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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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III. LA FEMME SELON LES AUTEURS.

Ainsi s'établit la misogynie du monde grec. La femme forme une race à part, « un mal destiné aux humains ». Elle constitue, pour l'homme un piège sans issue : une belle apparence ; elle est la faim, tant sur le plan sexuel que sur le plan alimentaire. Elle brûle l'homme ce qui fait dire à Palladas, auteur d'Alexandrie, que

« La femme, c'est la colère de Zeus ; elle nous fut donnée pour racheter le feu, don funeste qui du feu est un contre-don. Car elle brûle l'homme de soucis ; elle le consume ; elle change sa jeunesse en vieillesse prématurée. »

Dans la lignée d'Hésiode, on rencontre Iambe des femmes oeuvre de Sémonide d'Amorgos :

« A l'origine, la divinité créa l'esprit sans tenir compte de la femme »

« C'est de la première femme qu'est sortie la race des femmes en leur féminité. D'elle est sortie la race maudite, les tribus des femmes.303(*) »

Aussi, faudrait-il se garder de trop vite naturaliser la femme de la Théogonie car ce n'est pas ici que l'on retrouvera l'image de la bonne épouse reproductrice, la fécondité y est occultée. En lisant la Théogonie, on s'aperçoit que les puissances de destruction l'emportent sur le principe de fécondité304(*).

Donc la race des femmes est issue de la première gyné parthenos et d'elle seule. Y a-t-il une place pour un époux ?

Génos, phyla : la race, les tribus des femmes. En ces termes se lit le statut des femmes, complémentaire en même temps qu'isolé. Complémentaire parce que meurt l'oikos de celui qui fuit le mariage. Isolé parce que, dans la pensée masculine des Grecs où se passe toutes ces opérations, il n'y a pas loin de la constitution des femmes en genos à leur sécession, hors du monde des hommes.

Refus du mariage, refus de l'enfantement, les formes de cet isolement sont variées. Mais l'expression la plus fréquente de ce fantasme est encore l'idée qu'une fille est avant tout fille de sa mère, comme Perséphone, et étudiant les lois de la reproduction, Aristote peut énoncer une règle couramment admise, la ressemblance de la fille avec la mère. Un pas de plus et les mythes diraient que la femme peut engendrer seule.305(*) C'est donc bien une reproduction en circuit fermé que suggère le texte hésiodique. Constituées en génos et formant ainsi un groupe, les femmes tendent à échapper à la loi du mariage qui les distribuerait, une par une, dans les oikoi masculins : la représentation du génos gynaikôn menace le rêve hésiodique de la cité juste où, leur différence enfin annulée, les femmes « enfantent des fils semblables aux pères ».

« C'est de là qu'est sortie la race maudite, les tribus des femmes »

Génos, phyla, deux mots pour dire la même chose ? Je me range à l'avis de Nicole Loraux qui considère qu'il n'y a, dans un texte, pas un mot pour rien. Phyla, préciserait le sens de génos : la race des femmes, ou l'unité bien close du groupe, les tribus des femmes ou la diversité vivante du nombre au sein de l'unité. En effet, la suite du texte dit qu'il existe plusieurs types d'épouses : formule qui éclaire la signification d'ensemble du développement sur le mariage. Engeance maudite, incarnation du malheur des hommes, tel est le génos des femmes du seul fait de son existence. Dans ce malheur, il est cependant des degrés, autant qu'il y a de phyla : supportable avec la bonne épouse, le mal est incurable pour celui qui tombe sur une espèce malfaisante. Génos dit le mal absolu, phyla rend l'espoir possible.

Pour Hésiode, l'unité devait certainement primer sur le multiple et la plupart de ces lecteurs devaient penser la même chose. Sémonide d'Amorgos, pour sa part, ignora l'unité du génos et fit primer la phyla. Dans l'iambe des femmes, cet auteur fait éclater l'unité du mythe.

Puisque la femme échappe au genre humain, l'homme grec, qui s'attache à connaître le monde qui l'entoure, va la faire entrer dans le monde des animaux.306(*). Sémonide énumère les dix types de femmes, dont huit sont issus d'animaux- porc, renard, chien,âne, belette, jument, signe, abeille et deux sont issus d'un élément, la terre ou la mer.Toutes illustrent l'idée que la femme est une kakon : souillon, rusée, coquine, impudente, amorphe, cyclothymique, gloutonne impénitente, lubrique, folle de son corps, laide à faire rire et partagent toutes un défaut : l'incontinence dans les travaux d'Aphrodite. En résumé, quel plus grand mal que la femme aurait pu être crée pour l'homme307(*) ?

Une seule forme de femme est fréquentable : la femme abeille :

« Bienheureux celui qui l'a reçue, car seule elle échappe au blâme ; sa fortune prospère et grandit grâce à elle et elle vieillit aux côtés de son mari qui l'aime et qu'elle aime, après lui avoir donné une belle et louable descendance ; elle se distingue parmi toutes les femmes et une grâce divine l'entoure...Ce genre de femme est le meilleur et le plus avisé dont Zeus ait fait don aux hommes. »

C'est une joie de posséder un tel oikos quand elle imite ainsi la ruche308(*) : une armée de travailleuses avec, à leur tête, une travailleuse en chef, travailleuse elle-même et inspiratrice. Elle contribue à la bonne gestion des richesses et elle contribue à la prospérité de la maison de son époux. Avec la femme-abeille, il peut y avoir avantage à vivre avec une femme. Toutefois, l'abeille ne revalorise pas le genre auquel elle appartient car elle n'a de valeur que relative moins en elle-même que pour ce qu'elle apporte à son mari. Elle donne sans cesse : enfants, travail, et sollicitude. Pourtant, étant femme, elle reste dénuée, par essence, d'intellect.

Dans Les Travaux et les Jours, Hésiode avait fait Pandora de terre et d'eau : dissociant les éléments du mélange, Sémonide oppose entre elle une femme de la terre et une de la mer. Chacune d'elle parodie, à sa façon, le texte hésiodique. Après une description des différentes caractéristiques de chaque femme, Sémonide, dans une seconde partie de son poème, à la vie de douleurs du malheureux anèr, semble oublier qu'il est autant de femmes que de phyla pour mettre en avant une généralité. Dans ce cas, pourquoi avoir développé un arsenal animalier. Alors, quel discours tient Sémonide ? La femme descendrait elle des animaux ?

A la diversité des espèces féminines correspond la diversité de leur mode d'apparition. En général, c'est un dieu qui les a faites. Mais le dieu peut aussi s'effacer, laissant la cavale enfanter la femme narcissique, et, dans la majorité des cas, on est seulement informé, sans plus de précisions sur un éventuel créateur, que telle femme vient de la chienne, de la mer, de l'âne, de la belette, de l'abeille. L'apparition de la femme peut résulter d'un geste artisanal, tel celui des Olympiens façonnant la femme de terre mais elle peut aussi prendre la forme de l'enfantement qui, avec la femme-cavale, fait soudain irruption dans le texte. Peut-être faut-il admettre que l'origine, chez Sémonide, est frappée d'indétermination parce que le poète se moque complètement de la question des origines309(*).

Quelle opération intellectuelle accomplit Sémonide affirmant que telle ou telle femme « tient » du chien, du porc, du renard et que vise t-il par là ?

A la seconde question, on répondra qu'il cherche à isoler les femmes dans la fermeture de sa tribu. Sans communication entre elles et privées de la complexité qui caractérise l'esprit humain, les femmes animales sont figées dans leur disparité, aussi incapable d'échange que le renard et le lion310(*). Pourquoi les animaux, ? Parce qu'ils sont rivés à eux-mêmes. Dans cet univers fait d'une addition de monde clos qui s'ignorent, rien ne se passe. En fait, Sémonide effectue là une métaphore afin de montrer la disparité constitutive de l'esprit féminin311(*). Après cette classification, pourquoi Sémonide les résorbe t-il dans l'espèce féminine ? En guise de réponse, on avancera d'abord le caractère dérivé de toutes ces femmes. Pour parler des femmes, Sémonide passe par la dérivation. La femme hésiodique était dérivée de la terre et de l'eau, de la beauté des déesses, de la force et de la voix humaines, de l'esprit de la chienne, du tempérament d'Hermès le voleur. Pour Sémonide, il y a un esprit de la femme mais distinct de l'homme au point d'être séparé des autres et de soi-même. Parce que la femme ne se définit que par des assimilations avec autre chose, autre chose que l'homme, elle se pense sous la double catégorie de la dérivation et du multiple. Des phyla, pas de génos. A moins que le génos ne s'appréhende jamais qu'éclaté.

Ce texte permet de reconstruire la femme toute entière. A force de définir ainsi chaque femme par son rapport, toujours négatif, à quelques actes essentiels de l'existence, Sémonide finit par explorer le noos gynaikos dans toute son extension. En creux, les critères de bonnes conduites, ne pas chercher à trop en savoir mais penser plutôt au travail, ne pas trop manger, ne pas trop jouir mais faire des enfants à son mari ; dans le tableau des espèces, la vrai nature de la femme : un être curieux, malfaisant, paresseux, gourmand, dont la sexualité incontrôlable est marquée par l'indifférence ou l'excès312(*). En effet, d'un point de vue mythologique, la femme est sauvage, il importe donc de domestiquer cette nature. Comme chacun le sait, la femme n'écoute que ses pulsions, risque toujours de souiller ce qui l'entoure : d'où la colère divine. On retrouve cette idée chez la prêtresse parthenos Komaithô qui déclencha la colère d'Artémis en abritant ses amours avec Mélanippos dans le sanctuaire d'Artémis. Pour calmer la déesse, il fallut, chaque année, mettre à mort le plus beau couple.

De la Pandora hésiodique aux femmes animales de Sémonide, il n'y a qu'un pas313(*). Elles figurent une même conception d'ensemble :

« Ô Zeus ! A quoi bon dire du mal des femmes ? N'est-il pas suffisant de dire : « C'est une femme » ?

Un auteur, Stobée, dans son Anthologie résume ainsi sa pensée concernant les femmes :

« le mieux avec les femmes seraient de n'avoir pas à parler d'elle »

Considérées comme étant à part, il était donc tout à fait concevable que des traités particuliers leur soient consacrés.

Avec Pandora, c'est à la naissance de la gynécologie qu'Hésiode nous convie. Mais les anciens avaient-ils un point de vue commun sur la question. La femme n'était-elle atteinte que de maux qui lui étaient propre ? On verra ce que le Corpus en dit. Toutefois, il est nécessaire de constater que, dans beaucoup de traité, l'utérus est responsable de bien des maux féminins. On l'abordera sommairement pour marquer la différence avec les hommes et on développera plus dans le titre trois de ce travail de recherche. Mais il n'y a pas que l'anatomie qui, pour les grecs, différencie les hommes des femmes. En effet, pour eux, la physis de ces deux êtres est différente. Enfin, arrivant au terme de cette partie consacrée à la nature des femmes, on tentera une esquisse de définition de la parthenos.

CHAPITRE II

UNE NATURE DIFFERENTE

Parler de la gynécologie hippocratique en utilisant le terme de notre gynécologie actuel ne serait pas honnête314(*) pour trouver un équivalent du mot grec gynaikeia. Ce mot englobe, chez les Hippocratiques, les organes sexuels de la femme, les règles, les maladies féminines, les thérapies liées à ces maladies. On examinera successivement les raisons qui ont rendu nécessaire la naissance d'une médecine spécifique, et comment la connaissance du corps des femmes est parvenue jusqu'aux Hippocratiques.

* 303 Hésiode, Théogonie, 590-591

* 304 Nicole Loraux, op cit., p 90.

* 305 Ibid., p 91.

* 306 Pierre Brulé, op. cit., p46.

* 307 Sémonide, Iambe des femmes.

* 308 Pierre Brulé, op. cit., p 49.

* 309 Nicole Loraux, op. cit. p 101.

* 310 Pindare, Olympiques, XI, 18 et suivantes.

* 311 Nicole Loraux, op. cit. p 105.

* 312 Ibid., p 106.

* 313 Pierre Brulé, op. cit., p 54.

* 314 Helen King, op. cit., p 23.

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