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Musique Numérique

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par Pierre-Louis Gatineau
ISCOM-Paris - Master 1 Communication 2009
  

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2.1 .2 L'intervention classique du législateur génère la division

« Il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante »

Montesquieu

Si l'industrie admet une nécessaire évolution de son business model, elle reste campée
sur sa position en dénonçant ces « fauteurs de désordres économiques », les « pirates »
qui s'adonnent librement à ce qu'elle considère être du « vol à l'étalage ». Et c'est ainsi

qu'une partie du monde musical sollicite la protection du législateur. Mais les actions du législateur censées protéger la création ne semblent pas convaincre tous ces acteurs. Dans la classe politique et celle d'artistes médiatisés ou non, la division règne. Et plus le débat public se poursuit, s'intensifie, et plus les opposants au texte « Création et Internet » s'organisent autour d'une autre démarche : la « Contribution Créative »

« Création et Internet » versus « Contribution Collective »

Convaincu par le discours alarmiste du puissant lobby et d'une poignée d'artistes de renom illustrant « l'exception culturelle française » le gouvernement français s'est empressé de légiférer.

A la demande du Président de la république, la mission Olivenne est chargée de fournir un état des lieux de la création musicale et des effets néfastes du téléchargement illégal. Reprenant le concept militaire dit de « riposte graduée », Dennis Olivenne à l'époque PDG de la FNAC se trouve investit de la préparation du projet de loi « Création et Internet » présenté comme « pédagogique ». Pédagogique en effet car à la différence de son ancêtre DADVSI jugée inapplicable car ultra répressive (délit de contrefaçon) la proposition de loi « Création et Internet » se définit comme un processus de mise en garde avant la sanction. En conférant à une Haute Autorité Indépendante dite HADOPI le pouvoir de contrôler les échanges sur les réseaux P2P, le projet de loi prévoit que soit envoyée une série de signaux forts à l'internaute qui se trouverait en situation irrégulière. Si l'internaute ne prend pas acte des avertissements, il verra son abonnement suspendu pour une durée de 2 à 1 2 mois tout en continuant le paiement de ce dernier. Loin d'annuler les peines encourues par la loi DADVSI, la loi dite HADOPI viendra s'y ajouter.

Les défenseurs de la loi - créateurs et élus de gauche comme de droite - attendent avec impatience son adoption et son application. Convaincus que son aspect pédagogique dissuadera une partie des « pirates », les acteurs de la création musicale pro-HADOPI partagent cette impatience à l'idée que

leurs droits (d'auteurs) seront enfin à l'abri des « sauvages qui pillent leur travail ». Selon eux, une fois dissuadé, l'internaute se tournera automatiquement vers l'offre légale. Sur ce point, Patrick Walbroeck nous fait part de sa méfiance19 en rappelant que la musique est avant tout un bien de consommation qui peut se substituer à d'autres loisirs comme les jeux vidéo par exemple.

Mais pour les pro-HADOPI c'est surtout le rêve qu'un jour Internet ne soit plus « une jungle de sauvages » mais bel et bien « un havre de civisme ».

Ce projet de loi, loin de faire l'unanimité, sème donc la discorde au sein même des partis politiques et des acteurs de la création musicale.

Ainsi, il rencontre une opposition qui s'appuie sur l'argumentaire suivant :

- Le texte n'apportera rien en termes de rémunération pour les artistes. En effet aucun réajustement de la répartition des droits n'est prévu dans le texte de loi. La création d'une offre légale sur Internet sera sans effet sur les inégalités du système actuel. Tel est le propos20 que nous avons recueilli de Jean Pelletier. Il déplore que les revendications de l'ADAMI ont systématiquement été écartées lors des négociations visant à revisiter le statut de l'artiste interprète qui, rappelons-le, ne touche rien des ventes commerciales en ligne.

- Un texte qui selon Bertrand Le Gendre, n'est ni plus ni moins la concrétisation du fantasme de l'Etat visant à réguler un monde « sans foi ni loi » où il n'a que très peu d'emprise. Ainsi ajoute t-il « (...) Ses concepteurs (de la loi) sont convaincus que les usages culturels induits par Internet peuvent être réglementés par l'Etat, comme à l'époque où André Malraux et Jack Lang régnaient sur la culture française. Une illusion, bien sûr, un rêve d'énarque »21.

19 Cf. annexe n°2, p.61, interview de Patrick Waelbroeck, professeur associé à l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications (ENST).

20 Cf. annexe n°1, p.57, interview de Jean Pelletier, relations extérieures de l'ADAMI.

21 LE GENDRE, Bertrand, « Olivennes, Albanel, Sacem ou la loi "création et Internet" » - Le Monde - 27 avril 2009.

- Le texte est techniquement et juridiquement inapplicable:

Techniquement, l'organisme indépendant chargé de « traquer » les « pirates » ne peut repérer ces derniers que grâce à leur adresse IP (Internet Protocol) une plaque d'immatriculation en quelque sorte. Or, l'adresse IP peut facilement être masquée (anonyme) ou « dérobée » à une tierce personne : Les connexions Wifi sont sécurisées mais des logiciels circulent sur le net pour « casser » les sécurités. Que ce soit pour l'anonymisation comme pour les clés Wifi, pas besoin d'être un internaute averti, n'importe quel adolescent connaît les techniques...

Juridiquement car l'amendement 1 38 du Paquet Telecom22 voté par le parlement européen déclare l'accès Internet comme étant un moyen essentiel à l'exercice de droits fondamentaux tels que la liberté d'expression et d'information ou encore la vie privée. Selon cet amendement, seule une autorité judiciaire peut priver un citoyen de ce droit.

Le texte relève d'une démarche que les opposants estiment pour la plupart « liberticide et d'un autre âge ». Ils reprennent la thèse du complot en accusant le législateur de « copiner » avec les majors sans prendre en considération les vrais intérêts des artistes et de leur public.

Dès lors, comme réponse alternative au projet HADOPI, les opposants avancent la solution dite de « Contribution Collective » appelée aussi « Licence Collective Etendue ». Cette variante de la « Licence Globale » doit permettre selon ses concepteurs, d'échanger gratuitement les musiques entre internautes moyennant une contribution forfaitaire, allant de 5 à 15 euros par mois qui s'ajouterait aux abonnements FAI. En proposant une plateforme de téléchargement, légale et standardisée, les opposants HADOPI sous-entendent une révision du principe des droits d'auteurs qu'ils estiment inadapté à l'ère numérique.

22 Ensemble de dispositions proposées au Parlement européen visant à réformer certains mécanismes du marché des télécommunications.

La joute se poursuit avec les pro-HADOPI qui s'opposent à cette proposition alternative en se fondant sur les arguments suivants :

Outre sa difficile mise en place technique et son système « douteux » de rémunération des créateurs, ils estiment qu'il n'est pas juste de taxer ceux qui ne téléchargent pas illégalement. A cela les opposant HADOPI répliquent que la « taxe copie privée » décrétée par le gouvernement à l'initiative de l'industrie est imposée à l'achat d'un outil de stockage quelque soit l'usage que l'on en fait...

Mais ce projet cause surtout un grave préjudice à l'offre légale qui se développe sur le Net. En « légalisant » le téléchargement P2P, ce projet est une entrave au développement de l'offre légale en ligne.

Les pro-HADOPI (principalement libéraux) dénoncent la « dérégulation » d'Internet et accusent leurs opposants (essentiellement de gauche) de soutenir ce phénomène pourtant contraire à leurs principes. Ces derniers répliquent en affichant le respect de leurs idéaux du fait qu'ils proposent de promouvoir l'accès à la culture et non de la réduire à un produit économique dont les acteurs en libre concurrence se disputeront la distribution sur le net.

En réalité, le clivage est moins sur la ligne de partage des familles politiques et des acteurs de la création que le reflet d'un conflit générationnel.

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