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L'etat ivoirien et les coopératives féminines

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par Koffi Parfait N ' Goran
Université de Bouaké-Bordeaux II - Doctorat 2008
  

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CHAPITRE IX :

LA REPRODUCTION DES FORMES D'ORGANISATION LOCALES ET DES PRATIQUES MARCHANDES

Les commerçantes s'organisent et mènent leurs activités en s'appuyant essentiellement sur des savoirs et des savoir-faire locaux, en dépit des mutations économiques et institutionnelles induites par la libéralisation du marché. Ce faisant, l'appropriation des nouvelles règles d'organisation et leur incorporation aux pratiques existantes ne sont pas réellement effectives. Le contournement de la nouvelle loi coopérative, la sélection et l'ajustement des valeurs qu'elle diffuse aux pratiques organisationnelles locales, forment la trame du comportement des commerçantes de produits vivriers. Le contournement se traduit par l'évitement des règles de la nouvelle loi coopérative par les commerçantes. En effet, les programmes de sensibilisation, le discours de « modernisation » ou de réorganisation des coopératives conduits par des structures comme l'OCPV sont reçus, mais en pratique, ils n'affectent pas les comportements quotidiens des commerçantes et leur mode d'organisation. En réalité, celles-ci, qu'elles occupent des positions hiérarchiques ou pas, n'expriment pas une attente très forte et un intérêt particulier par rapport à la nouvelle loi coopérative. Cependant, si elle est observée sur l'ensemble des regroupements féminins « officielles », la stratégie de contournement est plus poussée chez les commerçantes de la COMAGOUA-Roxi d'Adjamé. L'assise sociale et économique de cette coopérative ainsi que la force des liens de parenté et des liens ethniques accentuent les stratégies de protection de l'organisation existante et freinent l'apparition d'un nouveau « construit collectif » suscité par les interventions des structures de développement. Concernant la sélection et l'ajustement des règles coopératives aux pratiques organisationnelles locales, ils portent sur ce que font les commerçantes pour adapter la nouvelle loi coopérative à la logique de fonctionnement de leurs organisations ou vice-versa. Ici encore, les mutations sont très insignifiantes. Elles sont essentiellement formelles. Ou bien les commerçantes s'attellent à obtenir l'agrément pour être en phase avec les dispositions actuelles ou bien elles mettent en place, dans la structure de leurs coopératives, les principales instances qu'exige la constitution et le fonctionnement de telles organisations : conseil d'administration, présidence, direction, secrétariat, trésorerie, commissariat aux comptes, etc. Dans tous les cas, en termes de réappropriation effective des innovations en matière d'organisation coopérative, le décalage reste très grand entre les actions de « modernisation » des structures de développement et les comportements réels des commerçantes de produits vivriers.

En définitive, les stratégies de contournement, de sélection ou d'ajustement observées chez les commerçantes qui entretiennent d'une part la reproduction des formes d'organisation traditionnelles et, d'autre part, la survie des pratiques économiques locales, ont principalement une double signification. Primo, la nouvelle loi coopérative n'est pas productrice de compétences pratiques. Essentiellement structurelles, les transformations qu'elle induit ne sont pas à même d'accroître la capacité d'organisation des commerçantes et de donner des réponses concrètes aux difficultés qu'elles vivent sur le terrain. Or à l'analyse, la logique de fonctionnement de l'activité de ces femmes n'a pas recours à des structures collectives rigides et institutionnalisées. De plus, les trajectoires sociales individuelles se construisent par un apprentissage pratique des cadettes (moins expérimentées) auprès des aînées sociales (plus expérimentées). Par cet exercice, la commerçante acquiert les ressources (compétences) nécessaires à la pratique de son activité économique. Au fond, se constituer des réseaux de relations et d'échanges, les entretenir, savoir marchander, relèvent, dans le milieu du commerce des produits vivriers, d'un savoir-faire pratique. La très faible adhésion des commerçantes à la nouvelle loi coopérative s'explique donc par le fait que dans le contexte actuel, celle-ci ne produit pas des valeurs ou des ressources dont la mobilisation pourrait avoir des retombées positives sur l'organisation de leur activité marchande. Secundo, la crise économique aidant, les femmes déjà désavantagées par le marché de l'emploi salarié investissent le champ des activités indépendantes. Mais ces activités n'ont pas que des implications économiques et ne sont pas seulement des formes de réactions face à la crise. Dans le commerce des produits vivriers, beaucoup de commerçantes se sont positionnées et ont acquis du prestige social ; de sorte que cette activité est devenue le lieu où se donne à voir et s'exprime le pouvoir des femmes. Sous cet angle, le contrôle du secteur vivrier marchand et le maintien du niveau de satisfaction économique, sociale et symbolique que leur procure leur activité sont en lien avec la reproduction du système d'organisation des commerçantes de produits vivriers.

Conclusion partielle

Les transformations intervenues dans le système d'organisation des commerçantes ne s'observent qu'au niveau de la structure formelle des coopératives. Elles se caractérisent par la mise en place d'une organisation qui s'accorde plus ou moins avec les dispositions de la nouvelle loi coopérative. En pratique, il y a une forte prégnance des liens de parenté, des liens ethniques, de la fraternité religieuse, du capital social et du capital économique dans la répartition des fonctions et dans les relations de pouvoir au sein des coopératives. Les échanges marchands de leur côté reposent sur des pratiques sociales multiformes. On y retrouve des réseaux de relations diversifiés alimentés par l'amitié, la confiance, le don, la fidélité ou les « contrats » qui, quotidiennement mobilisés par les commerçantes, atténuent les faiblesses infrastructurelles et logistiques qui ne manquent pas dans la distribution et de commercialisation des produits vivriers. En fin de compte, l'introduction de nouvelles fonctions dans l'organisation des coopératives féminines n'entraîne pas un accroissement des compétences pratiques des commerçantes et des formes de satisfactions sociales produites par le système traditionnel. Cela explique les stratégies de contournement ou les ajustements qui ont pour conséquence le maintien ou la reproduction du mode d'organisation des commerçantes et des pratiques marchandes dont elles font usage.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille