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Gestion décentralisée des forêts au Cameroun: cas de la forêt communale de Moloundou

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par Stéphane Hervé ABESSOLO
Université catholique d'Afrique centrale - Master 2009
  

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ABSTRACT

The dynamic of decentralization in the aspect of a durable development in general, and the control of forests in particular is originated from a long time occurrence. In front of the disaster resulted from the deforestation in a great failure and the procedure of destruction of natural resources, provokes clearly the necessity of changing the race for activities and render the control of forests to the local communities. In effect, during the long period of state control of forestry, the definition of the objectives during the procedure of decision was generally made without the participation of the populations of the rive rain areas. In the same views of respecting their rights, the revendications of the populations of the rive rain areas is on the control participative of the massive forestry, representing at this level the first and primary act of the procedure that introduce the revision of the code of forestry in Cameroon. The will of integration of the population can be materialize, at first through the possibility given to the communities the controlling of some parts of the forestry sector and not in permanent, at the other hand, the opportunity given for the community to collect and control some parts of forestry sector in permanent (communal forests). More than a tenth after the creation of the communal forest in Cameroon, the result is so unfortunately presented. In spite of the progresses remarkably observed. It's suffers again to be fully put the view of the influence of certain various social and economic that interacts and conducts sometimes the situation of inequitable. The control decentralizes just like it is practice actually is long to be democratize participative where the citizens are the real actors and participle effectively the taking of decision.

12

INTRODUCTION GENERALE

Durant des siècles, les communautés riveraines1 ont profité de la forêt de manière rationnelle. Elles utilisaient les ressources forestières de sorte que celles-ci puissent se renouveler naturellement. Ce mode d'utilisation s'apparente à une gestion durable2 de l'environnement. Malheureusement, la politique centralisée d'exploitation des ressources naturelles a favorisé un processus de déforestation à grande échelle ne tenant pas compte du droit d'usage des populations. Le monde est entrain de perdre ses forêts3. Du désastre actuel se dégage clairement la nécessité de changer le cours des évènements et de rendre la gestion des forêts aux communautés locales car, partout dans le monde, de nombreuses personnes souffrent en raison des processus de destruction qui les privent des ressources naturelles, dont elles ont toujours tiré leur subsistance. En effet, pendant la longue période d'étatisation de la gestion forestière, la définition des objectifs s'est généralement faite sans la participation des populations riveraines. Les décideurs ne tiennent pas compte de la culture et des aspirations des populations locales et certains objectifs sont souvent contraires aux attentes et intérêts de celles-ci.

Ainsi, les revendications des populations riveraines, portant sur une gestion participative des massifs forestiers, représentent le premier acte du processus qui induit la révision du code forestier camerounais. Le deuxième catalyseur de cette réforme est le sommet de la terre de Rio de 1992. Celui-ci préconise la conciliation entre les enjeux économiques et l'impact écologique et social, en vue de la lutte contre la pauvreté. La conjugaison de ces deux événements constitue le principal vecteur de la promulgation de la loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche, complétée par le décret N° 95/531 du 23 Août 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts.

L'objectif de cette loi est de promouvoir une gestion durable des forêts camerounaises, en encourageant la participation de l'ensemble des usagers au processus d'aménagement et de

1 Article 2 de l'arrêté conjoint n° 122/MINEFI-MINAT du 29 avril 1998 fixant les modalités d'emploi des revenus provenant de l'exploitation forestière et destinés aux communautés villageoises riveraines.

2 La gestion durable des forêts vise à garantir que les biens et services procurés par les forêts répondent aux besoins d'aujourd'hui tout en s'assurant la continuité de leur disponibilité et de la contribution au développement à long terme.

3 Antoine Lassagne, « Exploitation forestière, développement durable et stratégies de pouvoir dans une forêt tropicale camerounaise », In Anthropologie et sociétés vol,. 29, n° 1, 2005, pp 49-79.

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gestion forestière décentralisée. Cette volonté politique d'intégration des populations se matérialise, d'une part, à travers la possibilité offerte aux communautés de gérer une partie du secteur forestier non permanent (forêts communautaires). Et d'autre part l'opportunité offerte aux communes d'acquérir et de gérer une partie du secteur forestier permanent (forêts communales). La décentralisation de la fiscalité forestière constitue également une autre innovation majeure de la loi de 1994. Celle-ci définit le processus de redistribution de la redevance forestière, ainsi qu'il suit : 50% pour l'Etat, 40% aux collectivités locales et 10% aux communautés villageoises riveraines de la zone exploitée4. Mais, plus d'une décennie après la décentralisation de la gestion des ressources naturelles au Cameroun, le bilan reste mitigé, les populations possédant un fort potentiel forestier croupissent toujours dans la pauvreté.

Pour une démarche pertinente, nous allons d'abord présenter le contexte d'étude.

I. CONTEXTE D'ETUDE

Une relecture de l'histoire des aménagements forestiers au Cameroun depuis la période coloniale permet de distinguer quatre séquences essentielles5. En prime, la séquence précoloniale durant laquelle la gestion forestière est basée sur des « maîtrises » foncières. Celles-ci sont fondées sur la propriété collective, lignagère ou clanique et sur les modalités d'exploitation du capital-nature (essartage traditionnel, cueillette, chasse et pêche). Ensuite, la période coloniale, qui introduit une logique « technicienne » d'aménagement forestier. L'économie forestière formule des préoccupations d'accumulation. Les forêts deviennent des unités de production gérées par des acteurs privés étrangers dont l'objectif est l'extraction de la ressource ligneuse du territoire camerounais. La troisième séquence est la gestion postcoloniale centralisée. Celle-ci est marquée par la promulgation de deux lois forestières en 1973 et 1981. Cette législation ne marque pas de véritable rupture d'avec le code forestier français de 1935, l'autorité de l'Etat sur les forêts y est réaffirmée. En ce sens, cette séquence officialise la légitimité étatique et renvoie les légitimités du local à la périphérie. Enfin, la dernière séquence marque la période de la décentralisation de la gestion des forêts. Elle est gouvernée par des actes législatifs et politico- administratifs, qui amorcent la déconstruction de l'hégémonie de l'Etat. Le processus conduisant à la décentralisation de la gestion forestière

4 Arrêté conjoint n° 122/MINEFI-MINAT du 29 avril 1998 fixant les modalités d'emploi des revenus provenant de l'exploitation forestière et destinés aux communautés villageoises riveraines.

5 Mariteuw Chimère Diaw, Henri Assoumou, Eric Dikongué, « la gestion communautaire des ressources forestière. Evolution conceptuelle et aménagements institutionnels en zone de forêt humide camerounaise », In Gockowsky, Les actes de lancement du programme EPHTA, Yaoundé, 1997, p 20.

a abouti grâce à un certain nombre d'actions menées par les populations et les pressions exercées sur le gouvernement camerounais par les bailleurs de fonds6.

La politique forestière est codifiée par la loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 qui divise le territoire forestier en deux principaux ensembles : le domaine forestier non permanent et le domaine forestier permanent. Le domaine forestier non permanent, équivalent au « domaine protégé », est constitué de terres forestières susceptibles d'être affectées à des utilisations autres que forestières. Totalement assis, au plan foncier, dans le domaine national, c'est un domaine à vocations multiples, où sont attribuées les ventes de coupes, les forêts communautaires, les permis et les autorisations de coupe. Il comprend : les forêts du domaine national, les forêts communautaires et les forêts des particuliers7.

Le domaine forestier permanent est constitué des terres affectées définitivement à la forêt et à l'habitat de la faune. L'aménagement des forêts permanentes est obligatoire et procède du souci de disposer d'une couverture végétale reflétant la biodiversité nationale. Il comprend les forêts domaniales appartenant à l'Etat, et les forêts communales, qui relèvent du domaine privé des communes8. Les forêts communales sont des forêts faisant l'objet d'un acte de classement pour le compte des communes ou qui ont été plantées par elle. L'acte de classement fixe les limites et les objectifs de gestion qui peuvent être identiques à ceux des forêts domaniales, ainsi que de l'exercice des droits d'usage des populations locales. Elles ouvrent droit à l'établissement d'un titre foncier au nom des communes concernées. Les forêts communales sont dotées d'un plan d'aménagement approuvé par l'administration forestière.

La réforme de 1994 vise une triple finalité9 : une finalité politique, une finalité socioéconomique et une finalité écologique. Au plan politique, il s'agit de traduire, dans les faits les principes de la participation et de la responsabilisation des populations villageoises dans la gestion des ressources forestières ; de promouvoir la démocratie locale et la gouvernance dans la gestion des ressources forestières. Au plan économique et social, la réforme doit permettre d'accroître la contribution du secteur forestier au développement local et à la lutte contre la pauvreté, avec la réalisation des oeuvres économiques et sociales (adduction d'eau, électrification, construction et entretien des routes, des ponts, entretien ou

6 François Ekoko, Jake Brunner, « La réforme de la politique forestière au Cameroun : Enjeux, bilan, perspectives », WRI, 2000, p 4.

7 Articles 20 et 34 de la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant des forêts, de la faune et de la pêche.

8 Article 30 de la loi n°94/01 du 20 janvier 1994 portant des forêts, de la faune et de la pêche.

9 Patrice Bigombé Logo, « les régimes de la tenure forestière et leurs incidences sur la gestion des forêts et la lutte contre la pauvreté », GRAPS-CERAD, Yaoundé, 2007, p 10.

équipement des établissements scolaires et des formations sanitaires). Et, enfin, au plan écologique, elle vise à garantir une gestion durable des écosystèmes forestiers.

Mais en octroyant un droit exclusif aux exploitants forestiers, soit 70% de la surface exploitable10, la loi de 1994 limite considérablement les droits d'usage des populations riveraines. Dans le cas des forêts communales, qui sont classées dans le domaine permanent de l'Etat, l'acte de classement fixe les limites de l'exercice des droits d'usage des populations locales. Ainsi, des activités agro forestières sont strictement interdites dans les limites de la forêt communale. On note un déficit de terres cultivables consécutif au déploiement de la foresterie communale. Cette raréfaction des terres a comme corollaire la naissance des conflits entre les populations riveraines. En outre, La multiplication des inégalités, des injustices dans l'allocation des ressources et le partage des bénéfices qui en sont tirés a généré des conflits entre les différents acteurs intervenant dans le secteur forestier11. Le manque de terres cultivables conduit à une baisse des revenus des communautés riveraines. Ainsi, la pratique de l'agriculture, représentant la principale activité génératrice de devises, devient hypothétique. Dés lors, l'exploitation forestière tend à paupériser les populations malgré les royalties générées par ce secteur.

La grave crise qui a secoué le monde dans les années 1980, notamment les pays en développement, est à l'origine de la baisse drastique des prix des principales matières premières, telles que le cacao, le café et le pétrole. Cette chute contribue à fragiliser une économie camerounaise dépendante du pétrole et des autres matières premières. En outre, la dévaluation du FCFA en janvier 1994 plonge également les économies des pays africains dans la récession. C'est dans ce contexte économique morose que l'exploitation forestière connaît une expansion. L'exploitation forestière industrielle est la principale composante économique du secteur forestier camerounais. Le chiffre d'affaires de celui-ci est estimé à 350 milliards de FCFA12. Avec une valeur d'environ 300 milliards de FCFA, les exportations de bois constituent la deuxième source de recettes d'exportation après le pétrole. Pour illustration de l'importance de l'exploitation forestière dans l'économie nationale, les exportations de bois comptent pour 15% des recettes d'exportation au Cameroun pendant l'exercice 1997/199813.

10 Antoine Lassagne, « Exploitation forestière, développement durable et stratégies de pouvoir dans une forêt tropicale camerounaise », In Anthropologie et sociétés vol,. 29, n° 1, 2005, pp 49-79.

11 Patrice Bigombé Logo, Bernard Dabire, Gérer autrement les conflits forestiers au Cameroun, PUCAC, Yaoundé, 2002, p 32.

12 Patrice Bigombé Logo, « le désarroi des populations villageoises », In FPAE, 2006, p 3.

13 Op cit. , p 3.

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Cette contribution est estimée à 25% pendant l'année 2000/200114. De même, la contribution du secteur forestier au produit intérieur brut est estimée entre 8% et 10%, et la participation du secteur au budget de l'Etat, à travers différentes taxes et redevances, fluctue entre 35 et 40 milliards de FCFA par an15. En termes de création d'emplois, le secteur forestier compte 90 000 emplois directs et indirects.16

Il faut relever ici que la filière forestière est en proie à un ralentissement de ses activités, ainsi les recettes d'exportation de la filière bois en 2006 sont estimées à 16 % des exportations du Cameroun17. Le secteur forestier camerounais est dans la récession, selon le syndicat des exploitants forestiers du Cameroun, 30 % des commandes passées ont été annulées18. Cet état de chose est lié au contexte économique mondial ponctué par la grave crise financière et économique qui secoue le monde depuis 2008. Parler de la problématique de la gestion décentralisée des forêts au Cameroun nécessite que nous délimitions le sujet.

II. DELIMITATION DU SUJET

Pour mener cette étude, notre choix s'est porté sur la commune de Moloundou comme espace de travail durant la période allant de 2006 à 2009.

A. Délimitation spatiale

Nous avons choisi la commune de Moloundou pour une double raison. D'abord, celleci est avec trois autres institutions communales (Dimako, Gari-gombo et Yokadouma) les précurseurs de la foresterie communale au Cameroun. La seconde raison est l'opportunité que nous a offerte le CTFC, à travers notre stage académique. Ayant le couvert de cette structure, il était ainsi plus évident d'obtenir les informations sur la gestion forestière communale

B. Délimitation temporelle

Pour mener cette étude, nous avons choisi la période qui va de 2006 (date du début de l'exploitation du massif forestier) à 2009, date correspondant à l'arrêt de l'exploitation dû au

14 Timothée Fometé, « la fiscalité forestière et l'implication des communautés locales à la gestion forestière au Cameroun », In Document RDFN n° 25b (ii), DFID/FRR/ODI, London, 2001, p 22.

15 http://www.fpae.net/article.php?id article=119.

16 Timothée Fometé, « la fiscalité forestière et l'implication des communautés locales à la gestion forestière au Cameroun », In Document RDFN n° 25b (ii), DFID/FRR/ODI, London, 2001, p 22.

17 La mafia du bois au Cameroun, http://www.bonaberi.com/article.php?aid=2485

18 Op cit. , p 7.

ralentissement des activités dans le secteur forestier. C'est une période qui correspond à l'exploitation de la forêt communale ainsi qu'au renflouement des caisses de la commune.

C. Délimitation matérielle

Nous avons eu recours, entre autres, aux documents spécifiques à l'instar du plan d'aménagement de la forêt communale de Moloundou, de son étude d'impact environnemental, du texte de loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 , du décret n° 95/531 du 23 Août 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts et bien d'autres textes et normes environnementales en vigueur. Outre ces documents, la théorie des interdépendances, développée par Norbert Elias nous a aidé dans l'analyse de nos données de terrain. La sociologie du développement, le cours intitulé « corruption, Etat et développement », ainsi que les autres cours dispensés tout au long de notre formation ont facilité une appréhension plus cohérente du mécanisme de gestion communale. Cette délimitation de notre thème de recherche nous conduit à relever les différents intérêts que revêt notre étude.

III. INTERET D'ETUDE

Le contexte socio-économique du Cameroun est caractérisé par une pauvreté ambiante des populations, ceci malgré les richesses naturelles que possèdent certaines régions du pays. Le processus de décentralisation dans la gestion des ressources naturelles présente un grand intérêt dans la recherche socio-anthropologique dans la mesure où cette innovation peut contribuer à l'amélioration des conditions de vie des communautés riveraines. Le présent travail revêt un double intérêt scientifique et social.

A. Intérêt scientifique

Notre étude revêt un intérêt scientifique, dans la mesure où elle vient continuer les nombreux travaux déjà effectués sur la question de la gestion forestière au Cameroun. Ces études, souvent basées sur la fiscalité forestière décentralisée19 et la gestion des forêts

19 Les redevances forestières annuelles ou redevances de superficie constituent l'instrument majeur de la fiscalité décentralisée. Il existe également les taxes parafiscales représentant la contribution des exploitants forestiers à la réalisation des infrastructures socio-économiques définies dans les cahiers de charges des exploitants et de 1000/m3 de bois exploité pour les ventes de coupe instituées par la lettre circulaire n° 370/LC/MINEF/CAB du ministre de l'environnement et des forêts du 22 février 1996 au bénéfice des communautés villageoises riveraines.

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communautaires, ne renseignent pas souvent sur la foresterie communale. L'étude pourra servir de canevas aux gestionnaires des collectivités territoriales et autres acteurs du développement local en ce sens qu'elle traite d'une thématique actuelle qui est celle de la gestion des ressources naturelles et financières. De plus, nous estimons nécessaire d'analyser la question de la participation des communautés riveraines dans la mise en oeuvre des forêts communales au Cameroun. En l'explorant, nous mettons en exergue le cardre formel qui entoure cette participation.

B. Intérêt social

L'intérêt est également d'ordre social. L'objectif est de contribuer à l'amélioration de la gouvernance forestière, à travers d'une part, la planification adéquate des revenus générés par l'exploitation forestière ayant pour finalité le changement social (amélioration de l'accès des communautés aux services sociaux de base) et d'autre part, la prise en compte de la participation des populations riveraines. Ce travail pourrait éclairer les actions des organismes de la société civile et des populations dans la sauvegarde de l'environnement.

Une définition des concepts nous permettrait de mieux envisager la suite de notre

travail.

IV. DEFINITION DES CONCEPTS

Pour une meilleure compréhension de notre thème de recherche, un certain nombre de concepts méritent d'être clarifiés.


· Forêt communale

Selon l'article 30 de la loi de 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche, est considérée comme forêt communale, toute forêt faisant l'objet d'un acte de classement pour le compte de la commune concernée ou plantée par cette commune. A la faveur de la loi d'orientation sur la décentralisation, les communes possèdent la capacité de se constituer un patrimoine domanial propre, notamment au travers des forêts communales qui, selon la loi forestière, relèvent du domaine privé de la municipalité dès la signature de l'acte de classement.


· Décentralisation forestière

La décentralisation est le passage de la gouvernance de haut en bas à la gouvernance ascendante. En d'autres termes, c'est un processus de transfert des pouvoirs (autorités, compétences, responsabilités et ressources), d'une instance centralisée aux unités des autorités locales, de collectivités et des acteurs locaux, dans l'intention de leur permettre d'envisager, de planifier et de mettre en oeuvre des mesures de gestion forestière destinées à produire et à partager les avantages que procurent les forêts20.

· Gestion

La gestion est présentée comme l'ensemble des techniques de contrôle de l'activité des organisations (administration, entreprise ou association). Elle comprend un ensemble d'activités, qui permet d'atteindre les objectifs d'une entreprise ou d'une organisation. Ces activités consistent à : planifier, organiser, diriger, contrôler, inspirer, former, communiquer, récompenser, écouter, mobiliser et orienter21.

En nous inspirant de la définition de gestion et de décentralisation forestière, nous dirons que la gestion décentralisée est un ensemble de techniques de contrôle du processus de transfert de pouvoirs d'une instance centrale aux autorités locales, dans l'intention de leurs permettre d'envisager, de planifier et de mettre en oeuvre des mesures destinées à produire et à partager les avantages que fournissent la forêt. La gestion décentralisée des forêts fait appel aux notions de gestion durable et de gestion participative.

· Gestion durable des forêts

La gestion durable des forêts est un mode de gestion forestière qui fixe des critères, indicateurs et objectifs sociaux et environnementaux en plus des objectifs économiques à la gestion forestière. C'est un processus de gestion des forêts qui permet d'atteindre un ou plusieurs objectifs clairement spécifiés dans l'optique de la production continue des biens et des services issus des produits forestiers désirés, sans causer la réduction de la valeur inhérente et de leur productivité future et sans causer des effets indésirables sur l'environnement physique et social22. C'est également l'utilisation des ressources naturelles de façon à maintenir leur diversité biologique, leur productivité, leur capacité de régénérer

20 OIBT, « A qui le pouvoir », In Volume 12 n° 3, 2004, p 12.

21 http://www.idrc.ca/fr/ev-43631-201-1-DOTOPIC.html

22 Richard Nasi, « Aménagement des forêts à vocation de production », In Acte de l'atelier de recherche/formation sur la gestion des ressources renouvelables et l'aménagement forestier, Dschang, 3 au 9 novembre 1997, p 6.

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leur vitalité et leur capacité à satisfaire actuellement et pour le futur des fonctions écologiques, économiques et sociales pertinentes23. En ce qui concerne les indicateurs et critères, ceux-ci sont développés pour évaluer, parfois mesurer et certifier, de manière crédible et indépendante les progrès vers une gestion durable, au niveau des Etats et les collectivités24. En somme la gestion durable prend en compte les besoins des générations actuelles sans compromettre ceux des générations futures.


· Gestion participative

La gestion participative est définie comme étant toute approche de la gestion des ressources qui, dans les phases de son élaboration et de sa mise en oeuvre, intègre de façon optimale les populations locales et tous les autres intervenants25. Par ailleurs, la gestion participative est caractérisée comme étant une approche pluraliste de la gestion des ressources naturelles faisant appel à divers partenaires assumant des rôles variés et qui tendent généralement vers des objectifs de protection de l'environnement, d'exploitation durable des ressources naturelles, partage équitable des bénéfices et responsabilités liés à l'exploitation des ressources26. Cette définition renvoie à un processus construit autour de certains fondements, notamment l'accès total aux informations concernant les questions et solutions pertinentes, liberté et capacité de s'organiser, liberté d'exprimer les besoins et les sujets préoccupants, milieu social non discriminatoire). En somme, l'approche gestion participative définit et garantit les fonctions, droits et responsabilités des populations riveraines aux ressources naturelles.

V. REVUE DE LITTERATURE

L'organisation des pouvoirs publics dans les sociétés contemporaines conditionne l'efficacité et l'efficience de l'action publique. La rationalisation des différents niveaux d'intervention et de compétences est un facteur-clé d'une bonne gouvernance27. Dans ce

23 Op cit. , p 6.

24 http://fr.wikipedia.org/wiki/Gestiondurabledesfor%C3%AAts

25 Décret n° 95/466/PM du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application de la faune.

26 Grazia Borrini-Feyerabend, Taghi Farvar, Jean-Claude Nguinguiri, Vincent Awa Ndangang, La gestion participative des ressources naturelles : Organisation, négociation et apprentissage par l'action, Kasparek Verlag, Heidelberg, 2000, p 1.

27 Corinne Labbouz, «Le cas de la décentralisation et de la déconcentration au Cameroun », in La Gouvernance dans la lutte contre la pauvreté, Axes Management/LARGOTEC- Université Paris XII, 2007, p 1.

contexte, la recherche du niveau pertinent d'intervention dans la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques est essentielle. La nécessité de promouvoir la proximité de l'action publique dans un cadre national cohérent et performant pour le citoyen conduit à s'interroger sur l'équilibre entre l'action de l'Etat et l'action décentralisée.

Trop fortement centralisée, l'organisation des pouvoirs publics affaiblit l'initiative locale et en compromet le libre développement. Décentralisée sans accompagnement de l'échelon déconcentré, l'organisation administrative est soumise au risque d'inefficacité et de manque de cohérence. Au coeur de cette réflexion, les Etats doivent trouver un juste équilibre entre les compétences dévolues à l'échelon local et celles réservées à l'échelon central. Cette question offre, dans le monde d'aujourd'hui, une pluralité de réponses au regard de l'histoire, des cultures, des pratiques, des données socio-économiques de chaque pays. Face à ces nombreux facteurs de complexité, les gouvernants définissent une ligne de conduite stratégique, à même d'assurer un juste équilibre entre les services déconcentrés de l'Etat et les collectivités locales.

À cet effet, les pouvoirs publics camerounais ont consacré depuis, la révision constitutionnelle28 du 18 janvier 1996, la décentralisation29 dans la Constitution, qui précise que le Cameroun est un Etat unitaire décentralisé. Ce principe désormais intangible ne peut être remis en cause que par la voie constitutionnelle. Dès lors, les bases d'une nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, et entre les collectivités territoriales elles-mêmes ont été jetées. De fait, ce processus repose sur une base législative ambitieuse, à travers l'adoption, par l'assemblée nationale, des lois de décentralisation du 22 juillet 200430.

Le défi qui se pose désormais aux services de l'Etat est de réussir le processus de décentralisation à la fois en le soutenant et en le contrôlant. Cette politique s'inscrit nécessairement, pour les services de l'Etat, dans une remise en question de leurs modes d'organisation et de leurs systèmes d'action. Toutefois, il reste à appréhender la place effective des représentants de l'Etat et leur fournir un cadre de compétences clarifié, afin de soutenir le mouvement de décentralisation en cours. Il s'agit avant tout de donner aux collectivités les conditions et les moyens effectifs d'assumer leurs nouvelles responsabilités.

28 Loi N°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du Cameroun du 2 juin 1972.

29 La décentralisation est tout acte par lequel un gouvernement central cède formellement des pouvoirs à des acteurs et à des institutions d'un niveau inférieur dans la hiérarchie politico-administrative et territoriale.

30 Loi n°2004-017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation, loi n°2004-018 fixant les règles applicables aux communes, loi n° 2004-019 fixant les règles applicables aux régions.

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Du point de vue de ces enjeux, décentralisation et déconcentration31 sont indissolublement liées32, la seconde étant la condition de réussite de la première. Les services déconcentrés de l'État se retrouvent ainsi à être tout à la fois les garants, les animateurs, et les régulateurs de la décentralisation, au plus près de l'action et des politiques locales.

D'autres dimensions significatives peuvent être incluses à l'actif de la décentralisation : la libéralisation et la dévolution. La libéralisation consiste pour l'Etat à libérer des espaces sociaux sur lesquels il a un pouvoir contraignant. Il ne délègue ni ne transfère ses pouvoirs, mais se détache plutôt en mettant en place les dispositifs législatifs et administratifs, qui permettent ou formalisent l'entrée des forces périphériques concurrentes dans des champs qui leur étaient légalement fermés. Trois formes dominent cette ouverture du champ social : libéralisation de la société civile, libéralisation de l'espace politique et libéralisation de l'économie. Il est important de souligner que ces formes, qui constituent une décentralisation du point de vue de l'Etat, ne conduisent pas nécessairement sur une déconcentration du champ social et sur une plus grande efficacité. Celles-ci dépendent, en effet, de la qualité des mécanismes visant à réguler les stratégies d'acteurs et les dynamiques concurrentielles.

La dévolution, quant à elle, est le transfert à des entités autres que l'Etat, de pouvoirs de décision préalablement détenus par ce dernier. La reconnaissance de nouveaux droits communautaires sur la gestion des forêts, des pêcheries et des ressources naturelles, en général, est une forme de dévolution. Son étendue et son efficacité dépendent de l`importance de la nature du paquet de droits et de pouvoirs effectivement transférés et du degré d'autonomie locale qui en résulte. Le transfert de pouvoirs en question se heurte, cependant, pour son adéquation sociale, au problème du choix de l'unité sociale d'action. La décentralisation est une réalité qui s'applique aujourd'hui à de nombreux domaines d'activités. C'est notamment le cas de la gestion des forêts au Cameroun.

La décentralisation de la gestion des massifs forestiers au Cameroun connaît de nombreuses avancées significatives, à travers l'adoption de la loi forestière de 1994 et son décret d'application de 1995. En effet, cette loi prévoit la dévolution de certaines fonctions

31 Le processus de déconcentration suppose qu'une autorité centrale délègue certains pouvoirs de décision à
des représentants locaux. En réalité, l'État ne cède pas ses pouvoirs, il délocalise les modalités de son exercice.
Ce déplacement est aussi un mouvement d'un centre vers une périphérie, donc, une forme de décentralisation.

32 Mariteuw Chimère Diaw, Phil René Oyono, « Instrumentalité et déficit des itinéraires de décentralisation de la gestion des ressources naturelles au Cameroun », Bulletin arbres, forêts et communautés rurales n°15-16, Décembre 1998, pp 15-16.

traditionnelles de l'Etat à des entités locales. A ce sujet, Samuel Assembe Mvondo33 pense que l'attrait de la décentralisation réside beaucoup plus sur l'hypothèse scientifique. Pour cet auteur, elle est le moyen par excellence de gérer de manière efficiente les affaires publiques. En répondant à la diversité des attentes et demandes locales, la décentralisation permet de palier la soif de participation démocratique au développement local et à la politique locale exprimée par les populations de base. La gestion décentralisée des ressources naturelles de l'Etat vers le local est donc susceptible d'instaurer une gouvernance efficiente et équitable desdites ressources et des bénéfices subséquents pour la majorité des acteurs locaux, induisant ainsi une équité socio-écologique. Cet argument, bien que pertinent, n'est cependant pas le seul capable de refléter la portée positive de la décentralisation dans la gestion des ressources naturelles.

Le modèle camerounais de décentralisation met en exergue de multiples acquis socioéconomiques34 pouvant être regroupés en trois principales catégories. Il s'agit, en premier lieu, de la nouvelle configuration du paysage organisationnel local, qui entraîne un remodelage des rapports sociaux entre les différents lignages. Ces rapports structurent les communautés locales et les liens qu'elles entretiennent avec les ressources naturelles en général, et les forêts en particulier. Ensuite, nous pouvons relever l'introduction de nouvelles formes de financements endogènes pour la revitalisation du développement local et la lutte contre la pauvreté à l'échelle rurale. L'impact de cette manne financière commence à être perceptible, à travers la réalisation des infrastructures sociales de base, même si le taux de réalisation des investissements par rapport aux revenus générés reste faible. Désormais, la décentralisation des forêts favorise également la participation dans un cadre normalisé et officialisé d'autres acteurs non étatiques, notamment les communautés et collectivités locales, de participer à la gestion desdites ressources. Enfin, la décentralisation de la gestion forestière au Cameroun jette les bases de la naissance d'une véritable société civile rurale, qui tourne autour des associations et autres groupements d'intérêts communs, susceptibles de mieux participer au développement et à l'avènement d'une véritable démocratie locale. Ce dernier acquis est très souvent l'objet de réflexions et est explicité par plus d'un auteur.

Le processus de décentralisation de la gestion des ressources forestières place les collectivités locales et les communautés villageoises au coeur d'un faisceau de

33Samuel Assembe Mvondo, « décentralisation des ressources forestières et justice environnementale : analyse des évidences empiriques du sud Cameroun » in LEAD journal, vol. 1, Switzerland, 2005, pp 35-37.

34 Op cit. p 42.

responsabilités35. Concrètement, parler de décentralisation et éclatement des pouvoirs étatiques équivaut également à reconsidérer les degrés de responsabilisation des acteurs périphériques. Cette recomposition de rapports de force, déjà séculaires, doit conduire les collectivités locales et les communautés villageoises à se positionner et à articuler leur propre définition du politique et de l'économique. C'est sur l'apport des appareils législatifs de la décentralisation et des projets portant sur leurs ressources, qu'elles sont appelées à montrer leur aptitude à s'organiser et à négocier les conditions de leur «participation».

En outre, la nécessité de transférer de manière concrète les pleins pouvoirs au niveau local est soulignée. Cette idée est défendue par Ribot36, qui soutient que la délégation effective des pouvoirs aux autorités locales leur permet de répondre avec délicatesse aux préoccupations et attentes de la population. De plus, l'auteur interroge la construction du processus de décentralisation autour d'institutions locales représentatives et responsables. Sa préoccupation est de savoir si les organes de gestion décentralisée des forêts représentent les populations et s'ils sont tenus responsables pour les décisions prises à leurs égards. Ainsi, la responsabilité électorale est un facteur prépondérant dans le choix des dirigeants des collectivités locales ou des comités de gestion.

A l'origine, le processus de décentralisation engagé par le gouvernement camerounais a pour ambition de rompre avec les pratiques de gestion de l'Etat forestier37. Cette réforme doit, entre autres : contribuer à la construction de la démocratie locale dans la gestion des forêts, amplifier la participation des populations à la prise de décision sur leur gestion ; asseoir une dynamique de débat, de discussion et de dialogue autour de la gestion des forêts ; contribuer à l'amélioration des conditions de vie des populations riveraines, à travers la réalisation des oeuvres sociales et enfin garantir une gestion rationnelle et durable des ressources forestières. Si des avancées dans le processus de mise en oeuvre de la loi de 1994 relative à la gestion des forêts sont observées jusqu'à présent, il convient toutefois de relever l'apparition d'effets pervers relatifs aux actions des élites38 locales dans la gestion des ressources forestières.

35 Mariteuw Chimère Diaw, Phil René Oyono, « Instrumentalité et déficit des itinéraires de décentralisation de la gestion des ressources naturelles au Cameroun », In Bulletin arbres, forêts et communautés rurales n°15-16, Décembre 1998, pp 15-16.

36 Jesse Ribot, La décentralisation démocratique des ressources naturelles, World Resources Institute, 2002, p 12.

37 L'Etat forestier est un Etat autoritaire. Il annihile la participation des populations à la gestion des ressources forestières, plus particulièrement aux bénéfices de l'exploitation forestière.

38 Giovanni Busino définit les élites comme étant une minorité disposant, dans une société déterminée, à un moment donné, d'un prestige, des privilèges découlant de qualités naturelles valorisées socialement (par exemple la race, le sang) ou de qualités acquises (cultures, mérites, aptitudes).

Les modes et logiques d'actions des élites locales impliquées dans la gestion forestière au Cameroun sont à l'origine de nombreux dysfonctionnements. A cet effet, Patrice Bigombé39 présente le phénomène de l'émergence des élites locales, comme la constitution d'une caste privilégiée dans la gestion des ressources provenant de la forêt. Partant de la définition que donne Giovanni Busino40, il met en exergue l'acquisition des pouvoirs par une minorité de par leurs positions sociales, politiques et les fonctions exercées. Il ressort de cette analyse que la légitimité des élites dans le champ de la gestion décentralisée des forêts ne repose pas forcement sur des qualités naturelles, mais plutôt sur leur capital politique et social. Cela a quelques fois des répercussions sur les revenus issus de l'exploitation des produits de la forêt.

Les manières de faire, d'agir, et de gérer des élites sont les facteurs majeurs qui limitent l'investissement des revenus41 de la gestion décentralisée des forêts dans le développement local. Les multiples stratégies auxquelles ont recours les élites dans la gestion des forêts sont fonction des services et des bénéfices escomptés42. Les élites se positionnent en principales entités productives dans le processus de demande et d'acquisition des espaces forestiers, et en élites loyales43 dans la rétrocession des redevances forestières. En ce qui l'aspect productivité, Djeumo44 remarque qu'il n'existe pratiquement pas de dossiers d'attribution de forêts communales, communautaires ou des zones d'intérêt cynégétique à gestion communautaire qui n'aient bénéficié, de manière directe ou indirecte, de l'appui ou d'un quelconque soutien des élites. Leurs actions portent généralement sur plusieurs

39Patrice Bigombé Logo, « Les élites et la gestion décentralisée des forêts au Cameroun. Essai d'analyse politiste de la gestion néo patrimoniale de la rente forestière en contexte de décentralisation », CERAD-GEPAC-GRAPS, pp 11-17.

40 Giovanni Busino, Elite(s) et élitisme, Paris, PUF, Collection « Que sais-je ? », 1992, p 4.

41 Patrice Bigombé Logo, Les élites et la gestion décentralisée des forêts au Cameroun. Essai d'analyse politiste de la gestion néo patrimoniale de la rente forestière en contexte de décentralisation, CERAD-GEPAC-GRAPS, pp 11-17.

42 Op cit. , p 17.

43 Dans ce contexte, la loyauté démontrée par les élites est une ruse habile. Il s'agit de présenter l'image d'un politicien local, qui assume les engagements politiques pris pour le bien-être de la communauté et qui, travaille pour la réalisation des objectifs de son mandat. Cette image d'élites loyales s'exprime dans les actions engagées pour garantir la rétrocession effective des revenus financiers issus de l'exploitation forestière aux communes et aux communautés villageoises riveraines, et à la mobilisation collective des gestionnaires des redevances forestières en vue du retardement de la péréquation. Les maires utilisent la diplomatie des couloirs et la persuasion des autorités publiques pour empêcher la matérialisation du système de péréquation visant à faire bénéficier les redevances forestières aux communes non forestières. La réglementation en matière de procédures et de normes de collecte, de distribution et de gestion des redevances, est instrumentalisée pour atteindre ces objectifs. Les élites sont perçues comme des « messies » commis à la tâche de veiller sur le bien être des communautés.

44 Alain Djeumo, « Développement des forêts communautaires au Cameroun : genèse, situation actuelle et contraintes », In Réseau de foresterie pour le développement local, n°25 (b), pp 1-17.

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répertoires, notamment, la prise d'initiative, la mobilisation communautaire, la participation financière, le montage intellectuel du dossier, le démêlement des procédures administratives et le suivi des dossiers45. Ce sont donc, toutes ces actions qui leurs confèrent un statut d'élites utiles, travaillant pour le développement de leurs communautés.

La rétribution46 des investissements consentis dans l'acquisition des espaces forestiers, la rétrocession des taxes et redevances forestière, s'opère lorsque les revenus forestiers sont mis à la disposition des gestionnaires légaux de ces fonds. Elle prend généralement deux formes : une rétribution collective au sein de « la classe élitiste » et une rétribution individuelle. La rétribution collective se caractérise par une multiplication des dépenses financières relatives à la gestion administrative et bureautique des institutions locales de gestion des forêts, à la réalisation des projets non définis par les plans de gestion de ces espaces et au paiement des indemnités, parfois colossales, pour le niveau et le milieu de vie, aux membres de bureaux des associations des forêts communautaires, des comités de valorisations des ressources fauniques et de gestion des redevances forestières47. La dimension collective réside dans le fait que les fonds qui sont alloués à ces dépenses de fonctionnement sont partagés avec l'ensemble des membres des bureaux des organes locaux de gestion.

La rétribution individuelle, quant à elle, se traduit par les pratiques de distraction de fonds. C'est ce que relève Hubert Ngoumou.48 Pour lui, le manque de transparence dans la circulation de l'information et la redistribution des fonds, la non déclaration des montants des chèques dus aux populations, le manque de critères objectifs de partage des fonds sont des phénomènes courants observés dans les communes. En plus, la non production des documents comptables garants d'une traçabilité et d'une lisibilité de la gestion des fonds reste aussi un élément qui ne favorise pas le bon fonctionnement de la gestion de la rente forestière communautaire. Par ailleurs, l'argent perçu par certains maires au profit des communautés n'est pas redistribué aux communautés et emprunte des destinations inconnues.

45 Patrice Bigombe Logo, « La fiscalité forestière décentralisée dans la réforme camerounaise », In Revue Africaine de sciences sociales et d'études culturelles, 2004, pp 203-233.

46 Patrice Bigombé Logo, Les élites et la gestion décentralisée des forêts au Cameroun. Essai d'analyse politiste de la gestion néo patrimoniale de la rente forestière en contexte de décentralisation, CERAD-GEPAC-GRAPS, p 16.

47 Patrice Bigombé Logo, les régimes de la tenure forestière et leurs incidences sur la gestion des forêts et la lutte contre la pauvreté, GRAPS-CERAD, Yaoundé, 2007, p 15.

48 Hubert Ngoumou, Etude empirique de la fiscalité forestière décentralisée au Cameroun : levier du développement local ?, Mémoire de master en foresterie rurale et tropicale, Ecole nationale de génie rural des eaux et forêts, Montpellier, Décembre 2005, p 45-55.

Les élites développent des logiques et des stratégies de captation, de gestion néo patrimoniale de la rente forestière, qui annihilent les efforts de développement des populations rurales. En effet, les pratiques et politiques de décentralisation mises en oeuvre dans ce cadre sont coercitives et reproduisent, au niveau local, les pratiques de l'Etat forestier. La garantie d'une performance réelle de cette réforme, au triple plan politique, économique et écologique, exige en définitive une dévolution effective des pouvoirs à des institutions endogènes locales et aux responsables démocratiquement élus au niveau des villages, qui rendent compte de l'exercice de leurs pouvoirs à la fois aux populations villageoises riveraines et aux institutions étatiques. Ces différentes démarches scientifiques constituent le point de départ des analyses que nous entendons faire dans le cadre de cette étude.

VI. PROBLEMATIQUE

La décentralisation est un processus interactif, contradictoire et dynamique, qui reflète l'historicité des circonstances et des forces sociales qui le modèlent. L'Etat, évidemment, a une place prépondérante dans ces mouvements puisqu'il les reconnaît, les initie, les accompagne ou les délégitime. Il ne les construit cependant pas de manière formelle. La décentralisation peut-être considérée comme un transfert à des entités autres que l'Etat, de pouvoirs de décision antérieurement détenus par ce dernier. L'aspect dévolutif de la loi de 1994 est mis en exergue à travers la possibilité d'associer les collectivités locales et les communautés villageoises à la gestion des ressources forestières de manière rationnelle pour un développement durable. Il s'agit de donner à celles-ci le droit de propriété sur les forêts et sur les bénéfices y afférents, à travers le transfert effectif du pouvoir au niveau local. Cependant, le pouvoir acquis par les élites dans le champ de la gestion décentralisée des forêts au Cameroun, notamment les forêts communautaires et la RFA, a constitué un levier de prédation de la rente forestière. Le niveau de vie des populations mais aussi celui des infrastructures sociales n'a pas foncièrement changé par rapport à la période d'étatisation du domaine forestier. A cet effet, la question fondamentale que nous nous posons est la suivante : en quoi la mise en place de la forêt communale comme processus de gestion décentralisée des forêts au Cameroun constitue-t-elle une opportunité réelle de développement endogène à l'échelle locale ? Au delà de ces préoccupations, quelle est l'implication des populations locales dans la gestion durable des forêts communales ?

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VII. HYPOTHESES

Comme réponse à notre préoccupation, nous émettons une hypothèse principale et deux hypothèses secondaires.

· Hypothèse principale

La mise en oeuvre de la forêt communale traduit dans les faits les principes de la gouvernance, de la participation et de la responsabilisation des populations villageoises dans la gestion des ressources forestières.

· Hypothèse secondaire 1

La non-maîtrise des connaissances relatives à l'exploitation forestière et des outils de management constituent une entrave à la bonne gouvernance de la forêt communale.

· Hypothèse secondaire 2

Les populations locales ne sont pas intégrées dans le processus de gestion du massif forestier communal.

VIII. PROCESSUS METHODOLOGIQUE

Pour tout travail scientifique, une démarche explicative de la méthode s'impose. La méthode est une conception intellectuelle coordonnant un ensemble d'opérations ou de techniques mises en oeuvre pour atteindre un ou plusieurs objectifs49.

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