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L'etat ivoirien et les coopératives féminines

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par Koffi Parfait N ' Goran
Université de Bouaké-Bordeaux II - Doctorat 2008
  

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CHAPITRE VIII :

L'ORGANISATION DES COOPERATIVES ET DES ECHANGES MARCHANDS

Les coopératives féminines sont organisées autour de modes de relations fonctionnelles et hiérarchiques qui sont une réponse aux nécessités de la vie collective et de l'activité économique des commerçantes. Elles se comprennent mieux lorsqu'on interroge la structure des relations concrètes en leur sein. En réalité, le fonctionnement des coopératives d'Adjamé-Roxi, de la « COMUSERF » et de « Philadephie » d'Abobo est construit par le jeu des liens sociaux (liens ethniques, liens de parenté, liens confessionnels, liens de solidarité) et de l'influence sociale des individus. C'est autour de ces paramètres que s'opère la distribution des positions hiérarchiques et s'organise la régulation sociale. A la coopérative d'Adjamé-Roxi, il y a une distribution très inégalitaire du pouvoir entre les commerçantes même si elle est atténuée par les liens ethniques et les liens de parenté. Le pouvoir est concentré dans les mains des femmes les plus anciennes et les plus expérimentées, les « mamans ». Ici, l'expérience, les réseaux d'échanges (capital social) et le capital économique sont les plus grandes sources de pouvoir. De ce fait, les autres acteurs (directeur, secrétaires, etc.) qui sont positionnés dans la structure formelle de la coopérative ne sont pas porteurs d'un véritable pouvoir. A Abobo par contre, les relations au sein des coopératives sont moins inégalitaires. Le pouvoir est moins centralisé et moins personnalisé. L'influence des normes de vie chrétiennes sur les comportements individuels fait que la vie de groupe chez les commerçantes de la « COMUSERF » et de « Philadelphie » se déroule sans un véritable groupe social dominant. Néanmoins, la position et l'image de l'individu au sein de sa communauté religieuse sont les principaux déterminants de son positionnement et de son influence au sein de la coopérative. Cela dit, si elles ont une efficacité pratique et satisfont les commerçantes, il reste que le poids des socialités primaires dans l'organisation et le fonctionnement des coopératives féminines ne favorise pas encore une véritable ouverture de celles-ci aux innovations que proposent les pouvoirs publics.

Par ailleurs, l'organisation des échanges marchands ne repose pas sur un cadre formel définit par l'Etat mais plutôt sur un « dispositif social » construit par les acteurs locaux eux-mêmes. Croyances, réseaux sociaux, relations de connaissances et dons alimentent l'activité marchande des commerçantes. Dans les zones de production vivrière, la confiance régule les échanges entre productrices/producteurs et commerçantes. Dans son usage, elle a une fonction sociale et économique. En effet, dans un contexte caractérisé par un recours régulier des commerçantes au système d'achat à crédit, seule la confiance rend durables les relations interpersonnelles et assure la survie des réseaux et des rapports marchands. L'évacuation des produits vers les marchés urbains est un aspect tout aussi important des échanges. Dans ce domaine, les coopératives restent encore dépendantes des transporteurs privés. Elles louent leurs services, et les coûts dépendent généralement de l'état des routes ou des pistes villageoises, de la quantité de marchandises, de la distance entre le lieu d'achat et les marchés urbains, de la période d'achat (offre importante ou offre faible) des produits et des tracasseries en lien avec les contrôles routiers. Le système des achats collectifs est régulièrement utilisé par les commerçantes comme une alternative pour amortir les charges de transport ainsi que les effets d'éventuelles pertes dues au caractère périssable de nombreux produits. Sur les marchés, les opérations de déchargement des camions et de distribution sont menées selon des formes d'organisation sociale du travail propres à chaque coopérative. L'importance du flux des produits, l'usage de symboles pour identifier les marchandises, le prélèvement de taxes sur les produits et la nature des relations entre ceux qui font le déchargement et les commerçantes confèrent des spécificités aux formes d'organisation du travail mis en place par les commerçantes. Complexe au marché d'Adjamé-Roxi, l'organisation du travail l'est moins au marché d'Abobo.

Dernière phase dans la chaîne des échanges, la vente des produits aux consommateurs (clientes/clients) mobilise, dans son déroulement, un vaste ensemble de valeurs qui intègre l'offre et la demande, le marchandage et le don (« gouassou »), les réseaux d'amitié et les liens d'affectivité. Il en résulte que selon la situation, les commerçantes de produits vivriers font usage de l'une ou l'autre de ces valeurs. Les échanges marchands sont caractérisés de ce point de vue, par la présence des croyances, des réseaux sociaux et du marché. La formation par les commerçantes des prix selon les facteurs mentionnés plus haut et qui sont liés à l'écoulement des produits sur les marchés urbains obéit à un comportement économique, donc, aux règles du marché. Mais d'un autre côté, les rapports marchands entre les commerçantes et leurs clientes/clients reposent, en grande partie, sur des formes de croyances qui dominent encore l'univers des échanges dans la plupart des sociétés africaines. Les relations humaines et interpersonnelles priment sur le jeu anonyme de l'offre et de la demande. De façon singulière, le don que les acteurs appellent dans le discours local gouassou prend lui-même sa source dans une certaine représentation du monde et des relations humaines. Il relève de la croyance communément partagée selon laquelle le « bienfait ne se perd jamais». Si fournir plus que la quantité de produits achetée par un client (faire gouassou) est une perte pour la commerçante sur le plan strictement monétaire, il ne l'est pas au plan social. Le gouassou est en effet un puissant investissement social. Il crée des relations affectives ou d'amitié qui nourrissent les échanges marchands. A un autre niveau, c'est même un moyen ou une stratégie de captation, d'élargissement ou de fidélisation de la clientèle. Quotidiennement mobilisé par les commerçantes de produits vivriers, il participe de l'efficacité de leurs pratiques marchandes.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote