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Le Conseil constitutionnel sénégalais et la vie politique

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par Mamadou Gueye
Université Cheikh Anta DIOP de dakar - Doctorant en science politique et droit public 2011
  

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Paragraphe II : le Conseil constitutionnel : une arme politique

Dans certaines hypothèses on a l'impression que les leaders politiques ne prennent pas au sérieux le Conseil constitutionnel. Il l'utilise à leur guise comme toute arme politique dont il dispose à des fins « politiciennes ». Cette tentative d'instrumentalisation du Conseil par les leaders politiques est dans une certaine mesure la résultante de l'attitude du conseil dans la vie politique. En effet le Conseil depuis sa création n'est pas arrivé à s'imposer comme un arbitre impartiale entre l'opposition et la majorité. Il parait beaucoup plus comme l'instrument de la majorité contre l'opposition.82(*)

En effet dans la formulation des saisines du Conseil par les partis politiques, on se rend compte que ces derniers ne sont pas ignorants « du code de compétence » du Conseil constitutionnel. Mais qu'ils le saisissent surtout pour manifester leur désaccord sur une politique gouvernementale, et que même s'ils savent a priori que leur recours n'a aucune chance d'aboutir ils saisissent exprès le Conseil. En effet dans ces cas la décision qui sera rendue par le Conseil est tout à fait prévisible. Cette stratégie de contestation peut du coup être de nature à mettre mal à l'aise le Conseil. C'est ainsi que le doyen Rousseau constate à juste titre que « la saisine devient en effet, pour l'opposition, un élément obligé de sa stratégie de contestation de la politique législative du Gouvernement. Elle y trouve de multiples avantages : gêner ou retarder l'exercice du pouvoir législatif....., montrer à son électorat la détermination de son opposition, mettre en difficulté la majorité en essayant d'obtenir une invalidation totale ou partielle de la loi qui l'oblige à une nouvelle rédaction et donc à de nouveaux compromis politiques. »83(*)

Si certains n'hésitent pas parler de requêtes fantaisistes comme le professeur Ismaila Madior fall84(*), d'autres au contraire considèrent que c'est une bonne chose85(*). A titre illustratif la décision du Président de la République de négocier avec le MFDC à fait l'objet d'un recours devant le Conseil. Il a été saisi dans cette affaire par le secrétaire général d'un parti politique, le RND (Rassemblement National Démocratique). Le conseil constitutionnel a déclaré la requête irrecevable pour deux raisons : elle ne rentre dans aucun des cas de saisine prévus par la Constitution, et , d'autre part, elle n'émane pas d'une autorité apte à saisir la haute juridiction. Pour le professeur Alioune Sall « il n'en demeure pas moins que la décision rendue pouvait difficilement ignorée les lacunes de cette saisine. En d'autres termes, le verdict rendu était prévisible. Non seulement l'auteur de la requête n'y était pas habilité (seul le Président de la République ou un dixième des membres de l'Assemblée nationale peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il est permis de se demander si la saisine en question ne tenait pas plus du symbole, ou de la volonté de provoquer seulement un débat public. D'autres requêtes, introduites plus récemment par l'opposition au pouvoir, semblent obéir à la même logique. Ne se faisant point d'illusions sur le sort qui leur sera réservé, les saisissants visent en fait, par ce biais, à susciter le débat et, il faut aussi le dire, à pointer du doigt les failles de l'interprétation que le Conseil fait de ses compétences. Un tel état de fait est bien entendu regrettable, dans la mesure où il révèle une béance que le contrôle de constitutionnalité a précisément pour vocation de combler.

Plus symptomatique est encore les menaces de saisine du Conseil par l'opposition regrouper au sein de « Bennoo » faire constater l'incapacité de Me Wade de continuer à assurer ses charges présidentielles. La lettre que « Benno » a envoyé au Président du Sénat à l'allure d'une requête adressée à un juge. Il expose les faits et invoque les dispositions constitutionnelles applicables à ces mêmes faits. Dans la première lettre envoyée par les leaders de Bennoo au président du Sénat, il est écrit : «Monsieur le Président, les sénégalais en sont témoins, depuis quelques temps, le Président de la République pose régulièrement dans la vie publique nationale des actes qui inclinent les patriotes de bonne foi à s'interroger sur son intégrité mentale et sur sa capacité à continuer à assumer le gouvernement de notre pays ». Poursuivant leurs propos pour étayer leur argumentaire, les opposants prennent l'exemple des «incessants remaniements ministériels » qui selon eux «témoignaient assez de son instabilité fondamentale qui tient à sa totale incapacité à fixer un cap à la Nation et à choisir les hommes pour conduire le navire Sénégal, mais beaucoup plus révélatrice encore, est sa propension à multiplier des déclarations incendiaires de nature à saper la cohésion nationale voire l'existence même de la Nation ». Les attaques contre les imams, les récents différents avec les chrétiens «dans le cadre de la laborieuse défense de la statue des mamelles ou encore la dangereuse exacerbation des tensions entre les communautés religieuses et (ou) confrériques » sont autant d'arguments exposés par les opposants pour disqualifier le président. « Sur un autre registre, plus loufoque cette fois, ses prétentions à accaparer tout ou partie des retombées du monument de la renaissance édifié avec l'argent des sénégalais ou sa proposition de transplantation du peuple haïtien dans une région d'Afrique dont on leur ferait cadeau ne dissipent pas les craintes nos compatriotes » écrivent-ils.

A cela, les leaders de Benno descellent des «signaux cliniques d'une dégénérescence mentale mise en évidence par une fâcheuse tendance aux trous de mémoire et à l'amnésie caractéristiques du grand âge » dans leur lettre. «C'est ainsi qu'il y a peu, il déclarait sans sourciller ne pas connaître l'un de ses anciens directeurs de cabinet et toujours porte parole de son parti. Pire, et plus symptomatique du danger que sa désormais évidente sénilité fait peser sur l'avenir pays, il a révélé dernièrement l'oubli de ses déclarations scandaleuses qui ont failli mettre le feu aux poudres » poursuivent-ils. «Pour toutes ces raisons, les partis politiques regroupés au sein de Bennoo Siggil Sénégal s'estiment fondés à nourrir les plus vives inquiétudes quant à la santé psychique du Président de la République et sur son aptitude à demeurer à son poste. Soucieux de s'en assurer, les partis soussignés ont pris la ferme résolution de s'adresser à qui de droit pour édifier les sénégalais sur la question et le cas échéant, faire déclarer l'empêchement définitif du Chef de l'Etat » arguent-ils.
Les leaders de Bennoo n'ont pas manqué de citer l'article 39 alinéa 1er de la constitution sénégalaise qui dit qu'en «cas de démission, d'empêchement ou de décès, le Président de la République est supplée par le Président du Sénat... ». Mieux, les opposants convoquent l'article 41 de la Constitution qui dit que «la démission, l'empêchement ou le décès du Président de la République sont constatés par le conseil constitutionnel saisi par le Président de la République en cas de démission, par l'autorité appelée à le suppléer en cas d'empêchement ou de décès ».
«Ainsi donc il ressort de l'interprétation combinée de ces deux dispositions qu'il appartient au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur l'empêchement définitif du Chef de l'Etat à la demande du Président du Sénat » ajoutent les leaders de Benno86(*). Cette initiative de Bennoo n'est pas sans intérêt dans la mesure où au delà des extrapolations sur l'âge et la santé du Président, force est de constater que de sérieuses réserves pèsent sur la capacité d'un homme qui a plus de 80 ans à diriger un pays en l'occurrence le Président Wade. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le journaliste Abdou Latif Coulibaly s'exprimant sur la question, considère que «lorsqu'on a un certain âge, on doit laisser la politique et se consacrer à sa religion, Wade devrait s'inspirer de Senghor à l'age de 74 ans avait dit n'avoir plus les capacités physiques et mentales pour diriger le pays ».87(*) Face à cette menace de l'opposition, la réaction du pouvoir est encore plus surprenante. Par la voix de Me Ousmane Sèye, conseiller spécial du président, le pouvoir menace l'opposition réunie au sein de Bennoo Siggil Senegaal.
''J'avertis l'opposition devant l'opinion nationale et internationale. Le jour où des partis politiques vont déposer une requête auprès du Conseil constitutionnel pour constater l'empêchement ou la démission du président de la République, ce jour même une plainte sera déposée pour le compte de l'Etat du Sénégal entre les mains du procureur de la République sur le fondement des articles 72 et 80 du code pénal et que les personnes signataires d'une telle requête seront traduites devant le procureur et devant le tribunal pour être poursuivies''88(*). Cette situation créait par la menace de Benno de saisir le Conseil ressemble à un véritable feuilleton politique. Après la déclaration de l'avocat conseiller du Président Wade, la réaction des leaders de l'opposition ne s'est fait pas attendre. C'est au leader de l'Alliance des Forces de Progrès de monter au créneau. ''Si Me Ousmane Sèye peut tous nous envoyer en prison, ma valise est prête. Moi, ma valise est prête. Je suis prêt, si j'ai un chapelet, un pyjama avec des paires de sandales, cela me va. Et Fann résidence n'est pas loin de Rebeuss''89(*), a affirmé Moustapha Niasse. Le constat est que l'opposition, même si les raisons invoquées par les leaders de Bennoo paraissent sérieuses, la manière avec laquelle ils ont conduit cette affaire laisse sous-entendre qu'ils ne cherchaient qu'à susciter un débat politique. Même s'ils ont saisi le Président du Sénat ils savaient que c'était impensable que ce dernier très proche du Président et membre du Pds puisse leur donner satisfaction. Il faut connaissait à l'avance le sort de leur requête comme l'a si bien dit le secrétaire général de l'AFP « Il ne faudrait pas se faire beaucoup d'illusions parce que je ne vois pas, le président actuel du Sénat (Pape Diop) prendre cette requête et aller au Conseil constitutionnel pour dire : « je suis d'accord avec Bennoo. A moins que le bon Dieu ne l'inspire ». Ainsi considère-t-on que les partis politiques utilisent le Conseil comme une arme politique, c'est dans une certaine mesure une tentative d'instrumentalisation de celui-ci, dans la mesure où comme nous venons de le voir le sort de toutes les requêtes était prévisible. Les saisines obéissent plutôt à « des calculs politiciens ». L'image du conseil parait beaucoup plus exacte dans ces conditions à travers les photographies qu'en font la presse, les universitaires. Cette image est dans une large mesure dépendante de l'environnement judiciaire ou plutôt de l'image du système judiciaire sénégalais

Section II : l'appréciation du Conseil dans la vie politique

Dans cette partie nous aborderons d'une part la perception du Conseil par la presse en général . Et d'autre part nous verrons comment le conseil est apprécié à partir de la mesure de son indépendance par rapport au pouvoir politique

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* 82 Pour M.Mbodj l'exécutif est la principal bénéficiaire des décisions du conseil constitutionnel, in Les compétences du conseil constitutionnel à l'épreuve des saisines. Quelques remarques sur le pouvoir jurisprudentiel du juge constitutionnel au Sénégal

* 83 Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème edition Montchrestien, 2008, p. 485

* 84 Voir Evolution constitutionnelle de Sénégal, de la veille de l'indépendance aux élections de 2007, Credila-Crepos, 2007, voir également Recueil des Décisions et Avis du Conseil constitutionnel commentant la saisine du Conseil par l'opposition en contestation de la composition du directoire de campagne du parti au pouvoir. Le professeur I.M.Fall considère que « ce type de recours montre la méconnaissance du Conseil par les acteurs du jeu politique ou la volonté de ceux-ci de l'instrumentaliser pour le faire mener des combats qui ne relèvent pas de ses attributions ». p. 347

* 85 Voir commentaire de la décision du Président de la République de négocier avec le MFDC par Alioune Sall, in Recueil des Décisions et Avis du Conseil constitutionnel, p 156

* 86 Cette lettre a été publiée le jeudi 4 mars 2010. www.nettali.net

* 87 Entretien

* 88 www.leral.net . samedi 09 janvier 2010

* 89 www.nettali.net jeudi 14 janvier 2010

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