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Immigration volontaire ou forcée des allemands et des alsaciens-lorrains dans les Vosges (1911-1920)

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par Clément Thiriau
Université Nancy II - Master 2 d'histoire contemporaine 2007
  

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II - Classes sociales & mode de vie.

La société vosgienne des années 1911-1914 paraît encore parfaitement rigide, très structurée, très hiérarchisée, avec au sommet de la pyramide la grande bourgeoisie industrielle118. Si ces années sont douces pour d'assez nombreux privilégiés, elles sont bien dures pour la classe ouvrière confrontée à la révolution industrielle sans le bénéfice d'une législation protectrice appropriée. Ce constat est bien sûr applicable aux Allemands et Alsaciens-Lorrains présents dans les Vosges à cette époque-là.

Tout d'abord, à la fin du XIXe siècle, la bourgeoisie a atteint son apogée119. Vers 1911, elle contrôle donc tous les leviers de commande du pays. La bonne bourgeoisie se situe généralement au-dessus des 10 000 francs de revenus. Dans le département des Vosges, les seigneurs de l'industrie textile et des comptoirs cotonniers, la plupart d'origine alsacienne, occupent le haut de la pyramide. Ils possèdent des demeures cossues dans les quartiers neufs des villes, pourvues du confort moderne avec éclairage au gaz puis à l'électricité. A Remiremont, les jolies maisons de chanoinesses accueillent, sans rien perdre de leur charme, les chevaliers alsaciens de l'industrie textile. Ils lisent beaucoup, tiennent salon et donnent de fastueuses réceptions. Ils aiment le

théâtre, le concert, le restaurant, les voyages et honorent de leur présence les soirées huppées se retrouve l'élite de la société, tels à Epinal, le bal de la Préfecture ou celui de l'Hôtel de la

Poste120.

Dans le textile des Vosges, tous les cas de figure se présentent. Le plus fréquent est la succession familiale ; on peut l'observer dans le milieu alsacien chez les Géliot, chez les Laederich, chez les Lederlin, chez les Lung121. A côté de ces héritiers, on trouve des fondateurs qui avaient commencé au bas de l'échelle. Parmi les grandes figures du patronat textile vosgien alsacien ou d'origine alsacienne, quelques cas sont intéressants. D'une part, Georges Juillard, industriel et président du Syndicat cotonnier de l'Est de 1888 à 1936, est né à Strasbourg en 1845, devient directeur de la société « Juillard et Megnin », groupe de tissages de 1 171 métiers, en 1904, il fonde en 1905 l'Ecole de filature et de Tissage d'Epinal, enfin est maire d'Epinal de 1892 à 1904. D'autre part, Victor Thenthorey, né à Bitschwiller-les-Thann, industriel à Eloyes, est président du Syndicat cotonnier de l'Est entre 1878 et 1961122.

Par ailleurs, au sein des classes moyennes, la petite bourgeoisie est composée de rentiers, de

118 J.-P. Claudel, op. cit., pp. 197-222.

119 Ibid, « les classes », « la bourgeoisie ».

120 F. Noël, op. cit., pp. 79-81.

121 J.-P. Claudel, op. cit., pp. 197-222, « maître de forge et industriels ».

122 G. Poull, op. cit., pp. 375-435, « les grandes figures du patronat textile vosgien ».

petits patrons, de petits entrepreneurs en bâtiment, d'artisans et de boutiquiers aisés. Ils sont de loin les plus nombreux dans les Vosges, mais peu sont immigrés allemands ou alsaciens.

Les commerçants et artisans alsaciens venus après 1870 constituent une catégorie difficile à identifier. A Remiremont, les quelques commerçants et autres artisans alsaciens, plutôt pauvres, sont établis sous les arcades où certains prennent un logement et demeurent fidèlement dans les bâtiments à louer de la maison du fond du jardin123.

Enfin, au sein de la population vosgienne, l'importance de la classe ouvrière progresse largement pour former, à la veille de la Grande Guerre, la catégorie sociale la plus importante du département124. Avant 1914, un habitant sur trois travaille à l'usine dans les agglomérations industrielles de la Moselotte, de la Vologne, de la Moselle, du Rabodeau et de la Haute-Meurthe. L'implantation des usines textiles dans les vallées vosgiennes provoque un changement profond dans le mode de vie de leurs habitants et des immigrés allemands et alsaciens-lorrains125. Elle se traduit par un lent déclin des zones rurales, accompagné par un accroissement rapide de la population des villages où les manufacturiers s'installent. A la fin du XIXe siècle, la classe ouvrière est constituée de deux groupes distincts.

Le groupe des ouvriers-paysans constitue le noyau stable de toute manufacture. Ces derniers descendent des anciens habitants des villages du Massif vosgien. Les ouvriers originaires d'Alsace appartiennent au second groupe. Par dérision on les a nommé parfois « Vingt-huit jours » en raison des quatre semaines de travail qu'ils doivent effectuer avant de changer d'employeur126. Ce personnel est instable. Les causes de ces mutations sont multiples. Ils ne possèdent souvent aucune attache familiale dans la localité où ils résident. Leur mobilier est réduit à sa plus simple expression : un ou deux lits pliants, un fourneau de cuisine, une table, quelques chaises, un banc de pot, une araignée, des matelas, des couvertures, du linge de corps rangé dans une malle et quelques ustensiles de fer. Ils quittent leur emploi pour un motif futile : réprimande du directeur ou du contremaître, saute d'humeur, querelle avec un voisin ou dispute dans le ménage. Leur décision prise, ils chargent tout ce qui leur appartient sur la charrette à deux roues qu'ils utilisent chaque dimanche en été pour aller chercher du bois mort en forêt, puis suivis de leur femme et de leurs enfants ils prennent la route. Quelques jours plus tard ils sont embauchés dans une autre manufacture de la région, où ils travaillent durant quelques mois ou années. Cette catégorie disparaît à partir de l'époque où les industriels font construire des cités ouvrières à proximité de leurs usines.

123 F. Noël, op. cit., pp. 79-81.

124 J.-P. Claudel, op. cit., pp. 80-120, « ouvriers et artisans ».

125 G. Poull, op. cit., « les ouvriers des usines textiles vosgiennes », p. 423.

126 Ibid.

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