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Le Conseil constitutionnel sénégalais et la vie politique

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par Mamadou Gueye
Université Cheikh Anta DIOP de dakar - Doctorant en science politique et droit public 2011
  

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Paragraphe I: Une instabilité constitutionnelle établie

Une relation de cause à effet se dessine non seulement entre la jurisprudence répétitive des déclarations d'incompétence mais également les déclarations systématiques ou répétitives de conformité du conseil constitutionnel et l'instabilité constitutionnelle connue au Sénégal et qui a pris une proportion manifestement importante depuis quelques années.

L'instabilité constitutionnelle constatée en régime politique sénégalais trouve sa source dans l'initiative de révision reconnue constitutionnellement à l'exécutif190(*). Il importe de noter à cet égard l'absence de retenue du pouvoir exécutif dans l'exercice de cette attribution constitutionnelle souvent maladroitement motivée. Ce phénomène de révision intempestive s'explique par la quasi absence de mécanismes opérants susceptible de poser des limites ou des arguments de résistance à cet appétit exagéré du pouvoir exécutif à apporter de multiple retouche à la constitution191(*).

En effet cette instabilité constitutionnelle est doublement justifiée.

Il ya d'un coté, la carence du Conseil constitutionnel symbolisée par le silence né des déclarations répétitives d'incompétence profite au pouvoir exécutif. Il en est ainsi de la jurisprudence invariable du Conseil constitutionnel qui affranchit de tout contrôle les lois portant révision de la constitution symbolisée par cette clause de style « Le Conseil constitutionnel ne tient ni de la Constitution ni de la loi organique ni d'aucune autre disposition de la constitution le pouvoir de statuer sur une révision de la Constitution »192(*). Cette orientation du Conseil constitutionnel sénégalais semble inspirer de la jurisprudence postérieure française, qui dans la décision n° 469 D.C, affirme « Le Conseil constitutionnel ne tient ni de l'article 61, ni de l'article 89, ni d'aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle »193(*). Dans cette décision le juge constitutionnel français s'est refusé à examiner le fond de l'affaire en interprétant restrictivement ses compétences à l'image du Conseil constitutionnel sénégalais.

Ces considérations font que le pouvoir exécutif ne se « sent plus tenu » donne libre cours à ce profond désir d'un exécutif toujours prompt à se donner les moyens d'une puissance inégalée dans le système politique. C'est alors le recours aux révisions constitutionnelles194(*) pour assouvir ses desseins en s'auto octroyant les moyens nécessaires à la mesure de ses ambitions hégémoniques. Cela se traduit par la domestication du parlement et la marginalisation du juge constitutionnel plutôt timoré. D'ailleurs ce phénomène explique le caractère présidentialiste du modèle sénégalais.195(*) Autrement dit, la carence de l'autre favorise le pouvoir exécutif d'où la corrélation jurisprudence répétitive d'incompétence et révision répétitive de la constitution entrainant une instabilité constitutionnelle en phase de devenir structurelle.

A cet égard dans la décision n° 3 /C / 2005, le conseil constitutionnel a fait une méprise sur les différentes de la procédure d'adoption sur le couplage des élections. En effet, le Conseil constitutionnel estime que « dans le cas de révision de la constitution par la seule assemblée nationale, le vote à la majorité qualifiée des trois cinquièmes réalise à la fois l'adoption et l'approbation au mépris des trois phases identifiées par l'article 103 de la constitution. Ces circonstances libèrent généralement le pouvoir exécutif de toute pression. C'est alors, le libre recours à l'exercice favori du pouvoir exécutif : la quête de moyens nécessaire à l'affirmation de sa toute puissance. A un niveau non formel, la jurisprudence répétitive des déclarations d'incompétence confirme et alimente à certains égards le déséquilibre parti dominant, parti d'opposition. Ce déséquilibre se manifeste par le fait que la majorité électorale qui se retrouve au niveau de l'exécutif s'appuie sur une majorité partisane à l'assemblée Nationale pour couronner au plan législatif ses ambitions. Cette entreprise peut souvent se heurter à la résistance d'une opposition minoritairement représenté à l'Assemblée Nationale. Elle a des moyens légaux d'opposition et de contestation, il en est ainsi de la technique de contrôle de la constitutionnalité des lois. Cette résistance est souvent inopérante dés lors que l'essentiel des recours de l'opposition débouche sur des constats d'incompétence fait par le Conseil constitutionnel. Ce qui constitue un moyen de démobilisation judiciaire pour l'opposition souvent convaincue de l'inutilité du recours au Conseil constitutionnel. Alors se fraie une forte inclination à l'expression d'une autre nature des demandes politiques.

Il s'y ajoute d'un autre coté la promptitude du Conseil à s'aligner presque toujours sur les positions du pouvoir exécutif. L'affaire Macky Sall illustre parfaitement cet état de fait. En effet le Conseil constitutionnel y est allé de sa « sagesse légendaire » consistant à se conformer à la volonté du président de la République. Comme une coutume, en ces huit ans d'alternance. Il a déclaré, à l'issue de sa séance du 30 octobre 2008, que l'Article 15 est conforme à la Constitution, permettant ainsi au président de la République de promulguer cette loi de toutes les controverses. Désormais, aux termes de l'Article 1er du décret de promulgation : « Le président de l'Assemblée nationale et les autres membres du Bureau sont élus pour une durée d'un an. » « Les membres du Bureau sont rééligibles et les mandats du président de l'Assemblée nationale, ainsi que celui des autres membres du Bureau sont renouvelés à la première séance de la session ordinaire. » « L'Assemblée nationale peut, toutefois, mettre fin aux fonctions du président ou d'un membre du Bureau par l'adoption d'une résolution à la majorité absolue. Un minimum de trente huit (38) députés doit, cependant, présenter cette résolution. ». De l'avis de l'éminent professeur Mbodj il s'agit « d'une manipulation du Droit et de la Constitution pour un règlement de comptes ; ce qui n'agrandit pas du tout notre démocratie »196(*). La Constitution a été violée manifestement. Ils ont violé manifestement l'Etat du Droit existant. Là, il ne faudrait pas qu'il profite de leurs propres turpitudes pour régler ces comptes-là.

L'Etat de droit recule du fait du déséquilibre global du régime politique sénégalais. Ce déséquilibre profite immanquablement à l'exécutif.

* 190 Ismaila Madior Fall, Evolution constitutionnelle du Sénégal de la veille des indépendances aux élections de 2007, Credila Crepos 2007, p.152 et s

* 191 La fièvre révisionniste. La Constitution du 22 janvier 2001 n'a de cesse d'être modifiée, alors même que son auteur -au sens politique, le Constituant étant le peuple sénégalais qui s'est prononcé par référendum le 7 janvier 2001- continue d'occuper la magistrature suprême. La troisième loi fondamentale du Sénégal indépendant est, en effet, le pur produit de l'alternance au pouvoir par les urnes : élu le 19 mars 2000 par 58% des suffrages, Abdoulaye Wade, l'opposant historique au «régime» socialiste, avait fait plébisciter -par 94% des suffrages- son projet de nouvelle Constitution, sur le fondement -contesté- de l'article 46 de la Constitution de 1963 alors en vigueur. Nonobstant ce changement licite de Constitution et la modernité de la Constitution Wade, le Sénégal n'a pas rompu avec les errements passés, les révisions à répétition du texte suprême. La Constitution du 7 mars 1963 avait été révisée à 20 reprises. La Constitution du 22 janvier 2001, qui lui a succédée, change à un rythme beaucoup plus soutenu, grâce au soutien inconditionnel du Pds (Parti Démocratique Sénégalais), le parti ultra majoritaire. Extrait d'un article de Stéphane BOLLE - Maître de conférences Hdr en Droit public Université Paul Valéry - Montpellier III in Ferloo.com

* 192 Voir les décisions 9/C/98, 1/C/2003, 3/C/2005

* 193 D.C. 469 D.C. Cette décision porte sur l'affaire relative à la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République. J.O n°75 du 29 mars 2003. P. 5570. Le Conseil constitutionnel a été saisi par les parlementaires par la voie de l'article 61 alinéa 2 de la Constitution. Il lui était demandé de statuer sur la conformité de la réforme constitutionnelle de la décentralisation à l'alinéa 5 de l'article 89 de la Constitution.

* 194 A propos des lois portant révision de la Constitution, le Conseil déclare invariablement son incompétence au fait que la connaissance des lois portant révision de la Constitution ne figure pas au rang des matières qui lui sont dévolues par la Constitution et la loi organique. Voir les décisions 3/C/2005 du 18 janvier 2005 sur la prorogation du mandat des députés, 1/C/2003 du 11 juin 2003 sur le conseil des affaires économiques et sociales, 9/C/98 du 09 octobre 1998 portant révision de la Constitution en ses articles 21 et 28. Voir également le récent projet de loi sur la révision de l'article 27 de la Constitution. En lors du Conseil des ministres du 9 mai 2008, le Chef de l'Etat a fait adopter un projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 27 alinéa 1 de la Constitution pour restaurer le septennat. L'annonce de cette volte-face constitutionnelle a été redoublée d'une controverse sur la voie à emprunter pour adopter la révision. Pour des raisons de pure opportunité politique, la Présidence a, en effet, entrepris de convaincre l'opinion de la possibilité d'allonger la durée du mandat présidentiel, sans recourir au référendum. Finalement «Sans référendum, pas de révision de l'article 27 !» La controverse procédurière l'a emporté sur la discussion du fond du projet de révision.

* 195 El hadj Mbodj, Le Sénégal, un régime présidentiel hétérodoxe, Presses de l'Institut d'études politiques de Toulouse 1995. P 1, et du point de vue du professeur Mbodj dans une interview publiée dans le site www.galsentv.com une grande part de responsabilité, malheureusement, incombe à l'opposition boycotteuse. J'avais dénoncé, en ce moment-là, le boycott, parce que je savais exactement ce qui allait se passer. Donc, ils (les leaders de l'opposition ayant boycotté les élections législatives de 2007 : Ndlr) ont balisé la voie, permettant la majorité qui est en place de faire tout ce qu'elle veut de la Constitution.

* 196 Interview du professeur El hadj Mbodj publiée dans le site www.galsentv.com

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