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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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II. MEDECINE ET SOCIETE

De Sémonide à Euripide, la femme est créature de Zeus, et, dans sa cohésion, le génos gynaikon menace l'unité de la société masculine. Fidélité à Hésiode ? Bien plus : rencontre d'un texte et d'une pratique politique. Car la référence à Hésiode permet d'exprimer une question toujours rouverte dans l'idéologie grecque de la citoyenneté, l'exclusion à la fois nécessaire et impossible des femmes, « moitié » paradoxale de la polis grecque, et cette permanence du discours sur elles mérite d'être soulignée face à la prolifération, dans le monde des cités, de discours rivaux sur l'origine du premier homme369(*).

On a déjà vu le point de vue de Sémonide d'Amorgos dans Iambe des femmes qui met en évidence la pluralité de cette race en la classant selon dix categories dont neuf ont une nuance fortement péjorative : la femme-chienne, la femme-porc, la femme-singe, une seule semble échapper à cette vision, la femme-abeille, mélissa, emblème des vertus domestiques mais qui n'est, pour Sémonide, qu'un idéal. En réalité, la femme peut être un mélange de tous ces types370(*).

C'est dans cet esprit que s'organise la société grecque et que, par conséquent, la jeune fille se prépare à sa vie de femme et de mère.

On retrouve souvent l'expression parthenos admès qui désigne la parthenos sans maître. Admès, littéralement indomptée s'applique aussi bien aux animaux qu'aux humains371(*). Les filles, et parmi elles, les prépubères, sont souvent désignées collectivement par des noms d'animaux, on les appelle des ourses, des pouliches, des taures... Leurs propres noms rappellent souvent cette nature animale primitive, ainsi Briséis qui s'est d'abord appelée Hippodamie « Cavale domptée ». L'idée qu'en chaque parthenos se cache un animal sauvage qui n'a pas encore été soumis au processus de civilisation correspond bien à l'idée que les Grecs se font de l'évolution du féminin. Le dompteur du féminin sauvage, c'est le mari ; c'est en prenant la parthenos chez lui comme épouse qu'il la civilise. Toutes les jeunes filles candidates au mariage devront ployer le col et sentir sur leurs nuques peser la main du bienheureux mortel dont les présents vainqueurs l'emmèneront chez lui. Il devra détruire, par contrainte ou persuasion, ce que la parthenos a de rebelle, l'obliger à quitter le monde de l'enfance, du ballon, des choeurs et d'Artémis. La procédure du désensauvagement vise à l'amener à endosser les responsabilités de sa nouvelle « maison », qu'elle fasse sienne les vertus que ses nouvelles responsabilités exigent, et, tout cela, en devenant la compagne de lit d'un homme, c'est-à-dire en découvrant d'autres contraintes, celles de l'amour-séduction, désir, plaisir. Voilà ce que c'est que d'être domptée , mise « sous le joug », même si c'est ensemble qu'on tire le char de la « maison ». Qu'est ce que ces jeunes filles peuvent connaître de cette vie qui va être la leur ?

« Que pouvait-elle bien savoir quand je l'ai prise à la maison ? Elle n'avait pas encore quinze ans quand elle est venue chez moi ; jusque-là elle sous une stricte surveillance, elle devait voir le moins de choses possibles, en entendre le moins possible, poser le moins de questions possibles372(*) »

La raison de vivre de la parthenos, c'est le mariage : elle s'y prépare. La nymphé idéale est plus vierge que vierge. A la virginité du corps s'ajoutent celle de l'esprit373(*).

Ce rôle est assumé par le mari, et ce d'autant mieux que celui-ci est l'aîné et que les grecs sont attachés à la valorisation de l'âge.

Face à cette nature difficile, la cité met en place un processus de socialisation de la jeune fille et le mariage est la dernière étape de cette domestication. Dès la naissance, la différence de destin est marquée entre le garçon et la fille : dans le premier cas, on accroche un rameau d'olivier au-dessus de la porte, dans le second, un brin de laine. Le premier est un futur citoyen ; la seconde ne le sera jamais car il n'y a pas de citoyenne à Athènes, ni à Sparte, ni à Gorcyne, cités à propos desquelles nous disposons de quelques informations.

La religion est un processus d'intégration des filles dans la cité. A Athènes, même si une minorité est concernée par des pratiques religieuses particulières, c'est la communauté de jeunes filles qui est engagée par le service temporaire d'une divinité. Le premier niveau est destiné aux fillettes de sept à onze ans. Ce sont les quatre arréphores dont la charge est de tisser le péplos offert tous les ans à Athéna lors de la grande procession des Panathénées ; elles accomplissent en outre au mois de juin le rituel des Arréphoria qui consiste, la nuit, à descendre de l'Acropole des objets sacrés et de les déposer dans une grotte ; en même temps, elles en remontent d'autres, des gâteaux en forme de serpents et de phallus : rituel d'initiation après leur service après leur service auprès de la déesse. Un deuxième groupe a trait aux petites ourses, une centaine de fillettes de dix ans au plus qui sont attachées à un sanctuaire de la déesse Artémis, à proximité d'Athènes. Elles sont habillées d'un vêtement de couleur safran, la crocotte est sont censées faire l'ourse, c'est-à-dire à vivre cet aspect du sauvage qui caractérise à la fois la condition féminine et l'enfance et à apprendre à dominer ou du moins à canaliser cette sauvagerie. La cérémonie finale marque la fin de cette période sauvage et l'entrée dans la phase qui va mener la fille vers le mariage. L'ultime fonction de la jeune fille et de faire la canéphore, c'est-à-dire de porter la corbeille de sacrifice lors de la grande cérémonie religieuse des Panathénées. Cette période est aussi marquée par la puberté : la jeune fille entre dans un âge où l'on peut la montrer aux hommes.

La dernière étape de cette maturation est donc le mariage. Là aussi, le rituel marque le caractère spécifique de la femme. A Athènes, ce mariage illustre le passage de la vie sauvage à la vie civilisée grâce au mari : la fiancée est parée avec une couronne d'épines et de glands de chêne sur la tête ; elle est accueillie dans la chambre nuptiale où on lui remet une poêle à griller l'orge, un pilon à mortier et un crible, symbole du grain moulu, de la culture ; elle est accompagnée par un enfant qui porte une couronne d'épines et qui distribue du pain en disant « j'ai fui le mal ; j'ai trouvé le mieux » : la femme trouve enfin sa place dans la cité ; elle devient un champ de labour où l'homme pourra déposer sa semence.

Le cas de la ville de Sparte est aussi intéressant. Le système éducatif insiste sur la nécessité pour les filles d'avoir une bonne préparation physique pour leur futur rôle de mère. Lycurgue, législateur de Sparte voulait que les jeunes filles pratiquent la lutte, la course, le javelot, le lancement de disque pour que « la semence de l'homme fortement enracinée dans des corps robustes poussât des plus beaux germes et que les filles fussent assez fortes pour supporter l'enfantement et lutter avec aisance et succès contre les douleurs de l'accouchement ». Le rituel du mariage relève aussi d'une cérémonie d'initiation où la jeune fille, après avoir été enlevée par son mari, a les cheveux coupés et reçoit un habit d'homme avant que l'acte sexuel ne soit accompli ; c'est bien là aussi une certaine forme de refus de la féminité.

Dans tout ce que nous venons d'évoquer, c'est bien une situation d'opposition qui transparaît ente l'homme et la femme. Du côté de l'homme, la culture, la civilisation, la politique, la raison, la lumière, le cuit, le sec et le chaud ; du côté de la femme, la nature, la sauvagerie, les activités domestiques, la démesure, la nuit, le cru, l'humide et le froid.

Dans le mythe de Pandora, la femme est une construction, une illusion qui contient l'esprit d'une sorcière et un utérus en forme de jarre374(*).

Des thèses ont été avancées concernant l'idée d'un utérus vagabond dans la pensée grecque375(*). Simon avance que, les symptômes de l'hystérie chez la femme permet une expression saine de certains besoins et permet avec la permission du docteur une forme de gratification qui aurait été interdite dans un contexte différent. Lefkowitz croit que les symptômes du déplacements de l'utérus ou de la possession dionysiaque développent chez la femme le sentiment d'oppression. Selon Manuli, la conception d'un utérus migrateur est purement masculine. Cette vision illustrerait le fait que la femme est incapable de se contrôler et justifierait la subordination à son mari376(*). Cette vision est reprise du Timée de Platon qui considère que l'utérus, animal intérieur, est un danger pour la femme, incapable de résister à la force de cet animal, s'il n'est pas dompté par quelqu'un. Ce quelqu'un est, bien évidemment, son mari. Danger d'autant plus grand pour les femmes que ses destinations préférées sont le coeur, le cerveau et le foie, lieux pouvant, dans la pensée du Vème siècle, abrité l'âme, la psyche.

Ces différents points de vue concernant la sexualité de la femme ont tous un point en commun : ils justifient la subordination de la femme à l'homme pour être en bonne santé, que la femme soit d'accord ou non. Cependant, ce point de vue présente un danger pour l'épouse. En effet, l'homme grec n'est pas monogame. Outre sa femme, il entretient des relations avec des hétaïres, des hommes, des esclaves, des concubines et des prostituées.

« Nous avons les hétaïres pour le plaisir de l'esprit, les concubines pour les plaisirs du corps et nos épouses comme gardiennes fidèles du foyer377(*) »

Par conséquent, cette pluralité des rapports sexuels peut être dangereux pour la femme légitime car, en cas de maladie due à un manque de relations sexuelles, sa santé est mise en danger . Par conséquent, l'existence d'un utérus vagabond permet également aux femmes de justifier leurs demandes sexuelles à leur époux378(*).

Toutes ces théories servent à réaffirmer, par le détour du daimon intérieur de la femme, que celle-ci devait se soumettre à l'appétit sexuel de son mari, pour son propre bien, qu'elle le désire ou non.

« si les règles ne coulent pas, la femme devient malade379(*) »

La santé pour la femme est de saigner comme une victime sacrifiée.

CINQUIEME PARTIE

UN ETRE GOUVERNE PAR UN ORGANE, L'UTERUS

Comment, à l'heure où l'observation était à l'honneur, où les Hippocratiques prônaient l'utilisation des cinq sens, a-t-on pu continuer à concevoir l'utérus comme un animal intérieur ? Il faut étudier l'anatomie de cet organe mais surtout ce qu'il renferme comme représentation idéologique pour le comprendre. De lui découlerait la plupart des divers problèmes féminins. Toutefois, il est à noter, au crédit des Hippocratiques, que des réserves ont été émises sur l'existence des divagations de l'utérus. Cette sous-partie sera aussi l'occasion d'aborder les remèdes aux maladies liées à cet organe, qu'ils soient discutables ou non aux yeux des modernes que nous sommes. C'est donc une sous-partie qu'il est nécessaire d'aborder sans préjugés et d'y voir les prémisses de notre médecine actuelle.

Dans une seconde partie, on verra plus précisément les dangers qui touchent les parthenoi. En effet, dans cette période qu'est le pivotement du sacré, le passage du domaine d'Artémis à celui de Déméter, la parthenos est en danger et la maladie des jeunes filles la guette. Et le remède, comme tous les maux qui assaillent les femmes reste le même : le mariage, seul moyen de faire couler ce trop plein de sang qui les pousse à chercher l'air par le haut et les mène à l'étranglement.

Enfin, on terminera sur l'objet initial de notre étude, qui, faute de sources, de première ou de seconde main n'a pu aboutir à l'hypothèse formulée il y a deux ans, l'épilepsie ou maladie sacrée.

CHAPITRE I

L'UTERUS

Sachant que les Hippocratiques n'ont certainement jamais pratiqué d'autopsie sur un utérus, comment le voyait-il ? Par quoi leur vision était-elle dictée et à quelle conclusion aboutirent-ils ? On verra également sommairement la vision d'Aristote, car comme nous l'avons déjà dit, il semble difficile de le séparer des Hippocratiques puisqu'il constitue le prolongement de leur oeuvre.

* 369 Nicole Loraux, op. cit., p 79.

* 370 Alain Tranoy, op, cit.

* 371 Pierre Brulé, op, cit., p 79.

* 372 Xénophon, Economique.

* 373 Pierre Brulé, « Des tambourins pour Artémis », site internet Clio.

* 374 Helen King, op. cit. p 27.

* 375 Lesley Ann Dean-Jones, op, cit. p 74.

* 376 Ibid., p 75.

* 377 Dans cous de Licence SUED, par Pierre Brulé. Année universitaire 2003-2004.

* 378 Ibid., p 76.

* 379 Génération, 4, (L. VII, 476)

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld