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La recevabilité des requêtes devant la cour de justice de la CEMAC

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par Apollin KOAGNE ZOUAPET
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales, option Contentieux International 2010
  

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2- L'absence de renvois préjudiciels à l'initiative des justiciables.

De façon générale, la communauté ne met pas en oeuvre elle-même les mesures qu'elle prend : elle laisse cette tâche aux autorités nationales. Par conséquent, les intérêts des administrés ne sont pas affectés par l'acte communautaire, mais plutôt par les mesures nationales prises pour son exécution et à propos de la légalité desquelles il leur appartient de saisir les juges nationaux200(*). Si un doute apparait à propos de la légalité de la mesure communautaire dont l'exécution est en cause, le juge national peut et dans certains cas doit interroger sur ce point le juge de N'djamena par la voie du renvoi préjudiciel prévu à l'article 26 de la Convention CJC. A la lecture de l'article 26 suscité, il appert clairement que le déclenchement de la procédure est incontestablement le fait de la juridiction nationale et non des parties au litige. Certes,

« les parties au lige principal en attente devant la juridiction nationale qui a décidé le renvoi ne sont pas absolument exclues de l'instance devant la Cour de justice. Elles ont le droit de déposer devant la Cour des mémoires exposant leur point de vue. Mais, pas plus que les parties litigantes ne peuvent porter directement une question d'interprétation devant la Cour de justice, elles ne sont en droit de poser dans leurs mémoires une question différente de celle dont a été saisie la Cour par la juridiction nationale. C'est donc la juridiction nationale qui seule peut saisir la Cour de justice, c'est encore la juridiction nationale seule qui détermine le contenu de la question posée201(*) ».

En définitive, c'est bien la volonté du juge interne qui sera déterminante dans la procédure de renvoi : l'initiative de son déclenchement et la délimitation juridique de l'objet du renvoi sont réservées aux juridictions nationales.

En effet, même si la jurisprudence de la CJCE a favorisé l'accès des citoyens à une protection juridique communautaire, celle-ci demeure décentralisée : les tribunaux nationaux sont le passage obligé des particuliers qui entendent faire prévaloir des règles communautaires par le biais du renvoi préjudiciel. De plus, note Olivier Costa,

« Le recours préjudiciel fait, lui aussi, l'objet d'utilisations stratégiques. Lorsque les règles communautaires semblent plus favorables que les règles nationales, des personnes privées peuvent introduire un recours devant une juridiction nationale et demander qu'elle forme un renvoi préjudiciel. Même si ce dernier ne suscite pas une intervention directe de la Cour de Justice dans l'affaire, c'est un moyen pour les plaignants d'espérer que d'éventuels manquements au droit communautaire seront dénoncés 202(*) ».

En l'absence d'une question préjudicielle pour le particulier, celui-ci reste soumis au juge national dans une procédure qui n'est pas essentiellement destinée à assurer, au profit des personnes privées, le respect du droit communautaire par les Etats membres. Le résultat est là :

« Tandis qu'il est utile pour la CJCE, victime du succès de la procédure préjudicielle, d'instaurer un véritable dialogue avec les juridictions de renvoi afin de pouvoir écarter certaines questions sans grand intérêt et de se consacrer de façon plus efficace aux autres, la tendance est inverse au sein de la CEMAC où les juridictions nationales s'abstiennent de recourir à l'expertise de la Cour 203(*)».

Pour le docteur Jean Kenfack, cet état de fait traduit une méfiance des juges nationaux tout comme des opérateurs économiques à l'égard des actes juridiques communautaires d'intégration :

« Une exploration de l'Afrique en général et de l'Afrique Centrale et Occidentale en particulier révèle une certaine apathie dans l'utilisation des normes juridiques produites au niveau communautaire dans le solutionnement des problèmes posés. Pourtant, le développement d'un droit est tributaire d'un large recours aux différents mécanismes qu'il offre pour régir les situations saisies par l'ordre juridique dont il contribue à la réalisation. Que les sujets de droit tardent à saisir ce facteur de sécurité juridique et de prévisibilité est déplorable. Sans doute auraient-ils été encouragés à le faire si l'activité des juges n'accusait pas des déficits sur ce point. Cette timidité des utilisateurs privilégiés de ce dispositif normatif confère à ce dernier un statut marginal dans le règlement des questions litigieuses. Il apparaît donc indispensable de rechercher les moyens d'améliorer la côte de ce droit et partant, de susciter un engagement plus vif de ses utilisateurs204(*)».

Cette mise à l'écart du droit communautaire dans le traitement de nombre des questions auxquelles il devrait s'appliquer est un fait frappant qui s'explique par

« L'attitude négative du juge national (qui) se dégage à travers la mauvaise connaissance et l'utilisation maladroite des actes juridiques mis à sa disposition par cet ordre juridique ...En ce qui concerne le déficit de connaissance par le juge du droit communautaire, il convient de relever que cet état de fait s'explique par les lacunes relatives à la publicité de ces actes juridiques, mais aussi par la paresse du juge205(*)».

C'est sans doute au regard de cette réticence des juges nationaux à faire recours à la procédure préjudicielle que l'article 27 de la Convention CJC dispose que

« Si, à la requête du Président de la Commission, de toute Institution, organe ou Institutions spécialisées de la Communauté ou de toute personne physique ou morale, la Cour constate que dans un Etat membre, l'inobservation des règles de procédure du recours préjudiciel donne lieu à des interprétations erronées du traité de la CEMAC et des conventions subséquentes, des statuts des Institutions, organes et Institutions spécialisées de la Communauté ou d'autres textes pertinents, elle rend un arrêt donnant les interprétations exactes. Ces interprétations s'imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles de l'Etat concerné ».

Cette disposition véritablement révolutionnaire ne produira son plein effet que si le règlement de procédure à venir de la CJC n'institue pas des conditions de recevabilité aussi restrictives que pour les autres voies de droit.

* 200 J. Dutheil de La Rochère « droit au juge, accès à la justice européenne », Pouvoirs 2001/1, N° 96, p.138.

* 201 R. Kovar « Le droit des personnes privées à obtenir devant la Cour des communautés le respect du droit communautaire par les Etats membres », AFDI, 1966, p.531.

* 202 O. Costa « L'intervention des citoyens devant les juridictions communautaires : entre réalité et discours de légitimation », communication à la journée d'études « Droit et politique dans l'Union européenne », 16 mars 2001, disponible sur http://www.afsp.msh-paris.fr/archives/archivesgroupes/archives_europe/160301/Costa.pdf (consultation 3 février 2010).

* 203 Chamegueu Op. Cit.

* 204 Kenfack Op. Cit. p.382.

* 205 Ibid. p.385.

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