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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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II.2. Toutes les maladies ont des causes naturelles : la recherche d'une méthode et le divorce médecine/philosophie

Ce sont les physiologoi70(*) qui, les premiers ont attribué à une cause physique les phénomènes naturels et l'absence d'intervention des divinités dans ce processus.71(*)

L'une des principales batailles que les médecins hippocratiques eurent à mener fut de faire accepter que la maladie puisse être un phénomène naturel, effet de causes naturelles72(*). Les milésiens73(*) avaient rejeté l'idée d'intervention divine dans des domaines tel que la météorologie et l'astronomie ; les médecins en firent autant en médecine. Le traité « Maladie sacrée » fournit une information précieuse pour illustrer comment les médecins entendaient réfuter les croyances magico religieuses74(*). Les premiers mots du traités sont les suivants :

« sur la maladie dite sacrée, voici ce qu'il en est. Elle ne me paraît nullement plus divine que les autres maladies ni plus sacrée, mais de même que toutes les autres maladies ont une origine naturelle à partir de laquelle elles naissent, cette maladie a une origine naturelle et une cause déclenchante. Les hommes, cependant, croient qu'elle est une oeuvre divine du fait de leur incompétence et de leur étonnement devant une maladie qui ne leur paraît nullement semblable aux autres. »

Il comparait ceux qui, les premiers, prirent cette maladie pour une maladie sacrée avec « les magiciens, purificateurs et charlatans ». Ces personnages se rendirent d'abord coupable de malhonnêteté : appeler sacrée cette maladie, n'était qu'un moyen de cacher leur ignorance sur celle-ci. Ils prescrivaient une méthode de traitement qui comportait le recours aux incantations et la prohibition de certains types d'aliments et de vêtements.

Bien que l'on puisse relever quelques traces de superstition dans les écrits hippocratiques, la majorité des médecins étaient d'accord avec l'auteur du traité « Maladie sacrée » pour rejeter l'idée que les maladies pouvaient avoir pour causes des agents surnaturels75(*).

Toutefois, la variété des vues sur la causes des maladies était importante. On pouvait aussi bien considérer que les maladies avaient une origine unique tout comme que l'existence de deux symptômes différents engendrait deux maladies différentes.

Les traités qui s'attachèrent à ce problème furent des morceaux de bravoure, destinées à des exhibitions d'art oratoire. Par exemple, l'auteur du traité « Des souffles » énumérait des maladies banales, en faisant remarquer que chacune d'elles avaient un rapport avec le souffle ou l'air puis déclarait triomphalement qu'il avait ainsi démontré que l'air était la cause de toutes les maladies. Plusieurs auteurs avaient ainsi des remarques intéressantes à présenter, notamment sur le concept de cause. Ainsi l'auteur de Ancienne médecine mettait en garde contre le fait de confondre la maladie avec ce qui ne faisait que coïncider avec elle. Le traité Régime dans les maladies aiguës, remarque que les mêmes symptômes peuvent admettre des explications très différentes.

C'est ici que la philosophie, très présente dans le corpus, devait divorcer de la médecine. En effet, selon l'auteur de Ancienne médecine, il ne convenait pas d'importer dans la médecine les méthodes des philosophes. Il condamnait ceux qui appuyaient leurs théories sur des postulats tel que le chaud, le froid, le sec ou l'humide. La première critique était qu'elles rétrécissaient le principe des causes de la maladies. Selon lui le traitement n'était pas une affaire de chance, il demandait de l'habileté76(*).

Cela revenait à affirmer qu'une théorie scientifique devait nécessairement être contrôlable. On n'étudiera pas les rapports entre la philosophie et la médecine dans le détail, car, même si l'histoire de la médecine est un point important de notre étude, l'objectif de ce travail est de mieux connaître les parthenoi grecques.

L'auteur de Ancienne médecine laisse quelques recommandations méthodologiques. Ses théories sur l'origine des maladies sont plus complexes que celles sur le « chaud » et le « froid » mais tout aussi arbitraires car il existe, selon lui dans le corps, beaucoup de chose différentes ayant une grande variété de pouvoir ou d'effets. Or, dans le chapitre 1, il considère qu'une théorie ne doit pas se fonder sur des présuppositions arbitraires et qu'elle doit être susceptible de vérification.

De même dans Nature de l'homme, l'auteur critique ceux qui considèrent que l'homme est composé d'air, de feu, d'eau ou de terre chacun ajoutant à son explication des faits et des preuves qui se réduisent à rien. Mais lui, énonce les constituants de l'homme, soit les quatre humeurs. En quoi son argument est-il plus recevable que celui des autres ? Le sien réside dans l'utilisation de certaines drogues pour évacuer ou purger le flegme et les deux sortes de bile, preuve de leur présence mais ne permettant pas d'établir ce que, selon lui, elles permettent de démontrer.

Les traités Ancienne médecine et Nature de l'homme opposent tous deux une résistance à l'invasion de la médecine par les idées et par les méthodes de la philosophie. Ils rejettent les spéculations arbitraires, et soulignent la nécessité d'apporter des preuves en faveur de toute théorie générale.

L'intérêt de ces traités consiste en ce qu'il manifestent une conscience grandissante à l'égard de la méthode et les thèses qu'ils présentent sont le reflet d'une importante différence d'attitude entre les médecins et les philosophes. Toutefois, renoncer aux postulats « invérifiables » aurait signifié l'abandon total de toute recherche théorique77(*).

On n'insistera pas plus sur la théorie des humeurs car, bien que présente dans un grand nombre de traités, qu'elle ait bénéficié d'un rayonnement prolongé, certainement grâce à Galien, sur la médecine et sur la conception de l'homme, c'est ce qu'il y a de plus périmé dans l'héritage hippocratique78(*).

Conscient de la difficulté qu'il y avait à pénétrer dans ce monde de l'invisible qu'est l'intérieur du corps, les médecins tentèrent de guider et de justifier leur reconstruction des phénomènes internes invisibles par analogie avec les phénomènes visibles à l'extérieur.

Abordons maintenant le dernier apport du corpus à la médecine, le pronostic, dans son importance pour le médecin puis dans ses caractéristiques.

* 70 Physiologoi : philosophe présocratique qui enquêtait sur la nature.

* 71 G.E.R. Lloyd, Magie,raison et expérience, Paris, Flammarion, 1990, 488p.

* 72 G.E.R. Lloyd, Une histoire de la science grecque, édition La découverte, 1990, p 71.

* 73 Milésiens : habitant de Milet, ville d'Asie Mineure, considérée comme la plus grande métropole grecque à partir du VIIIème siècle avant JC. On y trouve une école philosophique dont firent partie Thalès et Anaximandre. Elle déclina avec les invasions perses du Vème siècle.

* 74 Jacques Jouanna, L'Art de la médecine, Paris, Flammarion,1999, p 35.

* 75 Jacques Jouanna, Hippocrate, Paris, Fayard, 1992, p 99-100.

* 76 Jacques Jouanna,, L'art de la médecine, Paris, Flammarion, 1999, p 50.

* 77 Jacques Jouanna, Hippocrate, Paris, Fayard, 1992, p 104.

* 78 Ibid.

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