WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Gestion décentralisée des forêts au Cameroun: cas de la forêt communale de Moloundou

( Télécharger le fichier original )
par Stéphane Hervé ABESSOLO
Université catholique d'Afrique centrale - Master 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A. Organe technique de gestion de l'exploitation de la forêt communale

Le choix porté sur la sous-traitance comme mode d'exploitation de la forêt induit immédiatement la création d'une structure communale en charge de la gestion des activités liées à l'exploitation de la forêt communale. C'est dans cette optique que le conseil municipal a crée, au sein de la cellule de foresterie et de la coopération décentralisée, une cellule de contrôle de l'exploitation de la forêt communale de Moloundou94. Cet arrêté définit clairement l'organisation de la structure ainsi que les missions assignées à chaque poste.

1. Missions de la cellule de contrôle de l'exploitation de la forêt communale

L'arrêté municipal N°13/AM/B 12.01/C/MOL/SG/CFDC/06 porte sur la création et les attributions des membres de la cellule de contrôle de l'exploitation de la forêt communale. Elle est composée de la manière suivante :

94 Arrêté municipal n° 13/AM/B12.01/C/MOL/SG/CFCD/06 portant création et définition des missions de la cellule de contrôle de l'exploitation de la forêt communale de Moloundou.


· Le superviseur de la cellule de contrôle a un rôle de coordination de toutes les opérations de suivi effectuées par l'équipe de contrôle. Il représente également la commune auprès du partenaire d'exploitation, des communautés locales et de l'administration chargée des forêts.

· Le responsable des opérations forestières contrôle les opérations de l'exploitation sur le terrain et assiste, en cas de besoin, le superviseur de la cellule de contrôle pendant les réunions liées à l'exploitation de la forêt communale ;

· Le boussolier est chargé du contrôle des limites de l'assiette de coupe ;

· Le prospecteur, est d'inventorier les essences qui figurent dans l'assiette de coupe, vérifier si celles-ci sont abattues et si les normes d'exploitation sont respectées ;

· Le commis d'abattage quant lui, vérifie, si tout le bois abattu figure dans l'assiette de
coupe et rend compte que les essences retenues sont abattues et ne sont pas abandonnées ;

· Le commis de débardage vérifie que tout le bois abattu est débardé et contrôle le marquage des souches ;

· Le commis de parc DF 10 contrôle le cubage du parc DF 10, vérifie les codes et les essences qui figurent dans la feuille DF 10 ;

· Le commis de parc de transformation contrôle le cubage au parc ainsi que le marquage des grumes ;

· Le commis d'évacuation contrôle le nombre de camions chargés et les lettres de voitures.

Il faut relever ici qu'en dehors des postes de superviseur et de responsable des opérations forestières, les autres postes reflètent la constitution des équipes d'exploitation de la société ALPICAM. La volonté manifeste des dirigeants communaux est d'avoir au moins un représentant à chaque étape du processus d'exploitation. Cette organisation facilite le suivi des activités de récolte des grumes par la commune et permet d'éviter des dissonances sur les volumes produits. L'atteinte des objectifs de la cellule de contrôle nécessite un certain nombre d'acquis sur le triple plan organisationnel, financier et capital humain.

2. Analyse du fonctionnement de la cellule de contrôle

La cellule de contrôle du suivi de l'exploitation de la forêt communale de Moloundou est au coeur de la gestion de toutes les activités liées à la production des grumes. Pour ce faire, elle est appelée à présenter certaines garanties sur le plan organisationnel, financier, matériel et au niveau de son capital humain.

70


· Le niveau organisationnel de la cellule de contrôle

L'organisation est définie comme étant un système social organisé pour atteindre un certain type d'objectif. Elle suppose un but formel, une division des tâches et une attribution des rôles, un système de communication, un mécanisme de prise de décisions, un ensemble de règles d'évaluation de l'activité95. En prenant cette définition comme point de départ du niveau organisationnel de la cellule, l'on se rend compte que les aspects communicationnels, mécanisme de prise de décisions et évaluation de l'activité ne sont pas pris en compte.

En ce qui concerne l'aspect communicationnel, il se pose un problème d'information. Cette difficulté est due à une indisponibilité et à une rareté des données relatives à l'exploitation du massif forestier communal. De tous les conseillers que nous avons interrogés, aucun n'est capable de donner un seul chiffre sur les volumes de production, pire encore sur les recettes engendrées par l'exploitation de la forêt communale. Si les élus du peuple, qui sont au coeur du pouvoir, n'ont pas d'informations, il est clair que les populations sont dans le même obscurantisme des profits générés par l'exploitation de leurs richesses naturelles. La non publication de ces recettes permet au maire de les gérer sans évaluation par rapport aux investissements réalisés. Sur un tout autre plan, les informations relatives aux offres d'emploi dans le chantier d'exploitation ne sont pas rendues publiques. Nous n'avons trouvé aucun avis public d'offre d'emploi dans les archives de la cellule. Cette tendance est confirmée par les jeunes des villages riverains96 à la forêt communale que nous avons interrogés. En guise de réponse à cette préoccupation, le chef de la cellule en charge du recrutement nous a confié que la faute revient au partenaire d'exploitation. Du fait que le directeur d'exploitation de la société ALPICAM ne transmet pas le besoin en main d'oeuvre dans les délais. Cette déclaration a été infirmée par ce dernier, qui nous a présenté des documents démontrant la véracité de ses propos. Tout porte à croire que le recrutement dans l'organisation dépend fortement des réseaux de sociabilités. A ce propos, un jeune du village Mbateka déclare :

« Le chef de la cellule n'a jamais affiché un avis de recrutement dans notre village. Iipasse son temps à recruter ses beaux-frères et ses cousins du village »97.Cette obsession à dissimuler les informations laisse penser que la structure à de nombreux démons à cacher.

95 Céline Mansencal, Didier Michel, Cours théories des organisations, Académie de Versailles, 2003, p 22.

96 Mambelé, Yenga, Mbateka, Dioula et Mbangoye 2.

97 Source : notre enquête de mai-juillet 2009.

La loi définit un certain nombre de prérogatives assignées à l'exécutif communal. Parmi celles-ci, on peut relever que le maire est chargé de gérer les revenus, surveiller les services communaux et la comptabilité communale, préparer et proposer le budget, ordonnancer les dépenses et prescrire l'exécution des recettes et de veiller à l'exécution des programmes de développement financés par la commune ou réalisés avec sa participation98. Cette disposition de la loi montre que le processus de prise de décision est centralisé au niveau du maire. Bien que prévu par la loi, la délégation de pouvoir99 est une vue de l'esprit dans la commune de Moloundou et particulièrement dans la gestion de la forêt communale. Dans la gestion quotidienne de la cellule de contrôle, toutes les décisions sont initiées par le maire. Cette situation est un facteur limitant au fonctionnement de la structure, le chef de la cellule de contrôle nous a confié qu'il est tenu de demander l'avis de ce dernier pour la moindre initiative ou décision. Les retards accusés dans l'établissement du certificat d'assiette de coupe100 sont la preuve palpable de la nocivité de la centralisation du pouvoir. L'absence de la dévolution au niveau de la prise de décision constitue un handicap dans l'atteinte des objectifs de la cellule de contrôle.

L'évaluation des activités d'exploitation de la forêt communale de Moloundou donne à l'exécutif communal, au partenaire d'exploitation, à la cellule de contrôle et aux communautés riveraines de meilleurs moyens de tirer les leçons de l'expérience, d'améliorer la prestation des services , de planifier et d'affecter les ressources, et de rendre compte aux principales parties prenantes en faisant état des résultats obtenus101. L'évaluation peut se baser sur les comptes-rendus réguliers ou rapports d'activités produits pendant la mise en oeuvre du projet. Dans le cas spécifique de la cellule, après trois années de fonctionnement, aucune évaluation n'a été réalisée ou commanditée jusqu'à présent. L'absence et l'insuffisance d'archives constituent la raison fondamentale. En effet, les documents qui tiennent lieu d'archives ne sont de nature à retracer fidèlement les activités d'exploitation. Quand ceux-ci ne sont bien tenus, dans certains cas, ils n'existent pas du tout. Pour illustration, la cellule ne possède pas de données sur l'exploitation de la forêt communale au cours de l'année 2007. C'est dire que réaliser une évaluation sur les activités de la cellule de contrôle constitue une véritable gageure.

98 Article 71 alinéa 1, de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes.

99 Article 72, de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes.

100 C'est l'acte légal délivré par le MINFOF indiquant les arbres à récolter dans une AAC.

101 Banque mondiale, suivi et évaluation : quelques outils, méthodes et approches, Rapport, 2004, p 10.

72


· L'aspect financier et matériel dans la cellule de contrôle

Le principal objectif de la cellule de contrôle est le suivi permanent des activités de prélèvement du partenaire d'exploitation. Pour mener à bien cette mission une mise en disponibilité des moyens financiers et matériels est primordiale. Ce budget de fonctionnement permet à la structure de réaliser les activités planifiées. Des propos recueillis auprès du chef de la cellule de contrôle, il ressort que la cellule fonctionne depuis 2006 sans budget. Cette information est confirmée par l'analyse des documents financiers102 de la commune. Le salaire fait partie des principales récompenses extrinsèques accordées au personnel. Il permet à l'organisation d'attirer et de garder les travailleurs hautement compétents et de les inciter à donner le meilleur d'eux-mêmes, afin d'atteindre des rendements élevés103. Le personnel de la cellule ne perçoit pas régulièrement sa rémunération, à ce jour il compte quatre (04) mois d'arriérés. La motivation à remplir sa tâche devient difficile dans ces conditions. Cette situation peut inciter les membres de cette équipe à percevoir des pots de vin de la part du partenaire d'exploitation. Le fonctionnement de la cellule est totalement hypothéqué sans dotations financières. Le chef de cellule révèle ces propos :

« A l'allure où vont les choses, je n'établis même plus un plan d'activités, puisque de toutes les façons aucun budget n'est voté pour la cellule. Pour réaliser une activité, je dois à chaque instant demander le financement au maire qui parfois est en déplacement104 ».

Pour comprendre cette situation, nous nous sommes rapprochés du maire et du secrétaire général. Ceux-ci nous expliquent qu'il n'existe pas de ligne budgétaire destinée à la foresterie communale ; ce qui rend impossible l'introduction du budget de fonctionnement de la cellule. Cet argumentaire semble peu convaincant. Pour les recettes générées par la forêt communale une ligne budgétaire est créée, il est donc logique qu'une autre prenant en compte le fonctionnement de la structure en charge du contrôle de son exploitation intègre le budget communal. L'on est en lieu de penser que la résolution de ce problème dépend largement de la volonté politique de l'exécutif communal plutôt que des raisons évoquées ci-dessus. Le rendement d'une équipe est sous-tendu par les moyens financiers et matériels mis à sa disposition.

102 Dans le cadre de l'élaboration du PDC de la commune de Moloundou, nous avons analysé les budgets et les comptes administratifs des exercices 2006, 2007.

103 Jean Schermerhorn, Comportement humain et organisation, Québec, 1994, ERPI, p 56.

104 Source : notre enquête de mai-juin 2009.

Sur un tout autre plan, l'approvisionnement de la cellule en matériel souffre de dysfonctionnements qui entraînent une dégradation des conditions de travail. En effet, en raison de l'absence de volonté politique de l'exécutif communal, les membres de la cellule évoluent dans un environnement peu propice à la réalisation de leurs missions. Paradoxalement aux équipes du partenaire d'exploitation qui possèdent un matériel de pointe, nous constatons que la cellule chargée du contrôle de leurs activités est encore réduite à l'utilisation d'un matériel rudimentaire. En guise d'illustration, le boussolier, comme son nom l'indique utilise encore malheureusement la boussole, alors que le GPS est plus efficace et facilement utilisable. En ce qui concerne le matériel de sécurité, les ouvriers interrogés déclarent qu'ils sont en perpétuel danger ; car ne possédant ni chaussures de sécurité, ni casque de protection pour les oreilles ou la tête. L'importance de la cellule de contrôle n'étant plus à démontrer, l'exécutif communal doit mettre à la disposition de celle-ci tous les moyens financiers et matériels afin de permettre à ses membres de mener efficacement leurs missions.


· Le niveau du capital humain de la cellule de contrôle

Pour ce qui est du capital humain, la cellule de contrôle est composée d'une équipe de quatorze membres, qui, pour la plupart, ne possède pas le capital de connaissances nécessaires sur les questions forestières. Pour mener efficacement les missions assignées à la cellule, le superviseur doit être un ingénieur ou technicien forestier avec des compétences socioéconomiques. Le superviseur en fonction ne possède pas un tel profil, ce dernier a une formation de juriste à la base. Le choix d'un profane à la tête d'une structure aussi névralgique est de nature à sous-optimiser ses résultats. Des propos recueillis auprès du maire, l'absence d'un personnel communal qualifié dans le domaine est à l'origine de ce choix. C'est dans l'optique de remédier à ce manque de qualification que deux agents de la commune de Moloundou sont actuellement en formation à l'école des eaux et forêts de Mbalmayo. En outre, la zone de Moloundou est à forte connotation forestière, les activités d'exploitation de bois y sont pratiquées depuis 1968105. On retrouve donc, de ce fait, de nombreux autochtones qui se sont formés sur le tas, à l'instar du reste de l'équipe. Bien qu'ayant cette formation, la nécessité d'un renforcement des capacités s'impose. Notamment sur le volet environnemental de l'exploitation forestière et sur l'accompagnement des populations en matière de sensibilisation. La viabilité de la structure communale en charge du suivi de l'exploitation est un préalable à la gestion durable du massif forestier.

105 Entretien avec le maire de la commune de Moloundou, du 26 juin 2009.

74

B. Le mode de gestion de l'exploitation de la forêt communale : la soustraitance

Le mode de gestion de la forêt communale en vigueur est la sous-traitance, qui est un contrat de convention définissant les activités d'exploitation et d'aménagement forestier qu'un promoteur est appelé à exécuter dans le cadre de l'aménagement ou de l'exploitation d'une forêt106. La commune Moloundou, ne disposant pas de moyens matériels et financiers nécessaire pour l'exploitation, a opté pour un aménagement par l'exploitation par vente de coupe. L'idéal aurait été que la commune réalise elle-même les inventaires d'exploitation de l'assiette de coupe ouverte à l'exploitation et mettre le volume de bois ainsi obtenu en appel d'offre. Mais, l'éloignement de cette forêt des grandes zones de concentration des industriels du bois (Yaoundé et Douala) et sa superficie réduite ne permettent pas d'avoir des assiettes de coupe annuelles de taille raisonnable pour susciter véritablement la concurrence et augmenter de ce fait les gains de la commune. C'est cette raison qui la conduit à trouver un partenaire industriel, qui est la société ALPICAM, possédant une unité de transformation surplace.

1. Le partenariat entre la commune de Moloundou et la société ALPICAM

Pour l'exploitation de son massif forestier, la commune de Moloundou s'est attachée les services d'une entreprise professionnelle, dont la compétence et l'expérience sont avérées en matière d'exploitation forestière. La société ALPICAM a été créée en 1975 et est une filiale du Groupe ALPI. Elle a comme objet principal, la transformation industrielle du bois et dispose de trois unités de transformation, dont le complexe industriel de Bonabéri à Douala, la scierie de Kika (Moloundou) et celle de Mindourou.

Le contrat entre la commune et ALPICAM a pour objet de définir les modalités de collaboration entre les parties contractantes, en vue de l'exploitation et la mise en valeur de la forêt communale. Pour ce qui est des engagements, la commune de Moloundou doit :

- mettre à la disposition exclusive au profit de la société ALPICAM toutes les assiettes

de coupe de la forêt communale, en vue de l'exploitation conformément au plan

d'aménagement ;

- gérer l'interface avec les populations dans le cadre du droit d'usage de celles-ci, tel que défini par l'autorité compétente ;

- informer et orienter les administrations compétentes dans le cadre des opérations de suivi et de contrôle conformes à la réglementation ;

106 Article 51 alinéa 1, la loi de n°94/01 du 20 janvier 1994 portant des forêts, de la faune et de la pêche

- produire tous les documents liés à l'exploitation forestière et les mettre à la disposition de la société ALPICAM.

Pour ce qui est de ses engagements, la société ALPICAM doit :

- produire, enlever les bois et payer le montant échu à la commune, conformément aux clauses convenues dans l'avenant ;

- Transporter et commercialiser, sous le marteau de la commune, les essences exploitées dans la forêt communale ;

- respecter le cahier de charges, les normes d'exploitation et les normes environnementales établis conformément au plan d'aménagement ;

- payer, pour le compte de la commune de Moloundou, des impôts, taxes et autres droits d'exploitation prévus par la loi et les règlements en vigueur.

Concernant les clauses financières :

- les sommes dues par la commune sont calculées sur la base du volume de bois produit, à partir des prix unitaires au mètre cube par essence et versées mensuellement par la société ALPICAM dans les comptes bancaires ouverts à cet effet par la commune ;

- Les prix unitaires par essence sont arrêtés de commun accord dans une grille de prix qui est établie et signée par les deux parties et renouvelée chaque année en fonction des fluctuations des essences sur le marché national et international.

La lecture de ce contrat suscite trois principales observations. La première est liée à la durée de l'accord, qui est équivalente à celle du plan d'aménagement, soit trente (30) années. Le fait de signer un contrat à long terme limite les actions futures de la commune. Des entretiens eus avec les populations, certains conseillers et un des adjoints au maire, la société ALPICAM ne jouit pas d'une bonne image auprès de ces derniers. Cet adjoint ajoute même qu'il faut changer de partenaire d'exploitation. Ceux-ci estiment que la société ne remplit pas suffisamment le cahier de charges. La commune, a initié avec l'appui technique du CTFC, la révision du dit contrat ; mais les négociations sont très difficiles avec la direction de la société ALPICAM. Si la commune avait signé un contrat à court terme, elle n'aurait attendu que la fin de celui-ci pour faire sa révision. Dans le cas présent, la mairie est en position de faiblesse. La seconde a trait à la récolte des essences dans les AAC. Aucune clause ne spécifie le fait que le partenaire d'exploitation choisisse une catégorie d'essence à prélever. C'est cette omission qui semble être à l'origine de la sous exploitation de la forêt communale.

76

La dernière observation est en relation avec les frais d'exploitation. Le contrat n'intègre pas les dispositions liées à la détermination de ces frais. En général, de nombreux aspects de ce document sont développés superficiellement, l'appui technique reçu par la commune arrive au moment opportun. Dans l'optique de l'aboutissement des négociations sur la révision du contrat, les engagements des deux parties seront plus explicites ; ce qui maximisera le rendement de l'exploitation de la forêt communale.

2. L'exploitation proprement dite de la forêt communale

Le prélèvement du bois dans la forêt communale se déroule, tel que planifié par le plan d'aménagement. En effet, le massif forestier communal est subdivisé en six (06) blocs d'exploitation. Chaque bloc est ensuite divisé en cinq (05) assiettes annuelles de coupe (AAC) de même superficie. Une AAC est donc exploitée chaque année et ceci durant trente (30) années.

Le début d'exploitation d'une AAC est régi par la réalisation d'un inventaire par la commune, qui s'accompagne d'une attestation de mesure de superficie107. Des informations recueillies auprès du chef de la cellule de contrôle d'exploitation, cette étude n'est jamais réalisée dés le départ, tout au contraire c'est le partenaire qui la commet. Il faut dire ici que cet inventaire représente un baseline des essences et du volume de bois à prélever durant l'année. Ainsi, la commune doit adresser annuellement, au représentant local de l'administration chargée des forêts, un plan d'opérations décrivant l'ensemble des travaux d'aménagement envisagés, ainsi que le rapport d'activités réalisées précédemment108. Cette disposition étaye la volonté étatique de transfert de pouvoir et de responsabilisation au niveau local. Dans les archives que nous avons consultées au niveau de la commune et du poste forestier de Moloundou, il n'existe pas de document ayant trait à un plan annuel d'opérations ou de rapport d'activités qui sont pourtant d'importants outils de suivi et d'évaluation. Deux raisons expliquent ces manquements. La première émane de la connaissance même des dispositions en matière d'exploitation. De toute l'équipe de la cellule de contrôle interrogée, aucun membre ne possède ou encore n'a jamais pris connaissance des normes109 régissant

107Quentin Delvienne, Brochure d'information sur les forêts communales au Cameroun, PPP FSC/GTZ, Yaoundé, 2008, pp 15-17.

108 Article 80 alinéa 1, du décret n° 95/531/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts.

109 Il s'agit de la loi de n°94/01 du 20 janvier 1994 portant des forêts, de la faune et de la pêche ; du décret
n°95/531/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts et de l'arrêté n°

l'exploitation forestière au Cameroun. Il est très difficile pour ces derniers d'accomplir une tâche, dont ils n'ont pas suffisamment d'informations. La seconde raison se situe au niveau de l'organisation et de la définition des missions de la cellule. L'exécutif communal, dans l'orientation donnée à cette entité, ne s'est pas inspiré des textes en vigueur en matière d'exploitation forestière. Ceci entraîne, par conséquent, une définition incomplète des missions assignées à la cellule de contrôle occultant de ce fait des aspects importants de la gestion de l'exploitation. Le plan d'action annuel, par exemple, permet la description des activités d'exploitation, indiquant pour chacune d'elles, quelles sont les ressources à mobiliser, qui en est responsable et quels sont les résultats à atteindre. Cet outil permet aussi bien à la cellule de contrôle communale qu'au poste forestier local d'effectuer un meilleur suivi des activités de prélèvement des grumes du partenaire d'exploitation.

Le début des activités de prélèvement des grumes ne peut intervenir qu'après signature et notification du titre d'exploitation par le maire de la commune110. Le titre d'exploitation, dénommé « certificat d'assiette de coupe », est délivré par le ministère chargé des forêts au cours du mois de décembre, celui-ci s'accompagne des cartes d'inventaire d'exploitation indiquant les arbres à récolter111. Cet acte donne le quitus au partenaire d'exploitation pour lancer les activités d'exploitation dans l'AAC identifiée par le plan d'aménagement. Pour le responsable des opérations d'exploitation d'ALPICAM, le dit certificat n'est jamais disponible à temps afin de permettre le début effectif des activités. Ce manque de professionnalisme de la part de la mairie est préjudiciable au rendement de la production du massif forestier communal ; car, selon ce responsable une planification de l'exploitation est faite au niveau de la société. Celle-ci affecte une période bien déterminée à l'exploitation de la forêt communale, par conséquent les retards accusés dans l'établissement du certificat réduisent de facto la période de récolte des grumes. Pour une maximisation de ces gains, il est intéressant que les responsables communaux en charge des questions forestières réalisent les études préalables à la délivrance du « certificat d'assiette de coupe » à temps, ce qui augmentera la production en grumes.

Depuis le début de sa mise en valeur en 2006, trois AAC ont été exploitées dans la forêt communale de Moloundou. Le ralentissement des activités dans la filière bois n'a pas

0222/A/MINEF du 25 mai 2001 portant sur les procédures d'élaboration, d'approbation, de suivi et de contrôle de mise en oeuvre, des plans d'aménagement des forêts de production du domaine forestier permanent.

110 Article 80 alinéa 2, du décret n° 95/531/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d'application du régime des forêts.

111 Quentin Delvienne, Brochure d'information sur les forêts communales au Cameroun, PPP FSC/GTZ, 2008, p 19.

78

permis l'exploitation de la quatrième AAC. Le tableau ci-dessous retrace les essences prélevées ainsi que les volumes de bois.

Tableau N° 7 : Essences exploitées dans la forêt communale et les volumes prélevés112

2006

2008

ESSENCES PRELEVEES

VOLUMES PRELEVES

ESSENCES PRELEVEES

VOLUMES PRELEVES

AYOUS

4140 m3

AYOUS

13138,311 m3

SIPO

760 m3

SIPO

152,938 m3

SAPELLI

5 855 m3

SAPELLI

1818,533m3

ASAMELA

293 m3

ASAMELA

147,898m3

ANIGRE

120 m3

ANIGRE

0,8m3

BOSSE

204 m3

BOSSE

44,597m3

COSIPO

266 m3

PADOUCK

49,061m3

BETE

96 m3

OKAN

19,635m3

ACAJOU

432 m3

ACAJOU

68,493m3

IROKO

471 m3

TALE

18,811m3

volume total prélevé

12 638 m3

 

15 466,286 m3

 

Source : cellule de contrôle de l'exploitation de la forêt communale

Des 23 essences retenues lors du calcul de possibilité dans le plan d'aménagement, 12 essences seulement font l'objet d'une exploitation de la part de la société ALPICAM. L'essence la plus prélevée est l'Ayous, elle passe de 33 % du volume de production en 2006 à 85% en 2008113. Parmi les autres essences exploitées, seul le Sapelli est jugé représentatif. Ces proportions de production passe de 46% en 2006 à 12 % en 2008114 .Ces statistiques montrent clairement que le partenaire d'exploitation n'a qu'un seul objectif de production, à savoir : la fourniture du Groupe ALPI en Ayous. Cette stratégie constitue une importante entrave aux prévisions de production de la commune, et par ricochet de ses recettes communales. Il faut souligner ici que lorsqu'on clôture l'exploitation d'une AAC, il est impossible de revenir sur cette dernière les années suivantes, le cycle de rotation étant de 30 années. Par conséquent, toutes les grumes non récoltées constituent une perte sèche pour le propriétaire de la forêt. Un constat simple se dégage : depuis le début de son exploitation, la

112 Les données chiffrées de l'exploitation en 2007 sont indisponibles.

113 Source : Notre enquête de terrain de mai-juillet 2009.

114 Source : Notre enquête de terrain de mai-juillet 2009.

forêt communale est sous-exploitée par le partenaire d'exploitation. Malgré ce manque à gagner, aucune réflexion encore moins stratégie n'ont été mises sur pied par l'instance dirigeante de la commune afin de palier à ce problème. Chaque année, la commune continue de perdre des rentrées d'argent. La résorbsion de ce problème passe par le réexamen du contrat de partenariat. Ainsi, l'exécutif communal peut négocier avec le partenaire d'exploitation, afin que celui-ci récolte toutes les essences inventoriées dans l'AAC, même s'il ne les commercialise pas toutes. En conséquence, la commune se charge d'écouler sur le marché les essences écartées par ALPICAM et les charges relatives à l'exploitation sont supportées par l'institution communale. Cette éventualité induit un réaménagement dans l'organisation de la structure en charge des questions forestières à la commune, à travers la création d'un service marketing. Bien que les produits ligneux soient le bien le plus prisé dans la forêt, les produits forestiers non ligneux (PFNL) constituent aussi une importante source de revenus.

3. La place des produits forestiers non ligneux dans l'exploitation de la forêt communale

Les produits forestiers non ligneux (PFNL) sont des produits d'origine biologique, autres que le bois, dérivés des forêts, d'autres terres boisées et d'arbres hors forêts et destinés à l'alimentation humaine et animale, à la transformation agroalimentaire, à la commercialisation115 et la pharmacopée traditionnelle. Les PFNL jouent un rôle important dans l'augmentation de l'approvisionnement alimentaire et l'apport de produits de subsistance : l'amélioration des revenus, les médicaments et les emplois116. Les PFNL sont répartis en deux grands groupes : les PFNL d'origine végétale et les PFNL d'origine animale.

Les plantes font partie des principaux PFNL, ils sont consommés comme aliment de base ou plat principal, condiment, aromate, excitant ou aphrodisiaque117. Le tableau cidessous catégorise les différents PFNL présent dans la forêt communale et l'usage qui en est fait.

115 FAO, Produits forestiers non ligneux. Division des produits forestiers, 2003b.

116 FAO, Gestion des ressources naturelles fournissant les produits forestiers non ligneux alimentaires en Afrique centrale, document de travail n°5, 2007, p 30.

117 Op cit. , p 32.

80

Tableau N°8 : Espèces utilisées pour l'alimentation et la pharmacopée

Nom pilote

Nom scientifique

Partie récoltée

Utilisation

Amvout

Trichiscoscypha arborea

Fruit

Alimentation

Bilinga

Nauclea diderrichii

Fruit

Alimentation

Andok

Irvingia gabonensis

Fruit

Alimentation

Ebom

Anonadium mannii

Fruit

Alimentation

Essessang

Ricinodendron heudelotii

Fruit

Alimentation

Kanda

Beilschmeidia obscura

Fruit

Alimentation

Calatier

Cola acuminata

Fruit

Alimentation

Moabi

Baillonnella toxisperma

Fruit

Alimentation

Onie

Garcinia cola

Fruit

Alimentation

Onzabili

Antrocaryon micraster

Fruit

Alimentation

Sissongo

Pennisetum sp

Feuille

Alimentation

Gnetum

Gnetum africanum

Feuille

Alimentation

Akak

Duboscia veridiflora

Ecorce

Médecine traditionnelle

Fromager

Ceiba pentandra

Feuille

Alimentation

Andok ngoé

Irvingia grandifolia

Ecorce

Médecine traditionnelle

Bahia

Mytragina ciliata

Ecorce

Médecine traditionnelle

Eveuss

Klainedoxa gabonensis

Ecorce et fruit

Médecine traditionnelle

Fraké

Terminalia suberba

Ecorce

Médecine traditionnelle

Ilomba

Pycnanthus angolensis

Ecorce

Médecine traditionnelle

 

Source : Plan d'aménagement de la forêt communale de Moloundou, Janvier 2006

Ce tableau montre que la forêt communale regorge d'un fort potentiel en PFNL commercialisables, ce qui est synonyme de création de revenus et d'emplois. Depuis 2006, date du début de son exploitation, la priorité est au prélèvement des grumes. Aucune action, ni investissement n'est allé dans le sens de la valorisation des PFNL, alors que la certitude d'une rentabilité ne fait l'ombre d'aucun doute. Ce secteur d'activités est marginalisé par la commune, nonobstant son apport dans l'amélioration des conditions de vie des populations riveraines et des recettes budgétaires communales. La municipalité peut valoriser ce domaine en partenariat avec les populations. Au cours de notre descente sur le terrain, nous avons rencontré des populations du village Dioula118 organisées autour d'un GIC dénommé « SEA SIKINO119 ». Celui-ci regroupe les cueilleurs de PFNL et a pour objectif la promotion et la vente de ceux-ci. Le président de ce groupe liste un certain nombre de difficultés dans ce secteur d'activité liées aux techniques de collecte et d'identification des PFNL, tracasseries policières lors de l'écoulement de la production et au manque de financement. L'idée émise par ce dernier est l'opportunité que détient la commune d'initier un réseau de GICs à cette activité. L'apport communal à cette faîtière peut s'inscrire sous trois angles : l'appui

118 Village riverain à la forêt communale.

119 Ce terme signifie en français « Un seul coeur pour bouter la pauvreté ».

technique, le financement et le plus important qui est l'obtention du permis spécial d'exploitation. La mise sur pied de ce réseau permettra la création de nombreux emplois, et par conséquent l'augmentation des revenus des populations villageoises. Les PFNL ne sont pas seulement d'origine végétale, il existe ceux d'origine animale.

Il existe plusieurs types de PFNL d'origine animale, qui sont consommé au Cameroun et présents dans la forêt communale. Les principaux sont les suivants : le gibier (mammifères terrestres et aquatiques), les insectes (chenilles, et termites), les produits apicoles (miel), les escargots, les oiseaux, les poissons et les reptiles. La forêt communale est couverte par le ZICGC n°9 et n°2, qui est géré par le COVAREF. C'est donc cette structure qui exploite le gibier dans le massif forestier communal. La forêt communale possède de nombreuses ressources naturelles créatrices de revenus. Le principal handicap demeure le mode gestion de ces fonds, qui n'atteint pas toujours l'objectif du changement du niveau de vie des populations.

II. Gestion des revenus de l'exploitation de la forêt communale et impact sur les populations

La dévolution du pouvoir de gérer les ressources naturelles constitue aujourd'hui un volet indispensable de la gestion forestière durable en permettant d'atteindre deux objectifs : une amélioration de la gouvernance locale par le transfert et la mise en oeuvre démocratique des pouvoirs de gestion et l'accroissement des niveaux de bien-être des populations rurales120. Cette problématique peut se résoudre par la formulation d'une question simple : Comment sont gérés les revenus de l'exploitation forestière et quel est l'impact sur les populations ?

A. Mode de gestion des revenus issus de l'exploitation de la forêt communale

De nombreuses études sur la fiscalité décentralisée au Cameroun relèvent des manquements sérieux, du fait de la mauvaise gouvernance121. Les 50 % de la RFA versée

120 Guillaume Lescuyer, « Formes d'action collective pour la gestion locale de la forêt camerounaise : organisations modernes ou institutions traditionnelles », in Vertigo (revue électronique en science de l'environnement), vol.6 n°3, décembre 2005, p 1.

121 Patrice bigombé Logo, « Décentralisation dans la gestion forestière et développement local au Cameroun: Economie politique et l'accountabilité et de la performance dans la gestion locale des revenues forestières au Sud Est Cameroun », Draft report WRI, 2001, p 20; « The decentralized forestry taxation system in Cameroon : local management and state logic », In Environmental governance in Africa, Working paper n° 10, Washington, 2003.

82

aux communes et communautés villageoises riveraines et la taxe 1000FCFA/m3 ne sont pas suffisamment investies dans l'amélioration du niveau de vie des populations. Ces fonds sont plutôt à l'origine de l'enrichissement des élites locales, gestionnaires des produits et des avantages de la gestion décentralisée des forêts122. L'une des principales réserves émises est liée au risque de l'effet de mimétisme de la gestion des RFA par les municipalités sur celle des forêts communales. De par son statut de forêt permanente, la gestion de la forêt communale est régie par un plan d'aménagement. La commune est responsable de son massif, de sa gestion et des revenus qui en découlent.

1. Les recettes de l'exploitation de la forêt communale

La forêt communale de Moloundou est en exploitation depuis trois années ; à cette date, trois AAC ont été exploitées, celle de 2009 n'a pu l'être à cause du ralentissement des activités de la filière bois. La société ALPICAM a accompagné financièrement la commune dans la procédure de classement, l'élaboration du plan d'aménagement et la réalisation d'une étude d'impact environnemental. Ainsi, pour l'épuration de la dette, la commune et le partenaire d'exploitation ont trouvé l'accord, selon lequel ce dernier doit prélever 2500/m3 chaque mois jusqu'à l'épuisement complet de la dette123. Une clause du contrat de partenariat prévoit le paiement par ALPICAM, pour le compte de la commune des impôts, taxes et autres droits d'exploitation prévus par la loi et les règlements en vigueur124. Cette facture est également retranchée des gains de l'exploitation du massif forestier. L'exclusivité du prélèvement des grumes est confiée à ALPICAM, qui paye des royalties par mètre cube de bois à la commune après déduction de tous les frais d'exploitation. Après avoir retranché des recettes brutes toutes les dépenses énumérées, les revenus issus de l'exploitation de la forêt communale se présentent de la manière suivante :

Tableau N°9 : volume total de grumes prélevées par année et somme rapportée à la Vente

 

Volume total de bois prélevé

Somme rapportée par la vente du bois

2006

12 638 m3

13 500 000 FCFA

2007

 

102 813 000 FCFA

 

122 Patrice Bigombé, « Les élites et la gestion décentralisée des forêts au Cameroun. Essai d'analyse politiste de
la gestion néo patrimoniale de la rente forestière en contexte de décentralisation », CERAD-GEPAC-GRAPS, p 7.

123 Source : Notre enquête de mai-juillet 2009.

124 Article 3 alinéa 3, contrat de partenariat entre la commune de Moloundou et la société ALPICAM.

2008125

15 466,286 m3

154 662 860 FCFA

 

Source : cellule de suivi de l'exploitation de la forêt communale

Les données sur les sommes dues et celles retenues comme frais d'exploitation n'ont pas été fournies par l'institution communale126. Néanmoins, à travers un recoupement d'informations, nous avons essayé de reconstituer la dette et la somme retenue par le partenaire d'exploitation. Des informations recueillies lors de l'entretien avec le maire, il ressort que le coût de la procédure de classement s'élève à 120 000 000 FCFA, tandis que l'étude d'impact environnemental a couté 25 000 000 FCFA. L'accord de remboursement prévoit que ALPICAM retienne 2500 FCFA/m3, en appliquant ce montant au volume de production, on a les sommes suivantes : 31 595 000 FCFA, 35 130 357 FCFA et 38 655 715 FCFA respectivement pour les années 2006, 2007127 et 2008. Dans l'optique d'avoir une estimation sur la dette de la commune, nous avons élaboré le tableau suivant :

Tableau N° 10 : Estimation des traites payées et de la dette de la commune

 

2006

2007

2008

2009

Somme retenue pour la dette

31 595 000 FCFA

35 130 357 FCFA

38 655 715 FCFA

 

Montant total

de la dette

145 000 000 FCFA

113 050 000 FCFA

77 919 642 FCFA

39 263 927 FCFA

 

Source : notre enquête de mai-juin 2009

La principale information que fournit ce tableau est l'estimation du reste de la dette de la commune vis-à-vis de la société ALPICAM. Au vu des traites annuelles réglées, cet emprunt peut être épongé d'ici deux années, à condition qu'il y ait une reprise des activités d'exploitation. Ceci contribuera à l'augmentation des recettes communales et par conséquent à celle des réalisations communales. Il serait dès lors intéressant d'explorer le mode de gestion de ces revenus.

125 Ce chiffre est une estimation qui ne tient pas compte de la dette et des frais d'exploitation. Nous avons considéré 10000 FCFA comme prix de référence du m3.

126 Durant notre séjour de trois mois à Moloundou, le receveur municipal a passé seulement deux semaines dans la ville. Nous n'avons donc pas eu le temps matériel pour pouvoir l'interviewer d'où l'absence de certaines données chiffrées.

127 Pour étayer notre raisonnement, nous avons estimé le volume de production de l'année 2007.

84

2. Analyse du mode de gestion des revenus de la forêt communale

Les règles qui régissent la trésorerie des collectivités territoriales décentralisées sont soumises à deux grands principes128 : le premier est le principe de l'unité de caisse, en vertu duquel l'ensemble des fonds disponibles d'une commune, quelle qu'en soit l'origine (fiscalité, subvention, dotation, emprunt), sert à assurer le paiement de l'ensemble des dépenses. Sauf cas expressément prévu par la réglementation en vigueur, on ne saurait réserver certaines catégories de deniers encaissés pour les utiliser au paiement de certaines catégories de dépenses. Le second principe est celui de l'unité de trésorerie, qui oblige les communes à déposer leurs fonds disponibles en attente d'emploi sur un compte du trésor public non rémunéré.

Si l'on se réfère au principe d'unicité de caisse, les recettes issues de l'exploitation de la forêt communale ne peuvent pas jouir d'une gestion particulière. Elles sont par conséquent intégrées dans le budget communal comme toutes les autres recettes. L'analyse des gains du massif forestier induit par conséquent celle du budget. Le premier fait à mentionner est que les techniques de gestion dans la commune de Moloundou sont restées archaïques. Le schéma est classique, le maire et son secrétaire général élabore le budget sans tenir compte des avis des autres membres de l'exécutif communal et des conseillers129. Les objectifs ne sont pas définis dès le départ, aucune planification n'est réalisée, on est en pleine navigation à vue, les ressources communales souvent limitées, ne sont pas gérées de manière à optimiser les investissements locaux. La réalisation des projets n'est pas l'objectif visé par l'exécutif communal, à titre d'exemple la ville de Moloundou n'est pas alimentée par une fourniture en eau potable malgré les recettes communales130. Cette situation laisse penser, que les ressources financières de l'institution communale font l'objet d'une prédation. On assiste à une accumulation primitive par tous les moyens, c'est « la politique du ventre »131 décrite par Jean-François Bayart. En revenant particulièrement sur les recettes générées par l'exploitation de la forêt communale, notre enquête a permis de constater que la gestion des revenus était la propriété personnelle du maire. Ce dernier et son receveur municipal sont les seuls à gérer l'aspect financier de l'exploitation du massif forestier. Les deux adjoints et les conseillers municipaux interrogés n'ont pas d'informations sur le montant réel de la dette de la commune vis-à-vis du partenaire, ni sur les frais d'exploitation annuels. Les questions financières sont

128 MINATD, Guide du maire et du conseiller municipal, Yaoundé, 2008, p 79.

129 Source : notre enquête de terrain de mai-juin 2009.

130 236 731 317 FCFA en 2005, 256 813 888 FCFA en 2006 et 422 012 914 FCFA en 2007.

131 Jean François Bayart, l'Etat en Afrique, Fayard, Paris, 1989, pp 282-290.

réglées directement entre le maire et la direction de la société ALPICAM, aucun feed-back n'est fait au conseil municipal. C'est ce que Médard considère comme une gestion néopatrimonialiste dont la principale caractéristique est la non distinction entre le public et le privé132. L'absence d'une différenciation entre le bien public et le bien privé induit l'accumulation des ressources. Malgré le fort potentiel économique de la commune de Moloundou, l'accès aux infrastructures sociales de base reste insuffisant pour ses populations. Il faut néanmoins saluer l'initiative du maire, qui est en passe de doter sa commune de l'outil de planification qu'est le PDC.

L'une des missions qui nous a été assignée lors de notre stage académique au CTFC était l'élaboration et la rédaction du PDC de la commune de Moloundou. Le PDC est un document de projets, sur la base des besoins exprimés, élaboré de manière participative par les communautés. Il vise à planifier, dans l'espace et dans le temps, les stratégies et actions de développement pour améliorer les conditions de vie des populations de la municipalité. Cet outil contribue à aider la commune dans la valorisation de ses intérêts, les compétences et les ressources locales, ceci en fonction des opportunités de développement locales et des priorités consensuelles. Ainsi, les recettes issues de l'exploitation de la forêt communale devront servir au financement des activités planifiées dans le document. En somme, le PDC permet d'alléger la tâche des gestionnaires, faciliter le suivi et l'évaluation par les acteurs locaux de la gestion des affaires communales, d'une part; et le contrôle des réalisations programmées, d'autre part. L'acquisition du PDC par la commune de Moloundou est une importante avancée en vue de l'exercice future des compétences dévolues aux communes133 en matière de développement économique, sanitaire, social, éducatif, sportif et culturel.

La gestion locale des revenus forestiers est encore loin de satisfaire aux exigences de développement local, c'est-à-dire de contribuer de manière significative à l'amélioration des conditions générales de vie des populations locales. Il serait tout de même intéressant de faire un état des lieux sur les apports de l'exploitation de la forêt communale en faveur des communautés riveraines.

132 Jean François Medard, La crise de l'Etat néo-patrimonial et l'évolution de la corruption en Afrique subsaharienne, Mondes en développement, 1998, pp 323-353.

133 Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant sur l'orientation de la décentralisation.

86

B. Impact de la gestion de la forêt communale sur les populations riveraines

La réforme forestière de 1994 a pour objectif le développement d'une foresterie sociale, c'est-à-dire une foresterie axée sur les gens et orientée vers la construction du bien- être des populations locales riveraines134. Les activités générées par l'exploitation des ressources naturelles de la forêt communale constituent un pôle de développement pour la commune. En augmentant ses recettes budgétaires, la mairie dispose de moyens financiers conséquents pour accroître la construction d'infrastructures socio-économiques. Le bilan des réalisations issues de l'exploitation du massif forestier communal reste négatif pour les communautés villageoises riveraines135. Dans les cinq villages riverains, les populations interrogées disent n'avoir pas bénéficié d'aucun projet lié aux recettes venant de la forêt communale. En d'autres termes, après trois années d'exploitation il n'y a pas eu de changement, comme l'atteste les propos de cet homme du village Mambélè :

« Depuis que cette forêt communale existe, rien n'a encore changé ici au village. Nous continuons à parcourir de longues distances pour soigner nos enfants et avoir de l'eau potable. On continue à attendre les écoles, les forages et tous ce que la commune nous a promis quand elle commençait cet histoire de forêt communale »136.

Sur un tout autre plan, un aspect positif dans cette exploitation est la création de quelques emplois temporaires pour les jeunes. Les statistiques137 montrent qu'au cours de la première année d'exploitation, vingt trois (23) ouvriers ont été recrutés dans le chantier. Pour l'année suivante, l'effectif a été revu à la baisse soit dix-sept(17) et la dernière année ALPICAM n'a retenu que neuf (09) personnes. En somme, il ya une génération de quarante neuf (49) emplois. Ce chiffre est loin d'être satisfaisant, pour une population en proie au chômage. Nous nous sommes interrogés sur les raisons pour lesquelles, le nombre de personnes recrutées est allé sans cesse décroissant. Le chef de site et le directeur d'exploitation de la société ALPICAM ont apporté des réponses à cette interrogation. La première cause est la qualification, les jeunes n'ont pas de formation professionnelle. Le profil prisé est celui de technicien (mécanicien, chauffeur, machiniste), chose très rare dans la commune de Moloundou. Il se pose un réel problème de formation, il n'existe aucune école de formation dans la localité. La seconde cause est liée au comportement des employés

134 Patrice Bigombé Logo, Les régimes de la tenure forestière et leurs incidences sur la gestion des forêts et la

lutte contre la pauvreté au Cameroun, Yaoundé, février 2007, p 1.

135 Source : notre enquête de mai-juillet 2009.

136 Source : notre enquête de mai-juillet 2009.

137 Source : cellule de contrôle de l'exploitation de la forêt communale.

autochtones. Ceux-ci ne sont pas habitués à la culture de l'entreprise, ils viennent au travail en temps voulu. La suite logique est la perte de l'emploi. Enfin, il faut dire que, dès le départ ALPICAM émet un besoin en main en oeuvre, si un ouvrier apporte satisfaction, ce dernier est retenu dans l'effectif de la société. Cette démarche réduit, de fait, la demande en personnel de l'année suivante. L'arrivée de la forêt communale a contribué à la revalorisation des revenus d'une infime partie de la population à travers ces emplois temporaires.

L'amélioration escomptée des conditions de vie des communautés riveraines à travers l'exploitation de la forêt communale, n'est pas encore visible. Cet état de chose est dû à la mauvaise gouvernance, qui se traduit par des lacunes en matière d'organisation des services communaux en charge de la gestion technique et financière des ressources forestières de l'exploitation du massif forestier. Il faut donc un renforcement de l'organisation et du fonctionnement de la structure en charge de la gestion des ressources forestières. Celle-ci doit être structurée en deux bureaux, à savoir : l'un en charge de toutes les questions administratives et l'autre de tout ce qui concerne l'exploitation forestière, l'appui aux communautés et le respect du plan d'aménagement. De plus, des moyens financiers et un personnel qualifié et compétent doivent être mis à sa disposition. En ce qui concerne la gestion financière des ressources, il faudrait que les autorités communales fassent recours à l'utilisation des outils de planification, notamment du PDC, qui permet une affectation rationnelle des moyens financiers et humains. Toutefois, son élaboration doit intégrer la vision partagée de toutes les populations de la municipalité. En somme, il ressort une nécessité pour les organisations de la société civile de jouer leur rôle d'éveil de conscience des citoyens, afin de sanctionner les mauvais gestionnaires à travers les urnes.

88

CHAPITRE IV : L'IMPLICATION DES

POPULATIONS LOCALES DANS LA GESTION DE LA FORET COMMUNALE

Dix ans après le Sommet de la Terre qui a fait du développement durable un objectif planétaire, la conférence de Johannesburg a mis en avant sa dimension sociale et a contribué à entériner le rôle central des communautés locales en matière de gestion des ressources naturelles138. L'idée que la forêt ne peut être gérée aux dépens des populations villageoises riveraines, ni en l'absence de leur participation active, constitue en ce moment l'un des concepts consensuels du discours international sur la protection de l'environnement. Cependant, la thématique sur la gestion participative, du transfert de l'échelon national à des niveaux plus locaux, ont mis du temps à s'imposer. Il a fallu un peu plus de deux décennies pour voir s'infléchir de façon nette le discours international, scientifique puis politique et enfin social sur la forêt139. Ce renversement des anciennes perceptions des habitants de la forêt tropicale précède et accompagne l'émergence du discours global sur la nécessité d'une meilleure prise en compte des droits des populations forestières.140

Cette volonté se trouve aujourd'hui inscrite dans la plupart des législations nationales qui, préconisent le transfert de pouvoir et de responsabilités associées, d'une structure centrale étatique vers une structure locale comme une communauté rurale141. L'implication des populations est donc un passage obligé de tout aménagement des forêts au Cameroun. Celle-ci est observable à un double niveau, lors de la mise en oeuvre et pendant l'exploitation de la forêt communale.

I. Implication des populations villageoises riveraines dans la procédure de mise en oeuvre de la forêt communale

Les forêts communales représentent un aménagement intermédiaire entre deux types de concessions. D'un côté, elles partagent avec le modèle des grandes concessions un

138 Guillaume Lescuyer, « Formes d'action collective pour la gestion locale de la forêt Camerounaise : organisation modernes ou institution traditionnelles ? », In Vertigo (la revue électronique en sciences de l'environnement), vol. 6 n°3, décembre 2005, p 2.

139 Christian Adonis Milol, « Gouvernance et participation dans la gestion des ressources forestière au Cameroun : impacts inattendus sur les pratiques foncières » paru dans Enjeux fonciers et environnementaux, pp 233-255.

140 Simon Bahuchet, Pierre de Maret, rapport final APFT, volume 1, 2000, Bruxelles, p 30-32.

141 Jesse Ribot, « African decentralization : local actors, powers and accountability », united nations research institute on social development, paper n°8, Genève, 2002, p 156.

aménagement technique sophistiqué centré sur les ressources ligneuses commerciales. Mais contrairement aux UFA, elles sont dans l'obligation de composer avec les aspirations, les intérêts et les usages des populations locales et se rapprochent ainsi du modèle des forêts communautaires142. La forêt communale constitue ainsi un cadre récent de réelle gestion participative de la forêt, où le prélèvement soutenu des arbres doit être combiné à un niveau local avec l'augmentation du bien-être des communautés. L'implication des populations dans la gestion post-exploitation de la forêt communale est perceptible à un double niveau : en prime lors de la procédure de classement et durant l'élaboration du plan d'aménagement.

A. La prise en compte des populations locales dans la procédure de classement de la forêt communale

La mairie sollicite le MINFOF pour déclencher la procédure de classement d'un massif forestier dans le domaine privé de la commune. Celle-ci prend en compte une éventuelle participation des populations, à travers l'établissement des limites de la forêt communale. Un avis au public est ensuite transmis par le ministère en charge des questions forestières à l'institution communale concernée pour informer la population de la proposition de classement de la forêt communale. L'avis au public donne lieu à une tenue de palabre regroupant l'administration communale, les chefs et les populations des villages riverains au massif. Les communautés villageoises sont sollicitées durant cette phase de classement. Toutefois, il apparaît que leurs avis ne soient partiellement pris en compte dans l'établissement des limites. Par exemple, au cours de la tenue de palabre organisée à Moloundou, les populations locales ont exprimé leur mécontentement à l'égard du zonage proposé, puisque plusieurs champs vivriers ainsi que des plantations de cacao étaient inclus à l'intérieur des limites du massif forestier. Les limites n'ont pas été déplacées et l'exécutif communal a préféré trouver des solutions alternatives pour les espaces cultivés situés dans la forêt communale. La deuxième préoccupation de la palabre était liée à la riveraineté des villages Mbangoye 1, Nguilili 1 et 2 à la forêt communale. Malgré le fait que les populations de ces villages aient des activités agro forestières à l'intérieur des limites du massif, leur riveraineté n'a pas été prise en compte par les autorités municipales. Par conséquent, aucune indemnité n'a été versée à ceux qui possédaient des parcelles cultivées dans l'espace délimité. Cette carence de considération de la part de l'exécutif communal pour les revendications

142 Mikaël Poissonnet, Guillaume Lescuyer, « Aménagement forestier et participation : quelles leçons tirer des forêts communales au Cameroun », In Vertigo (la revue en sciences de l'environnement), volume 6 n° 2, septembre 2005, p 1.

90

territoriales villageoises est justifiée, selon les autorités municipales, par les prescriptions du plan de zonage. Celles-ci précisent que toute modification des limites du massif forestier entraîne une procédure longue et complexe, qui constitue, à terme, une entrave au classement du massif forestier. La gestion communale de cette étape de la procédure de classement laisse transparaître une implication virtuelle des populations locales dans la gestion de la forêt communale. La mairie fait ainsi acte d'information, quant au classement de la forêt sans tirer parti des réclamations villageoises pour élaborer un zonage plus adapté. Nous constatons que les palabres sont organisées par les autorités municipales, afin de respecter les prescriptions juridiques en matière de classement des forêts communales. En somme, la prise en compte des intérêts des populations est biaisée dans ce processus, ce qui nous pousse à formuler une interrogation sur la place des populations dans l'élaboration du plan d'aménagement.

B. L'élaboration du plan d'aménagement et la prise en compte des pratiques locales

Les textes fondamentaux143 abordent directement l'implication des populations locales dans les décisions d'aménagement des forêts. A titre d'illustration, l'article 9 de la loi-cadre reconnaît un principe de participation selon lequel « les décisions concernant l'environnement doivent être prises en concertation avec les secteurs d'activités ou les groupes concernés, ou après débat public lorsqu'elles ont une portée générale ». Il existe donc une contrainte juridique d'impliquer les communautés locales dans le processus de prise de décision du moment qu'une forêt fait l'objet d'un aménagement. Plus amplement, cette implication des acteurs induit un changement de paradigme pour la gestion forestière tropicale. D'un aménagement centré sur l'exploitation des ressources ligneuses et conçu selon les normes techniques de l'administration et de l'exploitant, on assiste depuis quelques années à une ouverture de la gestion forestière aux autres ressources de la forêt et aux autres groupes d'usagers144. Au Cameroun, l'implication des populations locales dans le processus d'aménagement forestier est réalisée dans le cadre des forêts communales, des concessions forestières et celui des forêts communautaires145.

143 Loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche et la loi-cadre n° 96/12 du 05 août 1996 relative à la gestion de l'environnement.

144 Franck Wiersum, «Incorporating indigenous knowledge in formal forest management : adaptation or paradigm change in tropical forestry ?, in forestry, forest users and research: new ways of learning, 2000, pp 19-32.

145 Guillaume Lescuyer, Quelles formes d'organisation villageoise pour la gestion forestière au sud-Cameroun ? , actes du séminaire, décembre 2003, p 4.

Dés lors que la forêt communale est classée, les communautés riveraines sont consultées par le truchement d'enquêtes socio-économiques pour identifier et localiser les usages qui y sont pratiqués. Ce volet de l'enquête permet la détermination de l'occupation du sol et la définition des usages locaux à prendre en compte dans le plan d'aménagement. Les informations sur les usages traditionnels (chasse, pêche, cueillette) sont prises en compte dans les stratégies d'utilisations de l'espace de la forêt communale. Ces usages sont maintenus et mentionnés dans le plan d'aménagement146. Les activités, dont la pratique est autorisée à la population locale, sont les suivantes : récolte de bois de service, de bambou et de rotin ; chasse et pêche de subsistance ; ramassage des fruits sauvages et cueillette de subsistance. De toutes ces activités, la chasse est celle dont la pratique pose le plus de difficultés aux populations. L`explication vient de la campagne de lutte contre le braconnage engagée par les autorités en charge de la faune. L'initiative est louable, sauf que chaque fonctionnaire a son interprétation de la réglementation sur les quotas et les espèces autorisés. Les populations interrogées font face à un dilemme, d'un côté une réglementation qui autorise la chasse de subsistance et de l'autre côté celle qui l'interdit. La balance penche plutôt vers une interdiction de cette activité, augmentant de ce fait la précarité du niveau de vie de la population locale, dont la chasse est l'une des principales sources de revenus. Il faut noter ici que les pouvoirs publics ne mettent pas en place des solutions alternatives visant à la modification des habitudes de consommation des communautés villageoises riveraines. Notamment l'octroi des financements à ceux-ci pour le développement de l'élevage (poulets de chair, aulacodes). Toutefois, la récolte des PFNL par les populations se fait sans anicroches dans la forêt communale. Celles-ci ont un accès libre à la forêt pour mener leurs activités, notamment la cueillette du koko147, qui est le principal PFNL récolté. De nombreuses familles se ravitaillent en biens de première nécessité grâce aux revenus générés par cette activité.

En allant dans le même sens de la prise en compte des pratiques locales dans la gestion de la forêt communale, nous remarquons une marginalisation du peuple Baka. La forêt se présente pour ce peuple à la fois comme un support des activités matérielles et spirituelles. Assise territoriale des activités matérielles, la forêt est utilisée par les Baka de façon alternative pour l'agriculture, la chasse et la cueillette. Ils l'utilisent aussi comme support des activités spirituelles, la forêt est le trait d'union entre les vivants et les morts. Le plan

146 François Sangkwa, Mendouga Mebenga, Matériel didactique pour la sensibilisation villageoise à la gestion forestière, document interne projet forêts et terroirs, 1999, p 15.

147 Dénomination vernaculaire du gnetum.

92

d'aménagement de la forêt communale ne tient pas compte des droits d'usage des baka. Ces derniers, n'ayant pas les mêmes habitudes de consommation que les Bantous, ont recours aux produits naturels pour leur alimentation. C'est par exemple le cas de l'igname sauvage. Du fait que les Bantous n'en consomment pas, sa préservation n'est pas prescrite dans le plan d'aménagement. Les Bakas rencontrés font état de la destruction de nombreux sites regorgeant cette ressource dans la forêt communale, ils sont désormais obligés de parcourir de distances longues pour leurs approvisionnements. Sur le plan spirituel, les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Un Baka du village Mbateka nous a confiés que des sites spirituels et des arbres ayant des vertus médicinales sont détruits par les activités de récolte du bois. L'ignorance des us et coutumes de ce peuple est la principale cause de ces manquements. Pour palier à cette situation, l'élaboration du plan d'aménagement doit tenir compte du fait que la forêt est le milieu de vie par essence des Baka. Bien que les droits d'usage soient limités, ils permettent néanmoins à la communauté locale d'accomplir à l'intérieur de la forêt communale leurs activités traditionnelles de collecte de PFNL et de chasse. Toute fois, une réflexion sur l'implication réelle des populations villageoises riveraines dans la gestion de l'exploitation de la forêt communale nous semble opportune.

II. Gestion de l'exploitation de la forêt communale et participation des populations villageoises riveraines

La foresterie participative fait référence aux processus et mécanismes qui permettent aux personnes qui sont directement concernées par l'utilisation des ressources forestières de participer aux prises de décision concernant tous les aspects de la gestion des forêts, allant de l'aménagement des ressources à la formulation et la mise en oeuvre des cadres institutionnels148. D'une manière spécifique, la foresterie communale fait référence à une composante de la foresterie participative qui se focalise sur les communautés locales comme principal partenaire de la commune contribuant à la pérennité de la gestion forestière. Il est question ici d'explorer l'implication des populations villageoises riveraines dans la gestion de l'exploitation de la forêt communale. Par la suite, il se dégage une nécessité de faire une analyse comparative entre la participation dans la gestion des forêts communales et celle dans les autres modèles de gestion décentralisée des forêts au Cameroun.

148 http://www.fao.org/forestry/foris/webview/forestry2/index.jsp?siteld=4321&sitetreeld=1411O&langld=2&g eold=o

A. L'implication de la population locale dans la gestion de la forêt communale

La pleine participation des communautés riveraines est considérée dans la loi forestière de 1994 comme une condition essentielle pour la réussite de celle-ci. Cette implication vise à faire des populations, de véritables partenaires de la commune pour la bonne gestion de la forêt communale. La participation de la population locale à l'aménagement implique qu'elle soit disposée à s'engager de manière formelle dans un certain nombre d'actions convenus avec les autres acteurs (administration et commune). Pour rendre la contribution paysanne concrète, la réglementation149 autorise la création des comités paysan-forêt là où n'existe pas de structure représentant la communauté.

1. Le comité paysan-forêt : un dispositif de veille sur l'exploitation forestière

Un bilan sur l'application de la loi forestière laisse voir que le processus de gestion durable est assez avancé sur le plan du développement et de la mise en oeuvre des outils de gestion. Par contre, sur le plan de la participation effective des acteurs, plus précisément des populations villageoises locales, on relève que : le respect des limites du massif forestier n'est pas toujours effectif aux niveaux des villages ; les droits d'usage des populations riveraines ne sont pas bien connus dans la forêt communale ; la mise en oeuvre des aménagements ne prend pas en compte les aspects multi-usages de la forêt ; toutes les couches sociales ne sont pas consultées lors de l'élaboration des plans de gestion. La résolution des problèmes sus-évoqués passe par la mise en place des comités représentatifs des populations, qui servent d'interface entre la commune, l'administration, partenaire d'exploitation et les communautés riveraines.

Le CPF est un intermédiaire privilégié entre l'administration forestière et les populations. C'est un organe de consultation, de négociation et de participation des communautés villageoises à la gestion des ressources. Le CPF doit également être privilégié par les autres acteurs de la gestion forestière (commune, partenaire d'exploitation). En effet, les CPF ont quatre principales missions, à savoir : l'animation et la sensibilisation ; l'information ; la participation à l'élaboration des plans de gestion forestière ; la surveillance et le contrôle150.

149 Décision n° 135/D/MINEF/CAB du 26 novembre 1999 fixant les procédures de classement des forêts du domaine forestier permanent.

150 Luc Defo, Alain Ngniado, Guide de mise en place et d'accompagnement des comités paysans-forêt au sudest Cameroun, septembre 2007, p 7.

94

En ce qui concerne l'animation et la sensibilisation, le CPF participe à la vulgarisation de la loi forestière. La descente sur le terrain a permis de réaliser qu'une grande partie des populations riveraines n'avaient pas d'informations sur la forêt communale. En effet, l'absence de cette structure qui a la charge de la diffusion de toute information sur la loi forestière dans les villages riverains est à l'origine de cette situation. Lorsque le CPF existe, sa responsabilité est d'informer les populations sur tout ce qui concerne l'aménagement de la forêt. En outre, la structure organise des séances de discussion avec les villageois, afin de recueillir leurs doléances et les transmettre à qui de droit.

Les membres des CPF sont directement impliqués à toutes les étapes d'élaboration du plan d'aménagement. Ils sont aussi associés lors des enquêtes pour la réalisation des enquêtes socio-économiques. A cet effet, les membres des CPF participent à la définition et à la réglementation des droits d'usage compatibles avec les objectifs d'aménagement. De plus, ces derniers sont associés à la définition des mesures de protection de l'environnement et de la préservation de la diversité biologique de la forêt. Enfin, les membres des CPF sont appelés à travailler en étroite collaboration avec le chef de poste forestier, en ce qui concerne la surveillance et le contrôle de l'exploitation illégale des ressources. Etant donné qu'ils vivent dans la zone, ceux-ci peuvent identifier rapidement tout mauvais traitement infligé à la forêt et informer immédiatement le chef de poste forestier.

Les données de terrain montrent que les populations villageoises riveraines ne sont pas impliquées dans les activités de suivi de l'exploitation de la forêt communale. En effet, les villageois interrogés sont loin de maîtriser les finalités et les enjeux de la forêt communale, encore moins les procédures liées à son exploitation. Ce constat montre que les communautés ne sont pas sensibilisées à ce sujet. Ce manquement découle de l'absence de la mise en place des CPF dans les villages riverains au massif forestier communal. Cette initiative est déclenchée par la commune avec l'appui technique du poste forestier local. Comme nous l'avons relevé dans le chapitre précédent, les autorités communales en charge des questions forestières possèdent d'énormes lacunes dans la connaissance de la loi forestière de 1994. Ceci constitue la raison fondamentale de l'absence des CPF dans les villages riverains à la forêt communale. L'importance de l'organisation des communautés en CPF par l'institution communale est une nécessité pour une meilleure gestion de l'exploitation de la forêt communale. En dehors des CPF, qui sont la vitrine principale de l'implication des populations villageoises dans les activités de prélèvement de grumes, les associations paysannes peuvent également servir d'interlocuteurs entre les populations, la commune et le partenaire d'exploitation.

2. Le mouvement associatif : partenaire idéal dans l'accompagnement des populations riveraines

Malgré son importance économique et écologique, le secteur forestier camerounais souffre depuis longtemps d'une mauvaise gestion, ce problème s'est longtemps caractérisé par l'exclusion des populations locales de la gestion des ressources forestières151. Depuis 1994, le Cameroun a entrepris un ambitieux programme de réforme de sa politique forestière et de gestion durable de ses ressources forestières renouvelables. Cette reforme s'est traduite dans les faits par l'institution de véritables outils de promotion de la gestion participative. Tel qu'exprimée par la loi forestière, les communautés locales doivent être considérées comme partenaires essentiels dans le processus de définition d'actions et de moyens visant à assurer une gestion durable des forêts. L'action des CPF est beaucoup plus focalisée dans la participation et le suivi des activités liées à l'exploitation de la forêt communale. L'implication des communautés villageoises dans l'élaboration des projets de développement visant l'accroissement du bien-être n'est pas pris en compte. La participation permet d'identifier et de poursuivre les véritables priorités des populations locales152. Elles sont les seules à pouvoir dire ce dont elles ont besoin et ce que l'institution communale doit faire. La démarche participative permet l'identification des problèmes, l'analyse de leurs causes par les villageois, leur planification et exécution en fonction de la disponibilité des ressources humaines et financières de la commune. La présence d'organisations paysannes, réellement représentatives de toutes les catégories socioprofessionnelles dans les villages permet à la commune d'avoir des interlocuteurs viables. Il existe un mouvement associatif dans la majorité des villages153 de la commune de Moloundou dans lesquelles nous avons enquêté. La dynamique associative y est suffisamment représentative dans ces villages. Les plus actives dans le secteur lié à la forêt sont : le GIC « SEA SIKINO », WHCS154 et le GIC PAEM155.

Le GIC « SEA SIKINO» regroupe en son sein les cueilleurs des PFNL dont l'objectif est la promotion et la vente de ces produits. Ce groupe a comme activité secondaire l'agriculture et l'élevage, il compte en moyenne soixante douze (72) membres156. Le GIC PAEM quant à lui est un regroupement de quatre vingt quatre (84) jeunes157 pour lesquels les

151 Syapze Kemajou, « La durabilité sociale dans la gestion des ressources forestières : le cas du Cameroun », Yaoundé, 2003, p 2.

152 Valérien Agoussou et AL, Participation villageoise au développement rural, 1999, Amsterdam, p 16.

153 Dans le cadre de l'élaboration du PDC, nous avons été dans 23 villages dans la commune.

154 Association de la femme pour la santé et la conservation.

155 Promoteur agricole d'éco-tourisme de mambelé.

156 Source : notre enquête de mai-juillet 2009.

157 Source: Notre enquête de mai-juillet 2009.

96

activités sont axées sur la promotion de l'éco-tourisme. Ceux-ci servent de guides touristiques aux rares touristes et aux scientifiques. Enfin, le WHCS est un groupe de femmes, dont les principales activités sont les champs communautaires et l'élevage des aulacodes.

Des propos recueillis de certains membres de ces associations, les autorités communales ne les intègrent dans le montage des projets de développement. En effet, les approches dites participatives ne sont pas appliquées dans les stratégies de développement de la commune. L'exécutif communal décide des besoins et des priorités des populations villageoises, qui n'ont pas d'opinion à faire valoir. Sur un tout autre plan, l'institution communale ne perçoit pas le mouvement associatif comme un potentiel partenaire économique. Malgré les opportunités présentes à travers le développement des activités de récolte de PFNL, la promotion de l'élevage des aulacodes et de l'écotourisme, la mairie n'a jamais financé les actions de ces mouvements. Dans l'optique d'un développement endogène à l'échelle locale, la commune est le moteur du financement des projets locaux. Pour le moment, l'intégration des communautés riveraines dans le processus de prise de décision de la gestion de la forêt communale n'est pas effective. Une analyse de la participation dans les autres modèles de gestion décentralisée (forêt communautaire et RFA) apportera peut être une explication à la marginalisation des populations villageoises dans la gestion du massif forestier.

B. Analyse comparative entre la participation dans la gestion des forêts communales et celle des autres modèles de gestion décentralisée

La participation est une étape importante à l'identification des valeurs et des besoins des différentes parties prenantes, particulièrement de celles qui ont d'habitude d'être exclues des prises de décisions, comme les communautés villageoises. C'est aussi un facteur prédominant pour une bonne gestion des ressources naturelles au niveau des communautés. Depuis l'apparition du concept de gestion durable des forêts, la forêt n'est plus considérée comme un simple réservoir de bois, mais davantage comme un milieu offrant une multitude de services au public et à l'environnement158. Ce changement de paradigme invite à tenir compte de la multiplicité des fonctions de la forêt et des usages et intérêts des acteurs impliqués pour réaliser la gestion durable des forêts159. Dans cette optique, l'implication des

158 Hummel R, and A Sizykh, Sustainable development of forests as a ways to preserve the natural basis of forestry, In journal of sustainable forestry, vol. 4, n°3 et 4, pp 53-60.

159 http://vertigo.revues.org/index8614.html

97

populations est devenue une dimension essentielle de la gestion durable des forêts. Cette participation des acteurs est facilitée par la décentralisation de la gestion forestière. Celle-ci se matérialise par la reconnaissance des droits d'usage aux populations locales, l'affectation des territoires et espaces forestiers à des acteurs locaux, soit les populations villageoises (forêt communautaire) ; soit les collectivités territoriales décentralisées (forêt communale) ; et la rétrocession d'une partie des revenus financiers issus de la gestion des forêts aux collectivités territoriales décentralisée et aux communautés villageoises riveraines (RFA)

La forêt communautaire est une forme d'appropriation d'une partie de la forêt par les populations riveraines qui en manifestent l'intérêt. Toute communauté désirant gérer une forêt communautaire doit tenir une réunion de concertation réunissant l'ensemble des composantes de la communauté concernée, afin de désigner le responsable de la gestion et de définir les objectifs et les limites de la dite forêt160. Une forêt n'est attribuée à une organisation paysanne que si son plan simple de gestion est approuvé par l'administration en charge des forêts. Avec la signature de la convention de gestion, elle cède définitivement la gestion de cette forêt à l'entité de gestion légale représentant les populations locales impliquées. La loi de 1994 met l'accent sur la nécessité pour une communauté villageoise de se constituer en personne morale et de se faire reconnaître officiellement, afin d'acquérir une forêt communautaire. Le dispositif légal en vigueur au Cameroun impose aux organisations rurales quatre types de statut légal161, à savoir : le groupe d'initiative commune (GIC) ; la coopérative ; l'association et le groupe d'intérêt économique (GIE). Ces entités légales sont les gestionnaires des forêts communautaires. Elles ont mandat d'exercer les pouvoirs transférés aux communautés villageoises à la fois sur la ressource biophysique et sur les bénéfices financiers qui en sont tirés162. Les populations de la foresterie communautaire163 mobilisent leurs propres capacités, deviennent des acteurs sociaux plutôt que des sujets et gèrent des ressources164. Dans ce modèle de gestion décentralisée, la participation des populations riveraines est clairement définie. A travers les comités de gestion des forêts communautaires, les communautés locales

160J.M, Sobze, Analysis of implication of forest policy reform on community forestry in Cameroon : case study of lomié, 2003, p 10.

161 Loi n° 90/53 de décembre 1990 relative à la liberté d'association, loi n° 92/006 du 14 septembre 1992, sur la création des groupes d'initiative commune et les coopératives, loi du 22 décembre qui fixe les modalités de création et de constitution des groupements d'initiative économique.

162 Daniel Tonye, Evaluation de l'impact de la gestion des forêts communautaires au Cameroun, Mémoire de Maitrise en sciences forestières, Laval, 2008, p 23.

163 La foresterie communautaire est définie comme l'ensemble des situations dans lesquelles les populations locales sont étroitement associées à une activité forestière.

164 Michel Cernea, Putting peoples first : sociological variables in rural development, , Oxford University Press, 1985,p 32-35.

identifient, choisissent leurs priorités, les planifient et exécutent. La gestion des forêts communautaires est parfaitement encadrée autour de la création des entités légales et des comités de gestion, la participation des communautés riveraines ne souffre d'aucune ambiguïté. Les forêts communautaires constituent la forme la plus visible et active de participation et de responsabilisation des populations villageoises dans la gestion des ressources forestières.

Introduite dans la réforme forestière de 1994, la fiscalité forestière décentralisée répond à une préoccupation de rationalisation de la gestion des retombées financières issue de l'exploitation forestière165. Elle est construite autour des taxes parafiscales et des redevances forestières régulières. Les taxes parafiscales représentent la contribution des exploitants forestiers à la réalisation des infrastructures socio-économiques définies dans les cahiers de charges des exploitants et les 1000 FCFA /m3 de bois exploité pour les ventes de coupe. Les redevances forestières annuelles sont assimilées au loyer payé annuellement par chaque détenteur d'une parcelle de forêt octroyée par l'Etat. Le produit de la fiscalité est réparti entre l'Etat (50%), les communes concernées (40%) et les communautés villageoises riveraines des forêts mises sous exploitation (10%). La gestion des revenus destinés aux populations est assurée par un comité de gestion des redevances forestières. Celui-ci est constitué de la manière suivante : la présidence est assurée par le maire de la commune intéressée ou son représentant ayant la qualité de conseiller municipal ; six (06) représentants de la communauté villageoise et le représentant local du ministère des forêts166.

« Les comités de gestion des redevances forestières sur la base des besoins identifiés adoptent les programmes et plans de travaux et les budgets correspondants ; répartit les ressources allouées à chaque projet en fonction des priorités et des revenus disponibles ; suit et contrôle l'exécution des projets financés sur les revenus appartenant à la communauté. Les programmes et plans des travaux portent exclusivement sur : l'adduction d'eau ; l'électrification ; la construction et l'entretien des routes, des ponts, des ouvrages d'art ou des équipements à caractère sportif; la construction, l'entretien ou l'équipement des établissements scolaires et des formations

165 Patrice Bigombé Logo, « La fiscalité forestière décentralisée dans la réforme dans la réforme camerounaise », In revue Africaine de sciences sociales et d'études culturelles, 2004, p 12.

166 Article 4 et 5 de l'arrêté conjoint n° 00122/MINEF/MINAT du 29 avril 1999 fixant les modalités d'emploi des revenus provenant de l'exploitation forestière et destinés aux communautés villageoises.

99

sanitaires; l'acquisition de médicaments; toute autre réalisation d'intérêt communautaire. » 167

Tout comme dans les comités de gestion des forêts communautaires, le législateur a parfaitement défini la nature de la participation des communautés dans la gestion des revenus générés par l'exploitation des concessions forestières riveraines. Bien que les missions du comité soient définies au préalable, la liberté est donnée aux populations riveraines de choisir les projets communautaires à réaliser. Ce cadrage de l'implication des populations dans la gestion des revenus issus de l'exploitation des forêts communautaires et des UFA n'est pas perceptible au niveau de la gestion des forêts communales.

La loi forestière ne définit pas explicitement le rôle des populations riveraines dans la gestion du massif forestier communal. La prise en compte des droits d'usage des communautés est parfaitement claire, mais pour ce qui est de la question pécuniaire, la loi reste muette. Les populations des villages riverains à la forêt communale de Moloundou posent une préoccupation importante. En effet, celles-ci ne comprennent pas pour quelles raisons, elles ne bénéficient pas d'un pourcentage issu des revenus de l'exploitation tel que pratiqué avec les RFA. Il n'existe aucune disposition juridique conférant le droit de participation aux communautés riveraines168. Les principes de participation et de responsabilisation des communautés villageoises riveraines restent encore flous dans les pratiques et modalités de gestion des forêts communales au Cameroun. Les autorités compétentes en la matière doivent à cet effet, baliser de manière formelle le niveau d'implication des communautés riveraines dans la gestion des ressources forestières.

167Extrait de l'arrêté conjoint n° 00122/MINEF/MINAT du 29 avril 1999 fixant les modalités d'emploi des revenus provenant de l'exploitation forestière et destinés aux communautés villageoises.

168 Toute fois, la commune de Dimako pionnière dans la foresterie communale a expérimenté l'approche participative dans la gestion de son massif forestier. Le conseil municipal a mis sur pied le comité consultatif de gestion168, placé aux côtés du conseil municipal. Il s'occupe spécifiquement des questions de foresterie communale et ne se substitue en aucun cas à l'organe délibérant de la commune dans son principe et son fonctionnement. Le comité est composé des représentants des différents villages de la commune. Outre sa mission principale qui est la formulation des propositions optimales de gestion de la forêt communale, les membres de ce comité décident aussi de l'affectation des ressources issues de son exploitation afin de permettre à la mairie de tirer le meilleur profit de cette activité168. Le comité, comme son nom l'indique, n'est qu'un organe consultatif, sans pouvoir décisionnel. De sérieuses réserves peuvent être émises quant à sa capacité à impulser une dynamique de changement dans la gestion durable des forêts, du fait qu'il ne possède pas de pouvoirs.

précédent sommaire suivant










Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy



"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard