assiette propre à chacune des villes. Ces achats n'ont pas toujours été faciles à mener, ils ont été accompagnés par de nombreuses difficultés dictées le plus souvent par l'état de la propriété foncière, avec une importance relativement variables selon le site concerné ; ainsi, contrairement au foncier de la ville nouvelle d'Evry (appartenant à quatre propriétaires) ou celui des grandes exploitations céréalières de Trappes, la domination de la petite et moyenne exploitation

13 - Paul Delouvrier a confirmé qu'il serait peut être tenté par les vallées si les chiffres qui lui ont été fournis sur l'accroissement démographique de la région parisienne été moins élevés.

maraîchère a rendu les acquisitions plus difficiles à mener sur le site de Cergy Pontoise (Scherrer, 1989).

D'après le témoignage de Bernard Hirsch (alors chargé des études de la ville nouvelle de Cergy Pontoise en 1965), le périmètre retenu englobe un total de 10000 ha dont près de la moitié ont été acquis. Le terrain est extrêmement morcelé et comporte plus de 3000 parcelles avec de petites propriétés tenues par plusieurs centaines de propriétaires. Environs 40 cultivateurs pratiquent des cultures de plein champ sur des exploitations de 15 ha en moyenne avec des systèmes de vente sur les marchés de la banlieue parisienne ; la proximité de Paris est donc un élément important de l'équilibre économique des exploitations : la reconversion des agriculteurs évincés devra se faire à proximité.

En règle générale, les exploitants ne possèdent pas les terres qu'ils cultivent, ils les louent soit à des membres de la famille, soit à d'autres propriétaires. Ceux-ci tirent de très faibles revenus du fermage (quelques quintaux de blé à l'hectare) et les organisations agricoles s'entendent pour éviter toute revalorisation.

L'expropriation qui est une aubaine pour les propriétaires leur permettant de mobiliser leur capital pour l'investir dans des conditions plus avantageuses, est une perturbation parfois catastrophique pour les cultivateurs décidés de continuer leur activité ; pour ces derniers, une reconversion sur d'autres terrains est nécessaire. A cause de l'inclinaison des terrains vers le Nord, les 500 ha acquis et aménagés par la caisse des dépôts au Perchay (15 Km en direction de Rouen) ont été refusés par les agriculteurs (le sol gèle en hiver et les récoltes sont tardives en été), ces derniers ont choisi de rester à Cergy qui bénéficie de situation unique pour les cultures maraîchères (le versant est exposé au Sud, le sol est sableux et ne retient pas l'eau) : le bras de fer avec les responsables de la construction de la ville nouvelle est déclanché.

A plusieurs reprises, les exploitants ont menacé de sortir leurs fusils comme en 1967 lorsqu'ils ont décidé de bloquer le chantier de la préfecture en réclamant 250 ha (la moitié de Cergy). Après plusieurs négociations et arbitrage de la justice, 160 ha ont été sauvegardés pour le reclassement des agriculteurs. L'Etat s'est engagé à débloquer les crédits nécessaires pour financer les travaux d'irrigation, et les agriculteurs ont reçus une indemnité d'éviction de 2,7 francs/m² avec une somme supplémentaire de 400000 francs pour les exploitations de petite taille. En définitive, les quarante familles d'agriculteurs ont partagé plus d'un milliard d'anciens francs comme réparation du préjudice subi dans leurs exploitations sans compter les indemnités beaucoup plus substantielles versées pour le paiement des terrains (Hirsch, 1990)14

14 - Bernard Hirsch fut aussi le premier directeur de l'Etablissement public d'aménagement de la ville nouvelle, son témoignage est publié par la presse des ponts et chaussées en 1990.

C'est donc avec la création de la ville nouvelle de Cergy Pontoise que l'affectation définitive de la zone maraîchère pour l'agriculture a été officiellement décidée. Au départ, cet espace été réservée pour faire une plaine de jeux aux futurs habitants de la ville nouvelle, les aménageurs l'ont cédé par la suite à l'agriculture car il leur a permis de reclasser 20 exploitants. La zone maraîchère doit ainsi sa survie à la ville nouvelle de Cergy Pontoise qui, en se construisant sur la pleine de Cergy, l'a volontairement contourné. Edifiée en « fer à cheval » autour d'anciennes sablières devenues « les étangs », cette ville s'est ensuite retrouvée contenant un coeur vert sans que cela soit parmi ses objectifs15.

Cette position centrale de la zone maraîchère est particulièrement intéressante puisque elle échappe au traditionnel schéma d'un étalement urbain des villes qui veut que le centre ville soit urbanisé et que la ville s'étende ensuite sur sa campagne avoisinante; alors que ce fut le cas à l'échelle régionale où la ceinture maraîchère décrite par Michel Phlipponneau dans les années 1950 s'efface progressivement devant l'avancée urbaine de la ville de Paris sur sa banlieue d'une façon centrifuge, on constate à l'échelle de la ville nouvelle de Cergy Pontoise (qui est entièrement contenue dans l'agglomération parisienne) un processus inverse de cet expansion urbaine autours de la zone maraîchère de Cergy : l'espace bâti s'est étalé en entourant la zone maraîchère d'une façon centripète ; aujourd'hui encore la partie centrale de l'agglomération cergypontaine demeure non bâti.

Ce positionnement d'espace agricole en « coeur vert » entouré d'espaces bâtis n'est cependant pas propre à la zone maraîchère dans la ville nouvelle de Cergy Pontoise, à une échelle d'observation plus importante, la Randstad (Pays-Bas) présente une organisation spatiale similaire. Il s'agit néanmoins d'un projet planifié à l'échelle de la région qui reprend le concept de la ceinture verte francilienne avec une forme inversée (IAURIF, 1995).

Afin de maintenir sa vocation agricole, la zone maraîchère a suscité des aménagements particuliers. Les terrains ont été relevés avec l'installation d'un réseau de drainage sur 7 ha, une mise en place d'un réseau d'irrigation ce qui a permis une restructuration parcellaire.

Pour les travaux hydrauliques, dont le coût s'est élevé à 800000 F, les agriculteurs ont bénéficié d'une subvention du ministère de l'agriculture de plus de 50%.

Par ailleurs, les propriétaires fonciers se sont associés afin de gérer les aménagements de la zone agricole. Ils ont assuré plusieurs actions :


· Création des voieries dont l'entretien est à la charge de la commune,

15 - Deux propositions ont été avancées lors de la création de la ville nouvelle de Cergy Pontoise, la première en forme plus linéaire étirée vers le nord en pénétrant dans le Vexin, et la deuxième en forme moins linéaire que les aménageurs de l'époque appelaient en fer à cheval et qui est finalement retenue.

· Maîtrise d'oeuvre du réseau d'irrigation,

· Participation à la mise en place des clôtures du côté du bois de Cergy.

Le financement leur provient de plusieurs sources : Indemnités d'expropriation pour les terrains agricoles, indemnités de la SNCF pour son emprise (ligne du RER), subventions du ministère de l'agriculture (pour le réseau d'irrigation). Pour le reste, les propriétaires ont souscrit des emprunts, dont les remboursements rentrent dans les charges fixes de l'exploitation.

Entre 1975 et 1980, la SAFER a intervenu pour acquérir et aménager un lotissement agricole de 7,5 ha partagé en 12 lots de 5000 à 7000 m² sur lesquels 5 jeunes agriculteurs se sont installés16. Occupé à l'origine par la vigne, le secteur en question a accueilli par la suite plusieurs carrières de sable. Quand elles se sont arrêtées, elles ont laissé beaucoup de trous qui servaient souvent de décharges provoquant des nuisances aux agriculteurs voisins. Ces derniers ont demandé à la SAFER d'acquérir et d'aménager cet espace pour l'agriculture.

Les travaux effectués qui ont permis de viabiliser ce secteur dégradé par les exploitations de carrières, ont consisté en un déboisement, un nivellement avec apport de terre pour l'implantation des serres froides, un équipement en eau et électricité et la pose de clôtures à cause de la proximité du bois de Cergy (IAURIF, 1992)

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus