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Immigration volontaire ou forcée des allemands et des alsaciens-lorrains dans les Vosges (1911-1920)

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par Clément Thiriau
Université Nancy II - Master 2 d'histoire contemporaine 2007
  

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II - Prisonniers de guerre.

Parmi les hommes immédiatement et facilement utilisables figurent les prisonniers de guerre. Ceux-ci, groupés en équipes plus ou moins importantes, sont dirigés vers l'industrie et surtout l'agriculture, les travaux publics, la manutention. Les résultats se révèlent bientôt inégaux. Les captifs, souvent isolés par la barrière de la langue, ne sont pas toujours qualifiés pour le travail qui leur est imposé et ne font pas preuve de la plus grande ardeur. Certains essaient de fuir vers la Suisse ou l'Espagne. Quand ils sont reconnus en chemin, ils se trouvent pris en chasse comme du gibier par les paysans effrayés et quelques-uns sont abattus. Les autorités hésitent à poursuivre les auteurs de tels homicides pour ne pas décourager les particuliers de participer à la recherche des fuyards. Ceux qui restent longtemps dans le même lieu de travail finissent par habituer les Français à leur présence et inspirent des sentiments moins hostiles. Dans les fermes surtout, où les employeurs français et prisonniers vivaient très proches les uns des autres, peut naître une certaine cordialité, voire, dans quelques cas, une idylle entre tel beau captif et sa patronne415.

Dans les Vosges, les archives évoquent le camp de Rasey Xertigny qui abrite des prisonniers de guerre, sans beaucoup de précision416. Mais surtout on dispose, grâce au travail de Jean-Marie Lambert417, de détails sur le camp de travail de la Compagnie de prisonniers de guerre N°171 basé à Champé Le Syndicat entre 1916 et 1919.

La guerre est grande destructrice de routes et de voies de chemin de fer, aussi le besoin en matériaux d'hérissonnage pour asseoir la réfection et la fabrication indispensable de voies d'accès se fait très tôt sentir. Dès avril 1916, le capitaine Andriot, de la VIIe Armée (sous-groupement routier du col d'Oderen, compagnie C/8 du 4e génie), est chargé de recenser et réquisitionner des carrières pouvant fournir du ballast. Tout naturellement, sa requête est adressée à la mairie de la commune du Syndicat. En effet, ce n'est un secret pour personne que sur le territoire des HautesVosges, l'industrie du pavé est depuis déjà quelques temps très florissante. Le 13 avril 1916, le secrétaire de mairie adresse au capitaine Andriot les renseignements suivants : quatre carrières de granit pour la fabrication de pavés, appartenant à la commune, sont exploitées à Bréhavillers, Bémont, Plaine et Le Mourot. Si la commune loue ces accrières à la Société Anonyme des Granits porphyroïdes des Vosges, elle se réserve le droit d'utiliser toute chute de pavés et moellons pouvant servir de pierres à macadam.

415 R. Schor, op. cit., pp. 30-44.

416 A.D.V., 8 M 12, op. cit.

417 Jean-Marie Lambert, « Un camp de travail de prisonniers allemands : la Compagnie P.G. 171 à Champé, Le Syndicat 1916/1919 », in Le Pays de Remiremont, n°4, 1981, pp. 71-72. Hérissonner signifie aujourd'hui couvrir (un mur) d'une couche de mortier que l'on n'égalise pas et qui reste pleine d'aspérités.

Pour une raison que l'on ignore, aucun de ces sites n'est retenu et c'est finalement au hameau de Champé que l'armée va ouvrir une entreprise d'extraction ; à cet endroit, les roches sont fracturées au point d'empêcher toute exploitation, si ce n'est pour le ballast. Et bientôt, les baraques d'accueil se dressent dans les prés, des coups de mines ébranlent la contrée. Mais cette roche abattue nécessite d'être réduite et convoyée. Il faut pour ce faire aménager un moyen de transport et trouver du personnel. Les hommes valides sont bien entendu enrôlés dans les rangs de l'armée, où ils sont employés à des tâches autrement glorieuses. Les prisonniers allemands vont fournir cette main-d'oeuvre indispensable et par ailleurs introuvable418.

Depuis 1915, la région n'est plus une zone de combats et Remiremont, devenu quartier général de l'Armée des Vosges (VIIIe Armée), est un centre d'hébergement et de triage des prisonniers de guerre que la proximité de la frontière amène régulièrement. Ceci explique certainement la décision prise. Et le chantier s'organise à l'intérieur d'une double enceinte de barbelés. Une voie de raccordement est posée, cinq ou six wagonnets, dirigés à partir d'une plaque tournante sur tout un réseau qui distribue divers endroits de la carrière, vont déverser le produit du travail dans des wagons sur la voie de chemin de fer proche. Fin 1916, deux concasseurs viennent améliorer la production et sans doute pallier la défaillance sûrement volontaire de l'homme et de sa massette.

Evidemment, le prisonnier allemand ne voit aucun intérêt à satisfaire l'ennemi, son hôte. Sans doute, l'indiscipline est-elle fréquente et très vite, on voit s'ériger une construction maçonnée comportant peu d'ouvertures, bâtiment à l'intérieur duquel des cellules abritaient les récalcitrants et les évadés repris, car on s'évade couramment de cette acrrière où trois cents hommes environ, gardés par une demi-douzaine de cadres de l'armée, doivent poser davantage de problème qu'apporter une contribution quelconque au redressement national419. Trois de ceux qui ont sans doute la nostalgie des fêtes religieuses dans leurs familles tentent la belle la veille de Noël 1917. C'est mal connaître les rigueurs du climat dans nos montagnes ; épuisés, ils sont repris en Alsace. Et nous avons un témoignage de punition bien dure pour ces malheureux : la pelotte, qui consiste en une marche de cinquante minutes, chargé de quarante kilos de moellons sur le dos puis, après une pause de 10 minutes, de nouveau la même marche, cela pendant un mois ; seule la nuit passée en cellule permet de se rétablir. Heureusement, à cette saison, les journées sont courtes dans notre région420.

418 J.-M. Lambert, op. cit., pp. 71-72.

419 Ibid.

420 Ibid.

Un état du matériel passé en consigne par la compagnie P.G. 171 à la municipalité du Syndicat est mis à disposition le 1er février 1919. Le camp comporte ainsi à l'époque des prisonniers allemands quatre baraques Adrian, deux baraques ordinaires, dont une maréchalerieforge pour les outils et ferrage des chevaux, deux cuisines, une baraque douche, un caveau-cellule et un en semble hangar et écurie. Le matériel sur place est composé de 297 châlits (bois de lit), 8 bas-flancs, 544 paillasses, 30 tables, 35 bancs et 11 poêles (fourneaux). Cet inventaire conforte les témoignages indiquant 300 personnes environ sur le site (297 lits, 544 paillasses, 2 par lit) et il n'y a guère de doute quant à l'authenticité des affirmations relevées dans ces enquêtes. Le camp semble avoir été occupé ensuite par la 21e batterie (compagnie) du 4/208e Régiment d'Artillerie jusqu'au 14 avril 1919, où nous relevons un état du matériel restant après leur départ. A cette date, l'état est très amoindri puisque entre temps du matériel a été distribué au 107e Régiment d'Artillerie lourde cantonné à Peccavillers le 22 février 1919, au 23e Régiment d'Infanterie caserné à Remiremont le 24 février 1919, à la 41e division du Génie 7/2 le 21 février 1919. Après le départ de cette batterie, du matériel sera octroyé au même 208e Régiment d'Artillerie, 21e SMI à Dommartin les 20 et 25 avril 1919421. Après l'évacuation des lieux par l'Armée, l'état vendit l'outillage par adjudication (barres à mines, masses et massettes, concasseurs, etc.) et la carrière fut mise en sommeil jusqu'en 1930 environ422.

421 J.-M. Lambert, op. cit., pp. 71-72.

422 Ibid.

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