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Essai de synthèse des nouveaux modes de légitimation du recours à la force et de leurs relations avec le cadre juridique de la Charte des Nations Unies

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par Anis Ben Flah
Université du Quebéc à Montréal - LLM 2008
  

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CHAPITRE II

LÉGITIME DÉFENSE ET NOUVELLES MENACES CONTRE LA PAIX ET LA
SÉCURITÉ INTERNATIONALES : LE CAS PROBLÉMATIQUE DE LA GUERRE
CONTRE LE TERRORISME

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité a adopté une résolution185 dans laquelle il associait le droit inhérent à la légitime défense individuelle ou collective -- conformément à la Charte à une condamnation dans les termes les plus forts de ces attaques -- et qualifiant ces actes comme une menace à la paix et à la sécurité internationales. Toutefois, le Conseil de sécurité n'a pas qualifié ces attaques d'agression armée, ceci sans compter que le jour de l'adoption de cette résolution, on ne connaissait pas encore l'identité des responsables de ces actes. Ce n'est qu'après quelques semaines que l'on a pu retracer les origines de ces événements aux activités du réseau Al Qaïda. Le Conseil de Sécurité n'a donc autorisé ni explicitement ni implicitement une opération militaire dans la mesure où il n'a pas été saisi d'une quelconque demande d'autorisation.

La question qui se pose à ce niveau est de savoir si l'on se trouve dans le cadre d'un cas de légitime défense aux termes de l'article 51 de la Charte qui peut être une base à un recours à la force, ou dans un cas de réaction collective à une menace à la paix, ou encore dans une situation autre et en principe exclue par le système de la Charte ?

Comme nous l'avons déjà précisé, en droit international, la légitime défense n'est admise qu'en cas d'agression armée. De plus, pour qu'il y ait agression, plusieurs conditions doivent

185S/RES/1368, 12 septembre 2001.

être remplies, notamment celles dictées par la résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974, à savoir l'emploi de la force armée, par un État, agissant le premier et contre un autre État.

2.1. L'exigence d'une agression armée

L'intervention américaine en Afghanistan a soulevé des interrogations au sujet de la qualification juridique des faits survenus le 11 septembre 2001, notamment car l'action du Conseil de sécurité semble être une application hybride du Chapitre VII. En d'autres termes, « l'intérêt est [...] de vérifier si [les conditions de la légitime défense] ont ou non été respectées et plus encore si, ne l'ayant pas été pleinement, elles annoncent ou non des changements dans le droit applicable qui puissent perdurer au-delà de la crise qui les a suscitées »186. Plus précisément, la question est de savoir si le Conseil de Sécurité, sur la base du Chapitre VII, peut autoriser une extension de l'article 51. Dans la lettre adressée par le représentant permanent des États-Unis au président du Conseil de sécurité, on comprend que :

In accordance with article 51 of the Charter of the United Nations [...] the United States of America, together with other states, has initiated actions in the exercise of its inherent right of individual and collective self-defence following the armed attacks that were carried out against the United States on 11 September 2001 187.

Pour Pierre Michel Eisemann, les attentats du 11 septembre qui ont eu lieu à New York, Washington DC et en Pennsylvanie, donnaient lieu à une situation de légitime défense. La reconnaissance d'un droit naturel à la légitime défense individuelle ou collective, dans le texte de la résolution 1368 adoptée au lendemain des attaques, doit être perçue comme une

186Joe Verhoeven, « Les étirements de la légitime défense », A.F.D.I, Paris : CNRS Éditions, XLVIII, 2002, à la page 50.

187Letter dated 7 October 2001 from Permanent Representative of the United States of America to the United Nations addressed to the President of the Security Council, S/2001/946, [en ligne] : [http :// daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/567/85/PDF/N01 56785.pdf ?OpenElement] (page visitée le 20 mars 2006).

63 acceptation de la prétention du gouvernement américain à se trouver en situation de légitime défense et, par conséquent, à recourir à l'emploi de la force :

Ce n'est donc pas de manière inconsidérée, mais bien au contraire de façon volontaire et réitérée que des États -- au nombre desquels les membres permanents du Conseil de sécurité -- ont décidé que l'attaque de bâtiments privés et publics situés sur le territoire des États-Unis, ayant provoqué un grand nombre de victimes dans la population, conduite au moyens d'aéronefs civils par des personnes soupçonnées d'appartenir à un groupe armé non étatique, ouvrait à l'État visé le droit de réagir dans le cadre de la légitime défense alors même que la répétition d'actes similaires n'était pas exclue188.

Pour lui, les termes de la Charte permettent à tout pays victime d'une telle attaque de réagir de manière à protéger son intégrité ainsi que la vie des personnes résidant sur son territoire, dans la mesure où « à l'heure où les forces transnationales viennent concurrencer les États -- y compris sur le terrain du recours à la force --, il serait pour le moins paradoxal d'imputer à ces derniers la paternité de règles les paralysant et les livrant aux effets de la violence privée »189.

Contrairement à Eisemann, d'autres juristes affirment que, comme la légitime défense revêt un caractère naturel, l'autorisation du Conseil de sécurité ne constitue pas une condition nécessaire à son exercice, bien qu'elle soit soumise à son contrôle a posteriori : contrôle de la qualification, contrôle des modalités de son exercice ainsi que le contrôle de sa durée.

Pour Pierre Marie Dupuy, la référence faite au droit naturel de légitime défense, dans la résolution 1368 du Conseil de sécurité, constitue simplement un rappel très général190. En d'autres termes, le Conseil de sécurité n'a rien fait d'autre que de rappeler un droit qui existe dans la Charte sans y ajouter quoi que ce soit191. D'ailleurs, ni la résolution 1368

188Pierre Michel Eisemann, « Attaques du 11 septembre et exercice d'un droit naturel de légitime défense », dans Le droit international face au terrorisme, Paris : Pedone, Cahiers Internationaux, 2002, à la page 240.

189Ibid., à la page 241.

190Dupuy, supra note 116, à la page 616.

191Il faut remarquer que ce n'est pas la première fois que le Conseil de sécurité rappelle ainsi le droit
naturel de légitime défense. Dans la résolution 661 (1990) du 6 août 1990, il a affirmé « le droit

susmentionnée ni la résolution 1373 adoptée le 28 septembre 2001 ne comportent une autorisation formelle de recourir à la force192. Cette deuxième interprétation de la référence faite à la légitime défense dans la résolution 1368 nous paraît plus conforme avec le droit de la Charte vu que la légitime défense, par définition même, ne nécessite pas d'autorisation préalable du Conseil de Sécurité mais qu'elle reste sous son contrôle à posteriori193. Cela nous incite à nous questionner sur l'utilité du rappel d'un concept que nul État n'est censé ignorer.

Sur ce point, nous partageons l'avis de Joe Verhoeven, pour qui l'intérêt d'un tel rappel dans le cas d'espèce est purement politique et vise essentiellement à « donner par avance à l'action qui serait entreprise un surcroît de légitimité »194. De ce fait, « il est singulièrement plus aléatoire d'y découvrir juridiquement un premier élément de preuve de la licéité de l'exercice de la légitime défense dans un cas particulier »195.

Concernant les conditions de son exercice, le droit de légitime défense n'est envisageable que dans le seul cas d'une « agression armée ». Bien qu'en droit international, on ne trouve pas une définition de ce qui serait considéré comme une arme, l'ampleur et la gravité exceptionnelle des attentats -- ainsi que le nombre élevé des victimes -- peuvent en effet faire penser que l'on est dans le cadre d'une agression « armée ». Il est vrai que :

naturel de légitime défense, individuelle ou collective, face à l'attaque armée dirigée par l'Irak contre le Koweït, consacré par l'article 51 de la Charte ».

192Dans l'article 3, c) de la résolution 1373 du 28 septembre 2001, le Conseil de Sécurité a simplement demandé à tous les États de coopérer afin de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme. Cette demande ne peut en aucun cas être assimilée à, ou comprise comme, une autorisation explicite. L'argument d'une autorisation implicite est peu défendable étant donné le caractère fondamental de la règle d'interdiction du recours à la force

193 Il s'agit du contrôle de la qualification faite par l'État concerné, des modalités d'exercice de ce droit, et de sa durée.

194Verhoeven, supra note 241, à la page 54.

195Ibid.

Des avions commerciaux ne sont pas par nature des armements et leurs pilotes des militaires. [Toutefois les faits ont] démontré qu'ils peuvent le devenir par destination, qu'ils soient ou non remplis de kérosène. Il n'y aurait dès lors pas de fondement juridique à la proposition qui nierait l'existence d'une attaque/agression armée motif pris de l'étrangeté des instruments utilisés à cet effet196.

En d'autres termes, « il serait [...] oiseux de contester qu'un aéronef aux réservoirs remplis de kérosène utilisé pour provoquer le maximum de destruction n'ait pas été une arme par destination »197. En effet, « la violence destructrice des attaques terroristes du 11 septembre peut [...] a priori faire penser que les États-Unis se sont trouvés, et pour la première de leur histoire sur leur propre sol, victimes d'une véritable agression »198. Comme le souligne Linos A. Sicilianos, l'ampleur des actions « [...] constitue un élément inhérent à la notion d'agression en tant que condition d'invocation de la légitime défense [...] la gravité des actions armées est le facteur qui distingue l'agression d'un simple incident de frontière en faisant de l'emploi de la force un crime international »199. C'est dans ce sens que l'article 2 de la résolution 3314 (XXIX) stipule que :

L'emploi de la force armée en violation de la Charte par un État agissant le premier constitue la preuve suffisante à première vue d'un acte d'agression, bien que le Conseil de Sécurité puisse conclure, conformément à la Charte, qu'établir qu'un acte d'agression a été commis ne serait pas justifié compte tenu des autres circonstances pertinentes, y compris le fait que les actes en cause ou leurs conséquences ne sont pas d'une gravité suffisante.

Dans le même ordre d'idées, le paragraphe 3 du défunt article 19 de l'ancien projet de la CDI sur la responsabilité des États a mis l'accent sur l'élément de gravité dans la mesure où :

196Ibid., à la page 55.

197Eisemann, supra note 188, à la page 242. 198Dupuy, supra note 116, à la page 617. 199Sicilianos, supra note 57, à la page 327.

[...] un crime international peut notamment résulter :

a) d'une violation grave d'une obligation internationale d'importance essentielle pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, comme celle interdisant l'agression200.

C'est dans ce sens aussi que la CIJ a fait la distinction entre « les formes les plus graves de l'emploi de la force et d'autres modalités moins brutales »201. Celle-ci trouve son utilité dans l'idée que les formes moins graves d'utilisation de la force ne donneraient pas droit à la légitime défense. De plus, la légitime défense de plein droit signifierait que tous les moyens nécessaires peuvent être utilisés pour repousser une attaque, alors que dans les formes moins graves, les moyens de résistance seraient limités par la gravité relative de l'attaque.

Cependant, pour être acceptés juridiquement comme étant une agression, ces actes doivent être imputables à un État selon la logique du droit de la responsabilité internationale, qui considère que « l'illicéité du fait de l'État est exclue si ce fait constitue une mesure licite de légitime défense prise en conformité avec la Charte des Nations Unies »202.

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