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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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I. ANCIENS ET GYNECOLOGIE.

I.1 Justification d'une médecine à part

Pourquoi une branche particulière de la médecine pour les femmes ?

Au début du livre 3 de sa Gynécologie, Soranos rappelle le débat qui a opposé les médecins de l'Antiquité. Le contenu en était le suivant : les femmes devaient-elles avoir une branche de la médecine particulière ? Soranos était d'accord avec le fait que, au vu de son système reproductif, des grossesses, des accouchements et des naissances des nouveaux nés, les femmes avaient besoin d'une branche spécifique de la médecine ; d'un autre côté, elles pouvaient souffrir des mêmes maux que les hommes et, pour ceux-ci, elles devaient être traitées avec les mêmes remèdes315(*). Si l'on suit cet argumentaire, on reconnaît que les hommes n'ont pas le même appareil reproducteur que les femmes mais également que certaines maladies leurs sont communes.

Beaucoup de traités hippocratiques révèlent un point de vue parallèle à celui de Soranos. Comme lui, les Hippocratiques considèrent que la gynécologie est avant tout la médecine concernant l'appareil reproducteur des femmes à l'origine, selon eux, de beaucoup de maladies féminines. Comme chez Soranos, on retrouve chez ces médecins, d'un côté, une médecine exclusivement réservée aux femmes et, d'un autre côté, une médecine androgène, concernant hommes et femmes. Disjoindre les deux aboutirait à la dichotomie qui régente la vie des anciens grecs et les idées des docteurs concernant la vie et la maladie316(*).

I.2. Comment atteindre le corps des femmes ?

L'intérêt pour les femmes de la part des Hippocratiques est illustré par le fait que, sur les soixante traités qui nous sont parvenus, dix traitent de la gynécologie317(*)..Pour atteindre le corps des femmes, il nous faut passer par le prisme déformant de l'homme. En effet, la plupart des textes sur les femmes qui nous sont parvenus sont le fait d'auteurs masculins. Par conséquent, les textes transmis reflètent, certainement, les positions sociales respectives des hommes et des femmes ou plutôt la façon dont les hommes pensaient les femmes318(*).

Toutefois, on ne peut affirmer avec certitude que les hommes ne tenaient pas compte de l'opinion des femmes. En témoigne ce passage d'un des texte du corpus.

« je ne sais que ce qu'elles ont bien voulu me transmettre »

De plus, la profession n'étant pas réglementée, d'autres praticiens tels les sages femmes exerçaient l'art de guérir dans la Grèce classique. Or, les informations dont ont été rendues destinataires les médecins hippocratiques proviennent essentiellement de celle-ci auxquelles ils accordent la plus grande attention :

« il ne faut pas refuser de croire les femmes sur les accouchements ; [...] ni fait ni parole ne pourraient persuader qu'elles ne savent pas ce qui se passe dans leur corps319(*). »

et n'hésite pas à reconnaître que tout ne lui a pas été confié320(*).

« je ne sais du reste que ce que les femmes m'ont appris321(*). »

Un détail de taille ne transparaît pas ici. Comment savoir ce qui relève réellement de la connaissance que les femmes ont de leur corps et ce qui leur est imposée par une société masculine ? Il existe, même dans les définitions que les femmes donnent de leur corps, une part de représentation idéologique du rôle des sexes. La société fait d'elles des mères potentielles et la définition de leurs corps se fait par rapport à cela322(*).

Pour avoir accès au corps, il faut convaincre les femmes d'accorder leur confiance aux médecins. On retrouve ici l'importance de la rhétorique soulignée dans le chapitre concernant la naissance de la médecine rationnelle : il faut que les femmes acceptent la venue du médecin hippocratique en lieu et place des croyances traditionnelles. Or, celles-ci faisaient volontiers plus appel à leurs voisines qu'à un médecin323(*). Il n'est, semble t-il, appelé qu'en cas d'absolue nécessité. L'évidence suggère que les femmes continuaient à avoir recours à la médecine traditionnelle. La persistance de l'utilisation de la médecine traditionnelle dans la vie des femmes, parallèlement à l'émergence de la médecine scientifique n'implique pas que la médecine hippocratique était moins efficace mais exprime un préjugé féminin bien compréhensible.

Le médecin devait donc s'informer indirectement. Dans la gynécologie hippocratique, le toucher est essentiel. Or il semblerait que ce soit la femme qui se touche :

« C'est surtout par le toucher et en interrogeant sur ce qui a été dit que l'affection se reconnaît324(*) »

Mais, souvent, l'ordre d'inspecter est un infinitif, adressé soit à la seconde, soit à la troisième personne, ce qui fait dire à Lydie Bodiou325(*), que, combiné à l'utilisation de participe masculin, l'examen pouvait, parfois, être le fait du médecin.

Ainsi, que ce soit pour satisfaire une société d'hommes considérant les femmes comme inférieures ou simplement parce que ne pouvant pas accéder à l'information, les médecins ont été dans l'obligation de déduire l'intérieur de l'extérieur326(*).

Il peut sembler surprenant que, dans l'ensemble « Maladies des femmes », une grande place soit faite à la gynécologie. Je partage le point de vue d'Aline Rousselle qui souligne que le but des soins prescrits à la femme est de permettre la procréation327(*) mais je pense également que la matrice étant l'organe dominant chez les femmes, le reste de l'anatomie devient secondaire.

En observant les théories avancées dans les traités, on s'aperçoit que celles-ci ne diffèrent pas nécessairement des idées traditionnelles sur la physiologie féminine. L'affection rapportée dans Maladies des jeunes filles était acceptée avant Hippocrate. Celui-ci accepte l'idée traditionnelle selon laquelle le passage à l'état de femme est difficile et explique l'origine de la maladie comme une accumulation de sang dans les poumons. La seule façon de soigner la fille est de la marier328(*). La différence entre la médecine hippocratique et les croyances traditionnelles réside plus dans l'explication données aux faits que dans les faits eux-mêmes.

La femme et l'homme ont donc des maladies en commun. Toutefois, au regard des traités hippocratiques, on voit que la gynécologie y tient une place importante. Pourquoi ? Parce que l'homme et la femme diffèrent, au regard de l'anatomie, dans leur système de reproduction mais également dans leur physis.

* 315 Lesley-Ann Dean-Jones, Women's Bodies in Classical Greek Science, Oxford University Press, 1994, p 110.

* 316 Ibid, p 114.

* 317 Ibid, p 10.

* 318 Ibid, p 26.

* 319 Hippocrate : Du foetus de 7 mois, 4.

* 320 Aline Rousselle, A.E.S. « Observation féminine et idéologie masculine : le corps de la femme d'après les médecins grecs », 1980, p 1091.

* 321 Hippocrate, Des chairs, XIX.

* 322 Lydie Bodiou, Histoire du sang des femmes grecques :filles, femmes, mères. Thèse de Doctorat.

* 323 Ibid,.

* 324 Hippocrate, Maladie des femmes, Tome VIII, 1,21.

* 325 Lydie Bodiou, op. cit.

* 326 Aline Rousselle, A.E.S.C., « Observation féminine et idéologie masculine : le corps de la femme d'après les médecins grecs » p 1089-1115, 1980.

* 327 Ibid,.p 1092.

* 328 Hippocrate, Maladies des jeunes filles, traduction d'Emile Littré.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry