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Potentiel des friches industrielles des secteurs de gare pour un développement urbain durable

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par Marianne Thomann
Université de Lausanne - Licence ès Lettres 2005
  

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2.3.2 Durabilité sociale:

L'un des problèmes posés par l'étalement urbain est qu'il tend à produire des espaces socialement ségrégués. Dans toute ville, on trouvera des quartiers dont les populations diffèrent tant en termes de revenu que d'âge ou de nationalité. Si les villes suisses, en comparaison avec les villes américaines et françaises, sont relativement épargnées par les phénomènes de ghettos, elles n'en restent pas moins le théâtre d'importantes différenciations socio -spatiales. Les centres perdent de leur attractivité à cause des nuisances principalement causées par la voiture: pollution, bruit, congestion et manque d'accessibilité. De ce fait, on y trouve une surreprésentation de populations de faible revenu économique - jeunes en formation, personnes âgées, étrangers - qui, ne possédant pas de voiture, sont forcés de loger au centre. Un paradoxe, puisque ceux qui fuient les nuisances en allant vivre « à la campagne » sont aussi ceux qui les créent en étant souvent forcés de se déplacer en voiture jusqu'en ville, le périurbain n'étant pas assez dense pour soutenir un réseau de transport en commun efficace. L'espace urbain se polarise alors, des quartiers défavorisés émergent là où se cumulent les nuisances (pollution, bruit, environnement de pauvre qualité), et les communes centrales perdent leurs bons contribuables. Pour remédier à cette spécialisation sociale du territoire par l'étalement, il est nécessaire avant tout d'offrir une meilleure qualité de vie urbaine, tant aux résidents « captifs » qu'à ceux qui participent à l'étalement en quittant la ville.

L'enjeu est donc double: densifier la ville pour éviter un étalement ségrégué des personnes sur le territoire ainsi qu'un déclin démographique des centres d'une part, promouvoir la qualité de vie en ville d'autre part. Nous allons montrer que densité et qualité de vie ne sont pas incompatibles et qu'une forme de ville plus compacte peut relever ce défi. Un certain nombres de préjugés existent en effet sur la notion de densité que nous allons tenter de faire tomber. Mais clarifions déjà un point essentiel: la condition initiale à une densification répondant aux principes d'un développement socialement acceptable et accepté est que la production d'urbanité (Grosjean, 2001: 15), c'est-à-dire un caractère de mesure humaine et de convivialité conservé ou donné à une ville (Petit Larousse illustré, 2001). Selon le dictionnaire de la Géographie et de l'Espace des Sociétés l'urbanité procède du couplage de la densité et de la diversité des objets de société dans l'espace. [...] l'urbanité d'une situation urbaine est d'autant plus grande que la densité et la diversité sont fortes et leurs interactions importantes [...] (Lévy et Lussault, 2003). Densité et mixité seraient donc la base de l'urbanité.

Pourtant la densité est une notion connotée plutôt négativement lorsqu'on parle de tissu
urbain. Cela n'est pas étonnant lorsqu'on sait qu'on a cherché à la combattre durant ces

deux derniers siècles. D'abord avec l'hygiénisme du 19ème siècle pour des raisons de santé publique, ensuite au début du 20ème siècle pour fuir les nuisances de la ville industrielle (cités-jardins britanniques), enfin avec le zonage fonctionnel des années 1960. Nos villes portent aujourd'hui l'héritage de ces politiques successives, tout comme les mentalités. Pourtant, en Suisse particulièrement, l'exiguïté de notre territoire, une fois les montagnes, les forêts et les zones agricoles et d'assolement soustraites, et l'augmentation de nos standards de vie en termes de m2 d'habitat et d'infrastructures par habitant, concourent à nous faire envisager la densité sous un autre angle que celui de la désirabilité, à savoir celui de la nécessité. La densification se justifie d'ailleurs rien que par la tendance à l'augmentation de la surface habitable par personne, afin d'assurer le maintien de la population existante et d'éviter la dévitalisation des centres (Grosjean et al., 2000). La question n'est donc pas « faut-il densifier ? » mais bien plutôt « comment densifier de manière judicieuse ? ».

En urbanisme, l'indice le plus courant et que l'on trouve dans les règlements d'affectation est l'indice d'utilisation du sol IUS3 fixé par les communes. Ainsi, comme ordre de grandeur, les indices de densité sont généralement compris entre 0.1 pour des zones résidentielles dites à faible densité (zones villas) et 4 pour les zones d'activités industrielles les plus denses. Ces prescriptions sont des maxima; il n'existe par contre que rarement des minima légaux. Ce système montre bien que la préoccupation sous-jacente à l'élaboration de ces prescriptions était d'empêcher des densités trop élevées, et non pas de densifier.

La densification peut donc être favorisée par certaines mesures (indices plus élevés, obligation de construire à la limite plutôt qu'au centre de la parcelle) mais pas imposée. Certaines communes établissent des minima de densité pour certaines zones, voire obligent à la construction dans un certain laps de temps. L'ARE propose d'ailleurs d'établir des minima de 0,4 et 0,8 selon les affectations (2005). Cependant, le risque encouru par une augmentation généralisée des indices d'utilisation du sol est d'engendrer des effets pervers de spéculation foncière ou de démolition de maisons à faible loyer en bon état (Michel, 1991).

Si ces indices sont utiles pour déterminer la valeur d'un terrain notamment, il semble cependant que dans les projets, cette dimension s'efface de plus en plus face à d'autres éléments découlant des caractéristiques du site (gabarit et hauteurs des bâtiments, qualité des espaces extérieurs, accès etc.). Ce n'est pas l'identité du lieu qui est corrélée à la prescription d'une densité particulière, c'est l'indice de densité qui doit être déterminé par les caractéristiques qualitatives du lieu (Grosjean et al., 2001: 36). Ainsi, une première condition à une densification que nous dirons judicieuse est la prise en compte des caractéristiques tant fonctionnelles (logement, industrie, tertiaire) que morphologiques (îlots, grands ensembles, habitat individuel) du tissu bâti, chaque espace de la ville se prêtant à des densités tant bâtie que démographique différentes.

Dans un deuxième temps, il convient de prendre certaines précautions lorsqu'on parle de
densité, un terme objectif désignant un certain nombre d'éléments par unité de surface,

qui est confondu dans le langage courant avec le sentiment de densité, une notion bien plus subjective. Fouchier (1997) montre combien une même densité peut engendrer des impressions de densité complètement différentes selon la typologie des bâtiments, leur organisation spatiale ou encore la présence de végétation.

Figure 3. Densité et végétation Figure 4. Densité et typologie

(Fouchier, 1997)

D'autres facteurs architecturaux, urbanistiques ou socio-économiques influencent la perception de la densité. La qualité des espaces publics, pensés non pas comme des espaces résiduels mais comme des espaces à part entière, ou la révélation (discrète) de la présence humaine par l'architecture (balcons par exemple), qui renforce aussi le sentiment de sécurité, sont des éléments architecturaux qui jouent un rôle dans le sentiment d'intensité. Au niveau urbanistique, on peut agir sur la mixité qui crée une animation que les quartiers purement résidentiels n'ont pas, sur la facilité et la sécurité des déplacements piétonniers ou encore sur la proximité de services. Enfin, certains facteurs socio-économiques, tels que le degré de captivité au logement en ville (ou le degré d'inaccessibilité à la maison individuelle), la position dans le cycle de vie ou encore l'intégration sociale, tendent à rendre une même densité plus ou moins difficile à supporter tant par les habitants eux-mêmes que par le voisinage. Fouchier le montre en expliquant, à propos des grands ensembles de forte densité typiques des banlieues françaises, que ce n'est pas tant la densité que la pauvreté qui pose problème (conférence, 27 janvier 2005). Par le biais d'une mixité sociale favorisée par une offre diversifiée de logements, des quartiers denses ont sans aucun doute plus de chance de réussir en terme de qualité de vie et d'acceptabilité. Au vu de ces éléments, il apparaît qu'une certaine densité n'est pas antagoniste avec une bonne qualité de vie, et que c'est la perception de cette densité, sur laquelle de nombreux facteurs peuvent agir, qui est la clé de l'acceptation sociale d'une ville plus compacte.

Enfin, afin de faire tomber un dernier préjugé, il est important de se demander au détriment de quels espaces se fait la densification. Souvent vue comme un bétonnage des poumons verts de la ville, ce qui a pu ou peut être le cas parfois, la densification peut pourtant aussi se faire au détriment de terrains en friche non utilisés, de parkings en plein air et plus généralement des espaces importants dédiés à la circulation. A Norwegian study4 (in progress) suggests that if dependence on the car could be reduced, considerable amounts of land might be released, minimising potential conflicts between the need for urban green space and a more compact pattern of urban development (Owens, 1996: 89). Et relevons qu'à nouveau, ce n'est pas seulement le nombre d'hectares de surface verte ou bétonnée qui fera la qualité d'un aménagement, et par extension d'une ville, mais aussi la qualité et l'organisation spatiale de ces surfaces. Il en va de même pour les rues et les routes: ce n'est pas tant leur présence que l'usage qui en est fait qui détériore la vie urbaine. Penser ces surfaces de manière mixte et en rendre l'usage aux piétons et aux cyclistes participe à la production d'urbanité dont nous parlions avant.

Une plus grande densité n'est donc pas forcément contradictoire avec une meilleure qualité de vie. La densific ation des villes et de leurs agglomérations à l'intérieur de la zone à bâtir en vue d'y accueillir un plus grand nombre d'habitants n'a donc pas comme corollaire une détérioration de la qualité de vie, laquelle annulerait les effets de la densification en repoussant les habitants dans les couronnes périphériques, si les conditions suivantes sont prises en compte:

1. la production d'urbanité doit guider tout processus de densification

2. la densification doit être faite de manière différenciée en fonction des caractéristiques des espaces considérés

3. des mesures architecturales et urbanistiques doivent viser à créer des aménagements de qualité

4. une mixité sociale favorisée par le biais d'une offre diversifiée en logement doit être à la base de toute densification

5. la densification doit être accompagnée par une réduction des espaces voués uniquement à la voiture

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld