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Essai de synthèse des nouveaux modes de légitimation du recours à la force et de leurs relations avec le cadre juridique de la Charte des Nations Unies

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par Anis Ben Flah
Université du Quebéc à Montréal - LLM 2008
  

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2.2.2. Le pouvoir d'action du Conseil de Sécurité

Ce pouvoir d'action, qui découle directement du pouvoir de qualification, constitue une partie intégrante de la fonction de police et de la capacité d'intervention du Conseil de sécurité. Là aussi, ce dernier jouit d'une grande discrétion puisqu'il peut agir ou non, choisir le moment de l'action ainsi que la nature des mesures à prendre.

Le chapitre VII a mis en place un mécanisme progressif de sanctions, allant des sanctions économiques et diplomatiques (article 41) jusqu'aux sanctions proprement militaires (article 42)108. Il ne faut pas oublier que le Chapitre VII est entouré d'autres chapitres, notamment les Chapitres VI (règlement pacifique des différends) et IX (coopération économique et sociale internationale) qui favorisent les solutions autres que militaires. Ces chapitres forment le noyau de l'effort de « paix positive » fourni par la Charte109 par opposition à la « paix négative », qui découle du Chapitre VII110. Il ne faut pas oublier que la philosophie et le but principal de la Charte sont la prévention des crises et des conflits.

Mais en pratique, cela ne veut pas dire que le Conseil de sécurité doive passer par les mesures non militaires avant de décider de l'emploi de la force. En effet, le Conseil de sécurité n'est pas « obligé de suivre une gradation, en commençant par les mesures les plus bénignes pour terminer par les mesures militaires si les précédentes n'ont pas produit l'effet escompté : il peut se placer immédiatement sur le plan militaire, s'il estime que la situation le

108On peut aussi intégrer les dispositions de l'article 40, qui permettent au Conseil de Sécurité d'appliquer des mesures provisoires afin d'empêcher la situation de s'aggraver dans le cadre de ce mécanisme progressif de sanctions. Pour J. Combacau, l'article 40 « atteste la possibilité d'une pause entre la constatation de la situation et le déclenchement des mesures », supra note 88, à la page 12.

109Zambelli, supra note 87, à la page 157.

110Ibid.

36 commande »111 et, de ce fait, l'application de l'article 41 -- qui prévoit des mesures coercitives n'impliquant pas l'envoi de la force militaire -- ne constitue pas un préalable à celle de l'article 42. Malgré l'existence de cette possibilité, la réaction armée reste néanmoins une solution extrême, notamment dans une société internationale où le recours à la force a été banni.

Dans la même logique, on doit donc se questionner sur le moment adéquat pour passer des mesures non militaires à l'action armée ?

Loin de toute apologie du militarisme, lorsque toutes les mesures de pressions échouent, le Conseil de sécurité peut passer à l'action militaire, tout en prenant en compte des facteurs déterminants comme l'échec de toutes les options non militaires pour faire face à la menace, la gravité de la menace, la proportionnalité des moyens et la mise en balance des conséquences de l'action militaire et de celles de l'inaction112.

Pour les actions militaires proprement dites, l'article 42 prévoit que le Conseil de sécurité :

[...] peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies.

La Charte prévoit que les États membres doivent mettre à la disposition du Conseil de sécurité les forces armées, les facilités ainsi que l'assistance nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cela se fait sur invitation du Conseil de sécurité et sur la

111Michel Virally, L'Organisation mondiale, Paris : Armand Colin, 1972, à la page 462.

112Cette conclusion concerne essentiellement les cas les plus graves comme par exemple un acte d'agression ou un génocide.

base d'accords spéciaux (article 43)113 négociés entre le Conseil et les États membres ou un groupe de membres114.

Quant à l'article 45, il avise les États membres de maintenir des contingents nationaux de forces aériennes immédiatement utilisables en vue de l'exécution combinée d'une action coercitive internationale. Les plans de celle-ci seront établis par le Conseil de sécurité avec l'aide d'un comité d'état-major, composé des chefs d'état-major des membres permanents du Conseil de Sécurité.

L'article 48 évoque « les mesures nécessaires à l'exécution des décisions du Conseil de sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale qui doivent être prises par tous les membres des Nations Unies ou certains d'entre eux, selon l'appréciation du Conseil»115. En d'autres termes, le Conseil de sécurité a le libre choix des modalités d'exécution de ses décisions. La mise en oeuvre d'une décision du Conseil de sécurité peut être assurée par un seul État, ou plusieurs, au nom des autres membres. Il peut même répartir les tâches entre quelques membres. À ce titre, le Conseil de sécurité, a habilité en plusieurs occasions des États membres à faire usage de tous les moyens nécessaires -- y compris la force -- afin d'atteindre des objectifs fixés par lui. Lors de l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990-1991, en Somalie en 1992, en Haïti en 1994, ou encore en Albanie en 1996, pour ne

113L'article 43 stipule que : « 1. Tous les Membres des Nations Unies, afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, s'engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité, sur son invitation et conformément à un accord spécial ou à des accords spéciaux, les forces armées, l'assistance et les facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

2. L'accord ou les accords susvisés fixeront les effectifs et la nature de ces forces, leur degré de préparation et leur emplacement général, ainsi que la nature des facilités et de l'assistance à fournir.

3. L'accord ou les accords seront négociés aussitôt que possible, sur l'initiative du Conseil de sécurité. Ils seront conclus entre le Conseil de sécurité et des Membres de l'Organisation, ou entre le Conseil de sécurité et des groupes de Membres de l'Organisation, et devront être ratifiés par les États signataires selon leurs règles constitutionnelles respectives ».

114Dans la pratique, les accords spéciaux prévus à l'article 43 n'ont jamais vu le jour.

115Selon le compte rendu des travaux du Comité de coordination, « l'article 48 ne s'appliquera que lorsqu'il s'agit de fournir des forces armées, et non dans le cas où d'autres formes d'assistance devront être fournies » ; voir les Travaux du Comité de coordination, « Compte rendu de la vingt-huitième séance du Comité de Coordination », ZD 428 CO/192, 20 août 1945. Doc. UNICO, San Francisco, 1945, tome XIX, à la page 214.

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citer que ces exemples, des États membres ont formé des coalitions avec l'autorisation du Conseil de sécurité pour entreprendre des actions militaires. Autrement dit, la pratique du Conseil dans le cadre du Chapitre VII consiste, en termes d'utilisation de la force, à autoriser l'utilisation de la force par les États membres, selon une formule adoptée lors de la Guerre du Golfe en 1990-199 1.

Il est à noter que les décisions du Conseil de sécurité s'imposent aux États qui ont pris, en vertu de l'article 25 de la Charte, l'engagement d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil. Mais il reste aussi à remarquer que, suite au désaccord entre les membres permanents du Conseil et pour des raisons essentiellement politiques, le Conseil n'a pu exercer ses pouvoirs pendant la guerre froide116. Il n'a surtout pas pu fonder jusqu'à aujourd'hui ses actions sur les articles 43-47 de la Charte, qui envisageaient la mise en place de ressources militaires à la disposition permanente du Conseil.

Pour résumer, on peut dire que la Charte a investi le Conseil de sécurité d'un pouvoir discrétionnaire en matière de sécurité collective et ce, que ce soit lors de la qualification d'une situation ou lors de l'action. Le Conseil de sécurité est libre d'agir ou non, et il peut seulement se contenter de constater l'une des trois situations de l'article 39 sans y donner suite. Enfin, ce pouvoir discrétionnaire concerne la forme et l'opportunité de l'action. Les dispositions de la Charte en matière de sécurité collective et, plus particulièrement, celles du Chapitre VII, constituent un progrès par rapport à celles de la SDN.

Après avoir analysé le rôle de l'organe central en matière de sécurité collective, on peut poser brièvement la question du rôle de l'organe plénier en la matière. En effet, il ne faut pas oublier que l'Assemblée générale occupe une place centrale dans la Charte des Nations Unies. Cette dernière lui confère une compétence ratione materiae très étendue. En matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, l'article 10 de la Charte stipule :

L'Assemblée générale peut discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de l'un quelconque des organes prévus dans la présente Charte, et, sous réserve des dispositions de l'article 12, formuler sur ces questions ou affaires des recommandations aux Membres de l'Organisation des Nations Unies, au Conseil de Sécurité, ou aux Membres de l'Organisation et au Conseil de sécurité

Quant à l'article 11, il se lit comme suit :

1. L'Assemblée générale peut étudier les principes généraux de coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, y compris les principes régissant le désarmement et la réglementation des armements, et faire, sur ces principes, des recommandations soit aux Membres de l'Organisation, soit au Conseil de Sécurité, soit aux Membres de l'Organisation et au Conseil de sécurité ».

2. L'Assemblée générale peut discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont elle aura été saisie par l'une quelconque des Nations Unies, ou par le Conseil de sécurité, ou par un État qui n'est pas Membres de l'Organisation conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 35, et, sous réserve de l'article 12, faire sur toutes questions de ce genre des recommandations soit à l'État ou aux États intéressés, soit au Conseil de Sécurité, soit aux États et au Conseil de sécurité. Toute question de ce genre qui appelle une action est renvoyée au Conseil de sécurité par l'Assemblée générale, avant ou après discussion.

L'article 10 établit la compétence générale de l'Assemblée générale de discuter et de faire des recommandations sur tout ce qui touche à la réalisation des buts et principes de l'ONU ainsi que sur les pouvoirs et les fonctions des autres organes de l'Organisation. « L'article 10 n'interdit aucunement à l'Assemblée de discuter la manière dont le Conseil s'acquitte de ses pouvoirs et de lui adresser des recommandations à cet égard »1 17.

L'article 11 attribue à l'Assemblée générale un double mandat : d'une part, elle peut étudier les principes généraux de coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales et faire des recommandations. D'autre part, elle peut discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et à la sécurité internationales dont elle est saisie, et faire

40 des recommandations à cet égard soit aux Membres de l'Organisation, soit au Conseil de sécurité, soit à ces deux parties.

Malgré la primauté du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, les articles 10 et 11 de la Charte ont conféré à l'Assemblée générale une compétence parallèle, par rapport à celle du Conseil de sécurité.

Après avoir exposé le système de la Charte (principes de non-recours à la force et de sécurité collective), on peut conclure en disant que l'article 2 § 4 est, d'un certain point de vue, l'aboutissement des efforts commencés en 1899. Il consacre l'obligation du règlement des différends par des moyens pacifiques en garantissant la renonciation à la guerre par un système de sécurité collective où le Conseil de sécurité possède, en quelque sorte, un monopole de la force au plan international.

Partant de l'idée que la paix est un bien indivis, le système établi par la Charte présente une certaine cohérence puisqu'il a établi une :

Sorte de contrat social international, aux termes duquel chaque État membre [...] doit, d'une part, renoncer à l'usage de la force dans ses relations avec les autres États (art.2, § 4) ; d'autre part, contrepartie logique de cet abandon individuel, reconnaître à l'organe principal du maintien de la paix, le Conseil de sécurité, véritable agent de sécurité collective, les moyens de la coercition militaire nécessaire à l'accomplissement de sa mission de police internationale118.

En faisant disparaître le droit de faire la guerre dans les relations internationales à travers les termes les plus généraux, la Charte a établi un régime qui se veut exhaustif concernant l'usage de la force. Depuis 1945, la Charte et son régime sont devenus le standard pour l'évaluation de tout usage de la force dans les relations interétatiques. C'est donc selon ce cadre traditionnel de la Charte que toute argumentation juridique se développe sur le recours à la force dans les relations internationales.

118Dupuy, supra note 116, à la page 587.

Cependant, les développements récents visent soit à élargir l'interprétation des paramètres du cadre juridique soit à en contester certains. Ces développements récents remettent en question de diverses manières ce système, en ravivant les critiques traditionnelles et les interprétations moins prohibitives de la Charte en matière de recours à la force, mais aussi en y ajoutant des formes de justifications hors Charte.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld