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Ebanda tono (les peaux tachetées): utilisations et représentations de la faune sauvage (Gabon)

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par Florence Mazzocchetti
Université de Lettres et sciences humaines, Orléans - Master2 2005
  

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I.1 Les Interdits alimentaires

Les aspects symboliques de la consommation du gibier sont intéressants ; bien que leur influence sur la consommation de la viande de brousse soit relativement limitée, ils peuvent contribuer à sa consommation, comme ils peuvent aussi la limiter. Ce symbolisme, gouverné par un code strict de représentation « totémique » (objet naturel, spécialement des animaux, auxquels des familles ou des clans attribuent leurs origines, ou, en tout cas qui les lient à l'animal en question) et des « tabous » (interdits sociaux ou religieux), régularise traditionnellement la chasse en limitant le nombre de consommateurs potentiels (Angoue et al, 2000).

Les interdits alimentaires peuvent donc être une source de restriction de la pression de chasse sur certaines espèces dans des lieux bien circoncis. De plus, parmi les espèces les plus communément concernées par les interdits, certaines sont sur la liste des animaux protégés du Gabon. C'est le cas, notamment, de la Panthère, de l'Oryctérope, du Bongo et du Chat doré, avec une mention spéciale pour l'Eléphant qui semble devenir interdit à la consommation pour la plupart des initiés.

Toutefois, ces interdits alimentaires ne s'étendent pas forcément à l'interdit de chasse. En effet, le fait de ne pas pouvoir manger un animal, ne signifie pas qu'on ne puisse pas le tuer. L'appât du gain fait que si un chasseur a la possibilité d'abattre un animal qui lui est interdit à la consommation, il va tout de même saisir l'opportunité afin de revendre ou d'échanger la viande à d'autres qui peuvent la manger. Si l'on ajoute à cela la disparition progressive de ces interdits alimentaires, mise à jour par les enquêtes sur les préférences alimentaires, nous pouvons douter de la pertinence contemporaine de ce facteur pour les programmes de conservation.

I.2 Mobilité de l'habitat et rotation des zones de chasse

Une autre manière pour les villageois de réguler les espèces animales était la rotation des terrains de chasse. Tout comme la pratique de l'assolement après l'agriculture sur brûlis, les terrains de chasse épuisés étaient abandonnés pendant plusieurs années ce qui permettait aux animaux de revenir dans la zone et d'avoir le temps de se reproduire et d'augmenter leurs effectifs.

L'abandon de ces zones de chasse pouvait aussi être involontaire lors de conflits, nombreux jusqu'au début du XXe siècle, qui opposaient soit des tribus différentes, soit des clans ou des familles. Selon Louis Perrois, ces migrations étaient assez fréquentes, tous les 3 à 5 ans (Perrois, 1970).

Aujourd'hui, avec la sédentarisation de la population le long des routes, cette mobilité est pratiquement condamnée. De plus, la création de nouveaux parcs et l'octroi de zones de forêts aux nombreuses compagnies forestières, réduisent fortement les zones de chasse villageoises. Cette situation ne permet plus des rotations fréquentes comme avant ce qui épuise la ressource et pousse les chasseurs à s'enfoncer de plus en loin en forêt y compris dans des zones interdites. De plus, l'augmentation de l'accessibilité de la brousse, par le développement des réseaux de pistes, ouvre les meilleurs territoires de chasse à un plus grand nombre de chasseurs extérieurs au terroir qui adoptent, de ce fait, des comportements moins responsables. Il faudrait recréer - ou préserver lorsqu'elles persistent - des zones de chasse villageoises en prenant en compte les limites et les règles foncières coutumières (Grenand et Joiris, 2000 ; Jeanmart, 1998).

I.3 Les restrictions de chasse

I.3.1 Les lieux interdits

Contrairement à de nombreuses populations forestières, les Bakota n'ont pas (ou en tout cas, non plus) de réelles croyances sur des Esprits qui contrôleraient tous les êtres vivants de la forêt. Il n'y a pas d'Esprit maître des ressources sauvages à qui l'on doit rendre des comptes et les chasseurs ne craignent pas que l'esprit d'un animal vienne les tourmenter pendant leur sommeil.

Il semble qu'auparavant, il y avait plus d'Esprits qui gardaient certains lieux de la forêt principalement dans les grottes et dans certains points d'eau, où les chasseurs craignaient d'aller. Aujourd'hui, la seule forêt « tabou » est celle de mangazima lipépa aux alentours du village de Malassa, vers Mékambo, où vit l'esprit Engumba. Selon les histoires véhiculées par la tradition orale, l'esprit aurait été, au départ, un chasseur qui se serait perdu dans cette forêt puis, il se serait transformé en une sorte d'animal sauvage64(*) (Perrois, 1968). Depuis, il est dit que si un chasseur pénètre dans cette forêt, il s'y perdra pour toujours.

Cette croyance est encore présente chez les Bakota que j'ai rencontrés, mais ma zone d'étude étant un peu éloignée de cette forêt, je ne sais si les chasseurs de la région de Mékambo évitent réellement, à l'heure actuelle, de la fréquenter. Mais si c'est le cas, il pourrait être intéressant de voir s'il n'est pas possible de faire de cette forêt une réserve de faune qui pourrait être rattachée au parc national de Mwagne.

I.3.2 Restriction de la ponction lors de la chasse

La croyance aux esprits ou aux forces vitales surnaturelles, fait que leurs manifestations sont considérées comme la preuve d'une perturbation de l'Univers. Pour éviter que les conséquences ne soient désastreuses pour l'Homme, a fortiori s'il en est la cause, il lui faut rétablir l'équilibre en rassurant l'esprit par des cérémonies appropriées. La chasse est une action humaine qui rompt l'harmonie de l'univers, c'est pourquoi, autrefois, elle s'accompagnait très souvent de rites de protection pour le chasseur mais aussi destinés à s'octroyer les bonnes faveurs des esprits ou à les apaiser (Chardonnet et al, 1995).

Il en était de même chez les Bakota qui, avant de partir à la chasse, faisaient des médicaments pour se protéger des esprits et des mauvais sorts, et ils faisaient également des offrandes aux Ancêtres. Avant les grandes chasses, le chef allait derrière la maison pour sacrifier une poule sur le crâne d'un ancêtre. Puis, il criait 1, 2, 3 fois et si un oiseau, un animal ou un arbre répondait, cela voulait dire que la chasse allait être bonne.

La plupart du temps, la chasse se pratiquait (et se pratique toujours) seule ou avec quelques membres restreints de la famille. Toutefois, deux personnes m'ont tout de même parlé de la présence, autrefois, d'un maître de brousse qui organisait les chasses collectives et décidait du nombre maximum de gibiers à abattre.

« Avant, quand on partait dans un campement pour faire la chasse au filet, on appelait le  Ganga Wébwéma  (le maître de brousse) qui préparait les médicaments et les sacrifices, c'est lui qui organisait et préparait tout. C'est lui aussi qui décidait du nombre de prises maximum qu'on pouvait tuer » Vieux Mahongwé, Bangadi

« Le Ganga Wébwéma, prépare les médicaments et évoque les esprits. C'est lui qui décide où on va placer les filets et combien de gibier on peut chasser pour ne pas fâcher les esprits » Chef de Canton, Mahongwé, Zadindoué

Contrairement à beaucoup d'autres peuples de chasseurs, les Bakota que j'ai rencontrés ne m'ont pas parlé d'esprit « maître des animaux » qui serait en charge du cheptel sauvage et de sa distribution aux hommes. Ce rôle est celui des Ancêtres et c'est à eux que vont les prières et les offrandes, pour que la chasse soit bonne et qu'elle se déroule sans encombre. La crainte des représailles du monde invisible poussait au respect du gibier et à limiter la ponction à ses stricts besoins de subsistance.

Ces chasses collectives étaient pratiquées lors de périodes de disette et avant les grandes cérémonies de circoncision, car elles permettaient la capture d'un grand nombre de gibiers en peu de temps.

Mais ces pratiques de chasse et ces croyances aux esprits et aux ancêtres ont été abandonné depuis l'intrusion du fusil « moderne » et surtout, depuis Zoaka et son culte Mademoiselle. Aujourd'hui, la chasse est une activité très individualiste et visant à maximiser les captures ; plus aucune autorité coutumière ne peut fixer des limites à la prédation, ce rôle étant endossé par les agents des Eaux et Forêts et ceux du WWF ou WCS.

* 64 Je n'ai trouvé aucune littérature pouvant me renseigner en quel animal se serait transformé ce malheureux chasseur ; certains interlocuteurs m'ont parlé du Potamochère mais beaucoup d'autres ont nié cette transformation.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld