WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le Conseil constitutionnel sénégalais et la vie politique

( Télécharger le fichier original )
par Mamadou Gueye
Université Cheikh Anta DIOP de dakar - Doctorant en science politique et droit public 2011
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

INTRODUCTION

DEFINITIONS DES TERMES DU SUJET

Le Conseil Constitutionnel est une juridiction suprême. C'est la réforme de 1992 communément appelée réforme Keba Mbaye1(*) qui l'a institué. Avant 1992 le contentieux électoral et constitutionnel etaient dévolu à la Cours Suprême. Dans ces conditions on notait une difficile gestation de la jurisprudence du Conseil en raison de la composition héréroclite des sections reunies ou siègent des magistrats ayant des profils différents et souvent sans véritable théoricien du droit. Conscient de cet état de fait, le constituant sénégalais à considérer qu'il était grand temps de créer des juridictions suprêmes spécialisées dans les contentieux aussi spécifiques que ceux de l'excés de pouvoir, du droit des affaires, du contrôle de constitutionnalité ou des élections. Ayant constaté que « les raisons qui militaient déjà voici plus de trente ans n'ont fait que se renforcer au fil des années....et que....la complexité et la spécificité des différentes branches du droit se sont considérablement accrues depuis l'indépendance, au point qu'il est désormais impossible à un juriste même s'il compte parmi les plus éminents de maitriser toute la matière juridique dans toutes ses dimensions »2(*), le constituant en tire la conséquence que «  la spécialisation n'est pas un simple choix d'opportunité, elle est devenue un impératif pour la sauvegarde de l'institution judiciaire ». C'est ainsi que le conseil constitutionnel fut crée dans le contexte de la réforme judiciaire de 1992 avec l'éclatement de la Cour Suprême et la création de trois juridictions supérieures spécialisées3(*). Lorsque la révision constitutionnelle de 1992 donna jour au conseil constitutionnel, « on a assisté à une mutation de l'ordre juridique tellement profonde que la nature de la démocratie s'en est elle-meme trouvée métamorphosée pour tendre vers une démocratie constitutionnelle. La saisine de la politique par le droit semble instituer progressivement une démocratie de type nouveau et avec comme principal maitre d'oeuvre le conseil constitutionnel »4(*). Cependant au delà de l'analyse juridique de la réforme certains5(*) y voient la volonté de l'ancien président Abdou Diouf de réhabiliter la justice secouée par une crise de confiance. Mais également des préoccupations politiques dans la mesure où la réforme intervient à moins d'un an des élections présidentielles. Quant à la classe politique son point de vue sur la réforme était à la fois marqué par la prudence et la méfiance et dans une moindre mesure par une acceptation ou un accueil favorable de celle-ci6(*). En ce qui concerne les magistrats et les avocats, ce sont surtout ces derniers qui ont manifesté une certaine hostilité à l'égard de la réforme parce qu'ils n'ont pas été consulté7(*). Quant à la presse, elle s'est contentée à analyser les raisons de la réforme et son impact dans le système démocratique sénégalais8(*).

A l'instar de l'ancien président Abdou Diouf, le président Wade sera l'initiateur d'une nouvelle réforme du système judiciaire en proposant de revenir sur le modele de la Cour Supreme mais sans y intégrer le Conseil constitutionnel. En effet la cérémonie solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux présidée par le président Wade a été l'occassion pour ce dernier d'annoncer la réforme du système judiciaire en regroupant le conseil d'etat et la cour de cassation en une Cour Supreme. Ce sera également le moment pour le président Wade de faire le bilan du conseil constitutionnel qui selon lui «  en 15 ans n'a seulement rendu qu'une centaine d'arrets, c'est une activité fort limitée, mais compte tenu de la trace symbolique de cette juridiction, il ya lieu de plaider son maintien mais elle ne doit pas seulement s'interesser aux questions électorales »9(*). Le conseil se voit ainsi délivrer un nouveau certificat de naissance et de durée mais également une opportunité d'élargir ses compétences.

Par ailleurs il faut noter qu'en matière de compétence, le Conseil constitutionnel est une juridiction d'attribution. Celle-ci est définie comme « un tribunal compétent en vertu d'un texte exprés, pour statuer sur telle ou telle catégorie de litige »10(*). Ce sont des compétences conférées à la juridiction en fonction de la nature des taches. La compétence a une vertu simplificatrice. Le conseil constitutionnel dispose d'une compétence d'attribution sur le fondement de la constitution et de la loi organique. En effet la constitution énumère un domaine de compétence à partir duquel s'exerce la compétence du Conseil constitutionnel. Selon les dispositions de la Constitution, le Conseil constitutionnel est compétent pour connaître du contrôle de la constitutionnalité des lois et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation, les exceptions d'inconstitutionnalité. Il veille également à la répartition du domaine de la loi et du règlement.

Sur le fondement de la constitution, la loi organique 92-2311(*) précise tout en ajoutant des compétences au Conseil. Il s'agit en l'occurrence d'une attribution électorale pour l'élection du président de la République et des députés. A ce titre aux termes de l'article 2 de la loi organique 92-23 modifiée, « conformément aux dispositions des articles 24, 25, 28, 29, 31 et 35 de la constitution, le Conseil constitutionnel reçoit les candidatures à la présidence de la République, arrete la liste des candidats, statut sur les contestations relatives aux élections du président de la République et des députés à l'Assemblée Nationale et en proclame les résultats. Il reçoit le serment du président de la République et constate sa démission, son empechement ou le déces des personnes appelées à le suppléer dans ces cas.

En dernier lieu le Conseil constitutionnel exerce des compétences consultatives. Génériquement il importe de repérer les attributions du Conseil à partir de trois domaines formellement délimités par la constitution et la loi organique sur le Conseil constitutionnel. Il s'agit d'une mission de contrôle en vue de garantir l'expression sincère des suffrages mais également d'une mission de contrôle de l'activité normative du pouvoir législatif ou même de l'executif. Enfin il s'agit d'une mission de contrôle de constitutionnalité des conventions internationales.

Le Conseil constitutionnel comprend cinq membres nommés par décret pour six ans non renouvelables12(*). L'article 4 de la loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que les membres sont choisis parmis les magistrats, les professeurs de droit13(*) et les avocats.

En ce qui concerne la notion de vie politique avant de l'aborder dans le fond, il est nécessaire d'apporter quelques précisions terminologiques sur la « politique ».

D'emblée il faut noter que l'essence de la politique, sa nature propre, sa veritable signification, c'est qu'elle est toujours et partout une notion ambivalente.

La politique désigne « la lutte pour la conquete, l'exercice et la conservation du pouvoir dans la sociéte ».14(*) Selon Max Weber « la politique est l'ensemble des efforts que l'on fait en vue de participer au pouvoir ou d'influencer la répartition du pouvoir entre les divers groupes à l'intérieur d'un meme Etat »15(*). Quant à Maurice Duverger, il étudie la notion de politique en s'inspirant tour à tour de Littré qui définit en 1870 la politique comme « science du gouvernement des Etats » et de Robert qui considère la politique comme « art et pratique du gouvernement des sociétés humaines »16(*). Partant de ces définitions Duverger note que derrière tous les systèmes de valeurs et tous les jugements particuliers, deux attitudes fondamentales se retrouvent généralement. Depuis que les hommes réfléchissent sur la politque, ils oscillent entre deux interprétations diamétralement opposées. Pour les uns la politique est essentiellement une lutte, un combat, le pouvoir permettant aux individus et aux groupes qui le détiennent d'assurer leur domination sur la société et d'en tirer profit.

Pour les autres la politique est un effort pour faire régner l'ordre et la justice, le pouvoir assurant le bien commun, l'intérêt général. L'adhésion à l'une ou l'autre thèse est en partie déterminée par la situation sociale. Duverger en arrive à la conclusion que toutes les tentatives de définition tournent autour de la notion de lutte et d'intégration17(*). Ces précisions sur le concept de politique faciliteront l'intéligibilité de la notion de vie politique. Il faut d'abord préciser que la notion de « vie politique » n'a pas été définie par les textes18(*). En effet l'approche juridique qui accorde une grande importance à la définition19(*), de même que la démarche politiste, les deux à la fois nous offrent une grille d'analyse qui nous permet d'appréhender la notion de vie politique20(*). En effet du point de vue des théoriciens de la science politique, d'abord la vie politique d'un pays n'est pas le produit des seules règles de droit, mais de multiples facteurs : la dynamique de la structure sociale, les oppositions ou divisions régionales, religieuses, ethniques, les croyances collectives, le nombre et les stratégies des partis politiques, l'organisation de la presse écrite et audiovisuelle...21(*)

Ensuite la vie politique d'un pays se déroule plus ou moins selon une logique autonome par rapport au droit. Ce que le doyen Vedel appelle « l'insoutenable autonomie du politique »22(*). Enfin l'empreinte du droit sur la vie politique ne s'explique pas par les qualités propres des règles constitutionnelles. La juridicisation repose aussi sur la reconnaisance sociale, c'est-à-dire par les acteurs du jeu politique, du droit comme mode légitime de représentation et d'expression de la politique, cette légitimité étant conférée par l'usage routinisé des arguments constitutionnels dans le débat politique.

Il va sans dire que la vie politique ne se résume pas aux seuls domaines dans lesquels le conseil constitutionnel intervient car il faut le rappeler la vie politique n'est pas entièrement saisie par le droit. A cet effet l'interrogation du Doyen Rousseau garde toute son actualité : « la vie politique a-t-elle ses propres lois23(*), ou est-elle régie par le droit 24(*)? »25(*)

A la lumière de ces considérations nous ne circonscrirons pas la notion de vie politique uniquement dans le cadre de sa juridicisation. Même si en effet « la création du conseil constitutionnel a provoqué l'apparition d'un nouvel espace organisé selon les règles propres et différentes des autres espaces institutionnels dans lequel et par lequel s'opère la transformation d'un conflit politique en conflit juridique »26(*) Mais également au déla de la juridicisation, c'est-à-dire cette partie de la vie politique qui se déroule en marge des interventions du conseil et dont celui-ci devrait s'en saisir. Ce « vide juridique » interpelle activement la juridiction constitutionnelle car comme nous le verrons le Conseil est reconnu comme un acteur capital de la régulation du jeu démocratique. Cette partie sera abordée dans une perspective d'élargissement des compétences du Conseil comme moyen de combler « le déficit démocratique » du jeu politique.

En définitive la vie politique résulte de l'activité des partis politiques dans leur relation de collaboration ou de confrontation pour la conquete, l'exercice et la conservation du pouvoir. Mais également de leur activité dans le cadre institutionnel dans leur stratégie de contestation de la majorité gouvernementale

DELIMITATION DU SUJET

Dans le cadre de notre sujet nous analyserons à la fois la jurisprudence électorale et constitutionnelle du Conseil constitutionnel. Il ne s'agit pas cependant d'une analyse des décisions du Conseil dans une perspective purement juridique. Mais surtout de l'attitude du conseil, la « stratégie »27(*) qu'il adopte pour résoudre les conflits qui se posent dans la vie politique. Il s'agira egalement de voir l'impact des décisions du Conseil dans la vie politique. Dans la mesure où le Conseil se déploie dans l'activité de régulation du jeu démocratique, notre étude ne se limitera pas seulement dans le cadre de la juridicisation28(*) de la vie politique. Mais aussi on se propose d'aborder le role qu'il lui est possible de jouer dans le système politique. Plus concrètement il s'agira de voir les cas dans lesquels le Conseil n'est pas sollicité par les acteurs politiques soit parce qu'ils comprennent si bien le Conseil et surtout ses compétences qu'ils sont convaincus qu'un recours devant la haute juridiction n'aboutirait pas, soit qu'ils n'ont aucun juge à saisir. Mais toujours est-il que dans la logique du jeu démocratique ces conflits politiques seraient dévolus à la compétence du Conseil.

PROBLEMATIQUE

Au demeurant la problématique que pose le sujet se résume à une analyse de l'activité de régulation du Conseil de la vie politique. Notre étude consistera à analyser le comportement du conseil à travers ses décisions, face aux recours qui lui sont adressés. La position qu'il occupe dans le système politique mais aussi l'incidence en cette matière de sa composition. En d'autres termes il s'agira de l'appréciation de sa credibilité et de son indépendance. Il sera aussi question des rapports du conseil avec les partis politiques de façon général, on abordera ici l'appréciation de l'activité du conseil par les partis politiques. On traitera également et surtout de l'activité de régulation du conseil dans les conflits entre majorité et opposition parlementaire (ou dans une certaine mesure les conflits au sein de la majorité gouvernementale, étant toujours bien attendu dans la logique du jeu démocratique)29(*) . Mais également les conflits qui interviennent à l'intérieur d'un meme parti politique30(*)

D'un autre coté il s'agira d'apprécier le role de la Haute juridiction en tant que régulateur de l'activité normative des pouvoirs publics à savoir son role de protection constitutionnelle des droits fondamentaux

INTERET DU SUJET

Le système sénégalais de justice constitutionnelle présente des intérêts et des originalités sans précédent. La réalité implique de souligner qu'au dela des institutions, aussi bien élaborées soient-elles, au delà des mécanismes juridiques aussi performants soient-ils, au delà des hommes aussi compétents soient-ils l'essentiel des garanties démocratiques réside dans l'existence d'une culture démocratique qui n'est jamais définitivement acquise. Cette etude nous permettra également de connaitre qu'au delà de la justice constitutionnelle, la mesure de l'etat de droit au Sénégal. Mais également de relever les manquements de la juridiction de la corniche de Dakar dans une perspective de la refonte de l'institution dans le souci d'une « remise à niveau » ou d'un alignement au titre des juridictions constitutionnelle à l'identique du modèle inspirateur qu'est le conseil constitutionnel français ou bien de la Cour Constitutionnelle béninoise.

METHODOLOGIE

Notre parcours méthodologique consistera d'abord à ressembler toute la jurisprudence du Conseil. Ensuite nous étudierons l'apport de ces décisions dans le règlement des conflits politiques. Nous verrons par ailleurs l'appréciation de ces décisions par la classe politique à travers les commentaires faits dans les journaux. Mais également nous prendrons en compte l'attitude de la presse vis-à-vis du conseil à travers les positions exprimées dans les journaux mais également en essayant de rencontrer quelques journalistes politiques.

Enfin nous comparerons la position actuelle du conseil par rapport à certaines juridictions constitutionnelles « dans certains Etats au passé récent de régime dictatorial ou de faible intensité démocratique »31(*) ou meme de certaines democraties très avancées

ANNONCE ET JUSTIFICATION DU PLAN

A la lumière de ces considération il en resulte d'abord de l'activité formelle de régulation du conseil dans la vie politique. Ensuite de nous verrons malgré ce pouvoir, cette compétence de régulateur de la vie politique, le conseil constitutionnel manifeste une prudence excessive dans la vie politique. Autrement il s'agira de rechercher les raisons de l'attitude du Conseil dans la vie politique et ses conséquences sur le système démocratique sénégalais.

PREMIERE PARTIE : La mission du conseil constitutionnel de régulation de la vie politique

Le conseil constitutionnel a une mission institutionnelle d'arbitrage entre l'exécutif et le législatif. A cet effet il a un pouvoir de clarification matérielle. Autrement dit il doit être à même de donner une idée claire des diverses compétences des pouvoirs exécutifs et législatifs. Cette mission institutionnelle trouve son fondement dans l'article 92 de la Constitution. Le conseil constitutionnel connaît des conflits de compétences entre l'exécutif et le législatif32(*)

Cette mission intègre également l'autorité du conseil constitutionnel dont les décisions s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Entre également dans les compétences du conseil la mission de contrôler l'activité normative des pouvoirs. Cette mission englobe les rapports entre pouvoir exécutif et législatif33(*)

Cependant la mission de contrôler la régularité des élections34(*) constitue l'une des plus importantes et des plus sensibles mission de la juridiction de la corniche de Dakar. En effet dans nos relativement jeunes Etats où la démocratie demeure « fragile et réversible »35(*) l'élection reste souvent chargée de tensions et de conflits, qui exige un organe régulateur dont la mission sera de contraindre les différents protagonistes ou compétiteurs à rester dans les limites du droit. Aussi « le juge constitutionnel est-il donc l'aiguilleur comparable à l'aiguilleur des chemins de fer qui se borne à mettre les trains sur une voie ou une autre »36(*).

D'une manière générale l'étude de la mission de régulation du conseil tournera essentiellement autour de deux points : celle relative aux élections d'une part et celle concernant la production normative ou pour parler comme le Doyen Rousseau celle concernant « le processus de fabrication des lois »37(*). De façon particulière l'analyse portera partout où la rencontre entre partis politique génère des conflits qui nécessite l'intervention du conseil dans les différentes sphères de la vie politique.

Il s'agira parallèlement de voir la perception que les acteurs politiques ont de cette mission de régulation, mais également la presse et dans une certaine mesure l'opinion publique.

CHAPITRE I : Les cadres de la mission de régulation

Le conseil constitutionnel est reconnu aujourd'hui comme un acteur capital de la régulation du jeu démocratique. Lors des élections présidentielles et parlementaires (exclusion faite des élections sénatoriales vue la faiblesse et la teneur du contentieux), le conseil a été largement sollicité par les membres des partis politiques. En effet la haute juridiction intervenait à la fois comme arbitre des conflits entre partis politiques et Ministre de l'intérieur mais également entre partis politiques eux même. Son intervention couvre plusieurs étapes du processus électoral.

Par ailleurs le conseil occupe une place fondamentale dans le processus législatif que certains n'hésite pas à y voir « un pouvoir d'amendement irréfragable »38(*). Pouvoir d'amendement parce qu'il peut supprimer des dispositions législatives, en déclarer d'autres dépourvues d'effets juridiques. Irréfragable parce qu'aucun autre acteur de la procédure législative n'est en mesure de s'opposer, ignorer ou contester ses décisions.

Ainsi nous verrons successivement la régulation par le conseil de l'activité électorale d'une part et d'autre part la régulation de l'activité institutionnelle

Section I : la régulation de l'activité électorale par le Conseil

La période électorale est un moment important dans la vie d'une nation, elle est souvent pleine d'effervescence, d'agitation, de tension...

En réalité les consultations électorales ne sont pas inconnu sur le continent africain et plus particulièrement au Sénégal tant durant la colonisation qu'après les indépendances à quelques exceptions prés, « elles y étaient organisées sur un mode unanimiste et elles remplissaient des fonctions principalement symboliques et de renforcement du pouvoir des régimes autoritaires »39(*).

Depuis le démarrage de ce que l'on appelle les « transitions démocratiques »- qui a principalement concerné les Etats francophones, inaugurées en 1990 par le Bénin, l'Afrique se voit dérouler une série d'élections transparentes et calmes, qui s'effectuent dans un contexte de pluralisme politique. Désormais les partis au pouvoir commencent à perdre les élections, l'alternance n'est plus interdite.

Toutefois le recours aux élections n'est pourtant pas aujourd'hui sans rencontrer des réserves et susciter des appréhensions. Les difficultés semblent parfois empirer si l'on en juge par la gravité des crises liées à l'organisation et au déroulement des scrutins.

N'a-t-on pas vu dans les consultations électorales de véritables « impostures » se réduisant à de « simples formalités administratives »40(*) dominées par des acteurs se livrant à un banditisme électoral plutôt qu'à une compétition loyale. Par un curieux retournement, les élections qui avaient été considérées en Afrique comme une voie privilégiée de sortie de crise et d'expression du pluralisme se voit attribuer la responsabilité des tensions voire des ruptures de consensus qui affectent la vie politique en Afrique et particulièrement dans nos Etats.

Dans un tel contexte le conseil constitutionnel doit être la sentinelle qui aura la lourde mission de sanctionner les contrevenants à la loi électorale ou les comportements anti-démocratiques de façon générale. Il sera question de l'étude de l'activité régulatrice du conseil en tenant compte de l'environnement sociopolitique

Cette partie sera à la fois descriptive des différents contentieux que le conseil a eu à connaître. Mais surtout analytique en mettant en exergue les différents facteurs qui ont eu à influer sur le rôle du conseil ou sur son attitude.

Paragraphe I : La problématique de la régulation de l'élection présidentielle

Bien que faisant l'objet d'une attribution de compétences, le conseil constitutionnel sénégalais exerce dans sa mission de régulation des élections de très larges pouvoirs. C'est d'ailleurs ce qui fait de lui le véritable juge de la régularité, de la transparence et de la sincérité ou moralité des opérations électorales. Ces pouvoirs lui permettent de réguler le jeu électoral à travers tout son processus

En effet le conseil intervient à la fois au début du processus électorale ce que l'on appelle la phase préélectorale et à la fin appelée la phase post-électorale

Dans la période préélectorale, l'office du conseil est de recevoir les candidatures à l'élection présidentielle et de publier la liste des candidats. A cette occasion il peut accepter ou rejeter les candidatures qui ne remplissent pas les conditions exigées par la loi électorale. En revanche les candidats disposent de recours auprès du même conseil pour faire respecter leurs droits

Mais en réalité cette étape qui constitue une phase préliminaire de l'élection proprement dite et dont l'enjeu n'est pas très important à la fois du point de vue de la population mais aussi dans une certaine mesure pour les leaders politiques ou les candidats au regard de leur comportement, on a l'image d'un conseil au dessus des institutions parlementaires et gouvernementales soucieux du respect de la loi électorale.

Le conseil a ainsi rejeté lors des élections présidentielles de 1993 la déclaration de candidature additive de Landing Savané. Ce dernier a fait déposer au greffe du conseil constitutionnel une requête aux termes de laquelle sa candidature est devenue la candidature du « Rassemblement Bokk Yaakar » incluant notamment les partis AND-Jef/Pads, le MSU, l'UDF/Mbolo-Mi.

Le juge constitutionnel rejette cette déclaration de candidature pour raison portant sur « l'absence de toute mention que le candidat a reçu l'investiture de ce rassemblement. Par conséquent la déclaration de candidature additive est rejetée »41(*)

Dans le même ordre d'idées, le conseil a eu à rejeter la déclaration de candidature indépendante de Yoro Fall. Selon le juge « après vérifications faites conformément à l'article 116 du code électoral42(*), il a été constaté que la liste de 10000 électeurs appuyant la candidature de Yoro Fall, seuls 8715 ont pu être identifiés et leurs signatures validés. Par conséquent la candidature de Yoro Fall à l'élection présidentielle est irrecevable »43(*)

Le juge constitutionnel intervient également dans la phase post-électorale. Sachant que les élections constituent le talon d'Achille des régimes politiques africains, les litiges issus des élections, à défaut de trouver une solution juridictionnelle consensuelle et acceptable risquent de s'exposer dans la rue. Et souvent ils aboutissent à provoquer des guerres civiles. C'est pourquoi le juge doit agir avec subtilité et perspicacité pour faire respecter les droits de chaque candidat.

C'est ainsi que dans le cadre de son pouvoir de régulation, le conseil « procède à la rectification des erreurs44(*) commises au cours du processus de recensement des votes soit d'office soit à la demande d'un candidat »45(*). Dans le même ordre d'idées, le conseil en tant que juge de la régularité et de la sincérité ou moralité des élections veille au respect des règles de la compétition électorale. Par conséquent le conseil a le pouvoir d'annuler les résultats du scrutin.

En dépit de tous ses pouvoirs considérables et cette volonté constante de régulation impartiale du jeu politique, le conseil demeure mal vu dans bien des cas. Pour le professeur Kanté et ancien vice président du conseil, le conseil est victime d'un mauvais procès dans la mesure où : « l'évaluation de l'activité contentieuse de ces juridictions nouvellement créées en Afrique est souvent faite à l'aide d'un seul critère : le degré d'indépendance au moment de la proclamation des résultats d'une élection présidentielle. Selon l'attitude du juge à l'occasion du contentieux électoral, la juridiction concernée sera considérée comme digne de respect ou non, un promoteur ou un fossoyeur de la démocratie »46(*)

Cette affirmation est également valable pour le contentieux constitutionnel - dans la mesure où le juge est toujours jugé en fonction de ses attitudes par rapport aux exigences de la démocratie et de l'Etat de droit. Mais seulement, elle est plus « visible », plus vérifiable pour les élections présidentielles du point de vue de l'enjeu qu'elle suscite. Par exemple lors des élections présidentielles de 1993, les premières élections auxquelles le conseil faisait face pour la première fois après moins d'une année d'existence, constitue une belle illustration de cette réalité. En effet lors de la proclamation des résultats de l'élection présidentielle de 1993, la haute juridiction avait repris mot pour mot le slogan de campagne du candidat déclaré vainqueur en l'occurrence le candidat président de la république Abdou Diouf47(*).

Dans la décision du conseil il est mentionné la formule solennelle : « que le candidat Abdou Diouf...... est élu dès le premier tour président de la République du Sénégal pour un mandat de 7ans »48(*). Cette clause de style n'a pas échappé à la vigilance de la presse qui n'a pas manqué à critiquer sévèrement l'attitude des juges, et de facto remis en cause la neutralité du conseil. Dans un éditorial intitulé au delà du droit, le journaliste Babacar Touré fait une analyse très peu reluisante de la décision du conseil. Revenant sur la formulation de la décision proclamant les résultats, il écrit « le communiqué du conseil, par son libellé, est particulièrement choquant dans la mesure, où il s'est départi de cette sérénité et de cette distance arbitrale si caractéristiques des hommes et des femmes qui n'ont souci que de dire le Droit. La touchante générosité du `discours de la méthode' qui a précédé `le constat' du conseil a quelque relent de parti-pris délibéré en faveur du candidat le mieux placé dont le nom a été cité avant même que les résultats soient annoncés ni même consignés dans le communiqué ». De ce son point de vue `l'équipe de Youssou Ndiaye a fait plus et mieux que le parti socialiste'. Pour lui « ce qui est en cause c'est autant le score attribué au candidat Abdou Diouf que les conditions dans lesquelles, on y est parvenu au terme d'un scrutin entaché d'encre délébile, d'ordonnances et de pratiques aux antipodes de la sincérité et de la transparence. Ce sentiment de gêne est d'autant plus présent que le chiffre de 58% avait été annoncé dans certains milieux dirigeants du PS et de l'Etat bien avant le 21 février.(......) Comme pour complaire aux souhaits du Prince et de ses affidés, le communiqué du conseil a repris le mot d'ordre du Ps : « Abdou Diouf élu des le premier tour » auquel on aurait préféré « élu au premier tour »49(*). Cette critique de la presse semble bien fondée dans la mesure où le conseil aurait pu entourer beaucoup plus de solennité à sa décision. D'ailleurs si on regarde la jurisprudence qui a suivi ces élections, on constate que le conseil à corriger cette formulation en retenant une formule en tout cas moins chargée à savoir par exemple pour les élections de 2000 qui ont consacré l'alternance politique au Sénégal avec une nouvelle équipe politique qui n'a aucun lien avec le conseil : « Abdoulaye Wade élu président de la République du Sénégal »50(*). Cependant 7 ans plus tard lors de la réélection du président Wade qui durant son premier mandat a eu à faire des réaménagements au conseil avec la nomination à la tête de l'institution d'une personne supposée lui être proche. Le conseil revient à la formule des élections de 1993 : « le candidat Abdoulaye Wade est élu des le premier tour président de la république du Sénégal »51(*). Ce manque de constance dans la formulation des résultats de l'élection présidentielle n'est pas acceptable pour une juridiction de cette envergure. D'ailleurs la formulation adoptée semble être liée à la proximité ou non de l'institution avec le pouvoir en place faisant ainsi peser de sérieuses réserves sur l'impartialité, l'indépendance et la crédibilité de l'institution. Cette remarque est d'autant plus fondée qu'en 2007 lors de la prestation de serment du président réélu Abdoulaye Wade, la présidente du conseil s'est contentée à faire un long éloge du président. Ce qui n'est pas un gage de neutralité dans une démocratie digne de ce nom.

En effet pendant les élections présidentielles le conseil est largement sollicité et les partis politiques ou plus exactement les leaders politiques n'hésite pas à critiquer voire menacer ouvertement le conseil. Par exemple lors des élections de 1993 le conseil a vu l'un de ses membres en l'occurrence le vice président maitre Babacar Seye assassiné. Juste avant cet assassinat son président avait démissionné. Ajouté à cela la tension sociale et politique du pays, le conseil était dans une sorte de crise qui a pu fortement marquer sa psychologie et peut-être une certaine peur des hommes politiques explique certaines de ses décisions. D'ailleurs lors des élections de 1993 le candidat wade dans une de ses déclarations manifestait sa méfiance vis-à-vis de l'institution et sur certains de ses membres. En effet il affirmait « qu'au point où nous en sommes une solution politique de la crise actuelle ne peut sortir de cette institution », au sein du conseil il doute que l'un de ses membres, maitre Seye, « malgré toute sa bonne volonté puisse juger de manière impartiale, après avoir été pendant une bonne partie de sa vie responsable du PS »52(*).

Les leaders politiques sénégalais ont toujours manifesté pendant les élections présidentielles surtout une grande méfiance vis-à-vis du Conseil constitutionnel, on a l'impression qu'ils nourrissent de forte présomption de partialité de la part du Conseil, qu'ils préfèrent le voir exit ou pour parler juridiquement le récuser. D'ailleurs lors de l'alternance démocratique de 2000, l'opposition n'avait pas manqué de faire de telles déclarations qui ont pour conséquences à la fois de minimiser le Conseil et d'heurter sa crédibilité. L'enjeu et la tension qui accompagne cette élection justifie de telles pratiques. Comme l'a si bien remarqué Momar Coumba Diop53(*) « la situation était d'autant plus tendue que le leader de l'opposition lui-même n'avait pas hésité, durant la campagne à demander à l'armée de faire respecter la volonté de changement du peuple sénégalais en cas de fraude du pouvoir54(*). Le sentiment de malaise et les critiques à l'égard du conseil se nourrissent surtout du nombre important de décisions par lesquelles le conseil confirme une élection tout en reconnaissant expressément que les irrégularités sont « regrettables », « critiquables », « condamnables »...

On peut retenir que depuis sa création le conseil n'a pas encore atteint le degré d'indépendance et la crédibilité nécessaire que les acteurs du jeu politique attendent de lui. Cette analyse est légèrement applicable aux élections législatives

Paragraphe II : La régulation des élections législatives

Dans la régulation des élections législatives, le Conseil constitutionnel semble être plus à l'aise, en tout cas il fait montre d'une plus grande impartialité, peut-être que cela est du à l'absence de l'institution toute puissante que représente le Président de la République. Le conseil est en vertu de la constitution, du code électoral et de la loi organique sur le Conseil constitutionnel, juge des élections législatives. Mais il faut préciser qu'ici sa compétence n'est que contentieuse puisque l'article 59 dispose que « le Conseil veille à la régularité des élections parlementaires qu'en cas de contestation ». Toutefois le Conseil a été amené à plusieurs reprises à intervenir dans la phase préparatoire des élections comme arbitre entre l'administration en l'occurrence le Ministre de l'intérieur et les partis politiques. Mais également comme juge entre les partis politiques eux-mêmes en cas de litiges portant sur le choix des couleurs et des symboles. Concernant ces élections les litiges entre le ministre de l'intérieur et les partis politiques sont plus fréquents. En effet les partis d'opposition ont toujours contesté la neutralité voire l'implication du ministre de l'intérieur dans l'organisation des élections parlementaires. Ce qui pose alors un véritable problème d'éthique politique. En effet, « l'inféodation » de l'administration électorale avec le parti unique ou le parti majoritaire la rend « inapte à garantir la sincérité du scrutin »55(*). En effet, membre éminent d'un gouvernement qui est l'émanation institutionnelle du parti au pouvoir, le ministre de l'Intérieur est, dans les faits, politiquement responsable de la victoire électorale de sa famille politique. L'obligation politique de rendre compte qui pèse sur lui s'étend également à ses représentants dans les circonscriptions administratives en charge du pilotage, à la base, du processus électoral. D'ailleurs récemment les raisons du boycott des législatives de 2007 sont en grande partie liée à la question du fichier électoral géré par le ministre de l'Intérieur56(*). En quelques années plutôt le Conseil avait été saisi lors des élections législatives de 1998 par l'Alliance « Jef Jel - U.S.D » Union pour le Renouveau Démocratique, visant à entendre le Conseil dire si le Ministre de l'intérieur est tenu de mettre à la disposition de l'O.N.E.L et en définitive des partis politiques l'intégralité du fichier électoral ou seulement une partie de ce fichier57(*). Le Conseil refuse d'examiner la demande qui lui est soumise au motif qu'il s'agit d'une « demande d'avis ». Ce qui ne rentre pas dans le champ de ses compétences. Pour le professeur Alioune Sall le Conseil « aurait pu, par exemple dire que l'examen de la régularité du scrutin s'étend à l'ensemble du processus électoral, que se prononcer sur la sincérité d'un scrutin implique un droit de regard sur toutes les étapes de l'opération électorale. Il aurait pu se poser en véritable gendarme de l'élection, soucieux de combler toutes les failles possibles d'un contrôle, et interpréter de manière finaliste sa mission »58(*).

Section II : la régulation de l'activité institutionnelle

Une fois l'indépendance obtenue, le Sénégal s'est doté d'une chambre constitutionnelle intégrée à la Cour Supreme. Cet organe était prévu par l'article 65 de la constitution votée le 26 aout 1960 et promulguée le 29 aout 1960 par décret n°60-29559(*).

Celle-ci connut un essor sans précedent en régnant souveraine, incarnant la volonté générale. Ceci s'explique par le fait de l'existence réelle d'une synchronisation entre représentant et représenté et de la solidité du « cordon ombilical » reliant l'élu à l'électeur. Ce dernier etait dignement représenté par le premier, exclusivement habité par la satisfaction des intérêts de celui-ci. Cette atmosphère qui planait sur l'espace juridique et politique sénégalais, reposait sur l'identification des gouvernés aux gouvernants, sur la confusion entre volonté générale ou nationale et volonté parlementaire. Avec le temps et l'évolution sociale, cette figure de la démocratie s'est renversée et l'étanchéité du lien s'est flétrie comme le souligne Dominique Rousseau pour ce qui est de la France, « le représentant exprime davantage la volonté de son parti que celle de la nation, que la loi répond davantage aux impératifs électoraux qu'à ceux de la nation »60(*)

Quoique le Sénégal ait connu un système de contrôle de constitutionnalité des lois depuis 1960, la découverte du constitutionnalisme moderne, c'est-à-dire la primauté des droits et libertés proclamés par la constitution et protégés par un juge constitutionnel autonome, sur la loi votée par la représentation nationale ne date juridiquement et idéologiquement que d'une vingtaine d'années environ au Sénégal.

L'étude du contentieux constitutionnel sénégalais est intéressante...

Dans cette partie nous mettrons l'accent sur les controverses de la régulation de l'activité institutionnelle à savoir faire la description de la régulation d'une part et d'autre une régulation analyser l'opportunité de la régulation de l'activité institutionnelle

Paragraphe I : L'état descriptif et analytique de la régulation institutionnelle

Avec l'autonomie et la spécialisation du conseil constitutionnel le droit est aujourd'hui au coeur de la modernisation de la démocratie sénégalaise. D'ailleurs lorsque les neufs sages de la juridiction constitutionnelle française ont affirmé le 23 aout 198561(*) que « la loi exprime la volonté générale que dans le respect de la constitution ». Les cinqs sages sénégalais diront le 19 juin 1995 dans un considérant de principe que « la seule préoccupation du conseil constitutionnel demeure le fonctionnement harmonieux et complémentaire des juridictions qui commandent aux juges de corriger les imperfections de la loi, de combler les lacunes par des constructions jurisprudentielles réfléchies, patientes et parfois audacieuses »62(*)

Dès lors on pourrait également supposer que le conseil, juge supreme, est habilité à corriger les imperfections ou « combler les lacunes » de la loi.

Le Conseil donne et refuse force de droit et valeur juridique à tout texte législatif qui lui est soumis. Ainsi, il a fait de la constitution la sève qui alimente tout l'arbre juridique, ce qui a favorisé la naissance du nouveau droit constitutionnel jurisprudentiel. Ce nouveau modèle constitutionnel sénégalais fait état de la naissance d'une conception nouvelle du droit constitutionnel. Il consacre l'avènement de démocratie constitutionnelle dans le contexte duquel le Conseil constitutionnel sénégalais joue un rôle tellement capital que la notion elle-même semble être caractérisée par une grande viabilité63(*). Cette affirmation de M.Sy est dans une certaine mesure très contestable. En effet avec la soudure qui s'établit entre le gouvernement et la majorité parlementaire à travers le parti dominant, la loi semble être l'expression de la volonté gouvernementale, du parti au pouvoir approuvée par un législatif solidaire. Dans ce contexte le juge constitutionnel doit jouer pleinement son rôle de gardien de constitution ou de rempart contre les atteintes à la démocratie. Ici la ligne principale de contrôle doit être contenue dans la formule : « la loi n'exprime la volonté général que dans le respect de la constitution ».

Toutefois il est important de préciser que vue l'ampleur des décisions déclaratives d'incompétences64(*) et celles dites « timorées » ou qualifiées de « manque d'audace ou de courage » qui sont souvent des décisions de déclaration de conformité ; on peut remarquer que les décisions dans lesquelles le Conseil à répondu favorablement aux attentes des juristes, politiques et observateurs de la vie politique constituent une très faible part et semblent relever d'un accident de parcours dans la vie du Conseil. Les exemples qu'on peut citer sont très rares. Même l'invalidation partielle de loi Ezzan65(*) n'est pas satisfaisante aux yeux de l'opinion et de la classe politique. Il ya également la censure de la loi sur la parité66(*). Cette censure, violemment critiquée par le Président Wade et par les défenseurs de la cause des femmes, a paru neutraliser le Préambule de la Constitution qui incorpore la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, du 18 décembre 1979. Toutefois le Conseil Constitutionnel sénégalais a tort de calquer sa position sur celle prise par son homologue de France dans ses décisions n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 et n° 98-407 DC du 14 janvier 1999. La question qui se posait au juge français était de savoir si le principe d'égalité permettait ou interdisait au législateur de prendre des dispositions spécifiques pour éviter la monopolisation de la representation politique par le sexe masculin. En 1982, le Parlement français avait decide que, pour les elections municipals, les listes des candidats ne pouvaient «comporter plus de 75% de personnes du meme sexe». Saisi de cette loi, le Conseil dans sa decision du 18 novembre 1982, soulève d'office la question de sa constitutionnalité pour qu' «une règle, qui pour l'établissement de listes soumises aux électeurs, comporte une distinction entre candidat en raison de leur sexe» n'est pas conforme à la Constitution. Le Conseil devait encore confirmer sa position dans sa decision du 14 janvier 1999. Mais après un long et passionné débat, le constituant ajoute, le 08 juillet 1999, à l'article 3 de la Constitution la disposition suivante «la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions electives». Dès lors la jurisprudence de 1982 devient caduque et le Conseil reconnait dans sa decision du 30 mai 2000 que «le constituant a entendu permettre au législateur d'instaurer tout dispositif tendant à rendre effectif l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux; qu'à cette fin, il est désormais loisible au législateur d'adopter des dispositions revetant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant». Parallèlement, le Président Wade a, en tout cas, invité le pouvoir de révision souverain à «casser» la décision du Conseil pour donner une assise constitutionnelle incontestable à la parité ou aux quotas de genre. Pouvait-il faire un autre choix et ne pas imiter l'attitude des gouvernants français. Il s'avère que l'imitation par le Conseil constitutionnel sénégalais de la juridiction française est inopportune en raison de plusieurs raisons dont la composition sociologique de la société sénégalaise composée à plus 70% de femmes. Il parait logique que la representation au niveau des fonctions electives puisse tenir compte de cet état de fait.

L'état descriptif de l'intervention du conseil dans l'activité législative révèle que « dans l'ordre d'importance, le contrôle des lois ordinaires par la voie du contrôle d'action arrive en 3ème position avec une quinzaine de décisions. Par ailleurs la jurisprudence du conseil est marquée par le caractère marginal des décisions relatives au contrôle des engagements internationaux (2 seulement) ou à l'exception d'inconstitutionnalité (4 décisions). Tout aussi marginal l'exercice des attributions consultatives (3 décisions). Quant aux contrôle des lois constitutionnelles, il se heurte au refus du juge de l'exercer (3 décisions), tandis que le contentieux de la répartition des compétences entre l'exécutif et le législatif, abondant ailleurs est inexistant. Dans le même sens le contentieux des droits fondamentaux qui occupe une place de choix dans le contentieux constitutionnel béninois et Sud africain, demeure marginal voire inexistant au Sénégal.67(*) Cependant il faut pas perdre de vue que cette régulation du Conseil est abordée dans le cadre de son impact dans la vie politique à travers les luttes entre les partis politiques. Le constat qui se dégage est que statistiquement la majorité des décisions du Conseil intervenant dans les conflits entre partis politiques au niveau de l'hémicycle révèle une grande part de prudence, voire de timidité. Et pose du coup un véritable problème d'opportunité

Paragraphe II : L'opportunité des décisions du conseil

Si « recourir au juge, c'est choisir la résolution pacifique des litiges. C'est renoncer à les trancher par la force, accepter de se soumettre à un tiers arbitre et imposer la même attitude à l'adversaire ».68(*) Les décisions du conseil n'arrivent pas à imposer cette attitude, non seulement aux partis politiques mais également les structures telles que « la société civile ». Les décisions du Conseil ne remplissent toujours pas cette fonction de pacification de la vie politique ou d'extinction des conflits politiques qui persistent et remettent toujours en cause l'effectivité de la démocratie sénégalaise. En effet  s'il s'agit de trancher les conflits engendrés par l'application de la Constitution, la question ne s'en trouve pas radicalement transformée : ne décrit-on pas couramment la technique du contrôle de constitutionnalité comme un procédé garantissant l'élimination des rapports de force, par l'assujettissement à un même degré de l'ensemble des protagonistes du système politique ? « Le contrôle juridictionnel des lois écrit M.Favoreu, permet de faire trancher en termes juridiques des conflits d'ordre politique. Il ya une pacification de la vie politique par le contrôle juridictionnel des lois »69(*)

Au Sénégal si les décisions du Conseil sont formellement acceptées, elles n'éteignent pas pour autant les conflits politiques. La bataille juridique est prolongée souvent dans la rue, par les invitations à la marche et par les déclarations à travers la presse qui ont la particularité d'instaurer un semblant de malaise social et politique dans le pays, préjudiciable dans une certaine mesure au pouvoir et à la démocratie sénégalaise.

Les propos de Jacques Attali, conseiller spécial du Président de la République français, après la décision du 16 juillet 1982 qui invalide le mode d'indemnisation des actionnaires privés, expriment le bénéfice que la majorité peut recevoir de l'intervention du Conseil. Ce dernier, dit -il « ayant reconnu la conformité à la constitution des nationalisations, tout le débat de la campagne présidentielle et de la bataille parlementaire sur le caractère constitutionnel des nationalisations est terminée ».70(*) Autrement dit, l'intervention du Conseil a, pour la majorité et l'opposition également, le double avantage d'éteindre la polémique. L'intervention du Conseil confère en réalité à la loi mise en cause une légitimité supplémentaire en atténuant son aspect partisan. Ce qui n'est pas le cas de la réalité constitutionnelle sénégalaise. En effet le droit n'a pas véritablement une emprise sur la vie politique. Cela ne s'explique pas par un défaut de qualité inhérent aux règles constitutionnelles. Ici la juridicisation est marquée par un manque de « reconnaissance sociale », c'est-à-dire par les acteurs du jeu politique, du droit comme mode légitime de représentation et d'expression de la politique, cette légitimité étant conférée par l'usage routinisé des arguments constitutionnels dans le débat politique. Autrement dit le ressort du succès de la juridicisation, de l'efficacité du droit, se trouve ni dans les qualités du texte constitutionnel de 2001 ou de la jurisprudence du Conseil, ni hors du droit, dans la société, dans les rapports de forces politiques ou dans les intérêts et stratégies des acteurs politiques. Le mouvement de juridicisation ne peut se comprendre que dans la relation qui s'établit entre ce que la règle de droit offre en termes de formalisation, de neutralisation et d'objectivation des questions politiques, et ce que les acteurs politiques demandent ou recherchent, à un moment donné, pour atteindre leur objectif. C'est ainsi que, tirant le bilan de neuf année de mandat de Conseiller, le doyen Vedel écrit de manière significative que le Conseil a posé « des règles permanentes et objectives, susceptibles d'opérer indépendamment du pouvoir en place, qu'il soit de droite ou de gauche... »71(*). L'inexistence de cette relation entre la règle de droit et les acteurs politiques se justifie davantage lorsqu'on regarde de près les rapports entre la juridiction constitutionnelle et les partis politiques. Au regard de la jurisprudence de l'ex-Cour Suprême et du Conseil constitutionnel, on se rend compte que les autorités politiques (le Président de la République et les députés de l'Assemblée nationale) ne sont intéressés à la constitutionnalité des lois que sous couleur de leur seul intérêt politiques. Rappelons que le Sénégal n'a enregistré qu'une seule proposition de loi adoptée provenant des députés : ce fut la révision n°76.01 du 19 mars 1976 (Moussa Mbengue) accordant un statut spécial aux anciens présidents de la République. Toutes les autres proviennent de projets présidentiels, et l'on voit mal le président de la République lui-même les attaquer pour inconstitutionnalité, de même que les députés dont l'écrasante majorité appartenait ou appartient encore à la mouvance présidentielle72(*).

D'une manière générale on peut dire que cette situation qui voudrait qu'après les décisions du Conseil soient rendues, le débat se poursuit par d'autres moyens ou d'autres voies, incombe à la responsabilité à la fois aussi du Conseil pour une large part mais aussi des acteurs politiques par leur attitude

CHAPITRE II : LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DANS LA STRATEGIE DE LUTTE DES PARTIS POLITIQUES ET SON APPRECIATION DANS LA VIE POLITIQUE

Dans cette partie nous mettrons l'accent sur les tentatives d'instrumentalisation du Conseil par les partis politiques et comment ces derniers usent du Conseil dans leurs stratégies de lutte. Nous verrons ensuite comment à la fois les partis politiques, la presse et les différents acteurs de la vie politique perçoivent le Conseil. Ce qui nous permettra d'avoir une idée assez précise de l'évaluation de l'activité du Conseil.

Section I: Le Conseil dans la stratégie de lutte des partis politiques

Dans cette partie notre étude portera sur les appréciations que les partis politiques portent à l'endroit du Conseil d'une part, nous verrons également comment les partis politiques en saisissant le Conseil le cherchent à susciter un débat politique voire d'exacerber la querelle politique.

Paragraphe I : Un Conseil formellement ménagé par la classe politique.

La classe politique apprécie le Conseil de façon différente selon qu'on est devant le contentieux électoral ou le contentieux constitutionnel. Le constat qui se dégage est que les critiques faites à l'encontre du Conseil ne s'inscrivent pas dans la logique du professeur Favoreu qui considère que « si les décisions du Conseil constitutionnel sont parfois contestées, ce n'est du qu'au mécontentement de ceux dont il limite l'arbitraire, ou à l'impatience d'autres qui voudraient le voir se mettre au service de leurs intérêts. Le caractère contradictoire de ces critiques le confirme : il est un simple régulateur de l'activité normative des pouvoirs publics »73(*). Cette affirmation du doyen Favoreu est certainement valable dans les démocraties dites avancées. Mais dans nos pays où la démocratie est en construction, les décisions contestées du Conseil dans la certains cas sont justes et justifiées. Cependant dans la plupart des cas ce sont des critiques qui s'inscrivent dans ce qu'on pourrait qualifier de « critiques politiciennes »74(*).

En effet devant le contentieux constitutionnel, les leaders politiques ne critiquent jamais ou en en tout cas pas ouvertement les décisions du Conseil constitutionnel. A défaut de pouvoir contester directement la décision rendue par le juge constitutionnel, ils se retranchent derrière les formules telles que : « nous exprimons notre surprise, notre étonnement et nos inquiétudes à l'issue des délibérations des cinq sages » ou d'expressions comme « dans la décisions du Conseil constitutionnel, beaucoup de questions sont restées sans réponse, avec des incohérences et des omissions surprenantes » ou encore « nous laissons aux juristes le soin de commenter la décision »75(*)

Cette attitude des hommes politiques s'explique par le fait que même si les décisions du Conseil sont défavorables à l'opposition, celle-ci considère qu'il ne sied pas que les décisions de la plus haute instance judiciaire soient discutées ou critiquées. Même si elle est déboutée, pour la simple raison que l'opposition ne veut pas porter le sobriquet d'antirépublicain.

On peut citer à titre d'exemple la réaction de quelques leaders politiques au lendemain de la décision du Conseil sur l'amendement Moussa Sy76(*) et qui était défavorable à l'opposition.

D'abord le leader de l'URD (l'union pour le renouveau démocratique) Djibo Ka disait que « nous avions saisi le Conseil pour qu'il déclare non conforme à la Constitution ce fameux texte qu'on a appelé amendement. Si nous l'avons fait c'est parce que nous sommes des légalistes. Nous croyons aux institutions de la République, nous estimons que le rempart de la démocratie et de l'Etat de droit le plus sur et le plus sérieux, c'est la justice en l'occurrence le Conseil constitutionnel. Nous prenons acte de sa décision que nous respectons pour rester cohérent avec nos choix 77(*)»

Dans le même ordre d'idée Aminata Mbengue Ndiaye responsable socialiste affirmait « nous respectons la décision du Conseil constitutionnel ». La réaction de Jacques Baudin est encore plus expressive de ces déclarations ou acceptations formelles qui laissent entrevoir un arrière gout amer de la décision. En effet Me Jacques Baudin, membre du pool des avocats du groupe socialiste, a rappelé qu'il est " un républicain profondément attaché à l'indépendance de la Justice de son pays qu'il a servi par choix, en tant que magistrat et qu'il sert encore comme avocat, en participant à la distribution de la Justice. Tous ces éléments mis ensemble l'obligent " à prendre acte de la décision du Conseil Constitutionnel et à la respecter, parce qu'elle est exécutoire ". Néanmoins, en tant que juriste, Me Baudin reconnaît qu'il " pourrait faire un commentaire soit pour des étudiants, soit à la faveur d'une conférence ou d'un séminaire ; ce qui est du domaine de la participation à l'évolution de la Justice de notre pays ".78(*)

Dans la même veine Abdoulaye Bathily, secrétaire général de la LD/MPT se dit « être heureux que l'amendement soit accepté, cela veut dire qu'il est finalement conforme à la loi »

Le constat qui se dégage est que l'opposition ou plus exactement les leaders de l'opposition s'inclinent devant les décisions du Conseil surtout dans le souci de rester en phase avec leur conviction ou principe républicain. Toutefois derrière leur déclaration s'exprime une non satisfaction et un désarroi.

Cependant lorsqu'il s'agit des élections surtout présidentielles, les hommes politiques n'hésitent pas à attaquer ouvertement à travers des déclarations incendiaires les décisions du Conseil et parfois même physiquement79(*)les membres du Conseil. Ainsi aux élections de 1993, le candidat Wade80(*) ne manquait pas de manifester ses réserves quant à la capacité de certains membres du Conseil à pouvoir juger en toute impartialité. Il est même allé jusqu'à récuser la juridiction constitutionnelle et demander la mise en place d'un tribunal arbitral81(*). D'ailleurs mis à part l'alternance de 2000, toutes les élections organisées sous l'égide du Conseil constitutionnel ont été vivement contestées par la classe politique.

Toutefois les partis politiques même s'ils le disent pas considèrent le Conseil comme une arme politique.

Paragraphe II : le Conseil constitutionnel : une arme politique

Dans certaines hypothèses on a l'impression que les leaders politiques ne prennent pas au sérieux le Conseil constitutionnel. Il l'utilise à leur guise comme toute arme politique dont il dispose à des fins « politiciennes ». Cette tentative d'instrumentalisation du Conseil par les leaders politiques est dans une certaine mesure la résultante de l'attitude du conseil dans la vie politique. En effet le Conseil depuis sa création n'est pas arrivé à s'imposer comme un arbitre impartiale entre l'opposition et la majorité. Il parait beaucoup plus comme l'instrument de la majorité contre l'opposition.82(*)

En effet dans la formulation des saisines du Conseil par les partis politiques, on se rend compte que ces derniers ne sont pas ignorants « du code de compétence » du Conseil constitutionnel. Mais qu'ils le saisissent surtout pour manifester leur désaccord sur une politique gouvernementale, et que même s'ils savent a priori que leur recours n'a aucune chance d'aboutir ils saisissent exprès le Conseil. En effet dans ces cas la décision qui sera rendue par le Conseil est tout à fait prévisible. Cette stratégie de contestation peut du coup être de nature à mettre mal à l'aise le Conseil. C'est ainsi que le doyen Rousseau constate à juste titre que « la saisine devient en effet, pour l'opposition, un élément obligé de sa stratégie de contestation de la politique législative du Gouvernement. Elle y trouve de multiples avantages : gêner ou retarder l'exercice du pouvoir législatif....., montrer à son électorat la détermination de son opposition, mettre en difficulté la majorité en essayant d'obtenir une invalidation totale ou partielle de la loi qui l'oblige à une nouvelle rédaction et donc à de nouveaux compromis politiques. »83(*)

Si certains n'hésitent pas parler de requêtes fantaisistes comme le professeur Ismaila Madior fall84(*), d'autres au contraire considèrent que c'est une bonne chose85(*). A titre illustratif la décision du Président de la République de négocier avec le MFDC à fait l'objet d'un recours devant le Conseil. Il a été saisi dans cette affaire par le secrétaire général d'un parti politique, le RND (Rassemblement National Démocratique). Le conseil constitutionnel a déclaré la requête irrecevable pour deux raisons : elle ne rentre dans aucun des cas de saisine prévus par la Constitution, et , d'autre part, elle n'émane pas d'une autorité apte à saisir la haute juridiction. Pour le professeur Alioune Sall « il n'en demeure pas moins que la décision rendue pouvait difficilement ignorée les lacunes de cette saisine. En d'autres termes, le verdict rendu était prévisible. Non seulement l'auteur de la requête n'y était pas habilité (seul le Président de la République ou un dixième des membres de l'Assemblée nationale peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il est permis de se demander si la saisine en question ne tenait pas plus du symbole, ou de la volonté de provoquer seulement un débat public. D'autres requêtes, introduites plus récemment par l'opposition au pouvoir, semblent obéir à la même logique. Ne se faisant point d'illusions sur le sort qui leur sera réservé, les saisissants visent en fait, par ce biais, à susciter le débat et, il faut aussi le dire, à pointer du doigt les failles de l'interprétation que le Conseil fait de ses compétences. Un tel état de fait est bien entendu regrettable, dans la mesure où il révèle une béance que le contrôle de constitutionnalité a précisément pour vocation de combler.

Plus symptomatique est encore les menaces de saisine du Conseil par l'opposition regrouper au sein de « Bennoo » faire constater l'incapacité de Me Wade de continuer à assurer ses charges présidentielles. La lettre que « Benno » a envoyé au Président du Sénat à l'allure d'une requête adressée à un juge. Il expose les faits et invoque les dispositions constitutionnelles applicables à ces mêmes faits. Dans la première lettre envoyée par les leaders de Bennoo au président du Sénat, il est écrit : «Monsieur le Président, les sénégalais en sont témoins, depuis quelques temps, le Président de la République pose régulièrement dans la vie publique nationale des actes qui inclinent les patriotes de bonne foi à s'interroger sur son intégrité mentale et sur sa capacité à continuer à assumer le gouvernement de notre pays ». Poursuivant leurs propos pour étayer leur argumentaire, les opposants prennent l'exemple des «incessants remaniements ministériels » qui selon eux «témoignaient assez de son instabilité fondamentale qui tient à sa totale incapacité à fixer un cap à la Nation et à choisir les hommes pour conduire le navire Sénégal, mais beaucoup plus révélatrice encore, est sa propension à multiplier des déclarations incendiaires de nature à saper la cohésion nationale voire l'existence même de la Nation ». Les attaques contre les imams, les récents différents avec les chrétiens «dans le cadre de la laborieuse défense de la statue des mamelles ou encore la dangereuse exacerbation des tensions entre les communautés religieuses et (ou) confrériques » sont autant d'arguments exposés par les opposants pour disqualifier le président. « Sur un autre registre, plus loufoque cette fois, ses prétentions à accaparer tout ou partie des retombées du monument de la renaissance édifié avec l'argent des sénégalais ou sa proposition de transplantation du peuple haïtien dans une région d'Afrique dont on leur ferait cadeau ne dissipent pas les craintes nos compatriotes » écrivent-ils.

A cela, les leaders de Benno descellent des «signaux cliniques d'une dégénérescence mentale mise en évidence par une fâcheuse tendance aux trous de mémoire et à l'amnésie caractéristiques du grand âge » dans leur lettre. «C'est ainsi qu'il y a peu, il déclarait sans sourciller ne pas connaître l'un de ses anciens directeurs de cabinet et toujours porte parole de son parti. Pire, et plus symptomatique du danger que sa désormais évidente sénilité fait peser sur l'avenir pays, il a révélé dernièrement l'oubli de ses déclarations scandaleuses qui ont failli mettre le feu aux poudres » poursuivent-ils. «Pour toutes ces raisons, les partis politiques regroupés au sein de Bennoo Siggil Sénégal s'estiment fondés à nourrir les plus vives inquiétudes quant à la santé psychique du Président de la République et sur son aptitude à demeurer à son poste. Soucieux de s'en assurer, les partis soussignés ont pris la ferme résolution de s'adresser à qui de droit pour édifier les sénégalais sur la question et le cas échéant, faire déclarer l'empêchement définitif du Chef de l'Etat » arguent-ils.
Les leaders de Bennoo n'ont pas manqué de citer l'article 39 alinéa 1er de la constitution sénégalaise qui dit qu'en «cas de démission, d'empêchement ou de décès, le Président de la République est supplée par le Président du Sénat... ». Mieux, les opposants convoquent l'article 41 de la Constitution qui dit que «la démission, l'empêchement ou le décès du Président de la République sont constatés par le conseil constitutionnel saisi par le Président de la République en cas de démission, par l'autorité appelée à le suppléer en cas d'empêchement ou de décès ».
«Ainsi donc il ressort de l'interprétation combinée de ces deux dispositions qu'il appartient au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur l'empêchement définitif du Chef de l'Etat à la demande du Président du Sénat » ajoutent les leaders de Benno86(*). Cette initiative de Bennoo n'est pas sans intérêt dans la mesure où au delà des extrapolations sur l'âge et la santé du Président, force est de constater que de sérieuses réserves pèsent sur la capacité d'un homme qui a plus de 80 ans à diriger un pays en l'occurrence le Président Wade. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le journaliste Abdou Latif Coulibaly s'exprimant sur la question, considère que «lorsqu'on a un certain âge, on doit laisser la politique et se consacrer à sa religion, Wade devrait s'inspirer de Senghor à l'age de 74 ans avait dit n'avoir plus les capacités physiques et mentales pour diriger le pays ».87(*) Face à cette menace de l'opposition, la réaction du pouvoir est encore plus surprenante. Par la voix de Me Ousmane Sèye, conseiller spécial du président, le pouvoir menace l'opposition réunie au sein de Bennoo Siggil Senegaal.
''J'avertis l'opposition devant l'opinion nationale et internationale. Le jour où des partis politiques vont déposer une requête auprès du Conseil constitutionnel pour constater l'empêchement ou la démission du président de la République, ce jour même une plainte sera déposée pour le compte de l'Etat du Sénégal entre les mains du procureur de la République sur le fondement des articles 72 et 80 du code pénal et que les personnes signataires d'une telle requête seront traduites devant le procureur et devant le tribunal pour être poursuivies''88(*). Cette situation créait par la menace de Benno de saisir le Conseil ressemble à un véritable feuilleton politique. Après la déclaration de l'avocat conseiller du Président Wade, la réaction des leaders de l'opposition ne s'est fait pas attendre. C'est au leader de l'Alliance des Forces de Progrès de monter au créneau. ''Si Me Ousmane Sèye peut tous nous envoyer en prison, ma valise est prête. Moi, ma valise est prête. Je suis prêt, si j'ai un chapelet, un pyjama avec des paires de sandales, cela me va. Et Fann résidence n'est pas loin de Rebeuss''89(*), a affirmé Moustapha Niasse. Le constat est que l'opposition, même si les raisons invoquées par les leaders de Bennoo paraissent sérieuses, la manière avec laquelle ils ont conduit cette affaire laisse sous-entendre qu'ils ne cherchaient qu'à susciter un débat politique. Même s'ils ont saisi le Président du Sénat ils savaient que c'était impensable que ce dernier très proche du Président et membre du Pds puisse leur donner satisfaction. Il faut connaissait à l'avance le sort de leur requête comme l'a si bien dit le secrétaire général de l'AFP « Il ne faudrait pas se faire beaucoup d'illusions parce que je ne vois pas, le président actuel du Sénat (Pape Diop) prendre cette requête et aller au Conseil constitutionnel pour dire : « je suis d'accord avec Bennoo. A moins que le bon Dieu ne l'inspire ». Ainsi considère-t-on que les partis politiques utilisent le Conseil comme une arme politique, c'est dans une certaine mesure une tentative d'instrumentalisation de celui-ci, dans la mesure où comme nous venons de le voir le sort de toutes les requêtes était prévisible. Les saisines obéissent plutôt à « des calculs politiciens ». L'image du conseil parait beaucoup plus exacte dans ces conditions à travers les photographies qu'en font la presse, les universitaires. Cette image est dans une large mesure dépendante de l'environnement judiciaire ou plutôt de l'image du système judiciaire sénégalais

Section II : l'appréciation du Conseil dans la vie politique

Dans cette partie nous aborderons d'une part la perception du Conseil par la presse en général . Et d'autre part nous verrons comment le conseil est apprécié à partir de la mesure de son indépendance par rapport au pouvoir politique

.

Paragraphe I : Le regard de la presse et de l'opinion publique

En réalité la presse met au devant de l'actualité le conseil surtout au moment des élections présidentielles, tout au plus lors de la proclamation des résultats par celui-ci. Elle découvre également le conseil dans les grandes tensions politiques entre opposition et majorité parlementaire, dans lesquelles le plus souvent sont soulevés des arguments tenants à l'Etat de droit et à la démocratie par l'opposition minoritaire qui finalement en appelle à l'intervention et à l'arbitrage du conseil.

En effet depuis les premières activités du conseil, la presse produit des commentaires réguliers de ses interventions, qui façonnent l'image d'un conseil largement en dessous des attentes démocratiques et de l'Etat de droit mais aussi un conseil domestiqué par le pouvoir exécutif

« Mode d'emploi incompétence », « éloge de la présidente du conseil au président de la République », « la peur du pouvoir », « les cinq sages font faux bond »90(*). Ou de formules humoristiques telles que : Le Conseil constitutionnel y est allé finalement de sa « sagesse légendaire » consistant à se conformer à la volonté du président de la République, comme une coutume, en ces huit ans d'alternance91(*). Autant de formules journalistiques qui donnent à voir l'institution comme organe « allié de l'exécutif »92(*). Cette image qui nuit à sa crédibilité et à son autorité, va se consolider progressivement au fil des décisions rendues mais également au fil des années et des différents régimes qui ont eu à se succéder. Cette médiatisation des décisions du conseil et la représentation de son rôle qui en découle, n'en produisent pas moins, dans une société dominée par les médias, un effet de réalité qui constituent pour l'autorité et le crédit du conseil dans l'opinion publique un soutien fort appréciable.

Le 25 mars 2010 le journaliste politologue Abdou Latif Coulibaly nous a accordé un entretien où il était question de la perception du conseil par le journaliste qu'il est, très impliqué dans la vie politique. On reportera ici les grandes lignes de cette interview.

Du point de vue du journaliste Abdou Latif Coulibaly, le conseil constitutionnel tel qu'il est aujourd'hui n'est pas une juridiction indépendante : plusieurs raisons l'expliquent. Selon ses dires, le conseil n'a jamais été une juridiction indépendante, ni à l'époque où le parti socialiste était au pouvoir encore moins avec le parti démocratique sénégalais. Mais ce qui différencie la nature des rapports entre le conseil et le pouvoir politique. C'est que les socialistes contrôlaient le conseil sans l'afficher contrairement au régime libéral qui ne se gêne pas à montrer publiquement qu'il maitrise le conseil. A l'appui de son argumentation il avance d'abord la lettre envoyée par le président Wade94(*) à la haute juridiction, à la suite de sa décision rendue concernant l'affaire Alé Lo95(*), pour leur faire savoir qu'il est le gardien de la constitution , et que par conséquent « si le conseil a pour mission de veiller au respect de la constitution par l'exécutif et le législatif, il va de soi qu'il est tenu lui même aux mêmes obligations de respect de la constitution et de la loi ». En d'autres termes il accuse le conseil d'avoir violé la constitution. A quoi servent donc les institutions si on ne les respecte pas, si on peut les intimider publiquement à orienter leur décisions dans le sens voulu par l'exécutif.

Toujours dans la même perspective pour Abdou Latif Coulibaly le deuxième point manifeste qui explique la mise sous tutelle du conseil est démontré par l'attitude de la présidente du conseil lors de la prestation de serment du président Wade en 2007, en effet selon Latif la présidente du conseil à consacrée un long moment à chanter les louanges du président Wade. Il en conclut que le conseil au regard de son activité ne sert absolument à rien du tout sinon pour « remplir le décor institutionnel » : c'est une institution budgétivore. L'explication de ce comportement c'est que le conseil ne se préoccupe nullement de l'image qu'elle reflète dans la société ni de sa crédibilité96(*)

Paragraphe II : Le conseil constitutionnel apprécié par rapport à son degré d'indépendance du pouvoir politique.

D'après M. Samb, « l'indépendance de la justice s'exprime, de prime abord, par une autonomie à l'égard du pouvoir politique »97(*). Malgré les garanties textuelles d'indépendances98(*), les rapports entre pouvoir judiciaire et politique laissent apparaitre la domination du politique sur le pouvoir judiciaire. En effet depuis quelques années une séries d'incidents entre ces deux pouvoirs a fait croire à la majorité des sénégalais l'inefficacité de leur justice judiciaire et constitutionnel compris.

L'image de la justice est ternie par plusieurs séries d'événements99(*) parmi lesquels on peut citer par exemple l'affaire opposant le Président du tribunal départemental de Dakar et l'une des épouses du ministre de la justice Serigne Diop. En effet il est établi que son départ est lié à l'incident qu'il a eu avec l'épouse du ministre. S'agissant du cas de M. Ba, Président du tribunal hors-classe de Dakar, il est fait état d'un appel du ministre en question lui faisant injonction sur une affaire concernant le partage du patrimoine d'Air Afrique, « conformément au voeu qu'aurait exprimé le chef de l'Etat en personne »100(*). Lui avait refusé catégorique de se plier à la volonté du ministre, ce qui lui a valu la détérioration de ses relations avec ce dernier. Ces histoire anecdotique montre que la situation actuelle aboutit à faire des magistrats des complices de l'exécutif. Celui ne manque pas de moyen pour contraindre des magistrats récalcitrants. Si un ministre de la justice a autant de moyen ou d'influence face au pouvoir judiciaire alors on peut se poser la question de savoir qu'elle est l'état des rapports entre le Président de la République, autorité toute puissante dont les pouvoirs sont hypertrophiés face au constitutionnel. En effet en France tout comme au Sénégal, le Président de la République n'a jamais déféré une loi au Conseil. Cette abstention peut se comprendre en période d'accord politique entre la majorité parlementaire, le Premier ministre et le Président de la République, ce dernier n'ayant aucune raison de contester les lois dont il est alors, peu ou prou, l'inspirateur. En période de cohabitation (ce qui peu probable au Sénégal) l'usage de ce pouvoir présidentiel peut paraitre plus facile, dans la mesure où, le chef de l'Etat n'ayant plus de responsabilité dans la détermination de la politique législative, il se trouve libre de contester les lois élaborées par un premier ministre et votées par une majorité parlementaire qui lui sont politiquement hostiles. Cependant, le face-à-face Conseil constitutionnel-Président de la République risquait de créer une situation politique délicate pour les deux institutions : pour le Conseil, qui serait accusé de soumission s'il donnait raison au Président, et d'usurpation s'il donnait tort au Premier magistrat de l'Etat, gardien de la Constitution ; pour le Président de la République, qui verrait son autorité morale et politique atteinte par un désaveu constitutionnel. C'est pourquoi le chef de l'Etat semble avoir préférer laisser ses amis parlementaires contester devant le Conseil la politique législative du Premier ministre....et saisir lui même l'opinion publique par l'usage d'une parole critique.101(*) Au Sénégal le Président ne se gêne pas à attaquer ouvertement le Conseil. Ce qui parait à la fois être une tentative d'intimidation et de domestification. On se rappelle de la colère du Président Wade suite à la décision du Conseil sur l'affaire relative à l'effigie du Président de la République102(*). Selon le Conseil constitutionnel, le « nom de Wade et la photographie du président de la République ne doivent pas figurer sur le bulletin de vote de la coalition Wade ». Cette décision a suscité une vive désapprobation du président Wade qu'il n'a pas manqué de porter à l'attention du Conseil à partir d'une lettre. Il s'en est suivi un échange de correspondances103(*). D'ailleurs Doudou Ndoye qualifie la lettre du Président de « demande d'explication injonctive faite au Conseil constitutionnel »104(*). D'ailleurs cet incident semble avoir provoqué la peur du conseil qui n'ose plus s'aventure hors des champs de ses compétences, c'est un conseil qui reste hermétiquement enfermé sur lui-même, sur ses compétences. D'ailleurs l'attitude de la présidente du Conseil avait été fortement décriée par l'ensemble de la classe politique et de la presse, qui lors de la prestation de serment du président Wade en 2007, n'a cessé de tarir d'éloge le Président Wade.105(*)Beaucoup d'observateurs avait analysé cette attitude de la présidente du Conseil, comme un acte d'allégeance faite au président Wade. N'en faut-il pas convenir avec Dominique Rousseau lorsqu'il affirme : « principe sans doute important, l'indépendance des juridictions se mesure cependant véritablement à l'indépendance de ses membres »106(*). Dans cette ambiance des rapports entre l'exécutif et le judiciaire, marquée de plus en plus par une prééminence de l'exécutif sur le judiciaire, le Conseil n'a pas voulu s'opposer à la toute puissance de l'exécutif, de devenir l'instrument de la société civile contre la société politique. Cette situation ternie beaucoup l'image du Conseil. De façon il est à noter que l'image du Conseil dans la vie politique n'est pas très reluisante.

Deuxième partie : l'analyse de l'attitude du conseil dans la vie politique.

Plusieurs éléments entrent dans l'explication de l'attitude du Conseil dans la vie politique. Il en est par exemple des rapports de force avec le pouvoir politique, de l'existence relativement récente du Conseil, de la loi organique attributive de compétence, du mode de nomination des conseillers et même de leur profil..... En effet le Conseil n'est pas très imprégné de la vie politique, il n'est pas non plus à la marge de la vie politique. Ce que le doyen Vedel appelle : « l'insoutenable autonomie du politique » à savoir que la vie politique d'un pays se déroule, plus ou moins souvent, selon une logique autonome, se vérifie au Sénégal. Autrement dit pour rendre compte du régime politique du pays, inutile de lire la Constitution, il vaut mieux étudier l'évolution des rapports de forces politiques ou le systèmes des partis politiques, la séparation de la majorité et de l'opposition est plus importante que la séparation des pouvoirs législatifs et exécutifs qui n'a plus grand sens. On est dans une certaine mesure à l'époque où Georges Burdeau considérait que « la Constitution n'est qu'une survivance, un temple allégorique habité par des ombres »107(*). En effet le Conseil fait montre d'une prudence excessive dans la vie politique.

Chapitre I : La prudence excessive : raison des manquements du conseil dans la vie politique

Le Conseil constitutionnel sénégalais manifeste une grande prudence dans la vie politique. Cette prudence fait que l'activité du conseil est en sorte inexistante. Cette attitude trouve certainement une explication dans les circonstances de la naissance du Conseil et son manque d'expérience. Cette situation aura pour conséquence des manquements graves du Conseil aux attentes des citoyens vis-à-vis des exigences démocratiques et de l'Etat de droit

Section I : L'explication de cette posture du Conseil

Ce comportement du Conseil s'explique d'une part par le souci d'asseoir sa légitimité. Et d'autre part la forte influence de l'héritage de la 5ème République française en ce sens qu'il est une copie du Conseil constitutionnel français de 1958

Paragraphe I : le poids de l'heritage de la 5ème République française

A l'origine, le conseil constitutionnel français ne disposait d'aucun capital spécifique, plus exactement il hérite d'un capital négatif qui contribuait à le mettre « hors jeu ». Toute l'histoire politique, depuis 1789 témoigne de l'hostilité de la France à l'égard de la création d'un organe spécial chargé de controler la constitutionnalité ; au point que certains interprètent l'entrée en scène du cinseil en 1958 comme la rupture d'une tradition républicaine fondée sur le souvenir des parlements de l'ancien régime, et la primauté de la loi. Toutes les autres institutions (le parlement et l'executif) bénéficie d'une légitimité, historique ou démocratique, sur laquelle appuyer leur revendication de pouvoir ; le conseil d'aucune. Ce déficit de légitimité explique et renforce la position médiocre attribué par la Constitution de 1958 : simple régulateur sur une saisine limitée de l'activité des pouvoirs publics.

Egalement en 1958 encore la création du conseil constitutionnel est pour certains auteurs, la preuve du caractère bonapartiste et anti-parlementaire de la Constitution de la 5ème République, et sa composition l'assurance qu'il se comportera en serviteur docile des volontés du Président de la République108(*). A cet effet, François Mitterand dira : « le conseil constitutionnel n'a jamais eu d'autre utilité que de servir de garçon de course au Général de Gaulle, chaque fois que ce dernier a cru bon de l'employer à cet usage ».109(*)

Le conseil constitutionnel sénégalais correspond actuellement à l'état du conseil constitutionnel français en 1958 où il faisait « figure de troisième chambre » ou était considérer comme « allier de l'executif ». Dominique Rousseau nous montre que l'hésitation des constituants à ne pas donner une grande importance au conseil se retrouve jusque dans la dénomination de l'organe constitutionnel : ni « comité » ou « commision » termes trop prosaiques, ni « cour » ou « tribunal » trop nobles, mais « conseil » qui n'engage rien de précis sur le plan juridique ou politique110(*)

Le conseil constitutionnel sénégalais n'a pas connu ce meme parcours historique que le conseil français. La naissance du conseil français était une exigence et une nécessité pour la survie de la cinquième République française. En effet la Constitution avait délimité, pour la première fois le domaine de la loi en énumérant de manière précise, dans son article 34, les matières sur lesquelles le législateur peut intervenir, découvrant ainsi, a contrario, un vaste champ de compétence normative au bénéfice du gouvernement. La précision ou l'élevation à la qualité constitutionnelle de disposition traditionnellement du domaine des réglements intérieurs des chambres n'apparut pas suffisante aux constituants de 1958. Instruits par l'histoire constitutionnelle française, ils savent q'une Assemblée élue au suffrage universel direct et héritière de « mauvaises » habitudes, arrive toujours à détourner ou contourner les règles juridiques les plus rigoureuses : l'évolution de la quatrième République leur offrait une illustration éclatante de cette pesanteur de ces moeurs parlementaires. Aussi, les constituants ont-ils eu la prudence d'accompagner leur nouvelle réglementation d'un mécanisme de sanction en « imaginant »- le mot est de Michel Debré - une institution particulière chargée de la faire respecter et de maintenir le parlement dans le cadre strict de ses attributions. Cette institution, c'est précisément le Conseil constitutionnel. En d'autres termes, la création, en 1958, du Conseil constitutionnel repose sur une intention claire : mettre fin à l'arbitraire et à l'hégémonie du parlement. Mais elle se heurte aussitôt à une autre intention, tout aussi clairement exprimée : éviter d'instaurer une véritable juridiction constitutionnelle, contraire à la tradition politique française. Ceci illustre en quelque sorte la conception que les constitutants se font, en 1958, de l'institution qu'ils créent : un organe permettant seulement, mais permettant enfin de faire respecter, par son pouvoir de sanction, les dispositions constitutionnelles limitant le pouvoir du parlement. « Surveiller le Parlement », telle est, selon François Luchaire, la mission première assignée au Conseil constitutionnel.111(*) D'ailleurs lors des différentes étapes de l'examen du projet constitutionnel, le principe de l'institution d'un Conseil constitutionnel n'a jamais été véritablement discuté. En revanche, dès que le débat s'engage sur la question de ses fonctions, une hostilité très majoritairement partagée, se manifeste, avec fermeté et constance, contre l'idée de lui confier un contrôle de la constitutionnalité des lois veritables, c'est-à-dire portant sur le fond meme de la loi et non seulement sur les règles de compétence et de procédure fixées par la constitution. Ainsi dès le début des travaux, le Général de Gaulle lui-meme répond, le 13 juin 1958, au Président Cassin inquiet des rumeurs relatives à la création d'une cour constitutionnelle, que cette idée n'a jamais été envisagée par le gouvernement.112(*) L'argument qui emporte l'adhésion des plus constituants les plus réservés à l'idée d'un Conseil constitutionnel est l'assurance donnée par François Luchaire que, par son mode de saisine, « il ne sera pas le gardien de la Constitution mais permettra de régler certains litiges d'ordre politique opposant les grands organes de l'Etat ».113(*) Cette volonté explicite des rédacteurs de la Constitution de ne pas créer une justice constitutionnelle sur le modèle des autres pays européens à été clairement affirmée.

Le Conseil constitutionnel sénégalais est à l'image du celui français de 1958. En effet le Conseil sénégalais semble étre calqué sur le texte de la constitution de 1958, dont il respecte beaucoup plus d'ailleurs que le conseil français, qui a connu une evolution surprenante. Cela s'explique par le fait que Conseil sénégalais est le fruit d'une simple parachutage institutionnel ou encore d'un mimétisme « à pérroquet » institutionnel. Et qu'il ne répond pas à la théorie qui voudrait que « chaque pays porte dans ses institutions, règles, procédures et traditions, les stigmates de son passé »114(*)

On aurait pu initier ou imaginer par exemple le modèle béninois ou Sud-Africain de justice constitutionnelle car « tout projet de réforme devrait etre précédé d'une sérieuse étude d'impact effectuée notamment en utilisant les enseignement du droit comparé. L'ingénierie constitutionnelle n'est pas un jeu de construction, on ne peut changer les pièces au gré de l'imagination des réformateurs »115(*)

Cependant cette attitude du Conseil sénégalais peut également trouver son fondement dans la quete d'une légitimité.

Paragraphe II : Un souci de légitimité

Lorsqu'il s'agit de légitimité d'une institution, il est de coutume de l'analyser sous l'angle de la nécessité de sa création par rapport aux attentes populaires. Mais étant donné que le conseil sénégalais, dont il est question, même s'il est loisible de convenir avec Mounirou Sy, qu'il s'agit plus d'une « création » appréciée qu'une « créature » redoutée, la controverse de sa légitimité s'est très tôt estompée116(*). S'il est également vrai que l'existence d'un conseil constitutionnel sénégalais est politiquement et juridiquement acceptée. Il faut dire que c'est dans l'appréciation de son caractère utilitaire ou indispensable dans la régulation de la vie politique que se pose le problème de sa légitimité. Il ne s'agit pas de revenir sur la nécessité de sa création mais plutôt sur la fonction heuristique de l'institution qui est sans doute un gage de légitimité. Et qui fera de sorte qu'il n'apparait pas devant le citoyen comme un simple « habit constitutionnel »117(*) présentable aux yeux de l'opinion nationale et même internationale. Ou pour parler comme Bayart qu'il apparaisse comme` une institution créée pour « sauvegarder la façade démocratique »118(*) du régime. En cela on s'inscrirait directement dans même optique que le Doyen Rousseau qui considère que « la légitimité d'une institution repose sur la croyance collective en sa valeur sociale »119(*). Car à noter avec Madeleine Grawitz : « le principe de l'effectivité reste le meilleur baromètre pour apprécier le sens d'une idée ou d'une entreprise »120(*) Aujourd'hui on peut affirmer de façon péremptoire que le Conseil constitutionnel sénégalais, ne bénéficie pas de cette croyance, après une quinzaine d'année d'existence et au terme d'une jurisprudence très mal perçue par la majorité des sénégalais. Pourtant le conseil aurait pu facilement asseoir sa légitimité. Car comme l'a remarqué Ives Poirmeur « le Conseil trouverait sa légitimité à la fois dans la méfiance vis-à-vis des hommes politiques..... Et dans les dysfonctionnements de la démocratie génératrice de vide politique »121(*). Autrement dit la légitimité du conseil réside dans la nécessité de contrôler les Parlements parce que leur législation, mue par les passions électorales, est devenue une dangereuse menace pour l'avenir. Un parlement peut mal faire et en son sein, une majorité peut opprimer, surtout lorsqu'il n'y a plus de séparation des pouvoirs du fait du monolithisme du bloc Parlement-Gouvernement122(*). En vertu de la conjoncture politique actuelle la nécessité de définir des garde-fous aux pouvoirs publics sénégalais est devenue impérieuse. La raison en est que le régime politique sénégalais tel qu'il est, tend toujours vers la cristallisation d'un système dans lequel s'exerce un pouvoir exécutif sans limite123(*). En effet le Parlement n'est plus le lieu de discussion où débats et discours contribuent à la formation de la volonté générale ; il n'est plus le lieu de décision, mais celui où, de manière solennelle et dans le rituel des débats dont chacun sait qu'ils ne changeront pas l'issue, s'enregistrent pour parler comme Rousseau les décisions voulues et conçues ailleurs, autrement dit à l'Elysée ou à Matignon. Face à cette situation l'opposition comme le peuple de protection. Le Conseil constitutionnel dont il incombe cette mission, dans les appréciations de la presse, d'une bonne partie de l'opinion et même de certains leaders politique, a lamentablement failli à son rôle. Au point que son existence même est remise en question. En effet par une méfiance accrue à l'égard du Parlement, et plus encore des députés, dés lors il n'est pas surprenant que l'opinion reporte sa confiance sur des institutions qui, comme le Conseil constitutionnel, exerce un contrôle sur les activités de la classe politique à la sincérité de laquelle on ne croit plus. Le conseil est ainsi perçu dans une certaine mesure comme l'instrument de la société civile contre la société politique, perception qui, en l'affaissement de la croyance en la vertu du politique, participe à sa légitimation.

Ce manque de légitimité du conseil s'explique d'une part par les raisons que nous venons d'invoquer mais également par d'autres facteurs.

D'abord il faut noter la fréquence des déclarations d'incompétence rendu par le Conseil. Et dans une certaine mesure même s'il se déclare compétent et se prononce sur une question donnée, sa décision a la particularité de n'être d'aucun apport dans la résolution des conflits politiques. A en croire le professeur Demba Sy en ce qui concerne les déclarations d'incompétence « le conseil refuse de jouer le rôle d'arbitre qui lui sied. Il se déclare incompétent parce qu'il ne veut ni être accusé de pro-pouvoir ni pro-opposition »124(*). Cette posture supposée de neutralité est largement favorable à l'exécutif. En réalité l'exécutif est le principal bénéficiaire des déclarations répétitives d'incompétence, en l'occurrence le Président de la République qui voit ses pouvoirs hypertrophiés. Et à certains égards l'exécutif se ramène à lui même125(*).

Quant au tonitruant journaliste Abdou Latif Coulibaly, il estime que « le Conseil constitutionnel tel qu'il est actuellement n'a pas sa place dans le décor institutionnel sénégalais. Son rôle dans la régulation du jeu démocratique est évanescent voire inexistant. Il s'agit plutôt d'une institution budgétivore. Or le peuple a besoin d'un conseil crédible qui régule le jeu politique, qui prend ses responsabilités mais pas d'une institution qui se déclare toujours incompétent »126(*)

On peut dire actuellement le Conseil est supplanté dans sa mission de régulation du jeu politique et démocratique par le pouvoir religieux. En effet en s'inscrivant dans la meme optique que le professeur Mamadou Diouf « les hommes religieux ont fortement influencé le système politique. Ils ont joué un rôle important dans la stabilisation du pouvoir, dans les élections et dans les conflits au sein de la classe politique, au pouvoir comme dans l'opposition. Donald Cruise O'Brien, considère que les marabouts ont joué un rôle essentiel dans le « succès story » démocratique sénégalaise. Ils ont en quelque sorte, constitué une sorte de société civile capable de contre balancer le pouvoir politique »127(*). On pourrait illustrer par le conflit qui a opposé le Président de la République au président de l'Assemblée nationale128(*). Ce dernier pour « éviter » sa « destitution » à la tête de l'institution car des manipulations constitutionnelle était en cours visant à réduire le mandat du président de l'Assemblée nationale à une année, (ce qui dans une certaine mesure aurait obligé Macky Sall a quitté la présidence de l'Assemblée nationale) avait requis l'intervention du khalife général des mouride. L'intervention du marabout avait été mal vue par une certaine presse qui la considère comme une ingérence dans une affaire dont le règlement n'a d'autre référence que la constitution, dont le Conseil constitutionnel est le gardien.129(*)

Section II: Les absences marquées du Conseil dans la vie politiques

Dans partie cette nous mettrons l'accent d'abord sur le fait que le Conseil est très absent dans le contentieux de la protection des droits fondamentaux qui sont proclamés et consacrés dans la constitution. Ensuite nos développements tourneront autour l'attitude du Conseil dans la consolidation de la démocratie.

Paragraphe I : Une protection imparfaite des droits fondamentaux

Il semblerait hasardeux, voir osé de remettre en cause la capacité du Conseil à protéger les droits fondamentaux si l'on sait que Mounirou Sy a soutenu une thèse codirigée par le professeur Babacar Kanté, ancien vice président du Conseil constitutionnel et le professeur Henry Roussillon dont l'autorité scientifique n'est plus à démontrer. Toutefois les études menées sur le terrain à travers des entretiens que nous ont accordés certains observateurs avertis130(*) de la vie politique sénégalaise nous font penser le contraire.

Tout d'abord la nature des compétences du Conseil n'offre pas les moyens de garantir une protection efficace des droits fondamentaux. Ajouté à cela que le Conseil adopte une conception minimaliste en matière de compétence131(*). En effet le Conseil Constitutionnel sénégalais n'est pas entièrement entré dans l'évolution de la matière constitutionnelle. Avec l'ère du constitutionnalisme moderne instaurant le contrôle constitutionnel exercé par une juridiction instituée pour cette raison, les droits de l'homme recouvre les droits de tout individu en dehors de tout contexte particulier (géographique, social, économique). Ainsi sont considérés comme droits fondamentaux l'ensemble des droits et libertés qui sont mentionnés, proclamés et garantis par un texte constitutionnel, et comme tels, protégés par la juridiction constitutionnelle.132(*) Aujourd'hui la constitution n'est plus seulement la « détermination de la séparation des pouvoirs ». Les constituants considéraient cette protection comme la conséquence nécessaire d'une limitation du pouvoir obtenue par sa division. Tout serait perdu pour la liberté écrivait en ce sens Montesquieu « si le même homme ou le même corps des principaux ou des nobles, ou du peuple, exerçait ces trois pouvoirs, celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des partis ».133(*) Aujourd'hui, la Constitution, c'est la garantie des droits. Assurer la liberté politique des citoyens passe, non par une réflexion sur la meilleure organisation des pouvoirs, mais par l'élaboration d'une charte des libertés dont les citoyens pourront imposer le respect aux gouvernants ; renforcer la démocratie implique que le texte constitutionnel s'intéresse davantage aux droits des gouvernés qu'au statue des gouvernants, parte parle et davantage du citoyen que des pouvoirs publics. Telle est bien aujourd'hui la réalité constitutionnelle. La constitution au sens moderne du terme, c'est pour une part stable mais qui proportionnellement se réduit, l'organisation de l'Etat, et pour une part, considérable et qui s'accroit sans cesse par le travail du Conseil par : la protection et l'énoncé des principes constitutionnels relatifs aux droits et libertés des citoyens. En effet celui qui incarne l'Etat de droit et qui le constitue pleinement comme Etat démocratique respectueux des droits fondamentaux des citoyens, c'est en principe le Conseil constitutionnel, qui a le pouvoir de soumettre le législateur comme tous les organes de l'Etat au respect des principes et des règles de valeurs constitutionnelles, et dont les décisions s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. En effet « le Conseil est le gardien de toutes les exigences constitutionnelles »134(*). Le Conseil constitutionnel sénégalais a failli à cette noble mission. Nos propos sont soutenus dans une certaine mesure par le professeur Ismaila Madior Fall qui affirme qu' « il est possible de formuler à l'endroit du Conseil bien des griefs dans la prise en charge de son rôle implicite de régulateur des pouvoirs publics et de l'Etat de droit »135(*). Plusieurs exemples nous permettent de défendre ce point de vue.

Il ya d'abord la mise en accusation du Premier ministre Idrissa Seck, devant la Haute Cour de Justice. Dans ce cas particulier, la mise en accusation ne peut être faite que par l'Assemblée Nationale, statuant par un vote au scrutin secret, « à la majorité des trois cinquièmes des membres la composant », c'est-à-dire le nombre de 72 députés. Cependant du fait que certain députés devaient être membres de la haute cour de justice et donc ne pouvant pas prendre part au vote. Il s'est posé la question de savoir si le nombre de députés constitutifs de la majorité qualifiée nécessaire à la validité du vote de mise en accusation était susceptible de variations. Finalement lors du vote de la mise en accusation de l'ancien Premier Ministre, la majorité exigée pour la validité de la mise en accusation est une majorité qualifiée prédéfinie par le constituant et non susceptible de variation arithmétique contingente, n'a pas été respectée. Pour le professeur Ismaila Madior Fall, un précédent dangereux venait d'être posé, en ce sens que, désormais une majorité étriqué de 62 députés peut traduire même le Président de la République pour haute trahison devant la Haute Cour de Justice. Devant cette violation flagrante de la Constitution portant atteinte à un droit fondamental d'une haute personnalité de la République n'a pas été sanctionné par le Conseil.

Il ya également le cas de l'exclusion de certains députés au niveau de l'Assemblée nationale136(*). Les raisons évoquées par le Président du groupe parlementaire libéral et démocratique sont injustifiées. En conférence de presse dans les locaux de l'Assemblée nationale, le président du groupe parlementaire Libéral et démocratique, Doudou Wade, a tenté d'expliquer maladroitement les fondements de sa démarche. Pour lui, les députés exclus sont frappés par les dispositions de l'Article 7, alinéa 2 du Règlement intérieur de l'Assemblée. «Ce texte, qui reprend la première phrase de l'article 60 de la Constitution, est ainsi rédigée : «Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat.» C'est vrai que les députés Lô et Ndiaye, respectivement élu à Darou Mousty et aux Parcelles Assainies, n'ont jamais démissionné du Pds. Mais, Doudou Wade est convaincu que «le droit constitutionnel et le droit parlementaire ont vocation à régir des situations, des pratiques et des comportements politiques». Et, croit-il savoir, «au cours de plusieurs cérémonies publiques, dans des déclarations relayées par la presse et confirmées par les intéressés, MM. Lô et Ndiaye ont soutenu qu'ils n'adhèrent plus aux idéaux du Pds et ont rejoint le camp de ses adversaires. Par leur comportement politique, ils se sont placés hors du Pds». Estimant que le règlement intérieur de l'Assemblée nationale prévoit deux cas de pertes de mandat, à savoir la déchéance et la démission, le président du groupe parlementaire considère que la loi est applicable aux mis en cause, même s'ils n'ont pas démissionné. «Ici, la déchéance est la sanction du non-respect d'une des conditions d'exercice du mandat de député : la loyauté et la fidélité vis-à-vis du parti qui investit», interprète-t-il. Ainsi, pour M. Wade, la déchéance est constatée par le Pds qui a investit. De plus, l'Article 5 des statuts du Pds retient que «l'adhésion en droit ou en fait à une formation politique nationale concurrente entraîne ipso facto la perte de la qualité de membre du Pds, constatée souverainement par les instances». Ainsi il remplace le député de Darou Mousty par Amadou Fall et Lamine Dia va prendre la place de Mbaye Ndiaye137(*).

Le Conseil en tant que gardien de la Constitution, est resté insensible face à cette atteinte grave des droits des députés exclus.138(*) En effet « c'est l'article 60 de la Constitution qui définit les conditions dans lesquelles peut prendre fin, en cours de législature, le mandat d'un député ». En vertu de cette disposition « mandat du député est libre, intégral, irrévocable, souverain et protégé ». Chacun de ces qualificatifs est tiré d'une disposition de la Constitution. Et de surcroit le mandat du député est représentatif, libre et non impératif. Par ailleurs le moyen tiré de la démission évoqué par président du groupe parlementaire libéral et démocratique et inopérant dans la mesure où la démission est un acte libre, lucide, volontaire et non équivoque ; il n'existe pas de démission de fait de la part d'un député, ni dans la Constitution, ni dans le Règlement intérieur de l'Assemblée nationale. Par conséquent les exigences de l'Etat de droit et la défense de l'institution parlementaire exige le rejet de toute tentative d'y imposer l'application de la discipline spécifique d'un parti à la place des dispositions légales qui régissent les députés de la nation.

Il se pose à chaque fois que la volonté générale ou plutôt la majorité parlementaire n'est pas respectueuse des libertés et des droits. Le doyen Hauriou avait écrit avec une belle formule sous la IIIème République sur l'héritage libéral incontestable. Selon lui, « on a mis du temps à se rendre compte que le pouvoir législatif est plus dangereux encore pour les libertés individuelles que le pouvoir administratif ».139(*)

Il ne s'agit pas ici d'arguer du fait que le Conseil n'a pas de pouvoir d'auto saisine, encore moins de diagnostiquer ses failles. Mais surtout de montrer ce que la classe politique et l'ensemble de la population attendent de lui c'est-à-dire d'être au premier plan dans la construction d'un Etat démocratique modèle. Dans notre système juridictionnel, il y a énormément de niches d'impunités, de dénis de Justice, qui veulent que, des fois, l'Assemblée peut, en toute impunité, violer la Constitution, sans qu'on reconnaisse la possibilité pour un citoyen, un député ou une victime d'attaquer cette décision.

Le constat général qui se dégage est que le Conseil est en réalité très effacé de la vie politique, sa présence est évanescente, et ses absences se font largement ressentir.

Paragraphe II : Le manque d'approfondissement de la démocratie

Les craintes du professeur Favoreu sur «  l'absence de réflexion et le manque d'approfondissement du modèle africain de justice constitutionnelle »140(*) ne se dissipent guère, au rythme des années d'existence de la haute juridiction constitutionnelle de Dakar. En effet le Conseil est resté très absent sur les véritables questions démocratiques qui préoccupent la majorité des sénégalais. Le Conseil semble n'avoir pas entendu l'interpellation du doyen M. Hauriou pour apporter une réponse aux exigences démocratiques. Selon le doyen Hauriou, « on se doit de tenir compte de la nécessité de contrôler les Parlements parce que leur législation, mue par les passions électorales, est devenue une dangereuse menace pour l'avenir »141(*). Un Parlement peut mal faire et en son sein, une majorité peut opprimer, surtout lorsqu'il n'y a plus de séparation des pouvoirs du fait du monolithisme du bloc Parlement-gouvernement. En vertu de la conjoncture actuelle, la nécessité de définir des garde-fous aux pouvoirs publics sénégalais est devenue impérieuse. L'illustration des dérives anti démocratiques du Parlement sénégalais est fournie par les nombreux actes qu'il a posé parmi lesquels on peut citer la loi très querellée de prorogation du mandat des députés.142(*) Sous prétexte des nécessités financières pour prendre en charge les personnes victimes des inondations dans la banlieue dakaroise, les députés ont voté une loi constitutionnelle prorogeant leur mandat. Saisi par 15 députés de l'opposition en vue de faire déclarer la loi inconstitutionnelle, le Conseil ayant tranché que la loi est une loi constitutionnelle, en tire la conséquence de son incompétence pour statuer sur une révision constitutionnelle. Autrement dit à travers cette décision le Conseil estime qu'il n'y a pas de barrière juridique, mis à part le respect de la forme républicaine de l'Etat, à la volonté des élus de se soustraire à la date échue à la sanction populaire. Ne s'agit-il pas là dans un système démocratique en maturation de la caution d'une tendance pernicieuse de remise en cause du principe de l'élection. Il avalise un précédent dangereux dans un pays africain où la démocratie demeure fragile et réversible143(*). Sur la même question, la Cour constitutionnelle béninoise a, pour sa part, radicalement refusé d'admettre dans le but d'une noblesse suprême, celui de sauvegarder et de consolider la démocratie encore fragile dans nos Etats. En effet insensible aux arguments de rationalisation des finances publiques avancés par les députés pour motiver la décision de prorogation de leur mandat, la Cour constitutionnelle a joué un rôle de rempart dans un moment ou le système démocratique est susceptible d'être en péril, en rendant une décision qui restera gravée dans les annales de la jurisprudence constitutionnelle universelle : « considérant qu'au terme de l'article 80 de la Constitution du 11 décembre 1990, les députés sont élus au suffrage universel direct, la durée du mandat est de 4 ans. Ils sont rééligibles. Chaque député est le représentant de la nation toute entière. Considérant que ce mandat de 4 ans qui est une situation constitutionnellement établie est le résultat du consensus national dégagé par les forces vives de la nation de février 1990 et consacré par la constitution en son préambule qui réaffirme l'opposition fondamentale du peuple béninois à la confiscation du pouvoir que même si la Constitution a prévu les modalité de sa propre révision, la détermination du peuple béninois à créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion nationale commande que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à l'adoption de la Constitution du 11 décembre 1990 et puis le consensus national principe à valeur constitutionnelle. Qu'en conséquence les articles 1 et 2 de la loi portant révision de la Constitution n°2006/13 adoptés par l'Assemblée nationale le 23 juin 2006 sans respecter le principe constitutionnel à valeur rappelée sont contraires à la Constitution.... »144(*). En s'érigeant en rempart contre les abus du phénomène majoritaire et en traçant une ligne rouge de sauvegarde de la démocratie, le juge donne corps à l'affirmation du doyen Favoreu : « voilà ce qu'est un juge constitutionnel : c'est un juge qui peut dire non au Parlement et au Gouvernement sans craindre d'être désavoué »145(*). Ce refus du juge à contrôler les lois portant révisions constitutionnelles est très nuisible à la construction démocratique du pays. En effet la Constitution est déstabilisée. C'est surtout la Constitution politique du Sénégal qui a été et sera victime des embardées du pouvoir de révision souverain, intimement liées aux inconstances de la vision institutionnelle du Président Abdoulaye Wade. La Constitution du 22 janvier 2001 portera ainsi les stigmates de l'étrange mal constitutionnel diagnostiqué par le professeur Ismaila Madior Fall dans son ouvrage Evolution constitutionnelle du Sénégal : «Le Constituant tourne en rond, avec un mouvement de va-et-vient incessant entre des institutions qu'on instaure, supprime et restaure, sans que la logique qui sous-tend ce mouvement soit toujours motivée par des préoccupations de rationalité démocratique.»146(*)

Par ailleurs en matière électorale on peut reprocher au Conseil d'avoir dans une certaine mesure sa part de responsabilité dans le boycott des élections législatives de 2007 par l'opposition dite significative. En effet les acteurs ne s'étaient pas entendus sur les règles du jeu politique notamment sur la question du fichier électoral. En effet comme un retournement de l'histoire le Conseil avait été saisi lors des élections législatives de 1998 par l'Alliance « Jef Jel - U.S.D » Union pour le Renouveau Démocratique, visant à entendre le Conseil dire si le Ministre de l'intérieur est tenu de mettre à la disposition de l'O.N.E.L et en définitive des partis politiques l'intégralité du fichier électoral ou seulement une partie de ce fichier147(*). Le Conseil refuse d'examiner la demande qui lui est soumise au motif qu'il s'agit d'une « demande d'avis ». Ce qui ne rentre pas dans le champ de ses compétences. Pour le professeur Alioune Sall le Conseil « aurait pu, par exemple dire que l'examen de la régularité du scrutin s'étend à l'ensemble du processus électoral, que se prononcer sur la sincérité d'un scrutin implique un droit de regard sur toutes les étapes de l'opération électorale. Il aurait pu se poser en véritable gendarme de l'élection, soucieux de combler toutes les failles possibles d'un contrôle, et interpréter de manière finaliste sa mission »148(*). En adoptant une telle attitude le Conseil aurait par exemple permis d'éviter le boycott des législatives de 2007 par l'opposition qui remettait en doute la fiabilité du fichier149(*).

Dans la même logique le Conseil aurait même pu être compétent des litiges qui interviennent dans le fonctionnement même des partis politique. Comme par exemple dans l'affaire opposant Landing à Decroix. En effet Landing Savané et Mamadou Diop Decroix se disputent la direction de And Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ/PADS) depuis quelques mois. M. Savané a tenu en décembre dernier au siège du Parti socialisme (PS) un congrès au cours duquel il a été réélu secrétaire général de cette formation politique.
Secrétaire général d'AJ/PADS depuis la création de ce parti, Landing Savané est contesté depuis la fin d'un autre congrès tenu en juin. Celui-ci avait permis aux partisans de Mamadou Decroix de faire de leur leader le secrétaire général d'AJ/PADS créé dans les années 1970.
Malgré tout, M. Savané estime qu'il est le seul leader d'AJ/PADS, au motif que le congrès organisé par la fraction rivale n'est pas légitime. Vu l'action supposée partisane du ministre de l'intérieur150(*), ajouté au fait qu'un recours devant une juridiction politique comme le Conseil constitutionnel serait sanctionné par une déclaration d'incompétence de celle-ci. Landing n'avait d'autres choix que de d'attaquer Decroix devant le tribunal correctionnel de Dakar a décidé, pour les délits de faux, d'usage de faux et d'usurpation de titre de secrétaire général d'And Jëf. La décision rendue par le tribunal est intéressante à plus d'un titre car révélateur d'un vide juridique crée par l'attitude du Conseil constitutionnel. En effet Le président dudit tribunal a rappelé que sa juridiction `'n'était pas habilitée à trancher sur les questions de fonds d'un parti politique régulièrement constitué'' et `'que le ministère de l'Intérieur ne peut ni valider ni invalider un congrès car ne faisant pas partie de ses attributions''.151(*)

En le Conseil constitutionnel doit par une interprétation dynamique de ses compétences, saisir toute la réalité de la politique sénégalaise dans le souci d'un renforcement et d'une consolidation de la démocratie sénégalaise.

Chapitre II : L'influence du pouvoir politique sur le Conseil constitutionnel

Cette partie nous permettra de montrer les rapports d'influence qui peuvent exister entre le Conseil constitutionnel et le pouvoir politique. En effet par la détention exclusive du pouvoir de nomination des membres du Conseil, le pouvoir politique influence tant la composition du Conseil ainsi que son fonctionnement. On a l'impression que grâce à son pouvoir de nomination, le pouvoir politique cherche à orienter la politique jurisprudentiel du Conseil dans un sens bien déterminé. Nous étudierons dans cette partie l'impact que peut avoir le mode désignation sur les membres du Conseil ainsi que le lien entre pouvoir politique et attitude du Conseil.

Section I: L'impact du mode de désignation des juges constitutionnels

Dans cette partie nous étudierons l'influence que peut avoir le mode de nomination dans le fonctionnement et la vie du Conseil, à travers l'autorité nommante. Nous verrons également à travers le processus de nomination le profil des personnes nommées.

Paragraphe I : L'autorité nommante

« Une institution, surtout lorsqu'elle se construit, dépend toujours pour une part, de la personnalité des hommes qui l'incarnent et la font vivre »152(*). Cette assertion du doyen Rousseau révèle l'importance accordée à la politique de nomination par la classe politique qui reste encore à la recherche d'un mode idéal, non politisé de désignation. Ils s'agit pour la classe politique de s'assurer de la haute qualité morale des futurs membres du conseil et surtout de le changement du système de nomination destiné à garantir leur totale indépendance et la dignité de leurs fonctions.

En effet, s'il ya parfois quelque doute sur les préférences politiques des membres « ordinaires » du conseil constitutionnel, il y en a toujours eu sur celle de son président. Les présidents de la République ont à quelques exceptions153(*) prés désigné à cette fonction des personnalités plus ou moins politiquement engagées à leurs cotés. C'est ainsi que beaucoup voit dans les décisions du conseil la manifestation de préférences politiques ou partisanes.

En effet les personnalités désignées pour siéger au conseil constitutionnel sont choisies prioritairement dans le cercle des amis politiques154(*) de l'autorité de nomination. Souvent, elles sont choisies en relation avec un engagement partisan. Or les procédures du contrôle de constitutionnalité leur imposent de trancher à chaud des conflits dans lesquels ont pris positions des formations auxquelles elles ont appartenu- auxquelles elles peuvent d'ailleurs toujours appartenir. Il existe donc d'excellentes raisons d'imaginer les membres de l'institution transportant au conseil des solidarités, des réflexes qui ne céderont pas facilement, quelque que soit la bonne volonté des intéresses et malgré le serment prêté, en investissant leurs nouvelles fonctions, « de les exercer en toute impartialité ». D'autant qu'aux solidarités politiques s'additionnent souvent des relations personnelles - d'allégeance et des amitiés anciennes. Sans prétendre en aucune manière que les personnalités nommées se soient comportées en représentants zélés, on doit souligner que ce risque existe. Le mode de nomination met à l'abri bien qu'imparfaitement, les membres du conseil de pressions qui viendraient des pouvoirs publics.

Le président de la République en procédant discrétionnairement à la nomination des conseillers constitutionnels va certainement, comme on le disait du président de la cinquième République française, exercer « une magistrature d'influence » en privilégiant ses amis politiques155(*). Cette prérogative est plus ou moins critiquable en comparaison avec d'autres institutions dans les pays souvent cités comme modèle de démocratie. On peut citer par exemple cette observation d'un auteur, caractéristique d'une certaine démarche doctrinale : « le Président des Etats-Unis choisit ordinairement les juges de la Cour Suprême au sein de son propre parti ; l'élection par les chambres de membres du Tribunal de Karlsruhe est finalement sous la sauvegarde des partis politiques, sans garantie qu'ils en fassent usage innocent. Même la désignation d'une partie des membres de la Cour Constitutionnelle italienne par les magistrats n'échappe pas au phénomène partisan »156(*)

Cette liberté dans la nomination des membres du conseil laisse supposer la présence ou l'entrée au conseil de personnalités choisies sur des critères ouvertement partisans et possédant souvent une expérience juridique inférieure à celle des conseillers constitutionnels.

Au Sénégal l'autorité exclusivement compétente pour nommer les membres de droit du Conseil est et demeure le Président de la République. En France certains auteurs considèrent que la nature politique d'une juridiction constitutionnelle est tributaire de sa composition. Désignés très souvent par les élus les plus en vue de l'Etat, tous les membres sont des hommes ou des femmes, des conseillers choisis comme tels, ou à tout le moins, des amis politiques. D'ailleurs certains professeurs, comme P.Jan et J.P. Roy sont allés jusqu'à parler de « composition suspecte »157(*) sous prétexte que « l'article 56 de la constitution donne un pouvoir discrétionnaire au Président de la République et aux présidents des assemblées pour désigner les membres nommés du Conseil constitutionnel, puisqu'il ne définit aucune condition, notamment de compétence et de qualification juridique. Ils peuvent donc y nommer des amis politiques, et comme ces trois autorités peuvent appartenir pendant une longue période à la même famille politique, cela peut permettre au pouvoir en place de s'assurer une certaine allégeance de la part du Conseil constitutionnel »158(*)

En toute logique, le mode de désignation et la composition qui en résulte ne sont pas sans conséquence sur la production décisionnelle du conseil. En effet ces textes rendus ne naissent pas par magie. Ils sont le fruit de recherches, de réflexions, de préférences individuelles et de délibérations collectives qui conduisent à ces décisions imputées au conseil constitutionnel. Les institutions n'ont pas d'autre volonté que celle des individus qui les composent. En effet « l'interprétation, l'attribution d'un sens n'est jamais un acte de pure connaissance juridique mais un choix, une décision, qui engage nécessairement, consciemment ou non, les valeurs et les préférences de ceux qui interprètent »159(*). Sans doute, les membres du conseil ne sont jamais totalement libres de leur interprétation : ils doivent tenir compte de leurs décisions antérieurs, des analyses de la doctrine, des réactions de la classe politique, de l'état de l'opinion....mais ces contraintes sont plus « politiques » que juridiques.

En réalité même si on appliquait le système français de nomination. Il faut remarquer comme le souligne à juste titre Rousseau « qu'en France les autorités nommantes peuvent appartenir, pendant une longue période à la même famille idéologique ». Cette remarque est valable pour le Sénégal. A l'heure actuelle les présidents du Sénat et de l'Assemblée Nationale sont membres du parti au pouvoir à savoir le Pds.

Dans une démocratie juvénile, dotée de justice constitutionnelle, peu expérimentée et moins « prouvée par le temps, avec le mission combien importante que le Conseil constitutionnel est appelé à accomplir dans son travail de protection des droits fondamentaux et de régulation de la vie politique, la désignation exclusive des membres par le chef de l'Etat est révélateur d'un péril certain. Péril accentué par une certaine crainte qui se justifie par le fait du monolithisme politique. Depuis l'accession à la souveraineté internationale du Sénégal, le parti au pouvoir sous la bannière du Président de la République qui est la clé de voute et la plaque tournante du pouvoir exécutif, a toujours obtenu la majorité au Parlement. Etant donné qu'une loi ordinaire ou organique, d'origine parlementaire ou gouvernementale, est susceptible de bafouer un principe constitutionnel, il serait très préjudiciable qu'elle incorpore le droit positif sous l'action partisane des juges constitutionnels.

Même s'il est possible de relativiser cette position, à l'instar du doyen Roussillon, l'idée selon laquelle les autorités chargées de nommer les membres du Conseil choisissent des personnes plutôt proches de leurs idées politiques ne favorise pas systématiquement la politisation de l'institution. Par conséquent, il est loisible d'admettre que « le fait d'avoir été nommés majoritairement par des autorités appartenant à tel ou tel courant politique ne suffit pas pour en conclure que le Conseil est de cette tendance »160(*). Ce constat du doyen Roussillon ne dissipe pas les fortes présomptions de partialité qui pèsent sur la Haute juridiction. On trouve difficilement de cas ou d'hypothèse où l'institution constitutionnelle aurait le courage de s'opposer fermement à la volonté présidentielle au point de préférer démissionner plutôt que de valider une loi inconstitutionnelle. L'exemple de la présidente de la Cour constitutionnelle nigérienne en particulier et des membres de cette même Cour est salutaire dans la mesure où bien qu'étant nommée par le Président Tandian, elle n'a pas hésité à s'opposer à son projet monarchique. Ce faisant, le fait que des autorités politiques élues choisissent des amis politiques ne suffit pas pour en conclure que le Conseil est de cette tendance. En effet en parodiant M.R.Badinter, un bon juge constitutionnel doit avoir une obligation de fidélité aux citoyens et « un devoir d'ingratitude » envers ceux qui l'ont nommé.161(*)

Si au Sénégal on redoute la nomination sans partage du Président de la République, c'est parce qu'il est, comme le signale le professeur El Hadj Mbodj, une sinon, la « pièce maitresse du dispositif constitutionnel tant par son statut que par l'étendue de ses prérogatives »162(*) la conséquence logique de son élection au suffrage universel. Il jouit d'une légitimité démocratique et populaire qui est la conséquence logique de son élection au suffrage universel direct. Au Sénégal le Président de la République est à la fois chef de l'Etat et de l'exécutif. En tant que tel, « il est le gardien de la constitution163(*). L'illustration de cette toute puissance ou autorité du Président de la République à l'égard du Conseil164(*) est fournie par la décision du Conseil constitutionnel du 26 mars 2001 sur l'affaire relative à l'effigie du Président de la République. Selon le Conseil le « nom Wade et la photographie du Président de la République ne doivent pas figurer sur le bulletin de vote de la coalition Wade ». Cette décision du Conseil a suscité une désapprobation du Président qu'il n'a pas manqué de porter par à l'attention du Conseil à partir d'une lettre. Il s'en est suivi un échange de correspondances. D'ailleurs Doudou Ndoye dans son ouvrage La Raison, valeur de modernité pour l'Afrique, qualifie la lettre du Président de la République de « demande d'explication injonctive faite au Conseil constitutionnel »165(*)

Ayant analysé le régime juridique du mode de désignation inhérent aux autorités nommantes, on peut maintenant étudier le profil de ceux qui composent ou devraient composer le Conseil constitutionnel

Paragraphe II : Le profil des juges constitutionnels

En effet le serment prêté d'exercer les fonctions de juges en toute impartialité ne peut empêcher les effets d'inclinations spontanées, plus dangereuses, puisque, à supposer qu'ils en aient conscience, les membres du Conseil leur opposeraient moins de résistance qu'à des pressions caractérisées.

En outre une longue expérience de la vie politique montre qu'on introduit au Conseil des gens pour lesquels c'est généralement le couronnement et souvent la fin de carrière, « ce sont généralement des magistrats à la retraite, agés, dociles, liés d'une quelconque manière au pouvoir. En tout cas ce ne sont pas les meilleurs qu'on nomme »166(*). Cette façon de procéder peut figer les attitudes, enfermer les acteurs dans leurs convictions. Le souci de continuité et de cohérence des choix personnels pèsera lourd, au détriment de la perspective juridique qui devrait prévaloir dans leurs nouvelles fonctions. On peut appliquer au juge constitutionnel sénégalais ce qui pourrait passer pour un aveu d'un ancien membre du Conseil constitutionnel français, un « politique » : « c'est un corps composé de neuf personnes qui ont beaucoup vécu ; ils ne vont pas faire un lavage de cerveau en arrivant. Ce ne sont pas des voyageurs sans bagages. On ne va pas se transformer, transformer ses habitudes de pensée. On vous a fait venir parce que vous avez des bagages, par conséquent vous n'allez pas prendre une position de voyageur sans bagage une fois que vous entrez au Conseil constitutionnel »167(*)

L'exercice du contrôle de constitutionnalité par des personnalités engagées, amenées par intérêt ou conviction à se comporter en mandataires de ceux qui les ont désignées, et qui, même animées de la volonté d'agir en toute impartialité, ne sauraient en arrivant au Conseil, abandonner le point de vue sur les affaires publiques qui les inspirait jusque là. Alors « la décision collégiale serait le terme d'un processus comptable : la somme des préférences individuelles ».168(*)

Dans cette partie on se proposera d'étudier le profil des présidents qui ont eu à diriger la haute juridiction de certains vices président et des professeurs d'universités. L'explication du choix des deux premiers réside dans l'importance de leur prérogative et de leur influence dans le fonctionnement de l'institution. L'option pour les universitaires est à chercher dans l'influence qu'ils peuvent avoir dans l'orientation de la jurisprudence du Conseil. En effet aux termes de la loi organique 92-23 du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel modifié par la loi 99-71 du 17 février 1999, le président du Conseil détient d'importantes attributions, il est chargé de l'administration du Conseil169(*). Il supervise le secrétariat qui est le centre nerveux, intellectuel, juridique et politique du Conseil et désigne le conseiller rapporteur, qui joue un rôle important dans l'orientation de la décision170(*). Il est à la tête du Conseil qui établit son règlement intérieur171(*), dirige les débats et a voix prépondérante en cas de partage172(*).

Avec l'existence du poste de vice président173(*) le constituant sénégalais a choisi de se démarquer du modèle français. Ainsi en cas d'empêchement, le Conseil ne se réunit pas sur convocation de son doyen d'âge comme en France. L'article 22-1 de la loi organique 92-23 dispose que « si l'un des membres du Conseil est temporairement empêché, est le président, le vice président assure son intérim »

Les quatre présidents qui ont eu à occuper les postes de président du Conseil à l'exception du président Kéba Mbaye ont tous vu leur nomination critiquée soit par la presse soit par les partis politiques en raison de leur appartenance ou de leur proximité par rapport au parti au pouvoir.

Il faut dire que le profil des juges constitutionnels a à certains égards provoquer la méfiance ou susciter la confiance des leaders politiques en l'institution qu'est le Conseil constitutionnel. C'est ainsi que la nomination de Keba Mbaye à la présidence du Conseil à contribuer à l'acception de l'institution ou sa reconnaissance par les leaders politiques. En effet Keba Mbaye à présidé aux destinées de la défunte Cour Suprême avant de se retrouver à la Cour Internationale de justice de la Haye au Pays-Bas, Keba Mbaye est un homme salué par l'ensemble de la classe politique pour son intégrité et son indépendance. Il affirmait au lendemain de sa nomination le 17 juin 1992 à la tête du Conseil constitutionnel « le président de la République me connaît très bien. Nous avons depuis longtemps des rapports personnels. Je dirais même que nous avons des liens d'amitiés. Mais il sait très bien que je préfère ma réputation de juge à son confort à lui comme président de la République »174(*) Ces propos ont par delà du parcours et du prestige de l'homme contribué à rassurer l'ensemble de la classe politique. Cependant peu de temps après sa nomination le président Kéba Mbaye démissionnera de son poste de président du Conseil.

Quant au président Youssoupha Ndiaye jusqu'avant sa nomination à la présidence du Conseil, il était le président de la Cour de Cassation. Il arrive à la tête de cet organe juridictionnel à un moment particulièrement difficile. A l'instar de son prédécesseur, il occupera les fonctions les plus prestigieuses de notre système judiciaire : président du tribunal de première instance de Dakar, conseiller secrétaire général de la Cour Suprême, premier président de la cour d'Appel, président de la Cour de cassation. Youssoupha Ndiaye dont la science juridique n'est contestée par personne est présenté dans certain milieu comme proche du pouvoir175(*). Il détient le record de longévité à ce poste jusqu'à ce jour. Deux ans après la survenance de l'alternance politique, il démissionnera de son poste pour occuper la fonction de ministre plus prestigieuse.176(*)

Enfin le dernier président nommé et qui préside actuellement l'institution est Mireille Ndiaye. Sa nomination a été fortement critiquée par la presse qui voit en sa nomination comme une simple promotion voire une récompense de la part du président de la République. En effet Mireille Ndiaye serait l'épouse d'un ancien proche du président Wade et numéro 2 du Pds dans les années 80. De sérieux soupçons de partialité pèsent sur elle.

En ce qui concerne les vices présidents, d'abord le premier vice président à savoir maitre Babacar Seye, la presse le décrit comme une personne ne présentant aucune ambiguïté dans son profil. Militant du parti socialiste, maitre Seye à été député-maire de Saint Louis et figure de proue de la politique. Selon Abdou Latif Coulibaly « il a un long passé de militantisme dans le PS »177(*). Lors des élections présidentielles de 1993, à la veille de la proclamation des résultats, il a été assassiné. Ce qui à provoquer l'arrestation de quelques leaders politiques de l'opposition dont le plus charismatique et le plus populaire de l'époque à savoir l'actuel président de la République maitre Abdoulaye Wade.

Il faut noter que ces dernières années le poste de vice président est confié au professeur de droit. Il ya eu d'abord la nomination du professeur agrégé de droit public en la personne de Babacar kanté. Ensuite celle récente du professeur Isaac Yankhoba Ndiaye en remplacement au professeur Kanté. La nomination d'Isaac Yankhoba Ndiaye n'a pas échappé à la critique de la doctrine et de certains ses collègues professeurs. D'abord parce qu'il est un professeur au surplus agrégé de droit privé. Or on considère que le droit constitutionnel ne peut s'épanouir qu'en présence des spécialistes du droit constitutionnel178(*). Ensuite la doctrine juridique considère que « le conseil a pour rôle principal d'interpréter la constitution, ce qui exige de ses membres des connaissances techniques approfondies179(*) ». Et J.Robert résume bien cette idée : « il faudrait, bien sur, qu'ils aient tous une compétence juridique leur permettant d'apprécier et d'assimiler rapidement les problèmes juridiques, qu'ils soient dégagés de toute appartenance politique partisane et qu'ils ne soient peut-etre pas tous très agés »180(*)

En réalité l'impact du mode de désignation sur les membres du Conseil et le profil des conseillers constitutionnels expliquent dans une certaine mesure le comportement du Conseil dans la vie politique et révèle les liens étroits qui peuvent exister entre le pouvoir politique et le comportement du Conseil. En effet le pouvoir politique influence la jurisprudence du Conseil. Ce dernier est très permissif par rapport au pouvoir.

Section II : Le lien entre l'hypertrophie du pouvoir politique et la position de faiblesse du Conseil et ses conséquences sur la vie politique

Dans cette partie nous montrerons que la stabilité ou l'instabilité constitutionnelle est dans une certaine mesure la conséquence de l'attitude du conseil dans la vie politique. En effet en prenant une position déterminée par rapport à sa mission, le Conseil est facteur d'équilibre ou de déséquilibre du régime politique.

Paragraphe I : Une instabilité constitutionnelle établie

Une relation de cause à effet se dessine non seulement entre la jurisprudence répétitive des déclarations d'incompétence mais également les déclarations systématiques de conformité du conseil constitutionnel et l'instabilité constitutionnelle connue au Sénégal et qui a pris une proportion manifestement importante depuis quelques années.

L'instabilité constitutionnelle constatée en régime politique sénégalais trouve sa source dans l'initiative de révision reconnue constitutionnellement à l'exécutif181(*). Il importe de noter à cet égard l'absence de retenue du pouvoir exécutif dans l'exercice de cette attribution constitutionnelle souvent maladroitement motivée. Ce phénomène de révision intempestive s'explique par la quasi absence de mécanismes opérants susceptible de poser des limites ou des arguments de résistance à cet appétit exagéré du pouvoir exécutif à apporter de multiple retouche à la constitution182(*).

En effet cette instabilité constitutionnelle est doublement justifiée.

Il ya d'un coté, la carence du Conseil constitutionnel symbolisée par le silence né des déclarations répétitives d'incompétence profite au pouvoir exécutif. Il en est ainsi de la jurisprudence invariable du Conseil constitutionnel qui affranchit de tout contrôle les lois portant révision de la constitution symbolisée par cette clause de style « Le Conseil constitutionnel ne tient ni de la Constitution ni de la loi organique ni d'aucune autre disposition de la constitution le pouvoir de statuer sur une révision de la Constitution »183(*). Cette orientation du Conseil constitutionnel sénégalais semble inspirer de la jurisprudence postérieure française, qui dans la décision n° 469 D.C, affirme « Le Conseil constitutionnel ne tient ni de l'article 61, ni de l'article 89, ni d'aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle »184(*). Dans cette décision le juge constitutionnel français s'est refusé à examiner le fond de l'affaire en interprétant restrictivement ses compétences à l'image du Conseil constitutionnel sénégalais.

Ces considérations font que le pouvoir exécutif ne se « sent plus tenu » donne libre cours à ce profond désir d'un exécutif toujours prompt à se donner les moyens d'une puissance inégalée dans le système politique. C'est alors le recours aux révisions constitutionnelles185(*) pour assouvir ses desseins en s'auto octroyant les moyens nécessaires à la mesure de ses ambitions hégémoniques. Cela se traduit par la domestication du parlement et la marginalisation du juge constitutionnel plutôt timoré. D'ailleurs ce phénomène explique le caractère présidentialiste du modèle sénégalais.186(*) Autrement dit, la carence de l'autre favorise le pouvoir exécutif d'où la corrélation jurisprudence répétitive d'incompétence et révision répétitive de la constitution entrainant une instabilité constitutionnelle en phase de devenir structurelle.

A cet égard dans la décision n° 3 /C / 2005, le conseil constitutionnel a fait une méprise sur les différentes de la procédure d'adoption sur le couplage des élections. En effet, le Conseil constitutionnel estime que « dans le cas de révision de la constitution par la seule assemblée nationale, le vote à la majorité qualifiée des trois cinquièmes réalise à la fois l'adoption et l'approbation au mépris des trois phases identifiées par l'article 103 de la constitution. Ces circonstances libèrent généralement le pouvoir exécutif de toute pression. C'est alors, le libre recours à l'exercice favori du pouvoir exécutif : la quête de moyens nécessaire à l'affirmation de sa toute puissance. A un niveau non formel, la jurisprudence répétitive des déclarations d'incompétence confirme et alimente à certains égards le déséquilibre parti dominant, parti d'opposition. Ce déséquilibre se manifeste par le fait que la majorité électorale qui se retrouve au niveau de l'exécutif s'appuie sur une majorité partisane à l'assemblée Nationale pour couronner au plan législatif ses ambitions. Cette entreprise peut souvent se heurter à la résistance d'une opposition minoritairement représenté à l'Assemblée Nationale. Elle a des moyens légaux d'opposition et de contestation, il en est ainsi de la technique de contrôle de la constitutionnalité des lois. Cette résistance est souvent inopérante dés lors que l'essentiel des recours de l'opposition débouche sur des constats d'incompétence fait par le Conseil constitutionnel. Ce qui constitue un moyen de démobilisation judiciaire pour l'opposition souvent convaincue de l'inutilité du recours au Conseil constitutionnel. Alors se fraie une forte inclination à l'expression d'une autre nature des demandes politiques.

Il s'y ajoute d'un autre coté la promptitude du Conseil à s'aligner presque toujours sur les positions du pouvoir exécutif. L'affaire Macky Sall illustre parfaitement cet état de fait. En effet le Conseil constitutionnel y est allé de sa « sagesse légendaire » consistant à se conformer à la volonté du président de la République. Comme une coutume, en ces huit ans d'alternance. Il a déclaré, à l'issue de sa séance du 30 octobre 2008, que l'Article 15 est conforme à la Constitution, permettant ainsi au président de la République de promulguer cette loi de toutes les controverses. Désormais, aux termes de l'Article 1er du décret de promulgation : « Le président de l'Assemblée nationale et les autres membres du Bureau sont élus pour une durée d'un an. » « Les membres du Bureau sont rééligibles et les mandats du président de l'Assemblée nationale, ainsi que celui des autres membres du Bureau sont renouvelés à la première séance de la session ordinaire. » « L'Assemblée nationale peut, toutefois, mettre fin aux fonctions du président ou d'un membre du Bureau par l'adoption d'une résolution à la majorité absolue. Un minimum de trente huit (38) députés doit, cependant, présenter cette résolution. ». De l'avis de l'éminent professeur Mbodj il s'agit « d'une manipulation du Droit et de la Constitution pour un règlement de comptes ; ce qui n'agrandit pas du tout notre démocratie »187(*). La Constitution a été violée manifestement. Ils ont violé manifestement l'Etat du Droit existant. Là, il ne faudrait pas qu'il profite de leurs propres turpitudes pour régler ces comptes-là.

L'Etat de droit recule du fait du déséquilibre global du régime politique sénégalais. Ce déséquilibre profite immanquablement à l'exécutif.

Paragraphe II: La contribution juridictionnelle au déséquilibre institutionnel

Par contribution juridictionnelle il faut entendre l'apport du Conseil constitutionnel au maintien et à l'entretien d'un régime politiquement déséquilibré. Cette contribution ou cet apport se manifeste à partir du silence du Conseil constitutionnel né des déclarations répétitives d'incompétence mais également la propension du Conseil à faire systématiquement des déclarations de conformité sur tous les projets ou propositions de loi.

Les déclarations d'incompétence traduisent incontestablement un silence qui est en réalité une abstention sur les préoccupations qui seraient de nature à modifier dans un sens ou dans l'autre l'ordre juridique et politique. Ces déclarations d'incompétence vont dans le sens d'un exercice de routine déroulant un silence complice sur un partage déjà léonin des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif. C'est pourquoi celles-ci constituent un apport du Conseil constitutionnel dans la consolidation d'un ordre juridique inégalitaire. L'illustration est donnée par les tentatives de domestication du Conseil constitutionnel188(*). Cette jurisprudence participe d'une idée de conservation d'un ordre juridique et politique dont le plus grand bénéficiaire est le pouvoir exécutif.

Par ailleurs il faut signaler également que les déclarations aussi répétitives de conformité de la part du Conseil constitutionnel dans la quasi-totalité des cas de contestation, dénote des relents de parti pris ou de peur189(*) de l'institution toute puissante que représente le président de la République. L'attitude du Conseil fait que tous les projets de lois et même les propositions de loi épousent immanquablement les caprices du Prince grâce à la double complicité d'abord le soutien inconditionnel du PDS, parti ultra majoritaire au parlement, ensuite de l'attitude passive, déroutante et inopportune du conseil au regard de l'Etat de droit et de la démocratie. En effet, eu égard à la nature du régime politique sénégalais, le président de la République est le principal bénéficiaire des déclarations répétitives de conformité et même d'incompétence. Ces pouvoirs se trouvent hypertrophiés. A certains égards l'exécutif se ramène à lui. Il en est ainsi de l'expérience du régime présidentiel. Elu au suffrage universel, il dispose d'une légitimité initiale. Il s'y ajoute que le président de la République dispose de pouvoirs qui n'ont jamais variés compte tenu des vicissitudes constitutionnelles. Il s'agit par exemple de la nomination du premier ministre et des membres du gouvernement, du droit de dissolution de l'Assemblée Nationale. La liste est loin d'être exhaustive. Le schéma décrit conforte l'idée selon laquelle, la réalité de l'exécutif est incarnée par le président de la République. Alors se dessine un état des lieux amplement favorable à l'exécutif et qui révèle prééminence quasi-congénitale de ce dernier, incarné par le président de la République. En réalité la distribution du pouvoir obéit à un partage léonin entre l'exécutif et le législatif. Alors le principal bénéficiaire est le pouvoir exécutif. Le président de la République est déjà la clef de voute des institutions. A ce titre d'illustration, il est le principal bénéficiaire des mécanismes de cantonnement matériel et politique du parlement qu'il est convenu d'appeler les techniques de régime parlementaire rationalisé (question de confiance, la réglementation de la motion de censure, le droit de dissolution du président de la République). Outre du renforcement des pouvoirs de l'exécutif, il s'y ajoute un phénomène déterminant qui est relatif à la stabilité de l'exécutif.

Schématiquement le pouvoir exécutif devient fort et stable. Il fait face alors à un pouvoir législatif de plus en plus faible cantonné dans un domaine perméable aux interventions intempestives du pouvoir exécutif. Il en est ainsi du rôle prépondérant de l'exécutif dans la procédure législative. C'est l'exemple de l'ordre du jour prioritairement fixé par le gouvernement, le vote bloqué et les différentes restrictions à l'initiative des députés. Il en est ainsi de la limitation du droit d'amendement des députés à laquelle souscrit avec démesure le Conseil constitutionnel.

En définitive on peut dire que la présence du conseil dans la vie politique est évanescente, par un effet pervers préjudiciable à la démocratie. En effet l'absence ou le silence du Conseil et sa permissivité sont totalement inopportune car affectant profondément la démocratie

Section II : Le lien entre l'hypertrophie du pouvoir politique et la position de faiblesse du Conseil constitutionnel et ses consequences dans la vie politique.

Tout laisse croire qu'au-delà du déficit de compétence souvent évoqué, le Conseil est victime du mode de nomination de ses membres. Autrement dit l'autorités nommante a tendances à privilégier ses amis politiques. Ce devoir de reconnaissance des membres à l'égard de l'autorité nommante explique dans une certaine mesure au-delà des compétences statiquement énumérées, cette propension du Conseil a toujours se déclarer incompétent ou à toujours donner des brevets de conformité. Ce qui instaure une véritable instabilité constitutionnelle et un déséquilibre institutionnel au profit de l'exécutif

Paragraphe I: Une instabilité constitutionnelle établie

Une relation de cause à effet se dessine non seulement entre la jurisprudence répétitive des déclarations d'incompétence mais également les déclarations systématiques ou répétitives de conformité du conseil constitutionnel et l'instabilité constitutionnelle connue au Sénégal et qui a pris une proportion manifestement importante depuis quelques années.

L'instabilité constitutionnelle constatée en régime politique sénégalais trouve sa source dans l'initiative de révision reconnue constitutionnellement à l'exécutif190(*). Il importe de noter à cet égard l'absence de retenue du pouvoir exécutif dans l'exercice de cette attribution constitutionnelle souvent maladroitement motivée. Ce phénomène de révision intempestive s'explique par la quasi absence de mécanismes opérants susceptible de poser des limites ou des arguments de résistance à cet appétit exagéré du pouvoir exécutif à apporter de multiple retouche à la constitution191(*).

En effet cette instabilité constitutionnelle est doublement justifiée.

Il ya d'un coté, la carence du Conseil constitutionnel symbolisée par le silence né des déclarations répétitives d'incompétence profite au pouvoir exécutif. Il en est ainsi de la jurisprudence invariable du Conseil constitutionnel qui affranchit de tout contrôle les lois portant révision de la constitution symbolisée par cette clause de style « Le Conseil constitutionnel ne tient ni de la Constitution ni de la loi organique ni d'aucune autre disposition de la constitution le pouvoir de statuer sur une révision de la Constitution »192(*). Cette orientation du Conseil constitutionnel sénégalais semble inspirer de la jurisprudence postérieure française, qui dans la décision n° 469 D.C, affirme « Le Conseil constitutionnel ne tient ni de l'article 61, ni de l'article 89, ni d'aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle »193(*). Dans cette décision le juge constitutionnel français s'est refusé à examiner le fond de l'affaire en interprétant restrictivement ses compétences à l'image du Conseil constitutionnel sénégalais.

Ces considérations font que le pouvoir exécutif ne se « sent plus tenu » donne libre cours à ce profond désir d'un exécutif toujours prompt à se donner les moyens d'une puissance inégalée dans le système politique. C'est alors le recours aux révisions constitutionnelles194(*) pour assouvir ses desseins en s'auto octroyant les moyens nécessaires à la mesure de ses ambitions hégémoniques. Cela se traduit par la domestication du parlement et la marginalisation du juge constitutionnel plutôt timoré. D'ailleurs ce phénomène explique le caractère présidentialiste du modèle sénégalais.195(*) Autrement dit, la carence de l'autre favorise le pouvoir exécutif d'où la corrélation jurisprudence répétitive d'incompétence et révision répétitive de la constitution entrainant une instabilité constitutionnelle en phase de devenir structurelle.

A cet égard dans la décision n° 3 /C / 2005, le conseil constitutionnel a fait une méprise sur les différentes de la procédure d'adoption sur le couplage des élections. En effet, le Conseil constitutionnel estime que « dans le cas de révision de la constitution par la seule assemblée nationale, le vote à la majorité qualifiée des trois cinquièmes réalise à la fois l'adoption et l'approbation au mépris des trois phases identifiées par l'article 103 de la constitution. Ces circonstances libèrent généralement le pouvoir exécutif de toute pression. C'est alors, le libre recours à l'exercice favori du pouvoir exécutif : la quête de moyens nécessaire à l'affirmation de sa toute puissance. A un niveau non formel, la jurisprudence répétitive des déclarations d'incompétence confirme et alimente à certains égards le déséquilibre parti dominant, parti d'opposition. Ce déséquilibre se manifeste par le fait que la majorité électorale qui se retrouve au niveau de l'exécutif s'appuie sur une majorité partisane à l'assemblée Nationale pour couronner au plan législatif ses ambitions. Cette entreprise peut souvent se heurter à la résistance d'une opposition minoritairement représenté à l'Assemblée Nationale. Elle a des moyens légaux d'opposition et de contestation, il en est ainsi de la technique de contrôle de la constitutionnalité des lois. Cette résistance est souvent inopérante dés lors que l'essentiel des recours de l'opposition débouche sur des constats d'incompétence fait par le Conseil constitutionnel. Ce qui constitue un moyen de démobilisation judiciaire pour l'opposition souvent convaincue de l'inutilité du recours au Conseil constitutionnel. Alors se fraie une forte inclination à l'expression d'une autre nature des demandes politiques.

Il s'y ajoute d'un autre coté la promptitude du Conseil à s'aligner presque toujours sur les positions du pouvoir exécutif. L'affaire Macky Sall illustre parfaitement cet état de fait. En effet le Conseil constitutionnel y est allé de sa « sagesse légendaire » consistant à se conformer à la volonté du président de la République. Comme une coutume, en ces huit ans d'alternance. Il a déclaré, à l'issue de sa séance du 30 octobre 2008, que l'Article 15 est conforme à la Constitution, permettant ainsi au président de la République de promulguer cette loi de toutes les controverses. Désormais, aux termes de l'Article 1er du décret de promulgation : « Le président de l'Assemblée nationale et les autres membres du Bureau sont élus pour une durée d'un an. » « Les membres du Bureau sont rééligibles et les mandats du président de l'Assemblée nationale, ainsi que celui des autres membres du Bureau sont renouvelés à la première séance de la session ordinaire. » « L'Assemblée nationale peut, toutefois, mettre fin aux fonctions du président ou d'un membre du Bureau par l'adoption d'une résolution à la majorité absolue. Un minimum de trente huit (38) députés doit, cependant, présenter cette résolution. ». De l'avis de l'éminent professeur Mbodj il s'agit « d'une manipulation du Droit et de la Constitution pour un règlement de comptes ; ce qui n'agrandit pas du tout notre démocratie »196(*). La Constitution a été violée manifestement. Ils ont violé manifestement l'Etat du Droit existant. Là, il ne faudrait pas qu'il profite de leurs propres turpitudes pour régler ces comptes-là.

L'Etat de droit recule du fait du déséquilibre global du régime politique sénégalais. Ce déséquilibre profite immanquablement à l'exécutif.

Paragraphe II: La contribution juridictionnelle au déséquilibre institutionnel

Par contribution juridictionnelle il faut entendre l'apport du Conseil constitutionnel au maintien et à l'entretien d'un régime politiquement déséquilibré. Cette contribution ou cet apport se manifeste à partir du silence du Conseil constitutionnel né des déclarations répétitives d'incompétence mais également la propension du Conseil à faire systématiquement des déclarations de conformité sur tous les projets ou propositions de loi.

Les déclarations d'incompétence traduisent incontestablement un silence qui est en réalité une abstention sur les préoccupations qui seraient de nature à modifier dans un sens ou dans l'autre l'ordre juridique et politique. Ces déclarations d'incompétence vont dans le sens d'un exercice de routine déroulant un silence complice sur un partage déjà léonin des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif. C'est pourquoi celles-ci constituent un apport du Conseil constitutionnel dans la consolidation d'un ordre juridique inégalitaire. L'illustration est donnée par les tentatives de domestication du Conseil constitutionnel197(*). Cette jurisprudence participe d'une idée de conservation d'un ordre juridique et politique dont le plus grand bénéficiaire est le pouvoir exécutif.

Par ailleurs il faut signaler également que les déclarations aussi répétitives de conformité de la part du Conseil constitutionnel dans la quasi-totalité des cas de contestation, dénote des relents de parti pris ou de peur198(*) de l'institution toute puissante que représente le président de la République. L'attitude du Conseil fait que tous les projets de lois et même les propositions de loi épousent immanquablement les caprices du Prince grâce à la double complicité d'abord le soutien inconditionnel du PDS, parti ultra majoritaire au parlement, ensuite de l'attitude passive, déroutante et inopportune du conseil au regard de l'Etat de droit et de la démocratie. En effet, eu égard à la nature du régime politique sénégalais, le président de la République est le principal bénéficiaire des déclarations répétitives de conformité et même d'incompétence. Ces pouvoirs se trouvent hypertrophiés. A certains égards l'exécutif se ramène à lui. Il en est ainsi de l'expérience du régime présidentiel. Elu au suffrage universel, il dispose d'une légitimité initiale. Il s'y ajoute que le président de la République dispose de pouvoirs qui n'ont jamais variés compte tenu des vicissitudes constitutionnelles. Il s'agit par exemple de la nomination du premier ministre et des membres du gouvernement, du droit de dissolution de l'Assemblée Nationale. La liste est loin d'être exhaustive. Le schéma décrit conforte l'idée selon laquelle, la réalité de l'exécutif est incarnée par le président de la République. Alors se dessine un état des lieux amplement favorable à l'exécutif et qui révèle prééminence quasi-congénitale de ce dernier, incarné par le président de la République. En réalité la distribution du pouvoir obéit à un partage léonin entre l'exécutif et le législatif. Alors le principal bénéficiaire est le pouvoir exécutif. Le président de la République est déjà la clef de voute des institutions. A ce titre d'illustration, il est le principal bénéficiaire des mécanismes de cantonnement matériel et politique du parlement qu'il est convenu d'appeler les techniques de régime parlementaire rationalisé (question de confiance, la réglementation de la motion de censure, le droit de dissolution du président de la République). Outre le renforcement des pouvoirs de l'exécutif, il s'y ajoute un phénomène déterminant qui est relatif à la stabilité de l'exécutif.

Schématiquement le pouvoir exécutif devient fort et stable. Il fait face alors à un pouvoir législatif de plus en plus faible cantonné dans un domaine perméable aux interventions intempestives du pouvoir exécutif. Il en est ainsi du rôle prépondérant de l'exécutif dans la procédure législative. C'est l'exemple de l'ordre du jour prioritairement fixé par le gouvernement, le vote bloqué et les différentes restrictions à l'initiative des députés. Il en est ainsi de la limitation du droit d'amendement des députés à laquelle souscrit avec démesure le Conseil constitutionnel.

En définitive on peut dire que la présence du conseil dans la vie politique est évanescente, pour ne pas dire nocive pour la démocratie. En effet l'absence ou le silence du conseil et sa permissivité sont totalement inopportune car affectant profondément la démocratie

Conclusion

Le Conseil constitutionnel sénégalais existe depuis une quinzaine d'année. C'est beaucoup et c'est peu199(*). Cependant certains juristes orthodoxes n'hésitent pas à défendre l'attitude actuelle du Conseil constitutionnel dans la vie politique. Pour eux, bien qu'étant le régulateur de l'activité des pouvoirs publics, au sens de gardien de la Constitution, le Conseil constitutionnel n'est pas une Cour Suprême chargée de réguler le jeu politique200(*). Cette vision est très contestable dans la mesure où le Conseil est une institution éminemment politique au point que pendant longtemps certains juristes lui ont refusé l'appellation « juridiction ».

En effet la position actuelle du Conseil dans la vie politique laisse une grande part d'insatisfaction et de « vide juridique », que tentent souvent de couvrir, d'ailleurs de façon laconique, l'argument du défaut de compétence. Il faut le reconnaitre que le Conseil ne saisit qu'une faible part, voire inexistante de la vie politique.

Dans le souci de fermer la polémique relative à l'accroissement des compétences du Conseil ou de l'interprétation qu'il en fait, il urge de transformer le Conseil constitutionnel en une Cour constitutionnelle. Celle-ci à l'instar de la Cour constitutionnelle béninoise aura la plénitude de ses compétences et statuera en toutes circonstances. Le juge constitutionnel est celui par lequel passe la critique de la raison instrumental. Si en effet l'exigence démocratique consiste à confronter sans cesse les actes du pouvoir aux valeurs auxquelles la société s'identifie, il s'ensuit naturellement dans l'ordre constitutionnel la montée en puissance de l'institution qui assure cette évaluation, ce contrôle des actes. Le juge devient ainsi celui à qui est demandé d'exercer la fonction critique, celui qui oblige les acteurs sociaux et politiques à s'interroger sur la validité de leurs actes.

A défaut de pouvoir instaurer une Cour constitutionnelle, il faudra amener le Conseil à intérioriser sa fonction nouvelle, à savoir que dans la démocratie constitutionnelle, le Conseil est destiné à être à la fois la barrière des extravagances du politique et la sauvegarde du peuple. Sauvegarde en tant qu'il garantit les droits des individus visés par la norme fondamentale et barrière en tant que, sur le plan politique, il équilibre la puissance de la majorité. Comme pour résumer cette nouvelle conception du Conseil constitutionnel, Dominique Rousseau prétend : « aux gouvernants, les organes exécutifs et parlementaires ; aux citoyens, le Conseil constitutionnel »201(*)

En définitive le Conseil sera « une juridiction au service du droit »202(*)

Table des matières

INTRODUCTION 1

DEFINITIONS DES TERMES DU SUJET 1

DELIMITATION DU SUJET 5

PROBLEMATIQUE 6

INTERET DU SUJET 6

METHODOLOGIE 6

ANNONCE ET JUSTIFICATION DU PLAN 7

PREMIERE PARTIE : La mission du conseil constitutionnel de régulation de la vie politique 8

CHAPITRE I : Les cadres de la mission de régulation 9

Section I : la régulation de l'activité électorale par le Conseil 9

Paragraphe I : La problématique de la régulation de l'élection présidentielle 10

Paragraphe II : La régulation des élections législatives 14

Section II : la régulation de l'activité institutionnelle 15

Paragraphe I : L'état descriptif et analytique de la régulation institutionnelle 15

Paragraphe II : L'opportunité des décisions du conseil 18

CHAPITRE II : LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DANS LA STRATEGIE DE LUTTE DES PARTIS POLITIQUES ET SON APPRECIATION DANS LA VIE POLITIQUE 20

Section I: Le Conseil dans la stratégie de lutte des partis politiques 20

Paragraphe I : Un Conseil formellement ménagé par la classe politique. 20

Paragraphe II : le Conseil constitutionnel : une arme politique 23

Section II : l'appréciation du Conseil dans la vie politique 26

Paragraphe I : Le regard de la presse et de l'opinion publique 26

Paragraphe II : Le conseil constitutionnel apprécié par rapport à son degré d'indépendance du pouvoir politique. 28

Deuxième partie : l'analyse de l'attitude du conseil dans la vie politique. 31

Chapitre I : La prudence excessive : raison des manquements du conseil dans la vie politique 31

Section I : L'explication de cette posture du Conseil 31

Paragraphe I : le poids de l'heritage de la 5ème République française 31

Paragraphe II : Un souci de légitimité 34

Section II: Les absences marquées du Conseil dans la vie politiques 36

Paragraphe I : Une protection imparfaite des droits fondamentaux 36

Paragraphe II : Le manque d'approfondissement de la démocratie 40

Chapitre II : L'influence du pouvoir politique sur le Conseil constitutionnel 43

Section I: L'impact du mode de désignation des juges constitutionnels 43

Paragraphe I : L'autorité nommante 43

Paragraphe II : Le profil des juges constitutionnels 46

Section II : Le lien entre l'hypertrophie du pouvoir politique et la position de faiblesse du Conseil et ses conséquences sur la vie politique 49

Paragraphe I : Une instabilité constitutionnelle établie 49

Paragraphe II: La contribution juridictionnelle au déséquilibre institutionnel 52

Paragraphe I: Une instabilité constitutionnelle établie 54

Paragraphe II: La contribution juridictionnelle au déséquilibre institutionnel 56

* 1 Du nom du premier président du conseil constitutionnel sénégalais

* 2 Ismaila Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal, Crédila, 2007, Dakar, p.240

* 3 Loi organique n°92-23 du 30 mai 1992 sur le conseil constitutionnel, J.O.n°5469 du 1er juin 1992

Toutefois la création du conseil constitutionnel a été précédée d'une révision constitutionnelle pour intégrer dans le dispositif institutionnel les trois juridictions nées de l'éclatement de la Cour Supreme. Il s'agit du Conseil Constitutionnel, du Conseil d'Etat et de la Cour Cassation.

* 4 Mouhamadou Mounirou Sy, La Protection Constitutionnel des Droits Fondamentaux en Afrique : l'exemple du Sénégal, Edition Harmattan 2007, p. 50

* 5 Commentaires du journal Sudhebdo, jeudi 14 Mai 1992, p.8

* 6 Voir les commentaires des leaders politiques dans les colonnes de Sudhebdo du 15 mai 1992. p 6

D'ailleurs à la veille de la proclamation des résultats des élections présidentielles, intérrogé sur la réforme judiciaire, le candidat wade chef de file de l'opposition sénégalaise, s'est posé la question de savoir si elle « ne répondait pas à l'idée de mettre en place des gens aux ordres » in sud Hebdo du 03 mars 1993.

* 7 Maitre Alioune Badara Sène batonnier de l'ordre des avocats ne cache pas sa déception : la démocratie élémentaire aurait voulu qu'on consulte certains cercles intéressés au premièr plan par cette réforme, comme les magistrats et les avocats. Voir Sudhebdo 15 mai 1992, p.6

* 8 Du point de vue d'une partie de la presse, la réforme telle qu'elle est adoptée par le conseil des Ministre du mardi 12 mai 1992 serait l'aboutissement d'un scénario en plusieurs actes qui ont précipité la crise qui gangrénait le système judiciaire. Premier acte : l'arrivée à la tete de la Cour Supreme de magistrats considérés par certains comme « tetes de turc », credités d'une certaine indépendance d'esprit et d'une intégrité réfractaire à toutes sortes de pression. C'est d'ailleurs pour certains ce qui explique la friction entre la Cour Supreme et le ministère de la justice. En effet lors de la rentrée des cours et des tribunaux, le nouveau président de la Cour Supreme avait laissé entendre qu'il fallait supprimer le ministère de la justice pour que la magistrature soit libre et indépendante. L'atmosphère ne fera que se dégrader entre l'executif et une partie des magistrats. Deuxieme acte : le code électoral, en effet sous la pression des partis d'opposition, la commission de réforme et le chef de l'Etat avaient accepté que le texte consensuel issu des travaux ne soit pas modifié mais adopté tel quel par l'assemblée nationale. Ce qui fut fait, mais problème, car après son adoption on soumet le texte à la Cour Supreme qui le juge anticonstitutionnel sur certains point comme la nationalité du président de la République. Dilemme pour le gouvernement qui pour tenir une promesse faite aux partis se voit renvoyer sa copie pour anti-constitutionnalité. Les audiences accordées au président de la Cour Supreme n'ont pas permis de faire revenir ces magistrats sur leurs décisions. Pour eviter une crise politique avec l'opposition d'une part et avec ceux qui sont dans la majorité présidentielle d'autre part, on soumet en octobre à l'assemblée nationale un projet de modification de la constitution pour etre en phase avec le code électorale. Troisième acte qui a défrayé la chronique et mis à nu le bras de fer entre la magistrature dite « assise » et le parquet : l'affaire Korban. La Cour Supreme rend un arret de libération de M.Korban et le procureur général refuse. Là également pour tenter de trouver une solution à la crise, le chef de l'Etat reçoit en audience le président de la Cour Supreme, les membres du bureau de cette juridiction ainsi que le ministre de la justice. Rien à faire, la Cour Supreme maintien sa décision. Dés lors il ne fait aucun doute que cette crise doit trouver une solution. Ce sera la réforme. Commentaires du journal Sudhebdo, 15 mai 1992.p 6

* 9 Soleil Jeudi 24 janvier 2008 n°11294, 36ème année, p.3

* 10 Georges Vedel, Droit administratif, PUF 9ème edition 1984, p.596

* 11 Loi n°92-23 du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel modifiée par la loi n°99-71 du 17 février 1999

* 12 Article 3 de la loi organique n°92-23 sur le conseil constitutionnel modifiée par la loi n°99-71 du 17 février 1999

* 13 Depuis sa création le Conseil n'a eu à compter que 2 professeurs de droit qui se sont succédés en l'occurrence le professeur babacar kanté remplacé par l'actuel vice président le professeur Isaac Yankhoba Ndiaye. La présidence est réservée aux magistrats. Mais il faut faut noter que le Conseil est resté une phase sans avoir de professeur de droit parmi ses membres

* 14 Lexique de politique, 7ème edition, Dalloz, p.328

* 15 Max Weber : le savant et le politique, Paris, édition Plon, 1986, p.101

* 16 Maurice Duverger : introduction à la politique, Paris édition Gallimard, 1964, p.17

* 17 ibid

* 18 Absence de la notion de vie politique dans les dictionnaires de droit constitutionnel et de la science politique

* 19 « Les definitions n'ont de valeur qu'en mathématique ou en droit, où elles créent l'objet même qui est défini : la circonférence n'est pas autre chose que sa définition, l'homicide par imprudence est établi en tant qu'infraction juridique par la définition du législateur » in Maurice Duverger : Introduction à la politique, gallimard, paris, 1964, p.1

* 20 Pour Aristote, la vie politique constitue l'art « architectonique » visant à organiser la vie sur terre. Or la terre est définie comme « un monde sublunaire », c'est-à-dire qu'il aspire à une harmonie qu'on ne peut complètement réaliser. Voir Aristote, Ethique à Nicomaque, II, 1094 et s

* 21 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème edition Montchrestien, 2008, p.492

* 22 Georges Vedel, «le hasard et la nécessité», Pouvoirs, 1989 n°50, p.50

* 23 Selon georges Burdeau « la vie politique, le fonctionnement des institutionsse déroulent en marge des règles constitutionnelles » in « Une survivance : la notion de constitution » in l'Evolution du droit public, etudes offertes à Achille Mestre, Sirey 1956, p.53

* 24 « Pour les politistes les questions politiques s'expriment de plus en plus dans les termes du droit, que les hommes politiques usent davantage d'arguments constitutionnels pour justifier leur comportement » in Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, 8ème edition Montchrestien, 2008, Paris, p.492 et s

* 25 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème edition Montchrestien, 2008, p.492

* 26 Ibid

* 27 Le terme est emprunté à Jacques Meunier dans son ouvrage : Le pouvoir du conseil constitutionnel. Essai d'analyse stratégique, PUR n°198, 1994

* 28 Daniel Gaxie a trace les lignes de force d'une analyse de la juridicisation de la vie politique. « Ces juridicisation consistant à mettre en evidence que la politique peut etre saisie par le droit et pour les hommes politiques à se placer dans leur débat sur un terrain juridique, s'explique à la fois par des interets individuels, collectifs et coorporatif des membres de la doctrines interessés par les profits qui s'attachent pour eux à l'existence de ce processus et par des préoccupations spécifiquement politiques qui commandent l'intervention des politiques quand ils débattent des aspects juridiques » : Gaxie (D), « jeux croisés » : droit et politique dans la polémique sur le refus de signature des ordonnances par le président de la République, in Les usages sociaux du droit, Puf, Paris , 1989, p.209 et s

* 29 Conflits entre le president de l'Assemblée National et n°2 du PDS et le president de la République secrétaire general du meme parti

* 30 Exemple le litige opposant Decroit à Landing

* 31 Cette distinction est opérée par le professeur Babacar kanté, ancien vice president du Conseil, preface Recueil des Decisions et Avis du Conseil constitutionnel du Sénégal, Rassemblés et commentés sous la direction de Ismaila Madior Fall, Crédila 2008, p.11

* 32 Cette mission originelle portée par la réforme de 1992, demeure avec la constitution du 22 janvier 2001

* 33 Favoreu ( L) «Le conseil constitutionnel, régulateur de l'activité normative des pouvoirs».RDP.1967, p.5 et s

* 34 La loi organique 92-23 attribue une compétence électorale au conseil constitutionnel. Il s'agit d'une compétence électorale pour l'élection du président de la République et des députés. A ce titre aux termes de l'article 2 de la loi organique 92-23 modifiée par la loi N°99-71 du 17 février 1999 « conformément aux dispositions des articles 24, 25, 28, 29, 31 et 35 de la constitution, le conseil constitutionnel reçoit les candidatures à la présidence de la République, arrete la liste des candidats, statue sur les contestations relatives aux élections du président de la République et des députés à l'Assemblée Nationale et en proclame les résultats. Il reçoit le serment du président de la République et constate sa démission, son empechement ou le décés des personnes appelée à le suppléer dans ces cas »

* 35 Ismaila Madior Fall, Recueil des Decisions et Avis du conseil constitutionnel sénégalais, p.499

* 36 Michel Troper, la Theorie du droit, le Droit, l'Etat, Paris-PUF, 2001.p183

* 37 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème edition Montchrestien, 2008, p.61

* 38 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème edition Montchrestien, 2008, p.79

* 39 Jean du Bois de Gaudusson, les Elections à l'Epreuve de l'Afrique, Etude et Doctrine : la sincérité du scrutin, Cahiers du conseil constitutionnel n°13

* 40 Albert Bourgi cite par Jean du Bois de Gaudusson in les Elections à l'Epreuve de l'Afrique, Etude et Doctrine : la sincérité du scrutin, Cahiers du conseil constitutionnel n°13

* 41 Affaire n°1/E/93 du 21 février 1993 : elections présidentielles

* 42 Pour s'assurer de la validité des candidatures déposées et du consentement des candidats, le conseil fait procéder à toute vérification qu'il juge utile

* 43 Affaire n°1/E/2007 du 26 janvier 2007 : élections présidentielles.

* 44 Pour un cas concret de rectification d'erreur on peut donner l'exemple de la requete du candidat Abdou Diouf demandant au conseil la rectification des résultats du bureau de vote n°5 de Richard Toll tels que proclamés par la commission nationale de recensement des votes de Dagana, au motif que ce dernier a attribué les 107 voix qu'il a obtenu au candiadt Ousseynou Fall. Le juge après vérification déclare « que la comparaison de la photocopie de procés verbal jointe à la requete avec le procés verbal de l'Onel fait apparaître en effet, que les candidats Ousseynou Fall et Abdou Diouf ont obtenu respectivement 01 et 107 voix ; qu'en conséquence il ya lieu de procéder à la rectification du procès verbal de la commission de Dagana en restituant au candidat Abdou Diouf les 107 voix litigieux », Affaire 4 à 11/E/2000 : élections présidentielles

* 45 Affaire n°30/E/98 du 03 juillet 1998 : elections législatives

* 46 Babacar Kanté in La Protection constitutionnelle des droits fondamentaux en Afrique, l'exemple du Sénégal, Harmattan 2007, p.13

* 47 «l'idée que Abdou Diouf a gagné l'élection présidentielle dès le 1er tour semble etre le leitimotiv qui voudrait confirmer le mot d'ordre pré-électoral du parti socialiste'' Abdou Latif Coulibaly in Sud ay Quotidien n°19-1er mars 1993

* 48 Décision n°6/93 affaire n°7 à 12/E/93

* 49 Sud quotidian, n°29, Lundi 15 mars 1993

* 50 Affaire n°13/E/2000 : proclamation des resultants de l'élection présidentielle

* 51 Affaire n°s 4 et 5/E/2007 : proclamation des resultants du premier tour du scrutin de l'élection présidentielle du 25 février 2007

* 52 Sud Quotidien du 03 mars 1993

* 53 Momar-Coumba Diop, Mamadou Diouf et Aminata Diaw, Le baobab a été déraciné.

L'alternance au Sénégal, Politique Africaine, n°157

* 54 Lire la déclaration de Me Wade, «L'armée et les jeunes doivent prendre leurs responsabilités»,

Sud Quotidien, 31 décembre 1999. Après la réaction de plusieurs hommes politiques se désolidarisant

de tout appel à l'armée en vue de prendre le pouvoir et de la condamnation de ces propos par des officiels

français, Wade a précisé sa pensée: «L'armée, ce serait l'échec de ma vie [...] mais cela ne veut

pas dire qu'on laissera Diouf faire ce qu'il veut» (Sud Quotidien, 24 janvier 1999). Un peu avant les

élections, il a à nouveau déclaré: «En cas de confiscation du pouvoir, l'armée doit prendre ses responsabilités

» (Sud Quotidien, 18 février 2000).

* 55 Cf. Professeur Jean du Bois de Gaudusson, « Les élections à l'épreuve de l'Afrique », in Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n°13/ 2002, pp. 101.

* 56 Au lendemain de la présidentielle de février 2007, qui consacre la victoire du président Abdoulaye Wade dès le premier tour avec plus de 57 % des suffrages, l'opposition significative refuse de reconnaître sa défaite et appelle à boycotter les élections législatives prévues quelques mois plus tard. Elle émet des doutes sur la fiabilité du fichier électoral. En tout cas, ce boycott a permis une large victoire du parti au pouvoir et ses alliés aux législatives, toutefois, avec un faible taux de participation. Le Soleil du 03 avril 2010

* 57 Affaire 11/E/98

* 58 Voir Recueil des Décisions et Avis du Conseil constitutionnel sénégalais, p. 237

* 59 JORS du 31 aout 1960

* 60 Dominique Rousseau, Droit du Contentieux constitutionnel, Paris, 8ème Edition, Montchrestien, 2008, p.504

* 61 Cc, 85-197 DC, 23 aout 1985, Rec.p70

* 62 in www.accpuf.org/sen/ispelec2.html

* 63 Mouhamadou Mounirou Sy, La Protection Constitutionnel des Droits Fondamentaux en Afrique : l'exemple du Sénégal, Edition Harmattan 2007, p. 487

* 64 Le professeur et ancien vice Président du Conseil Kanté faisait remarquer dans sa préface du « Recueil des Avis et Décisions du Conseil », p 11, que « certains peuvent malgré tout se demander quel intérêt il ya à commenter les décisions d'une juridiction réputée pour rendre souvent des déclarations d'incompétence »

* 65 La loi Ezzan n'est que la traduction juridico-politique de la volonté du Président de la République A. Wade d'amnistier des délinquants et criminels politiques. D'ailleurs, le dénouement de cette loi s'est traduit par sa promulgation par le Président le jeudi 17 février 2005. Ce texte offre ainsi l'impunité à tous les crimes politiques commis entre 1993 et 2004. Un choix délibéré pour le chef de l'Etat qui pourtant disposait d'une autre alternative : le renvoi de la loi devant l'Assemblée Nationale pour une seconde lecture. Cette loi, qui fut adoptée par l'Assemblée Nationale le 7 janvier dernier par 70 voix contre 20, avait fait par la suite l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel. Les 5 « sages » qui ont rendu leur décision le 9 février dernier ont procédé à une « validation partielle » du texte, suffisant pour que le Président puisse promulguer le texte en toute légalité. Si la constitution sénégalaise précise que les décisions constitutionnelles « sont insusceptibles d'aucune voie de recours », la loi organique relative au Conseil des « sage » donne la possibilité au Président de la République de renvoyer le texte pour une seconde lecture. Ce qu'il n'a pas fait. Le Conseil constitutionnel qui a rendu sa décision il ya 10 jours, a procédé à une « validation partielle » de la loi Ezzan. Ce qui signifie tout d'abord que le texte n'est qu'en partie conforme à la constitution et qu'il entre en vigueur dès sa promulgation par le chef de l'Etat, dépouillé toutefois des dispositions non validées par le Conseil. Celui-ci a effectivement invalidé l'article 2 de la loi, prévoyant que « sont amnistiées de plein droit toutes les infractions criminelles ou correctionnelles, au Sénégal ou à l'étranger, en relation avec le décès de Monsieur Babacar Seye, Magistrat du Conseil constitutionnel, que leurs auteurs aient été jugés définitivement ou non ». Une disposition qui fait en réalité double emploi avec l'article 1 de ladite loi, qui amnistie toutes celles « en relation avec les élections générales ou locales ou ayant des motivations politiques ». Or le caractère politique de l'assassinat du Pr2sident du Conseil constitutionnel, abattu à la veille du résultat des élections législatives de 1993 n'a jamais été à prouver. Voir http://www.afrik.com/article8133.html

* 66 Dans sa décision n°97/2007, le Conseil constitutionnel a censuré la loi n°23/2007 modifiant l'article L 146 du Code électoral pour instituer la parité dans la liste des candidats au scrutin de représentation proportionnelle pour les élections legislatives.il faut reconnaitre que la censure de cette loi ne s'analyse point comme une victoire de l'opposition sur la majorité parlementaire dans la mesure où la position de celle-ci était mitigée car ne voulant se priver de l'électorat feminine. Mais comme une volonté de vouloir copier vaille que vaille le juge français.

* 67 I.M.Fall, Recueil des Décisions et Avis du Conseil constitutionnel, Credila, 2008, p. 27

* 68 Charles Eisenmann, La justice dans l'Etat, in La Justice, PUF, 1961, p. 21

* 69 L. Favoreu, Actualité et Légitimité du controle juridictionnel des lois en Europe Occidentale, RDP, 1986, p. 1195

* 70 Jacques Attali, le monde du 19 janvier 1982

* 71 Georges Vedel, le Débat 1989, n°55, p. 48

* 72 Mouhamadou Mounirou Sy, La Protection Constitutionnel des Droits Fondamentaux en Afrique : l'exemple du Sénégal, Edition Harmattan 2007, p. 120

* 73 L.Favoreu, le Conseil constitutionnel, régulateur de l'activité normative des pouvoirs publics, RDP, 1967, p. 5

* 74 Voir l'article de Fara Mbodj où il démontre que les décisions du Conseil sont juridiquement justifiées mais que c'est sur le plan de l'opportunité qu'elles posent problème, in Les compétences du conseil constitutionnel à l'épreuve des saisines. Quelques remarques sur le pouvoir jurisprudentiel du juge constitutionnel au Sénégal

* 75 Déclaration de l'opposition regroupée au sein du CPC (cadre permanent de concertation), in walfadjri, vendredi 14 décembre 2001

* 76 L'histoire de cet amendement est un peu particulière. En effet le 21 novembre, l'Assemblée nationale réunie pour examinait le projet de loi prorogeant le mandat des élus locaux qui s'expirait dans les trois prochains jours. Au moment où, ils s'y attendaient le moins, un jeune député de la majorité parlementaire, du nom de Moussa Sy, décide de bouleverser le cours de l'histoire des collectivités décentralisées. En proposant un amendement du projet de loi, il prend de cours l'opposition, sortie vainqueur des locales de 1996. Ses camarades le soutiennent et légifèrent. Désormais, les conseillers locaux laissent le champ local aux délégations spéciales. Après des gorges chaudes, Me Abdoulaye Babou, Ousmane Tanor Dieng, Djibo Kâ, Amath Dansokho, Talla Sylla, et 20 autres députés de l'opposition continuent le débat devant les juges politiques. Le 23 novembre, le Conseil constitutionnel est saisi aux fins de déclarer inconstitutionnelle, la loi n°9/2001 instituant, à titre transitoire, des délégations spéciales pour la gestion des conseils régionaux, municipaux et ruraux jusqu'aux prochaines élections locales du 12 mai 2002.

L'opposition fait valoir ses arguments juridiques : le groupe amené par Me Babou prétend que l'amendement n'est pas conforme à la Constitution puisqu'étant " en réalité une proposition de loi ". Et, une proposition d'origine parlementaire doit respecter " la procédure normale de présentation, de discussion et d'adoption ". Celui de Ousmane Tanor Dieng croient dur comme fer que l'amendement n'est pas assorti de proposition de recettes compensatrices " alors qu' [il] crée une incidence financière certaine sur les finances publiques... ". Enfin, les requérants soutiennent que l'amendement du député de Pikine viole la charte fondamentale en ses articles 67, 82, 102 et les dispositions du règlement intérieur de l'Assemblée nationale relative à la procédure législative.

Le problème juridique est de savoir si la mise en place des délégations spéciales en lieu et place des élus locaux doit être assortie de proposition de recettes compensatrices. Se prononçant sur les moyens juridiques des requérants, les quatre sages (le cinquième étant absent) écartent d'emblée la théorie des recettes compensatrices ; la disposition constitutionnelle invoquée n'est pas applicable en l'espèce puisque " les collectivités locales prévoient dans leurs budgets autonomes, les charges inhérentes à la mise en place des délégations spéciales ". Les juges politiques considèrent que le droit d'amendement est un corollaire du droit d'initiative, il peut donc " s'exercer, sans limite dans le domaine législatif et dans le respect des restrictions imposées par les articles 77, 82, et 83 de la loi fondamentale.

Enfin, le juge de la constitutionnalité des lois considèrent que sa compétence d'attribution exclut " le domaine du règlement intérieur de l'Assemblée nationale ". En conséquence, l'amendement du président de la commission Sports loisirs et éducation de l'Assemblée nationale est recevable et son adoption conforme à la Constitution.

* 77 Walfadjri, jeudi 13 décembre 2001

* 78 Le Soleil, jeudi 13 déc. 01

* 79 L'assassinat de maitre Seye, vice président du Conseil constitutionnel lors des élections présidentielles de 1993 est symptomatique de cette façon de ménager le Conseil en fonction des situations et des enjeux politiques

* 80 A l'époque il était l'opposant le plus populaire et le plus charismatique de l'opposition

* 81 Sud Quotidien 03 mars 1993

* 82 Pour M.Mbodj l'exécutif est la principal bénéficiaire des décisions du conseil constitutionnel, in Les compétences du conseil constitutionnel à l'épreuve des saisines. Quelques remarques sur le pouvoir jurisprudentiel du juge constitutionnel au Sénégal

* 83 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème edition Montchrestien, 2008, p. 485

* 84 Voir Evolution constitutionnelle de Sénégal, de la veille de l'indépendance aux élections de 2007, Credila-Crepos, 2007, voir également Recueil des Décisions et Avis du Conseil constitutionnel commentant la saisine du Conseil par l'opposition en contestation de la composition du directoire de campagne du parti au pouvoir. Le professeur I.M.Fall considère que « ce type de recours montre la méconnaissance du Conseil par les acteurs du jeu politique ou la volonté de ceux-ci de l'instrumentaliser pour le faire mener des combats qui ne relèvent pas de ses attributions ». p. 347

* 85 Voir commentaire de la décision du Président de la République de négocier avec le MFDC par Alioune Sall, in Recueil des Décisions et Avis du Conseil constitutionnel, p 156

* 86 Cette lettre a été publiée le jeudi 4 mars 2010. www.nettali.net

* 87 Entretien

* 88 www.leral.net . samedi 09 janvier 2010

* 89 www.nettali.net jeudi 14 janvier 2010

* 90 Walfadjri, Mardi 22septembre 1998, n°1955, p.4

* 91 Le Quotidien.sn, lundi 03 novembre 2008, il s'agissait de la révision constitutionnelle portant sur la réduction de la durée du mandate du Président de l'Assemblée Nationale

* 92 93 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, 8ème édition Montchrestien, 2008, Paris, p.65

* 94 Correspondances Wade-Conseil constitutionnel, le Soleil du Mardi 10 avril 2001

* 95 En effet le Sieur Alé Lo députe socialiste de Taiba Ndiaye est investi par son parti sur la liste départementale de Tivaouane. La liste du PS est déposée dans les délais au Ministère de l'intérieur. C'est alors qu'intervient une ordonnance du président de la République qui proroge le délai du dépôt des listes permettant ainsi aux partis politiques d'ajouter au de compléter leur liste au delà du délai légal. Le PDS met à profit cette période et réussi à démarcher puis à débaucher le sieur Alé Lo qui démissionne de son parti. Dés son inscription sur la liste de la mouvance présidentielle, le PS saisit d'abord le ministre de l'intérieur qui le déboute, ensuite le conseil constitutionnel qui lui donne raison.

Cc/affaire n°2,3 et 4/E/2001 du 26 mars 2001 : élections législatives

* 96 Entretien avec Abdou Latif Coulibaly Propos recueillis le Jeudi 25 mars 2010.

* 97 M. Samb, « La gouvernance politique : changement ou continuité ? », in Diop (M-C) (sous la dir. de), Gouverner le Sénégal. Entre ajustement structurel et développement durable, Karthala, 2004, p.41-69.

* 98 Art. 88 : « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est exercé par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, la Cour de Cassation, la Cour des Comptes et les Cours et tribunaux »

* 99 Le limogeage de 3 juges. Sous la présidence du chef de l'Etat, l'instance supérieure des magistrats a prononcé le limogeage de M. Abdoulaye Ba, Président du tribunal hors-classe régional de Dakar, de M. Mamadou Dème, Président du tribunal départemental de Dakar et de M. Mamadou Baal, doyen des juges d'instruction du Tribunal régional de Dakar à la suite d'un différend de taille qui les opposait au ministre de la justice, le professeur Serigne Diop. Cf.., Sud Quotidien du 19 avril 20003, « Serigne Diop règle ses comptes » ; ou encore « le glaive contre la balance », in www.sudonline.sn

* 100 Ces propos sont du ministre, il a même précisé que : « j'avoue que j'ai effectivement appelé le juge pour lui dire que l'Etat en l'occurrence, le ministre de l'économie et mon département qui était concernés par cette affaire aimeraient, conformément même à sa décision, voir remplacer le deuxième syndic qui ne voulait pas travailler. Et ainsi procéder à la nomination d'un second syndic. Je ne vois pas en la matière, une quelconque violation » in Sud Quotidien du 19 avril 2003

* 101 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème édition Montchrestien, 2008, p. 186

* 102 Voir J.O du 28 juin 2001, p. 156

* 103 Voir le Soleil du mardi 10 avril 2001.

* 104 Doudou Ndoye, La Raison. Valeur de modernité pour l'Afrique. EDJA. 2007. Collection l'Afrique du XXIe Siècle, p.56

* 105 Même certains ont contesté le fait que le Conseil se soit déplacé pour recueillir le serment de Wade au Stade Léopold Sédar Senghor.

* 106 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, op cit, p 278

* 107 Georges Burdeau, « une survivance : la notion de Constitution », in L'évolution du droit public, Etudes offertes à Achille Mestre, Sirey, 1956, p.53

* 108 Dominique Rousseau, Droit du Contentieux constitutionnel, Paris, 8ème Edition, Montchrestien, 2008, p.12 et s

* 109 François Mitterand, Le coup d'Etat permanent, Plon, 1964, p.140

* 110 Dominique Rousseau, Droit du Contentieux constitutionnel, Paris, 8ème Edition, Montchrestien, 2008, p.35

* 111 François Luchaire, Le Conseil constitutionnel, Economica, 1980, p.20

* 112 Documents pour servir à l'histoire de l'élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, volume 1, p.249

* 113 in Dominique Rousseau, Droit du Contentieux constitutionnel, Paris, 8ème Edition, Montchrestien, 2008, p. 26

* 114 Ives Meny, Politique Comparée. Les Démocraties : Allemagne, Etas-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Paris, 4ème édition, Montchrestien, 1993, p.10

* 115 Louis Favoreu in «Le retour des Mythes» le Monde 11 aout 1989

* 116 Mouhamadou Mounirou Sy, La Protection Constitutionnel des Droits Fondamentaux en Afrique : l'exemple du Sénégal, Edition Harmattan 2007, p 73

* 117 Dominique Rousseau, Droit du Contentieux constitutionnel, Paris, 8ème Edition, Montchrestien, 2008, p. 95

* 118 Cf., J.F. Bayart, L'Etat en Afrique, la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989.

* 119 Ibid. p 82

* 120 Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, 11ème Ed. Dalloz, 2001, p. 159

* 121 Ives Poirmeur, Droit et Politique, PUF, 1993, p. 32 et s

* 122 L'histoire politique et juridique du Sénégal a été dominée par la constance de cette solidarité entre Parlement et Gouvernement Senghor à Wade et quel que soit le gouvernement en place

* 123 Au regard de la jurisprudence constitutionnelle de l'ex-Cour Suprême et du Conseil constitutionnel, on se rend compte les autorités politiques (le Président de la République et les députés de l'Assemblée nationale) ne sont intéressés à la constitutionnalité des lois que sous couleur de leurs seuls intérêts politiques. Rappelons que le Sénégal n'a enregistré qu'une seule proposition de loi adoptée provenant des députés : ce fut la révision n°76.01 du 19 mars 1976 (Moussa Mbengue) accordant un statut spécial aux anciens Présidents de la République. Toutes les autres proviennent de projets présidentiels, et on voit mal le Président de la République lui-même les attaquer pour inconstitutionnalité, de même que les députés dont l'écrasante majorité appartenait ou appartient à la mouvance présidentielle

* 124 Entretien

* 125 Fara Mbodj, Les compétences du Conseil constitutionnel à l'épreuve des saisines. Quelques remarques sur le pouvoir jurisprudentiel du juge constitutionnel au Sénégal, EDJA, n°78, juillet-aout-septembre 2008, p. 7 et s

* 126 Entretien

* 127 Le Soleil, mardi 13 Avril, p. 5

* 128 En effet le président de l'Assemblée nationale Macky Sall avait convoqué le fils du Président à l'Assemblée nationale pour qu'il s'explique sur dépenses engagées dans le cadre

* 129 Sud Quotidien, Samedi 5-dimanche 6 Janvier 2008, n° 4417

* 130 Entretien avec le journaliste Abdou Latif Coulibaly, le professeur El hadj Mbodj.....

* 131 Le professeur Ismaila Madior Fall, résume parfaitement cette attitude du Conseil en matière de compétence : lorsqu'une affaire lui est soumise, le Conseil se réfère, pour se déclarer compétent ou non, à son code de compétence dont la substance transcrite à l'article premier de la loi organique sur le Conseil constitutionnel, est la suivante : le Conseil constitutionnel se prononce sur la constitutionnalité des lois, sur le caractère réglementaire des dispositions de forme législative, sur la constitutionnalité des lois organiques, sur la recevabilité des propositions et amendements d'origine parlementaire, sur les exceptions d'inconstitutionnalité soulevées devant le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation et entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Deux hypothèses sont à envisager. Soit le Conseil se déclare compétent, statue au fond du recours et rend une décision.....soit l'objet de l'affaire pour laquelle il est saisi ne figure pas sur la liste de ses attributions, le Conseil se déclare alors, de façon implacable incompétent avec le prononcé de la formule connue de beaucoup de requérant : « Considérant que le Conseil est une juridiction d'attribution dont la compétence est strictement limité par les textes qui le régissent et qu'il ne saurait se prononcer que sur des cas expressément prévus par ces textes ».

* 132 Voir P. Esplugas « Protection des droits et libertés », Ellipses, 2002, p.89

* 133 Montesquieu, De l'Esprit des Lois, livre XI, chap. 6, PUF, 1984

* 134 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème édition Montchrestien, 2008, p. 208

* 135 Ismaila Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal, de la veille de l'indépendance aux élections de 2007, Dakar, CREDILA, 2007, p. 76 et 77

* 136 L'intention déclarée du PDS d'exclure 12 députés de l'Assemblée nationale et de les faire remplacer par des suppléants, communiqué de l'Agence Presse Sénégalaise du1er juin 2005

* 137 Toutefois il faut noter que le Cadre permanent de concertation des partis de l'opposition (Cpc), le G10 et la Ld/Mpt réaffirment leur décision de s'opposer à l'exclusion de l'Assemblée nationale des députés dits « frondeurs ».En considérant que cette « affaire » devient celle de l'Assemblée nationale, l'opposition s'est dit prête à s'opposer à ce qui, pour elle, a les allures « d'un coup de force, une violation de la Constitution et du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale ». Dans son optique, cela ne passera pas puisque Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily et tous leurs camarades sont décidés à développer une série d'initiatives et de mobilisation populaire. On retient, entre autres, une campagne de sensibilisation du corps diplomatique accrédité à Dakar, des institutions et de toutes autres structures concernées par la démocratie dans le monde. Le Soleil, 27 mai 2005

* 138 La situation est d'autant plus arbitraire avec le cas de Fada. Interrogé, Doudou Wade n'a pas voulu se prononcer sur le cas du député Modou Diagne Fada qui se trouve presque dans les mêmes situations que Moustapha Cissé Lô et Mbaye Ndiaye. En effet, M. Fada a été investit par la Coalition Waar wi qu'il a abandonnée par la suite. Mieux, M. Fada s'affiche partout avec la Coalition Sopi 2007 qu'il a combattue aux Législatives, tout comme les députés exclus s'affichent avec l'Apr/Yaakaar qui vient de naître

* 139 M. Hauriou, Principes de droit public, 2ème éd, Paris, Sirey, 1916, p. 34 et s

* 140 L. Favoreu, « Brèves réflexions sur la justice constitutionnelle africaine », in Les Cours Suprêmes en Afrique, Tome 2, Paris, Economica, 1989, p. 40

* 141 M. Hauriou, Précis, op.cit., p.636

* 142 DC 3/C/2005

* 143 Ismaila Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal, de la veille de l'indépendance aux élections de 2007, Dakar, CREDILA, 2007. Voir également Recueil des Décisions et Avis du Conseil Constitutionnel sénégalais

* 144 La décision DCC 2006-074 de la Cour constitutionnelle lue sur le site : www.sonagnon.net

* 145 L. Favoreu, « Crise du juge et contentieux constitutionnel en droit français », in la crise du juge, Paris, L.G.D.J., 1996, p. 81

* 146 Ismaila Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal, op.cit., p. 150

* 147 Affaire 11/E/98

* 148 Voir Recueil des Décisions et Avis du Conseil constitutionnel sénégalais, p. 237

* 149 Au lendemain de la présidentielle de février 2007, qui consacre la victoire du président Abdoulaye Wade

dès le premier tour avec plus de 57 % des suffrages, l'opposition significative refuse de reconnaître sa défaite et appelle à boycotter les élections législatives prévues quelques mois plus tard. Elle émet des doutes sur la fiabilité du fichier électoral. En tout cas, ce boycott a permis une large victoire du parti au pouvoir et ses alliés aux législatives, toutefois, avec un faible taux de participation. Le Soleil du 03 avril 2010

* 150 Mettant de sérieuses réserves sur l'impartialité du ministre de l'intérieur, on peut lire dans les colonnes de certains journaux les expressions telles que : Depuis que le ministre de l'Intérieur de l'époque, Cheikh Tidiane Sy, lui a remis le récépissé de And Jëf, à Decroix dont son adversaire Landing prétend détenir l'original. Depuis lors, Decroix n'a cessé de poser des actes, fort du soutien de son « allié » le président Wade, qui a du mal à agir comme « le président de tous les Sénégalais »

* 151 Source Agence Sénégalaise de Presse, Jeudi 07 janvier 2010

* 152 Dominique Rousseau, Droit du Contentieux constitutionnel, Paris, 8ème Edition, Montchrestien, 2008, p.37

* 153 Le seul qui, à l'époque de sa nomination n'exerçait pas un role politique et dont la désignation fut favorablement accueillie, M Kéba Mbaye, fut aussi le premier à abondonner la présidence avant le terme de son mandat. M Youssoupha Ndiaye a également démissionné de son poste de président du conseil.

* 154 Kéba Mbaye affirmait le 17 juin 1992, au lendemain de sa nomination à la tete du conseil constitutionnel : « le président de la République me connaît très bien. Nous avons depuis longtemps des rapports personnels. Je dirais meme que nous avons des liens d'amitié » in SudHebdo n°21, 03 mars 1993

* 155 Entretien avec le professeur Elhadj Mbodj

* 156 J.P.Lebreton, « Conseil constitutionnel et initiative financière dans le cadre de la procédure législative », RA, 1978, p.421-422

* 157 P.JAN et J.P. ROY, Le Conseil constitutionnel vu du Parlement, Ellipses, 1999 p. 170

* 158 Ibidem

* 159 Dominique Rousseau, Droit du Contentieux constitutionnel, Paris, 8ème Edition, Montchrestien, 2008, p.59

* 160 Henry Roussillon, Le Conseil Constitutionnel, Dalloz, 5ème édition, 2004, p. 16et 17

* 161 R.Badinter, « Condorcet et les droits de l'Homme », in Etudes politiques, Edition Gallimard, 1972, p. 51

* 162 EL. MBODJ, « Le Sénégal : un régime présidentiel hétérodoxe », in Les Nouvelles constitutions africaines : la transition démocratique, Presse I.E.P. Toulouse, 1995, p.165

* 163 Voir article 42 de la constitution du Sénégal de 2001

* 164 Conscient de cette `anomalie', le professeur B.Kanté, vice président du Conseil constitutionnel, souhaitait une réforme du système d'organisation des juridictions constitutionnelles africaines notamment en ce qui concerne la désignation des membres. Pour lui, il serait salutaire que la composition soit hétérogène et que d'autres organes puissent également participer à la désignation des conseillers constitutionnels

* 165 Doudou Ndoye, La Raison, Valeur de modernité pour l'Afrique, EDJA, 2007, collection l'Afrique du XXIe Siècle, p.57

* 166 Entretien avec Abdou Latif Coulibaly

* 167 Jacques Meunier, Le pouvoir du Conseil constitutionnel. Essai d'analyse stratégique, PUR n°198, LJDG, 1994, p.65

* 168 Ibid

* 169 Article 9 al 1er : «le président est chargé de l'administration du conseil»

* 170 Voir article 12 al 2

* 171 Article 10

* 172 Article 22

* 173 Article 3 de la loi organique 92-23 «le conseil comprend cinq membres nommés par décret pour 6 ans non renouvelables, dont un vice président''

* 174 Sud au Quotidien du 02 mars 1993, p.1

* 175 Sud au Quotidien du 03 mars 1993, n°21, p.1

* 176 Voir commentaire du professeur Ismaila Madior Fall in Recueil des Décisions et Avis du conseil constitutionnel. D'ailleurs cette la démission du président et sa nomination au poste de ministre est décrite par la presse comme un arrangement avec le président de la République qui pourra ainsi nommer au conseil une personne qui lui serait proche idéologiquement.

* 177 Propos recueillis lors de l'entretien avec Abdou L. Coulibaly

* 178 Entretien avec le professeur Elhadj Mbodj

* 179 Maurice Duverger, institutions politiques et droit constitutionnel

* 180 in Bulletin bibliographique, RDP, 1978, p.1511

* 181 Ismaila Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal de la veille des indépendances aux élections de 2007, Credila Crepos 2007, p.152 et s

* 182 La fièvre révisionniste. La Constitution du 22 janvier 2001 n'a de cesse d'être modifiée, alors même que son auteur -au sens politique, le Constituant étant le peuple sénégalais qui s'est prononcé par référendum le 7 janvier 2001- continue d'occuper la magistrature suprême. La troisième loi fondamentale du Sénégal indépendant est, en effet, le pur produit de l'alternance au pouvoir par les urnes : élu le 19 mars 2000 par 58% des suffrages, Abdoulaye Wade, l'opposant historique au «régime» socialiste, avait fait plébisciter -par 94% des suffrages- son projet de nouvelle Constitution, sur le fondement -contesté- de l'article 46 de la Constitution de 1963 alors en vigueur. Nonobstant ce changement licite de Constitution et la modernité de la Constitution Wade, le Sénégal n'a pas rompu avec les errements passés, les révisions à répétition du texte suprême. La Constitution du 7 mars 1963 avait été révisée à 20 reprises. La Constitution du 22 janvier 2001, qui lui a succédée, change à un rythme beaucoup plus soutenu, grâce au soutien inconditionnel du Pds (Parti Démocratique Sénégalais), le parti ultra majoritaire. Extrait d'un article de Stéphane BOLLE - Maître de conférences Hdr en Droit public Université Paul Valéry - Montpellier III in Ferloo.com

* 183 Voir les décisions 9/C/98, 1/C/2003, 3/C/2005

* 184 D.C. 469 D.C. Cette décision porte sur l'affaire relative à la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République. J.O n°75 du 29 mars 2003. P. 5570. Le Conseil constitutionnel a été saisi par les parlementaires par la voie de l'article 61 alinéa 2 de la Constitution. Il lui était demandé de statuer sur la conformité de la réforme constitutionnelle de la décentralisation à l'alinéa 5 de l'article 89 de la Constitution.

* 185 A propos des lois portant révision de la Constitution, le Conseil déclare invariablement son incompétence au fait que la connaissance des lois portant révision de la Constitution ne figure pas au rang des matières qui lui sont dévolues par la Constitution et la loi organique. Voir les décisions 3/C/2005 du 18 janvier 2005 sur la prorogation du mandat des députés, 1/C/2003 du 11 juin 2003 sur le conseil des affaires économiques et sociales, 9/C/98 du 09 octobre 1998 portant révision de la Constitution en ses articles 21 et 28. Voir également le récent projet de loi sur la révision de l'article 27 de la Constitution. En lors du Conseil des ministres du 9 mai 2008, le Chef de l'Etat a fait adopter un projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 27 alinéa 1 de la Constitution pour restaurer le septennat. L'annonce de cette volte-face constitutionnelle a été redoublée d'une controverse sur la voie à emprunter pour adopter la révision. Pour des raisons de pure opportunité politique, la Présidence a, en effet, entrepris de convaincre l'opinion de la possibilité d'allonger la durée du mandat présidentiel, sans recourir au référendum. Finalement «Sans référendum, pas de révision de l'article 27 !» La controverse procédurière l'a emporté sur la discussion du fond du projet de révision.

* 186 El hadj Mbodj, Le Sénégal, un régime présidentiel hétérodoxe, Presses de l'Institut d'études politiques de Toulouse 1995. P 1, et du point de vue du professeur Mbodj dans une interview publiée dans le site www.galsentv.com une grande part de responsabilité, malheureusement, incombe à l'opposition boycotteuse. J'avais dénoncé, en ce moment-là, le boycott, parce que je savais exactement ce qui allait se passer. Donc, ils (les leaders de l'opposition ayant boycotté les élections législatives de 2007 : Ndlr) ont balisé la voie, permettant la majorité qui est en place de faire tout ce qu'elle veut de la Constitution.

* 187 Interview du professeur El hadj Mbodj publiée dans le site www.galsentv.com

* 188 L'illustration est fournie par la décision du Conseil constitutionnel du 26 mars 2001 sur l'affaire relative à l'effigie du président de la République, voir J.O du 28 juin 2001, p. 156. Selon le Conseil constitutionnel, le « nom Wade et la photographie du Président de la République ne doivent pas figurer sur le bulletin de vote de la coalition Wade ». Cette décision du conseil a suscité une désapprobation du président de la République qu'il n'a pas manquée de porter à l'attention du Conseil à partir d'une lettre. Il s'en est suivi un échange de correspondances. Voir le Soleil du mardi 10 avril 2001. D'ailleurs Doudou Ndoye, dans son ouvrage La Raison, Valeur de modernité pour l'Afrique, p. 57 qualifie la lettre du président de « demande injonctive d'explication faite au Conseil constitutionnel»

* 189 On peut citer comme exemple la modification du règlement intérieur de l'Assemblée Nationale notamment en son article 15 réduisant ainsi le mandat du Président l'Assemblée Nationale à 1 an. En effet c'est par 111 voix pour, 22 contre, que les députés sénégalais ont mis fin ce dimanche soir aux fonctions du président de l'Assemblée nationale. Partisans et adversaires de Macky Sall se sont succédé à la tribune tout au long des six heures de débat, expliquant pourquoi ils voteraient, ou non, le projet de résolution. Les adversaires de Macky Sall ont affirmé que les relations entre le législatif et l'exécutif étaient bloquées en raison des désaccords entre le président de l'Assemblée et le chef d'Etat, Abdoulaye Wade. Ils ont aussi critiqué la gestion actuelle de l'Assemblée. « Il y a eu abandon de poste », ont lancé certains députés. Les députés partisans de Macky Sall, ceux en tout cas qui s'opposaient à son départ, ont tenté de défendre le bilan du président de l'Assemblée. D'autres ont regretté que l'Assemblée s'intéresse à des questions purement politiciennes au moment où, selon l'un des orateurs, « les urgences sont ailleurs ». « Cette résolution est une résolution de complot », a lancé l'une des oratrices. Voir www.rfi.fr. Quant au Conseil, il a déclaré, à l'issue de sa séance du 30 octobre 2008, que l'Article 15 est conforme à la Constitution, permettant ainsi au président de la République de promulguer cette loi de toutes les controverses.

* 190 Ismaila Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal de la veille des indépendances aux élections de 2007, Credila Crepos 2007, p.152 et s

* 191 La fièvre révisionniste. La Constitution du 22 janvier 2001 n'a de cesse d'être modifiée, alors même que son auteur -au sens politique, le Constituant étant le peuple sénégalais qui s'est prononcé par référendum le 7 janvier 2001- continue d'occuper la magistrature suprême. La troisième loi fondamentale du Sénégal indépendant est, en effet, le pur produit de l'alternance au pouvoir par les urnes : élu le 19 mars 2000 par 58% des suffrages, Abdoulaye Wade, l'opposant historique au «régime» socialiste, avait fait plébisciter -par 94% des suffrages- son projet de nouvelle Constitution, sur le fondement -contesté- de l'article 46 de la Constitution de 1963 alors en vigueur. Nonobstant ce changement licite de Constitution et la modernité de la Constitution Wade, le Sénégal n'a pas rompu avec les errements passés, les révisions à répétition du texte suprême. La Constitution du 7 mars 1963 avait été révisée à 20 reprises. La Constitution du 22 janvier 2001, qui lui a succédée, change à un rythme beaucoup plus soutenu, grâce au soutien inconditionnel du Pds (Parti Démocratique Sénégalais), le parti ultra majoritaire. Extrait d'un article de Stéphane BOLLE - Maître de conférences Hdr en Droit public Université Paul Valéry - Montpellier III in Ferloo.com

* 192 Voir les décisions 9/C/98, 1/C/2003, 3/C/2005

* 193 D.C. 469 D.C. Cette décision porte sur l'affaire relative à la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République. J.O n°75 du 29 mars 2003. P. 5570. Le Conseil constitutionnel a été saisi par les parlementaires par la voie de l'article 61 alinéa 2 de la Constitution. Il lui était demandé de statuer sur la conformité de la réforme constitutionnelle de la décentralisation à l'alinéa 5 de l'article 89 de la Constitution.

* 194 A propos des lois portant révision de la Constitution, le Conseil déclare invariablement son incompétence au fait que la connaissance des lois portant révision de la Constitution ne figure pas au rang des matières qui lui sont dévolues par la Constitution et la loi organique. Voir les décisions 3/C/2005 du 18 janvier 2005 sur la prorogation du mandat des députés, 1/C/2003 du 11 juin 2003 sur le conseil des affaires économiques et sociales, 9/C/98 du 09 octobre 1998 portant révision de la Constitution en ses articles 21 et 28. Voir également le récent projet de loi sur la révision de l'article 27 de la Constitution. En lors du Conseil des ministres du 9 mai 2008, le Chef de l'Etat a fait adopter un projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 27 alinéa 1 de la Constitution pour restaurer le septennat. L'annonce de cette volte-face constitutionnelle a été redoublée d'une controverse sur la voie à emprunter pour adopter la révision. Pour des raisons de pure opportunité politique, la Présidence a, en effet, entrepris de convaincre l'opinion de la possibilité d'allonger la durée du mandat présidentiel, sans recourir au référendum. Finalement «Sans référendum, pas de révision de l'article 27 !» La controverse procédurière l'a emporté sur la discussion du fond du projet de révision.

* 195 El hadj Mbodj, Le Sénégal, un régime présidentiel hétérodoxe, Presses de l'Institut d'études politiques de Toulouse 1995. P 1, et du point de vue du professeur Mbodj dans une interview publiée dans le site www.galsentv.com une grande part de responsabilité, malheureusement, incombe à l'opposition boycotteuse. J'avais dénoncé, en ce moment-là, le boycott, parce que je savais exactement ce qui allait se passer. Donc, ils (les leaders de l'opposition ayant boycotté les élections législatives de 2007 : Ndlr) ont balisé la voie, permettant la majorité qui est en place de faire tout ce qu'elle veut de la Constitution.

* 196 Interview du professeur El hadj Mbodj publiée dans le site www.galsentv.com

* 197 L'illustration est fournie par la décision du Conseil constitutionnel du 26 mars 2001 sur l'affaire relative à l'effigie du président de la République, voir J.O du 28 juin 2001, p. 156. Selon le Conseil constitutionnel, le « nom Wade et la photographie du Président de la République ne doivent pas figurer sur le bulletin de vote de la coalition Wade ». Cette décision du conseil a suscité une désapprobation du président de la République qu'il n'a pas manquée de porter à l'attention du Conseil à partir d'une lettre. Il s'en est suivi un échange de correspondances. Voir le Soleil du mardi 10 avril 2001. D'ailleurs Doudou Ndoye, dans son ouvrage La Raison, Valeur de modernité pour l'Afrique, p. 57 qualifie la lettre du président de « demande injonctive d'explication faite au Conseil constitutionnel»

* 198 On peut citer comme exemple la modification du règlement intérieur de l'Assemblée Nationale notamment en son article 15 réduisant ainsi le mandat du Président l'Assemblée Nationale à 1 an. En effet c'est par 111 voix pour, 22 contre, que les députés sénégalais ont mis fin ce dimanche soir aux fonctions du président de l'Assemblée nationale. Partisans et adversaires de Macky Sall se sont succédé à la tribune tout au long des six heures de débat, expliquant pourquoi ils voteraient, ou non, le projet de résolution. Les adversaires de Macky Sall ont affirmé que les relations entre le législatif et l'exécutif étaient bloquées en raison des désaccords entre le président de l'Assemblée et le chef d'Etat, Abdoulaye Wade. Ils ont aussi critiqué la gestion actuelle de l'Assemblée. « Il y a eu abandon de poste », ont lancé certains députés. Les députés partisans de Macky Sall, ceux en tout cas qui s'opposaient à son départ, ont tenté de défendre le bilan du président de l'Assemblée. D'autres ont regretté que l'Assemblée s'intéresse à des questions purement politiciennes au moment où, selon l'un des orateurs, « les urgences sont ailleurs ». « Cette résolution est une résolution de complot », a lancé l'une des oratrices. Voir www.rfi.fr. Quant au Conseil, il a déclaré, à l'issue de sa séance du 30 octobre 2008, que l'Article 15 est conforme à la Constitution, permettant ainsi au président de la République de promulguer cette loi de toutes les controverses.

* 199 Propos de Babacar Kanté in Recueil des Décisions et Avis du Conseil constitutionnel du Sénégal, op cit

* 200 Mouhamadou Mounirou Sy, La Protection Constitutionnel des Droits Fondamentaux en Afrique : l'exemple du Sénégal, Edition Harmattan 2007, op cit

* 201 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème édition Montchrestien, 2008, p. 392

* 202 Louis Favoreu, La politique saisie par le droit. Alternances, cohabitation et Conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1998, p. 7






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon