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Essai de synthèse des nouveaux modes de légitimation du recours à la force et de leurs relations avec le cadre juridique de la Charte des Nations Unies

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par Anis Ben Flah
Université du Quebéc à Montréal - LLM 2008
  

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2.3. Légitime défense ou représailles armées ?

Les représailles armées peuvent être définies comme « punitive in character, [...] seeking to impose reparation for the harm done, or to compel a satisfactory settlement of the dispute created by the initial illegal act, or to compel the delinquent state to abide by the law in the future229 ». En 1980, Roberto Ago écrivait à propos de la distinction entre la légitime défense et les représailles armées que :

[...] l'élément vraiment distinctif entre l'action adoptée au titre de contre mesures et l'action menée en légitime défense réside dans le but de ces actions et le moment auquel elles ont lieu. Dans le premier cas, le but est de punir, de réprimer, d'obtenir une exécution forcée ou de lancer un avertissement contre la répétition de l'acte incriminé alors que dans le second le but est d'empêcher un acte d'agression. De plus, le moment auquel se situe logiquement la réaction prenant la forme d'une contre mesure est celui de la mise en oeuvre de la responsabilité qui naît d'un fait internationalement illicite. Par contre, l'action exécutée en état de légitime défense précède la mise en oeuvre de la responsabilité et se situe au moment de l'exécution même du fait illicite. Cette action a un caractère défensif : elle doit empêcher la réalisation de ce fait230.

228Gilbert Guillaume, « L'ONU en 2005 », Association Pour la Fondation ResPublica, Colloque du 6 juin 2005, pp.37-38.

229Derek Bowett, « Reprisals Involving Use of Armed Forces », A.J.I.L, vol 66-1, 1972, à la page 3. 230Roberto Ago, Intervention au cours de la 1619e séance de la C.D.I, 1980, à la page 174, par.6.

En d'autres termes, la ligne de partage entre représailles armées et légitime défense

peut être effectuée en tenant compte d'un élément temporel et, partant d'un paramètre qualitatif, la finalité de l'opération, ainsi que d'un critère quantitatif, le degré de violence et de contre violence [...] dans la pratique les représailles armées n'ont presque jamais lieu tant que le fait illicite allégué est en cours de réalisation, mais qu'elles se matérialisent après un laps de temps plus ou moins long selon le cas mais, en toute hypothèse, une fois que le fait illicite est consommé [...] ce décalage temporel [...] fait que la riposte se transforme d'action défensive en opération punitive231.

Les représailles armées ont été bannies depuis que l'article 2 § 4 a consacré l'interdiction du recours à la force dans les relations internationales. D'ailleurs, dans plusieurs résolutions des organes politiques des Nations Unies, on trouve une condamnation spécifique de ce type d'intervention232 ; cette condamnation est de même confirmée par la CIJ233. La confirmation de ce bannissement a aussi été l'oeuvre de la CDI dans le cadre de ses travaux sur la responsabilité des États. Dans son commentaire de l'article 50, la Commission a indiqué que, pour pouvoir être admises en tant que circonstances excluant l'illicéité, les contres mesures ne doivent pas impliquer l'emploi de la force234.

Il est à remarquer que l'interdiction des représailles armées n'a quasiment jamais été contestée par les États ou par la doctrine. En effet, « few propositions about international law have enjoyed more support than the proposition that, under the Charter of the United Nations, the use of force by way of reprisals is illegal »235. D'ailleurs, les États-Unis se sont toujours alignés sur ce courant de pensée. Dans une étude concernant la position des États-Unis en la matière, et effectuée par Mme Julia W. Willis du service juridique du Département d'État en 1979, l'auteur écrivait :

231Sicilianos, supra note 57, à la page 412.

232S/RES/111, 19 janvier 1956 ; S/RES/171, 9 avril 1962 ; S/RES/188, 9 avril 1964 ; S/RES/316, 26 juin 1972 ; S/RES/332, 21 avril 1973 ; S/RES/573, 4 octobre 1985 ; A/RES. 41/38, 20 novembre 1986. 233Détroit de Corfou, supra note 28, à la page 35 ; Nicaragua c. États-Unis, supra note 27, à la page 127, par. 249 ; Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, supra note 29, à la page 246, par. 46.

234Rapport CDI, commentaire de l'article 50, supra note 65, pp.359-360.

235Bowett, supra note 229, à la page 1.

It is clear that the United States has taken the categorical position that reprisals involving the use of force are illegal under international law [...] and that it recognizes the difficulty of distinguishing between proportionate self-defense and reprisals but maintains the distinction. Where the United States has itself possibly engaged in reprisal action involving the use of force, characterization of the action has been confused by equating it also with self-defense236.

Julia W. Willis remarqua également que les qualifications ballotent puisque, devant les instances onusiennes, le gouvernement américain invoque la légitime défense alors que devant le Sénat américain, on parle de représailles. Cela montre « que dans les déclarations à portée internationale le gouvernement des États-Unis évite soigneusement d'invoquer la justification des représailles armées en vue de ne pas contredire sa position catégorique traditionnelle »237.

La lutte contre le terrorisme a constitué depuis quelques années l'argument central des États238 ayant eu recours à des représailles armées. En effet, lors des bombardements du Soudan et de l'Afghanistan en 1998, en réponse à la destruction des ambassades américaines à Nairobi et Dar es-Salaam, le représentant américain auprès des Nations Unies déclara que :

In response to these terrorist attacks, and to prevent and deter their continuation, United States armed forces today struck at a series of camps and installations used by the Bin Laden organization to support terrorist actions against the United States and other countries. [...] The United States, therefore, had no choice but to use force to prevent these attacks from continuing. In doing so, the United States has acted pursuant to the right of self-defence confirmed by Article 51 of the Charter of the United Nations239.

C'est dans ce sens que l'on a essayé de réduire l'écart entre les deux notions en déplaçant la ligne de partage qui les sépare. On a inventé alors le terme hybride de « représailles

236Julia W. Willis, « Contemporary Practice of The United States », A.J.I.L, vol 73, 1979, pp. 49 1-492, tel que cité dans Sicilianos, supra note 57, à la page 410.

237Sicilianos, supra note 57, à la page 410.

238Voir la déclaration du représentant israélien au Conseil de Sécurité après le raid sur Tunis en date du 1er octobre 1 985.S/PV 2611, à la page 22 ; la déclaration du représentant américain au Conseil de Sécurité après les raids sur Tripoli et Benghazi en 1986. S/PV 2674, pp. 13-15.

239Lettre adressée au Président du Conseil de Sécurité des Nations Unies par le représentant permanent des États-Unis en date du 20 août 1998, Doc. S/1998/780.

défensives »240 que l'on a essayé de faire coïncider avec la légitime défense, par opposition aux « représailles offensives » qui, elles, resteraient interdites. En d'autres termes, et toujours selon ce courant de pensée, les représailles armées « défensives » sont assimilables à l'exercice du droit de légitime défense reconnu par l'article 51 de la Charte et ce, en dépit de l'exigence d'une agression armée vu que l'on doit les concevoir comme une modalité particulière de la légitime défense se manifestant en deçà du seuil d'agression. Pour être plus clair, on tente de contourner l'interdiction des représailles armées par une invocation extensive de la légitime défense et de donner à la légitime défense une conception assez large pour qu'elle puisse englober un certain type de représailles armées.

Toutefois, cette distinction entre « représailles offensives » et « représailles défensives » n'offre pas de critère de différenciation entre ces deux formes de représailles et laisse une grande place au subjectivisme, ce qui engendrera une confusion conceptuelle certaine. Ce changement d'appellation volontaire donnée aux actions militaires entreprises reste à notre sens insuffisant pour leur donner une certaine licéité. Leur illicéité reste intrinsèque. Cette approche, qui assimile les représailles armées à la légitime défense, a été clairement dénoncée par la CDI. Pour la commission : « la tendance [...] qui vise à justifier la pratique consistant à tourner l'interdiction en qualifiant le recours à des représailles armées de légitime défense ne trouve aucune justification plausible et est considérée comme inacceptable par la Commission »241.

Il apparaît clairement de ce qui précède que l'action armée entreprise par les États-Unis, en réponse aux attentats du 11 septembre, présente toutes les caractéristiques des représailles armées et qu'elle s'éloigne considérablement de la légitime défense. Elle semble beaucoup plus relever d'une logique de justice privée que du droit international.

240Yoram Dinstein, War aggression and self-defence, Cambridge : Grotius Publications, 1988, à la page 202.

241Rapport de la CDI sur les travaux de sa 47e session, A.C.D.I, 1995, vol. II, 2e partie, à la page 70, par.3.

En guise de conclusion, on peut dire qu'au regard de la compréhension classique des liens fondamentaux entre le droit de la responsabilité et le régime de la légitime défense, la guerre contre le terrorisme a par conséquent entamé une réarticulation des paramètres d'applications du système de la Charte en assouplissant le lien entre l'article 51 et le Conseil de sécurité, tout en étendant les objectifs de cet article à travers l'ajout d'un caractère punitif et son accommodation à la « doctrine Bush ». Toutefois, il est important pour notre propos de constater qu'en apparence l'argumentation et la pratique ne remettent pas en cause la Charte, dans le sens où l'on se situe clairement dans le cadre de l'article 51. Néanmoins, on touche à l'intégrité du système par une réinterprétation des liens entre les différents éléments du système de sécurité collective, ainsi que par un assouplissement du droit de la responsabilité internationale.

Le système de la Charte a toutefois dû subir un autre coup de boutoir supplémentaire avec l'intervention des États-Unis et de ses alliés en Irak en mars 2003. Contrairement à l'intervention en Afghanistan, l'opération Iraqi Freedom a profondément divisé le Conseil de Sécurité et, par conséquent, donné lieu à une série de tentatives de réarticulation globale du jus ad bellum contemporain, dans la mesure où les argumentaires en présence ont fait appel à toutes les sources et théories sur l'usage légitime de la force que nous avons examiné jusqu'ici. Nous clorons cette étude d'ensemble sur cet exemple qui illustre, de façon centrale, les enjeux présents du système de sécurité collective de la Charte.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard