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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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I.2. Contenu

L'une des notions fondamentales que sous-tend tend la critique adressée aux purificateurs dans le traité est la notion de cause107(*). Beaucoup d'écrits médicaux attestent d'une réflexion sur la nature de la causalité. On voit l'importance des critiques concernant les croyance traditionnelles en revenant sur des arguments utilisées par l'auteur de Maladie sacrée contre ses adversaires. Si on prescrivait certaines choses, on était en contradiction avec l'idée que la maladie provenait des dieux. Pour l'auteur, c'est ce qui était régulièrement associé à la maladie qui devait être tenu pour responsable108(*). Certes, les purificateurs pourraient dire qu'une cause divine s'ajoute aux causes physiques. Néanmoins, plus on établit des liens visibles et réguliers entre causes et effets physiques, plus il est facile au médecin qui juge bon de soutenir qu'il n'est pas nécessaire ni justifié de faire appel à d'autres facteurs pour expliquer les maladies109(*).

Bien que le titre ne rappelle que la première partie du traité, celui-ci en compte deux 110(*). Selon G.E.R. Lloyd111(*), le but du traité serait de démontrer que la maladie dite sacrée n'était pas plus sacrée que les autres, de dénoncer ceux qui prétendaient la guérir par des purifications, des charmes. Contrairement à Hippocrate, les croyances magico-religieuses considéraient que l'apparition d'une crise était liée à la possession du corps de l'être humain par un dieu112(*). Puis, il montre que le cerveau est le siège de la pensée et que l'épilepsie lui est due113(*). L'étude qui suit s'attachera donc à respecter cette division du texte. On verra dans un premier temps la critique que fait l'auteur de ceux qu'ils considèrent comme des « charlatans » et qui concerne le chapitre un de la traduction d'Emile Littré, puis l'exposé des causes qui, selon lui, sont à l'origine de la maladie. On reprend, pour la première partie, l'analyse faite par Jacques Jouanna, dans son ouvrage consacré à la maladie sacrée114(*).

L'idée de base du traité est que la maladie dite sacrée n'est pas différente des autres et donc pas plus sacrée. Comme les autres, ses causes sont d'origines naturelles. On retrouve cette affirmation aux grandes articulations du traité, notamment entre la partie polémique et la partie positive au chapitre deux de l'édition de Jacques Jouanna :

« Quant à la maladie dont il s'agit ici, elle ne me paraît pas plus divine que le reste, mais elle a la nature qu'ont les autres maladies, et la cause dont chacune dérive. »

L'auteur voit deux raisons expliquant le caractère divin de la maladie, l'incompétence et l'étonnement.

S'ensuit un développement sur l'incompétence de ses adversaires qu'il accuse de tromperie, d'imposture, d'incohérence et d'impiété. Il critique tous les purificateurs et toutes les conceptions attribuant la maladie sacrée ou d'autres à une intervention divine qui concéderait aux purifications rituelles une influence quelconque sur les phénomènes naturels115(*). Sont ainsi mis en cause tous les praticiens et toutes les croyances en général. La divinité de la maladie, selon l'auteur, est un moyen de cacher leur ignorance. Par conséquent, ils prescrivent un traitement en rapport avec le divin (purification, incantation, interdit alimentaire et vestimentaire). Si le malade guérit, alors le mérite leur en revient, si tel n'est pas le cas, c'était le souhait de la divinité et l'on ne peut rien faire. L'examen critique de cette thérapeutique par les interdictions et les purifications conduit l'auteur à contester le bien-fondé de l'une de leurs interdictions. En effet, il est nécessaire de se tenir éloigné des chèvres, animaux considérés comme épileptiques. Toutefois, les libyens de l'intérieur sont en bonne santé alors qu'ils sont en contact avec des chèvres. Il met également leur action en contradiction avec leur parole : si l'on met en place des interdictions de type alimentaire, cela signifie que la maladie est causée par le régime, non par la divinité. Ainsi, les purifications sont inutiles. Même les purifications prescrites à cause du caractère sacré de la maladie se révèlent n'être que des pratiques humaines car si les purifications écartent le mal par transfert, rien n'empêche que l'on puisse le provoquer.

A ce moment, on assiste à un élargissement de la polémique. Certes la critique de l'origine divine demeure mais on bascule vers une critique de la conception du divin car les pratiques magiques reviennent à vouloir soumettre la puissance du divin et par conséquent il devient possible de les accuser d'impiété.

La fin de la polémique porte sur la thérapeutique par les purifications dont l'auteur montre le caractère impie. En effet, les purifications sont inappropriées car elles prétendent nettoyer une souillure. Or, il n'y a rien de plus sacrée que la divinité.

Dans la seconde partie du traité, l'auteur nous donne son point de vue sur la maladie, qu'il considère comme supérieur à celui des guérisseurs Toutefois, force est de constater que son explication est tout aussi surprenante. En effet, les vents seraient à l'origine des crises, et sa façon de guérir l'épilepsie ne semble pas plus soulager les malades que les remèdes des guérisseurs116(*). Toutefois, l'auteur, et c'est ce qui le différencie des guérisseurs, fit un effort pour fournir des données observables. C'est certainement l'une des raisons qui lui fait vouloir pratiquer l'autopsie, idée exceptionnelle dans l'Antiquité. Sans doute ne l'a-t-il jamais pratiquée mais il est intéressant de voir ce qu'il omet et ce qu'il inclut dans le but d'établir que la maladie était due à des causes naturelles. Toutefois, il ne pensa pas vérifier la description des veines, description qui aurait pu être vérifiée par l'observation. Ce texte montre que l'auteur a pensé à étayer ses théories en faisant appel à ce qu'on pouvait observer mais également que ses investigations furent les résultats d'une recherche délibérée117(*).

De plus, l'auteur considère comme un postulat que la nature était uniforme alors que celle-ci fait encore débat118(*).

La seconde partie du traité concerne la conception de la maladie selon l'auteur. Le développement qui suit s'appuie sur un extrait d'un article d'Oswei TEMKIN119(*) dans lequel il explique, chapitre par chapitre le traité.

Puisque la première partie a permis de conclure que la maladie dite sacrée n'avait pas pour cause la volonté d'un dieu, c'est que la cause de cette maladie est naturelle et par conséquent curable. Selon l'auteur, l'épilepsie serait héréditaire et toucherait surtout les individus au tempérament phlegmatique. L'agent responsable de la crise serait le cerveau, qui, en l'absence d'une purge correcte pendant la grossesse, génèrerait des crises. Afin de comprendre cette thèse, l'auteur fait une description du système de vaisseaux sanguins qui relie toutes les parties du corps au cerveau.

Les origines du mal doivent être cherchées dès le stade embryonnaire. En effet, le cerveau se purge. Si la purge n'est pas effectuée, le sujet devient phlegmatique et risque la maladie si le phlegme n'est pas purgé après la naissance sous forme d'écoulement. A ce moment, le flux de phlegme descendant du cerveau cause des troubles divers suivant le trajet qu'il emprunte et peut se porter sur le coeur, les poumons ou le ventre. S'il descend dans les deux gros vaisseaux du foie et de la rate, le malade risque la crise d'épilepsie. L'auteur énumère les symptômes et les reprend pour les expliquer. La cause générale en est le refroidissement du sang par le phlegme qui entraîne des perturbations du mouvement de l'air. De même, il examine l'incidence de l'âge sur la manifestation et l'issue de la maladie dans la perspective du pronostic. Même chose pour les causes déclenchantes. Chez les adultes épileptiques dès l'enfance, la cause de la crise réside dans le changement des vents.

Ce traité est important pour l'histoire des idées biologiques. C'est la première fois que la pensée est dans le cerveau et non dans le coeur ou le diaphragme120(*).

Toutefois, sans rien enlever à la valeur du texte, on peut rappeler les faiblesses de l'argumentaire. L'auteur rejetait toute explication de la maladie par des causes divines et cherchait des arguments dans l'observation. Mais, par des vérifications simples, ces théories auraient pu être ébranlées. La notion d'uniformité de la nature était un postulat, pas une théorie qu'il chercherait à démontrer121(*) ; la distinction entre les praticiens est peu claire, les connaissances anatomiques sont peu précises et fantaisistes. A l'inverse, le point fort du texte se retrouve dans l'efficacité pratique. Il faut savoir qu'après le Vème siècle, la médecine des temples a continué à prospérer et à même connu une véritable expansion122(*).

Bien que l'unité de l'auteur ne soit plus remise en question, tel ne fut pas le cas au début du vingtième siècle. On va donc aborder les débats qui ont entouré la désignation d'un auteur à ce traité ainsi que le problème de sa datation.

* 107 Ibid., p XXXIX.

* 108 Ibid.

* 109 GER Lloyd, op. cit.

* 110 Jacques Jouanna, op. cit., p XIII.

* 111 G.E.R. Lloyd, op cit.

* 112 Ibid.

* 113 Jacques Jouanna, op. cit. p XLVI.

* 114 Ibid.

* 115 G.E.R. Lloyd, op. cit.

* 116 G.E.R. Lloyd, op. cit.

* 117 Ibid.

* 118 Ibid.

* 119 Oswei Temkin, «The Doctrine Of Epilepsy In The Hippocratic Writing», Bulletin of the Institute of the History of Medicine, 1933, pp 277-322.

* 120 Jacques Jouanna, op. cit. p LXII.

* 121 G.E.R. Lloyd, op. cit.

* 122 Ibid.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille