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Emergence en physique, biologie et sciences cognitives : Vers une compréhension globale

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par Pedro CONTRO
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - M1 Philosophie des sciences 2008
  

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4.2. La dynamique co-émergente en opposition aux thèses dualistes et monistes

Dans son oeuvre Les passions de l'âme de 1649, René Descartes a développé une formulation du problème philosophique de l'interaction corps-esprit, que même maintenant reste très présente dans la discussion philosophique moderne. La thèse de Descartes distingue corps et esprit comme des substances réellement distinctes, et postule que le contact entre corps et esprit se trouve dans la glande pinéale. Le choix de Descartes pour ce lieu de contact entre corps et esprit repose sur le fait que il pensait (de façon erronée) que la glande pinéale était strictement humaine car c'était le seul organe au corps qui n'était bilatéralement dupliqué. En tout cas, même si l'idée de l'interaction corps-esprit via la glande pinéale n'ai eu beaucoup

de succès, l'influence des idées de Descartes sur les différences substantiels entre matière et esprit, objective et subjective, sciences et humanités, reste encore très forte chez certains scientifiques et philosophes, ainsi que dans la société en général. Le problème fondamentale que présente cette vision philosophique est que s'il existe deux substances au monde : l'esprit et la matière, différentes en essence, comment est-il possible qu'elles interagissent l'une avec l'autre ?

D'un autre côté, comme réponse à cette problématique, la thèse philosophique du monisme (avec ses variantes : matérialisme, physicalisme, éliminativisme, idéalisme, monisme neutre, fonctionnalisme, monisme anomale, monisme réflexif17, etc.), affirme qu'il n'y a qu'une substance au monde. Dans la thèse la plus commune, le physicalisme, on suppose que tout phénomène au monde est physique. Il suivrait donc, dans la version la plus forte du physicalisme, que les

17 Matérialisme : asserte que tout ce qui existe vraiment est seulement la matière. Physicalisme: est la thèse selon laquelle tout est physique (physicalisme réductif) ou que survient du physique (physicalisme non-réductif). Éliminativisme : est la affirmation radicale que notre entendement ordinaire sur l'esprit est profondément erronée, et que tous les états mentaux n'existent pas vraiment. Idéalisme : défende que la pensée construise la réalité complète, de manière ce sont les pensés ceux qui sont réels. Monisme neutre : asserte que la réalité ultime est seulement d'un type, mais que ce substrat fondamental n'est pas ni physique ni mental, il est entre les deux. Fonctionnalisme : le mental peut se réduire au physique, mais aussi au niveau fonctionnel qui ne dépende pas de la matière elle-même. Monisme anomale : Les états mentaux sont identiques aux états physiques, et que le mental est anomale dans le sens où les descriptions du mental ne sont contraintes par lois de la physique stricte. Monisme réflexif : le constituant basique du monde peut se manifester comme physique et mentale (la vision de Velmans, promoteur de cette thèse, n'est pas autant réductionniste que les antérieures thèses monistes et peut en effet constituer une alternative à la confrontation entre dualisme et réductionnisme).

phénomènes mentaux n'existent pas réellement et sont une simple illusion expérientielle, ou dans une interprétation plus faible, qu'ils sont finalement réductibles épistémiquement aux phénomènes physiques. Le physicalisme résout ainsi en principe le problème de l'interaction corps-esprit, puisque l'explication des événements mentaux serait donnée par une théorie physique suffisamment développée ; néanmoins, tandis qu'on n'a pas encore une théorie physique complète sur le monde (et qu'on ne sait pas s'il est possible d'en avoir), soit en niant l'existence ontologique du domaine des phénomènes mentaux, soit en rejetant l'irréductibilité épistémologique, on se refuse aussi à essayer de rendre compte justement de la façon dont l'esprit comme propriété émergente du cerveau peut en effet avoir un rôle de contrainte sur la dynamique cérébrale. Par opposition, en reconnaissant que l'activité scientifique est impossible à dénouer avec des suppositions ontologiques sur le mode d'existence des phénomènes qu'on étudie, il paraît beaucoup plus intelligent de fonder un programme de recherche basé consciemment sur des thèses ontologiques qui nous aident à comprendre épistémologiquement la relation entre ces phénomènes. Notamment dans la relation corps-esprit, pour pouvoir se diriger vers une étude qui vise à comprendre la façon par laquelle l'esprit a des effets de contrainte sur l'organisation du cerveau, il faut alors assigner aussi une réalité aux événements mentaux pour comprendre leur influence causale sur le cerveau.

S'il est bien difficile de choisir une thèse philosophique en argumentant qu'elle est vraie, on peut néanmoins bien distinguer des thèses philosophiques plus

utiles que d'autres qui servent à fonder des stratégies de recherche qui nous amènent à une compréhension plus profonde sur la relation entre le cerveau et l'esprit. Ainsi, il faut reconnaître que si le dualisme nous rassure en affirmant qu'en fait le monde mental, comme le monde physique, existe, il ne nous propose pas de direction pour étudier la relation entre les deux, et on se sent dans un monde fragmenté dans lequel on ne trouve pas de cohérence entre le monde subjectif associé à la structure causale du monde mental, et le monde objectif associé à la structure causale physique de la réalité. Cette tension entre ces deux mondes apparemment contradictoires nous a amenés à des querelles comme celle de l'objectivisme contre le subjectivisme, celle du réalisme contre l'instrumentalisme, etc. D'un autre côté, le physicalisme (ou bien une autre thèse moniste), s'il nous réconforte en nous présentant un monde cohérent, il n'explique pas néanmoins les différences fondamentales qui existent entre ces deux mondes car la stratégie qu'il emploie pour rendre compte d'un monde cohérent est de réduire le monde mental au monde physique (ou vice-versa). La thèse de la dynamique co-émergente, ou coémergence pour faire plus court, essaie de résoudre la tension entre ces deux visions en proposant une perspective qui reconnaît les différences entre le monde physique et le monde mental, mais s'engage en même temps à pouvoir rendre compte de l'interaction entre les deux. Et puisqu'on a des nombreuses preuves expérimentales qui montrent que même si les capacités mentales sont affectées par des lésions cérébrales, elles peuvent être récupérés, et que la physiologie neuronale change avec l'entraînement dans une certaine activité [37-3 8], il semble donc que la co-

émergence est un modèle assez pertinent qui peut établir des bases pour essayer de rendre compte de façon plus précise de cette interaction entre le monde mental et l'organisation physique en respectant leurs différences ontologiques.

En effet, on propose de défendre la co-émergence dans la relation esprit- cerveau comme thèse philosophique, essentiellement parce qu'elle offre plusieurs avantages :

1) On offre une caractérisation de l'émergence assez générale dans laquelle on identifie le niveau d'organisation inférieur avec la dynamique locale des éléments constitutifs, et le niveau supérieur avec l'organisation à l'échelle globale du processus. Si bien on distingue ces deux niveaux, on reconnaît qu'ils ne sont pas des ensembles disjoints puisqu'on ne peut pas les séparer de sorte qu'ils conservent leurs propriétés, et justement la reconnaissance de cette inextricable interdépendance nous permet d'éclaircir leur interaction mutuelle.

2) On reconnaît l'irréductibilité ontologique ainsi que l'irréductibilité épistémologique du niveau supérieur par rapport au niveau sous-jacent et on associe cette irréductibilité au caractère d'autonomie de chaque niveau. Néanmoins, même s'il est important de reconnaître l'autonomie entre niveaux, il est aussi important de s'intéresser à leur interaction causale puisqu'il ne s'agit pas de niveaux disjoints indépendants.

3) On asserte que puisque la dynamique locale et l'organisation

global ont une influence causale mutuelle, il est importante d'assigner un statut ontologique semblable à chaque niveau d'organisation.

En conséquence, même s'il n'est pas complètement clair que la relation entre le cerveau et l'esprit soit une dynamique co-émergente, la thèse philosophique de la co-émergence offre un bon cadre de travail pour comprendre justement les interactions causales mutuelles entre niveaux, un problème qui en philosophie de l'esprit est connu comme celui du « gouffre explicatif de Levine ». On propose alors que la thèse philosophique exposée jusqu'ici soit prise comme une hypothèse de travail, de manière qu'en attribuant un degré de réalité au monde mental on cherche aussi à trouver la structure causale de ce niveau d'organisation et l'interaction que cette structure causale a avec la structure causale du cerveau, en suivant une démarche similaire à celle utilisée dans le cas des dynamiques coémergentes seulement physiques ou biologiques.

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