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L'utilité des peines de prison pour les criminels

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par Paul-Roger GONTARD
Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse - Maitrise de droit privé, option Carrières Judiciaires 2007
  

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§ 2 Criminel, dangereux et en prison.

Puisque nous l'avons vu précédemment, les cas psychiatriques incarcérés dans nos prisons sont nombreux, il nous reste à voir comment ils vivent leur incarcération et leur sortie de prison.

Le Sénat, dans un rapport de juin 200645(*) faisait le constat suivant : « La France dispose d'un cadre légal et de dispositifs judiciaires et sanitaires lui permettant, en principe, de traiter la dangerosité criminologique comme la dangerosité psychiatrique. Cependant, en pratique, l'organisation du système français produit une situation paradoxale : les personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux sont en majorité prises en charge par le système pénitentiaire. Cette situation n'est pas satisfaisante à un double titre. D'une part, du point de vue de la santé de l'intéressé, l'univers carcéral ne constitue pas le cadre le plus propice pour favoriser la réduction, à terme, des pathologies ; d'autre part, du point de vue de la sécurité de la société, la durée de la peine n'est pas nécessairement en phase avec l'évolution de la dangerosité de la personne. »

Un constat très sévère. Tout d'abord la prison redevient celle qu'elle était au XIXème lorsqu'elle devait garder tout ceux dont personne ne voulait, et en particulier ceux que l'on qualifiait à l'époque, et qui est resté dans le langage populaire, de fou dangereux. De plus, toujours pour ce rapport, la prison, non seulement n'améliore pas la santé mentale de ces cas psychiatriques, mais elle aurait tendance, du fait de la temporalité établie de la peine, à les remettre dans la société alors qu'ils sont encore reconnus comme dangereux pour la société.

Concernant le déroulement de leur détention, les détenus qui acceptent de reconnaître la nécessité d'être aidé, pourront être suivis par des structures d'accompagnement pénitentiaire, bien souvent imparfaites, mais qui ont le mérite d'exister. Un projet d'accompagnement pourra leur être préparé par les personnels d'un des services ambulatoires de psychiatrie implanté dans les centres pénitentiaires, ou, pour les cas plus graves, au sein de l'un des vingt-six services médico-psychologiques régionaux qui sont animés par une équipe pluridisciplinaire associant psychiatres, psychologues, infirmiers, assistants sociaux et travailleurs éducatifs. Ces services exercent principalement trois missions : recevoir systématiquement toutes les personnes arrivant dans l'établissement pénitentiaire d'implantation, assurer le suivi au cours de l'incarcération et préparer la mise en place du suivi postpénal.

Pour les détenus dangereux, que se soit pour les autres détenus ou membres de l'administration pénitentiaire, ou pour eux-même, mais récalcitrant à un traitement, il existe des unités d'hospitalisation d'office dans lesquels sont déjà placés les personnes déclarées irresponsables lors de leur procès pénal. Le principal problème de ces unités est leur insécurité. On a dénombré 44 évasions de ces unités en 2004 et 47 en 2005. Voici donc l'ultime paradoxe du traitement des détenus dangereux en France « alors que les personnes qui consentent aux soins peuvent rester dans un cadre carcéral présentant les conditions de sécurité maximales, les détenus non consentant dont le comportement est souvent le plus violent sont traités dans des structures hospitalières dont la sécurisation apparaît à l'évidence moindre qu'au sein d'un établissement pénitentiaire46(*). »

Concernant la sortie des détenus, quels qu'ils soient, mais surtout dangereux, les meilleurs accompagnements se feront lorsque le détenu sera consentant. Outre les dispositions légales comme le suivi socio-juditiaire, les injonctions de soins, ou encore le bracelet électronique qui permettent de suivre le détenus dans son parcours de sortie, des dispositifs d'accompagnements sociaux ou de réinsertion existent, et sont souvent animés par des associations de bénévoles. Cependant, un criminel impulsif ayant toujours refusé de suivre un traitement psychologique ou psychiatrique, mais n'ayant manifesté aucune mise en danger des membres de la prison, et pour lequel aucun suivi post carcéral n'a été prévu par l'autorité judiciaire, pourra être relâché sans plus d'attache. Le docteur Jean-Pierre JOUBERT, expert psychiatre près la Cour d'Appel de Nîmes, avec qui a été abordée cette question en préparation de ce travail, mentionnait l'anecdote suivante : un meurtrier ayant commis son crime relativement sanglant à l'aide d'une hache, avait toujours refusé de faire un travail sur lui-même avec un médecin psychiatre ou psychologue de la prison. Alors que le médecin psychiatre était parti une semaine en vacances, sa peine arrivant à terme, l'administration pénitentiaire le libéra, tout ceci pouvant rester dans la normalité. Mais là où tout dérape, c'est lorsqu'à sa sortie l'administration pénitentiaire lui a conseillé, billet de train gracieusement offert, de se rendre dans l'Ouest de la France pour débarrasser à la hache et à la tronçonneuse les arbres tombés pendant la tempête de 1999 ! L'histoire ne dit pas si notre bûcheron a découvert de nouvelles utilisations à la tronçonneuse.

Un autre cas d'échec du suivi des criminels dangereux est le cas de Pierre BODEIN, dit Pierrot le Fou. En décembre 1992, il avait réussi à s'évader de l'hôpital psychiatrique d'Erstein (Bas-Rhin) en chaise roulante. Durant sa courte cavale, il avait pris deux femmes en otage, avant de séquestrer et de violer l'une d'elles. Il avait ensuite braqué une banque, forcé plusieurs barrages de gendarmerie, et enfin tiré sur deux policiers, en blessant l'un d'eux grièvement. Détenu depuis 14 ans dans la centrale pénitentiaire d'Ensisheim (Haut-Rhin) après avoir été condamné à 20 ans de réclusion pour une série de quinze crimes et délits commis en décembre 1992, Pierre BODEIN, bénéficie le 15 mars 2004 d'une libération conditionnelle. Quatre mois plus tard, il est de nouveau derrière les barreaux accusé de séquestrations, viols et meurtres sur Jeanne-Marie Kegelin, 11 ans, Julie Scharsch, 14 ans, et d'Hedwige Vallée, 38 ans. Actuellement en jugement dans la cour d'assise de Strasbourg, le verdict de cette affaire est attendu pour juillet prochain. Nous signalerons juste que l'accusation compte sur des expertises ADN qui doivent confondre l'auteur du crime, mais la présomption d'innocence doit, à l'heure où ce travail est écrit, bénéficier à Pierre BODEIN47(*). Sans présumer de la décision de la cour d'assise, les seuls crimes accomplis pendant sa courte cavale de 1992 nous montrent à quel point la sécurité des unités psychiatriques est primordiale. Si Pierre BODEIN est condamné, il y a de forte chance qu'il aille en prison puisque l'irresponsabilité pénale a très peu de risque d'être retenue. Son instabilité psychiatrique ne pourrait-t-elle pas le pousser à éprouver les mêmes pulsions que le détenu Nicolas COCAIGNE, qui s'est trouvé une soudaine envie de cannibaliser son co-détenu en janvier dernier48(*). Bien sûr, ces exemples sont particulièrement extrêmes, mais ils montrent à quel point la psychiatrie et la prison ne peuvent, parfois, pas faire bon ménage.

Le principal problème de l'incarcération des criminels qualifiés de dangereux vient donc du fait qu'ils accomplissent une peine, le plus souvent, établie en fonction de l'acte qu'ils ont commis et non pas de leur état mental. Les limites à un renversement de philosophie sont celles de l'interprétation actuelle faite aux textes protecteurs des droits fondamentaux de l'Homme.

A la manière de Enrico FERRI qui constatait à son époque que « la justice pratique, jugeait et punissait le crime dans le criminel, alors que, dorénavant, on devra[it] juger le criminel dans le crime. »49(*), nous devons pourvoir dire aujourd'hui que la justice pratique condamne souvent à une peine en fonction du crime alors qu'elle devrait le faire en fonction du criminel.

* 45 Sénateurs Par MM. Philippe GOUJON et Charles GAUTIER, RAPPORT SUR LES MESURES DE SÛRETÉ POUR LES PERSONNES DANGEREUSES ; 22 juin 2006 ; p°18

* 46 Sénateurs Par MM. Philippe GOUJON et Charles GAUTIER, RAPPORT SUR LES MESURES DE SÛRETÉ POUR LES PERSONNES DANGEREUSES ; 22 juin 2006 ; p°33

* 47 Sources :

http://scenedecrime.blogs.com/scenedecrime/2007/04/laffaire_pierre_1.html#more

http://www.tueursenserie.org

* 48 dépêche Afp du 05/01/07

* 49 Enrico FERRI, LA SOCIOLOGIE CRIMINELLE, chapitre les Cinq catégories de criminels, Paris 1893

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand