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Essai de synthèse des nouveaux modes de légitimation du recours à la force et de leurs relations avec le cadre juridique de la Charte des Nations Unies

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par Anis Ben Flah
Université du Quebéc à Montréal - LLM 2008
  

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CHAPITRE III
LE RECOURS À LA FORCE ET LE CAS IRAQUIEN

La guerre en Irak a constitué une troisième phase dramatique pour le droit international du maintien de la paix. À première vue, elle semble marquer un retour vers un unilatéralisme anarchique certain par le biais de la répudiation directe du système de la Charte. Il semblerait que nous assistions à une utilisation de la force armée par les États-Unis uti singuli à travers une auto-interprétation des normes pertinentes selon leurs propres intérêts.

Il faut néanmoins signaler, de prime d'abord, que la guerre en Irak a été argumentée et débattue par les États-Unis, leurs alliés, ou leurs sympathisants, et qu'elle n'a pas simplement été déclenchée par répudiation directe de tout critère de légalité ou de légitimité. Comme nous l'avons indiqué au cours des pages précédentes, l'argumentation en présence est ce qui importe, dans la mesure où l'argumentation vise toujours à présenter le cas présent comme un exemple d'application de normes générales, qu'elles soient reconnues ou non. Or, les États- Unis ont utilisé plusieurs registres argumentaires comme motif de cette guerre.

Suivant ce qui a été dit dans les pages précédentes, l'utilisation de la force par un État est justifiable soit comme exercice du droit de légitime défense, soit en application d'une autorisation du Conseil de Sécurité. Comme nous le savons, la guerre en Irak a commencé en l'absence d'autorisation ad hoc du Conseil de Sécurité sur le modèle de la résolution 678, ainsi qu'en l'absence prima facie d'une agression directe de la part de l'Irak contre les États- Unis, contre leurs alliés, ou contre tout autre membre des Nations Unies.

De plus, d'une part, l'invasion de l'Irak a néanmoins été justifiée dans le cadre du système de sécurité collective, plus précisément sur la base d'une autorisation du Conseil de Sécurité émanant de la combinaison des résolutions 678 (1990), 687 (1991), et 1441 (2002), d'autre part, cette intervention militaire a été, en quelque sorte, la première application de la « doctrine Bush » concernant le recours à la force d'une façon préventive.

3.1. L'argument de l'autorisation implicite du Conseil de Sécurité

Dans son discours devant l'Assemblée Générale, prononcé le 12 septembre 2002242, le président des États-Unis a énuméré les obligations de l'Irak qui lui ont été imposées par le Conseil de Sécurité suite à son invasion du Koweït en 1990. Le non-respect de ces obligations, toujours selon le président américain, devrait être considéré comme une menace à la paix et à la sécurité internationales. Lors de son discours sur l'ultimatum du 17 mars 2003, il a déclaré que : « In the case of Iraq, the Security Council did act, in the early 1990s. Under Resolutions 678 and 687 -- both still in effect -- the United States and our allies are authorized to use force in ridding Iraq of weapons of mass destruction. This is not a question of authority ; it is a question of will »243.

Il faut rappeler que la résolution 678 du Conseil de Sécurité, adoptée lors de l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990, autorisait les États à coopérer avec le Koweït et à « user de tous les moyens nécessaires »244 pour le libérer de l'occupation iraquienne, en application de la résolution 660 qui demandait, pour la première fois, à l'Irak de se retirer du Koweït.

242 Le texte du discours est disponible en ligne :

[http :// www.whitehouse.gov/news/releases/2002/09/print/200209 12-1 .html].

(Page visitée le 17 avril 2007.)

243Lors de ce discours George W. Bush a exigé que « Saddam Hussein and his sons must leave Iraq within 48 hours »; s'ils refusent, une action militaire sera entreprise contre l'Irak.

Le texte du discours est disponible sur le site [en ligne] :

[http :// www.whitehouse.gov/news/releases/2003/03/print/200303 1 7-7.html], (page visitée le 17 avril 2007).

244S/RES/678, 29 novembre 1990, par. 2.

Quant à la résolution 687, qui portait sur les conditions du cessez-le-feu suite à la libération du Koweït et à la défaite militaire de l'Irak, elle annonçait que le Conseil de Sécurité avait décidé « [...] de rester saisi de la question et de prendre toutes nouvelles mesures qui s'imposeraient en vue d'assurer l'application de la présente résolution et de garantir la paix et la sécurité dans la région »245.

De plus, la résolution 1441, adoptée le 8 novembre 2002 à l'unanimité, rappelle toutes les résolutions antérieures relatives à l'Irak et notamment la résolution 678 (1990) et la « [...] résolution 687 (1991) [qui] imposait des obligations à l'Irak en tant que mesure indispensable à la réalisation de son objectif déclaré du rétablissement de la paix et de la sécurité internationales dans la région »246. Dans cette résolution, le Conseil de Sécurité prend en considération « la menace que le non-respect par l'Irak des résolutions du Conseil et la prolifération d'armes de destruction massive et de missiles à longue portée font peser sur la paix et la sécurité internationales »247. En vertu du chapitre VII de la Charte, le Conseil de Sécurité :

Décide [...] d'accorder à l'Irak [...] une dernière possibilité de s'acquitter des obligations en matière de désarmement qui lui incombent en vertu des résolutions pertinentes du Conseil, et décide en conséquence d'instituer un régime d'inspection renforcé dans le but de parachever de façon complète et vérifiée le processus de désarmement établi par la résolution 687 (1991) et les résolutions ultérieures du Conseil248.

Enfin, le Conseil de Sécurité « rappelle, dans ce contexte, qu'il a averti à plusieurs reprises l'Irak des graves conséquences auxquelles celui-ci aurait à faire face s'il continuait à manquer à ses obligations »249.

245S/RES/687, 3 avril 1991, par. 2-32.

246S/RES/1441, 8 novembre 2002, considérants 1, 4 et 5 du préambule. 247Ibid., considérant 3.

248Ibid., par. 2.

249Ibid., par.13.

Dans un article intitulé « Preemption, Iraq and International Law »250, le conseiller juridique du département d'État, William Howard Taft VI, ainsi que le conseiller juridique assistant pour les affaires politiques et militaires du département d'État, Todd Buchwald, ont exposé l'argumentation américaine fondée sur une autorisation du Conseil de Sécurité. Dans leur raisonnement, ils partent de la résolution 678 qui « exige que l'Irak se conforme pleinement à la résolution 660 et à toutes les résolutions pertinentes adoptées ultérieurement » pour en déduire que le non-respect des résolutions 687 (1991) et 1441 (2002) implique une autorisation de recourir à la force. Pour appuyer leur mode de pensée, les auteurs citent un passage d'une déclaration faite par le Secrétaire général des Nations Unies en 1993 suite à un raid aérien sur l'Iraq :

[the] raid was carried out in accordance with a mandate from the Security Council under resolution 678 (1991), and the motive for the raid was Iraq' s violation of that resolution, which concerns the ceasefire. As Secretary-General of the United Nations, I can tell you that the action taken was in accordance with the resolution of the Security Council and the Charter of the United Nations251.

Les auteurs concluent que « all agreed that a Council determination that Iraq had committed a material breach would authorize individual member states to use force to secure compliance with the council's resolutions »252. En d'autres termes:

[T]he Council imposed a series of conditions on Iraq, including most importantly extensive disarmament obligations, as a condition of the ceasefire declared under UNSCR 687. Iraq has « materially breached » these disarmament obligations and force may again be used under UNSCR 678 to compel Iraqi compliance. Historical practice is also clear that a material breach by Iraq of the conditions for the ceasefire provides a basis for use of force253.

250William Taft et Todd Buchwald, « Preemption, Iraq and International Law », A.J.I.L, vol.97-3, 2003, à la page 557.

251Conférence de presse tenue par le Secrétaire général des Nations Unies Boutros Boutros Ghali, le 14 janvier 1993 à Paris. UNDOC.SG/SM/4902/Rev.1, p.1.

252Supra note 250, à la page 560.

253William.H Taft, Discours devant l'association nationale des procureurs généraux, 20 mars 2003, disponible [en ligne] sur : [http :// www.state.gov/s/l/2003/44408.htm] (page visitée le 22 avril 2007).

Toujours selon cette thèse, les États-Unis ont aussi argumenté en faveur de cette intervention armée, plus précisément à travers une interprétation très extensive du dernier paragraphe de la résolution 1441 concernant les « graves conséquences auxquelles [l'Irak] aurait à faire face ». Ce paragraphe a été interprété comme une autorisation implicite à intervenir en utilisant la force militaire254, faite par le Conseil de Sécurité aux États membres.

L'argumentation américaine concernant l'autorisation permanente a été soutenue et défendue officiellement par le gouvernement britannique. Selon l'Attorney General Lord Goldsmith, « [the] authority to use force against Iraq exists from the combined effect of resolutions 678, 687 and 1441. All of these resolutions were adopted under Chapter VII of the UN Charter which allows the use of force for express purpose of restoring international peace and security »255. Pour le gouvernement britannique, l'autorisation contenue dans la résolution 678 rend licite tout recours à la force armée chaque fois que l'Irak menace la paix et la sécurité internationales en violant l'une des conditions du cessez-le-feu énoncées dans la résolution 687, dans la mesure où le cessez-le-feu -- à savoir l'inactivation de l'autorisation contenue dans la résolution 678 -- est dépendante du respect de la résolution 687. En d'autres termes, la qualification faite par le Conseil de Sécurité selon le Chapitre VII (ici dans le texte de la résolution 1441) ouvre la voie à une intervention étatique, même unilatérale, puisque cette intervention serait légitimée par un renvoi implicite de la résolution 687 à la résolution 678256.

254L'argument de l'autorisation implicite a été présenté pour la première fois dans le cadre de la crise des missiles à Cuba en 1962 ; voir Quincy Wright, « The Cuban Qarantine », AJIL, vol.57, 1963, p. 546.

255Attorney General Lord Goldsmith, « Legal basis for use of force against Iraq », Monday 17 March 2003, disponible [en ligne] sur [http :// www.pm.gov.uk/print/page3287.asp], (page visitée le 22 avril 2007). Lettre datée du 20 mars 2003, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord auprès de l'Organisation des Nations Unies, S/2003/350, 21 mars 2003.

L'Australie, quant à elle, a adopté l'argumentation anglaise ; voir la lettre datée du 20 mars 2003, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de l'Australie auprès de l'Organisation des Nations Unies, S/2003/352, 21 mars 2003.

256Supra note 250, à la page 562.

On peut donc dire que c'est grâce à une interprétation combinée via le rapport de continuité, qui existerait entre les résolutions 678 (1990), 687 (1991) et 1441 (2002), que les États-Unis et leurs principaux alliés ont essayé de démontrer le caractère légal de leur recours à la force dans le cas iraquien.

Toutefois, cet argument fondé sur une autorisation préalable ou implicite du Conseil de Sécurité ne survit pas à l'analyse.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius