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Le Conseil constitutionnel sénégalais et la vie politique

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par Mamadou Gueye
Université Cheikh Anta DIOP de dakar - Doctorant en science politique et droit public 2011
  

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Section I : la régulation de l'activité électorale par le Conseil

La période électorale est un moment important dans la vie d'une nation, elle est souvent pleine d'effervescence, d'agitation, de tension...

En réalité les consultations électorales ne sont pas inconnu sur le continent africain et plus particulièrement au Sénégal tant durant la colonisation qu'après les indépendances à quelques exceptions prés, « elles y étaient organisées sur un mode unanimiste et elles remplissaient des fonctions principalement symboliques et de renforcement du pouvoir des régimes autoritaires »39(*).

Depuis le démarrage de ce que l'on appelle les « transitions démocratiques »- qui a principalement concerné les Etats francophones, inaugurées en 1990 par le Bénin, l'Afrique se voit dérouler une série d'élections transparentes et calmes, qui s'effectuent dans un contexte de pluralisme politique. Désormais les partis au pouvoir commencent à perdre les élections, l'alternance n'est plus interdite.

Toutefois le recours aux élections n'est pourtant pas aujourd'hui sans rencontrer des réserves et susciter des appréhensions. Les difficultés semblent parfois empirer si l'on en juge par la gravité des crises liées à l'organisation et au déroulement des scrutins.

N'a-t-on pas vu dans les consultations électorales de véritables « impostures » se réduisant à de « simples formalités administratives »40(*) dominées par des acteurs se livrant à un banditisme électoral plutôt qu'à une compétition loyale. Par un curieux retournement, les élections qui avaient été considérées en Afrique comme une voie privilégiée de sortie de crise et d'expression du pluralisme se voit attribuer la responsabilité des tensions voire des ruptures de consensus qui affectent la vie politique en Afrique et particulièrement dans nos Etats.

Dans un tel contexte le conseil constitutionnel doit être la sentinelle qui aura la lourde mission de sanctionner les contrevenants à la loi électorale ou les comportements anti-démocratiques de façon générale. Il sera question de l'étude de l'activité régulatrice du conseil en tenant compte de l'environnement sociopolitique

Cette partie sera à la fois descriptive des différents contentieux que le conseil a eu à connaître. Mais surtout analytique en mettant en exergue les différents facteurs qui ont eu à influer sur le rôle du conseil ou sur son attitude.

Paragraphe I : La problématique de la régulation de l'élection présidentielle

Bien que faisant l'objet d'une attribution de compétences, le conseil constitutionnel sénégalais exerce dans sa mission de régulation des élections de très larges pouvoirs. C'est d'ailleurs ce qui fait de lui le véritable juge de la régularité, de la transparence et de la sincérité ou moralité des opérations électorales. Ces pouvoirs lui permettent de réguler le jeu électoral à travers tout son processus

En effet le conseil intervient à la fois au début du processus électorale ce que l'on appelle la phase préélectorale et à la fin appelée la phase post-électorale

Dans la période préélectorale, l'office du conseil est de recevoir les candidatures à l'élection présidentielle et de publier la liste des candidats. A cette occasion il peut accepter ou rejeter les candidatures qui ne remplissent pas les conditions exigées par la loi électorale. En revanche les candidats disposent de recours auprès du même conseil pour faire respecter leurs droits

Mais en réalité cette étape qui constitue une phase préliminaire de l'élection proprement dite et dont l'enjeu n'est pas très important à la fois du point de vue de la population mais aussi dans une certaine mesure pour les leaders politiques ou les candidats au regard de leur comportement, on a l'image d'un conseil au dessus des institutions parlementaires et gouvernementales soucieux du respect de la loi électorale.

Le conseil a ainsi rejeté lors des élections présidentielles de 1993 la déclaration de candidature additive de Landing Savané. Ce dernier a fait déposer au greffe du conseil constitutionnel une requête aux termes de laquelle sa candidature est devenue la candidature du « Rassemblement Bokk Yaakar » incluant notamment les partis AND-Jef/Pads, le MSU, l'UDF/Mbolo-Mi.

Le juge constitutionnel rejette cette déclaration de candidature pour raison portant sur « l'absence de toute mention que le candidat a reçu l'investiture de ce rassemblement. Par conséquent la déclaration de candidature additive est rejetée »41(*)

Dans le même ordre d'idées, le conseil a eu à rejeter la déclaration de candidature indépendante de Yoro Fall. Selon le juge « après vérifications faites conformément à l'article 116 du code électoral42(*), il a été constaté que la liste de 10000 électeurs appuyant la candidature de Yoro Fall, seuls 8715 ont pu être identifiés et leurs signatures validés. Par conséquent la candidature de Yoro Fall à l'élection présidentielle est irrecevable »43(*)

Le juge constitutionnel intervient également dans la phase post-électorale. Sachant que les élections constituent le talon d'Achille des régimes politiques africains, les litiges issus des élections, à défaut de trouver une solution juridictionnelle consensuelle et acceptable risquent de s'exposer dans la rue. Et souvent ils aboutissent à provoquer des guerres civiles. C'est pourquoi le juge doit agir avec subtilité et perspicacité pour faire respecter les droits de chaque candidat.

C'est ainsi que dans le cadre de son pouvoir de régulation, le conseil « procède à la rectification des erreurs44(*) commises au cours du processus de recensement des votes soit d'office soit à la demande d'un candidat »45(*). Dans le même ordre d'idées, le conseil en tant que juge de la régularité et de la sincérité ou moralité des élections veille au respect des règles de la compétition électorale. Par conséquent le conseil a le pouvoir d'annuler les résultats du scrutin.

En dépit de tous ses pouvoirs considérables et cette volonté constante de régulation impartiale du jeu politique, le conseil demeure mal vu dans bien des cas. Pour le professeur Kanté et ancien vice président du conseil, le conseil est victime d'un mauvais procès dans la mesure où : « l'évaluation de l'activité contentieuse de ces juridictions nouvellement créées en Afrique est souvent faite à l'aide d'un seul critère : le degré d'indépendance au moment de la proclamation des résultats d'une élection présidentielle. Selon l'attitude du juge à l'occasion du contentieux électoral, la juridiction concernée sera considérée comme digne de respect ou non, un promoteur ou un fossoyeur de la démocratie »46(*)

Cette affirmation est également valable pour le contentieux constitutionnel - dans la mesure où le juge est toujours jugé en fonction de ses attitudes par rapport aux exigences de la démocratie et de l'Etat de droit. Mais seulement, elle est plus « visible », plus vérifiable pour les élections présidentielles du point de vue de l'enjeu qu'elle suscite. Par exemple lors des élections présidentielles de 1993, les premières élections auxquelles le conseil faisait face pour la première fois après moins d'une année d'existence, constitue une belle illustration de cette réalité. En effet lors de la proclamation des résultats de l'élection présidentielle de 1993, la haute juridiction avait repris mot pour mot le slogan de campagne du candidat déclaré vainqueur en l'occurrence le candidat président de la république Abdou Diouf47(*).

Dans la décision du conseil il est mentionné la formule solennelle : « que le candidat Abdou Diouf...... est élu dès le premier tour président de la République du Sénégal pour un mandat de 7ans »48(*). Cette clause de style n'a pas échappé à la vigilance de la presse qui n'a pas manqué à critiquer sévèrement l'attitude des juges, et de facto remis en cause la neutralité du conseil. Dans un éditorial intitulé au delà du droit, le journaliste Babacar Touré fait une analyse très peu reluisante de la décision du conseil. Revenant sur la formulation de la décision proclamant les résultats, il écrit « le communiqué du conseil, par son libellé, est particulièrement choquant dans la mesure, où il s'est départi de cette sérénité et de cette distance arbitrale si caractéristiques des hommes et des femmes qui n'ont souci que de dire le Droit. La touchante générosité du `discours de la méthode' qui a précédé `le constat' du conseil a quelque relent de parti-pris délibéré en faveur du candidat le mieux placé dont le nom a été cité avant même que les résultats soient annoncés ni même consignés dans le communiqué ». De ce son point de vue `l'équipe de Youssou Ndiaye a fait plus et mieux que le parti socialiste'. Pour lui « ce qui est en cause c'est autant le score attribué au candidat Abdou Diouf que les conditions dans lesquelles, on y est parvenu au terme d'un scrutin entaché d'encre délébile, d'ordonnances et de pratiques aux antipodes de la sincérité et de la transparence. Ce sentiment de gêne est d'autant plus présent que le chiffre de 58% avait été annoncé dans certains milieux dirigeants du PS et de l'Etat bien avant le 21 février.(......) Comme pour complaire aux souhaits du Prince et de ses affidés, le communiqué du conseil a repris le mot d'ordre du Ps : « Abdou Diouf élu des le premier tour » auquel on aurait préféré « élu au premier tour »49(*). Cette critique de la presse semble bien fondée dans la mesure où le conseil aurait pu entourer beaucoup plus de solennité à sa décision. D'ailleurs si on regarde la jurisprudence qui a suivi ces élections, on constate que le conseil à corriger cette formulation en retenant une formule en tout cas moins chargée à savoir par exemple pour les élections de 2000 qui ont consacré l'alternance politique au Sénégal avec une nouvelle équipe politique qui n'a aucun lien avec le conseil : « Abdoulaye Wade élu président de la République du Sénégal »50(*). Cependant 7 ans plus tard lors de la réélection du président Wade qui durant son premier mandat a eu à faire des réaménagements au conseil avec la nomination à la tête de l'institution d'une personne supposée lui être proche. Le conseil revient à la formule des élections de 1993 : « le candidat Abdoulaye Wade est élu des le premier tour président de la république du Sénégal »51(*). Ce manque de constance dans la formulation des résultats de l'élection présidentielle n'est pas acceptable pour une juridiction de cette envergure. D'ailleurs la formulation adoptée semble être liée à la proximité ou non de l'institution avec le pouvoir en place faisant ainsi peser de sérieuses réserves sur l'impartialité, l'indépendance et la crédibilité de l'institution. Cette remarque est d'autant plus fondée qu'en 2007 lors de la prestation de serment du président réélu Abdoulaye Wade, la présidente du conseil s'est contentée à faire un long éloge du président. Ce qui n'est pas un gage de neutralité dans une démocratie digne de ce nom.

En effet pendant les élections présidentielles le conseil est largement sollicité et les partis politiques ou plus exactement les leaders politiques n'hésite pas à critiquer voire menacer ouvertement le conseil. Par exemple lors des élections de 1993 le conseil a vu l'un de ses membres en l'occurrence le vice président maitre Babacar Seye assassiné. Juste avant cet assassinat son président avait démissionné. Ajouté à cela la tension sociale et politique du pays, le conseil était dans une sorte de crise qui a pu fortement marquer sa psychologie et peut-être une certaine peur des hommes politiques explique certaines de ses décisions. D'ailleurs lors des élections de 1993 le candidat wade dans une de ses déclarations manifestait sa méfiance vis-à-vis de l'institution et sur certains de ses membres. En effet il affirmait « qu'au point où nous en sommes une solution politique de la crise actuelle ne peut sortir de cette institution », au sein du conseil il doute que l'un de ses membres, maitre Seye, « malgré toute sa bonne volonté puisse juger de manière impartiale, après avoir été pendant une bonne partie de sa vie responsable du PS »52(*).

Les leaders politiques sénégalais ont toujours manifesté pendant les élections présidentielles surtout une grande méfiance vis-à-vis du Conseil constitutionnel, on a l'impression qu'ils nourrissent de forte présomption de partialité de la part du Conseil, qu'ils préfèrent le voir exit ou pour parler juridiquement le récuser. D'ailleurs lors de l'alternance démocratique de 2000, l'opposition n'avait pas manqué de faire de telles déclarations qui ont pour conséquences à la fois de minimiser le Conseil et d'heurter sa crédibilité. L'enjeu et la tension qui accompagne cette élection justifie de telles pratiques. Comme l'a si bien remarqué Momar Coumba Diop53(*) « la situation était d'autant plus tendue que le leader de l'opposition lui-même n'avait pas hésité, durant la campagne à demander à l'armée de faire respecter la volonté de changement du peuple sénégalais en cas de fraude du pouvoir54(*). Le sentiment de malaise et les critiques à l'égard du conseil se nourrissent surtout du nombre important de décisions par lesquelles le conseil confirme une élection tout en reconnaissant expressément que les irrégularités sont « regrettables », « critiquables », « condamnables »...

On peut retenir que depuis sa création le conseil n'a pas encore atteint le degré d'indépendance et la crédibilité nécessaire que les acteurs du jeu politique attendent de lui. Cette analyse est légèrement applicable aux élections législatives

* 39 Jean du Bois de Gaudusson, les Elections à l'Epreuve de l'Afrique, Etude et Doctrine : la sincérité du scrutin, Cahiers du conseil constitutionnel n°13

* 40 Albert Bourgi cite par Jean du Bois de Gaudusson in les Elections à l'Epreuve de l'Afrique, Etude et Doctrine : la sincérité du scrutin, Cahiers du conseil constitutionnel n°13

* 41 Affaire n°1/E/93 du 21 février 1993 : elections présidentielles

* 42 Pour s'assurer de la validité des candidatures déposées et du consentement des candidats, le conseil fait procéder à toute vérification qu'il juge utile

* 43 Affaire n°1/E/2007 du 26 janvier 2007 : élections présidentielles.

* 44 Pour un cas concret de rectification d'erreur on peut donner l'exemple de la requete du candidat Abdou Diouf demandant au conseil la rectification des résultats du bureau de vote n°5 de Richard Toll tels que proclamés par la commission nationale de recensement des votes de Dagana, au motif que ce dernier a attribué les 107 voix qu'il a obtenu au candiadt Ousseynou Fall. Le juge après vérification déclare « que la comparaison de la photocopie de procés verbal jointe à la requete avec le procés verbal de l'Onel fait apparaître en effet, que les candidats Ousseynou Fall et Abdou Diouf ont obtenu respectivement 01 et 107 voix ; qu'en conséquence il ya lieu de procéder à la rectification du procès verbal de la commission de Dagana en restituant au candidat Abdou Diouf les 107 voix litigieux », Affaire 4 à 11/E/2000 : élections présidentielles

* 45 Affaire n°30/E/98 du 03 juillet 1998 : elections législatives

* 46 Babacar Kanté in La Protection constitutionnelle des droits fondamentaux en Afrique, l'exemple du Sénégal, Harmattan 2007, p.13

* 47 «l'idée que Abdou Diouf a gagné l'élection présidentielle dès le 1er tour semble etre le leitimotiv qui voudrait confirmer le mot d'ordre pré-électoral du parti socialiste'' Abdou Latif Coulibaly in Sud ay Quotidien n°19-1er mars 1993

* 48 Décision n°6/93 affaire n°7 à 12/E/93

* 49 Sud quotidian, n°29, Lundi 15 mars 1993

* 50 Affaire n°13/E/2000 : proclamation des resultants de l'élection présidentielle

* 51 Affaire n°s 4 et 5/E/2007 : proclamation des resultants du premier tour du scrutin de l'élection présidentielle du 25 février 2007

* 52 Sud Quotidien du 03 mars 1993

* 53 Momar-Coumba Diop, Mamadou Diouf et Aminata Diaw, Le baobab a été déraciné.

L'alternance au Sénégal, Politique Africaine, n°157

* 54 Lire la déclaration de Me Wade, «L'armée et les jeunes doivent prendre leurs responsabilités»,

Sud Quotidien, 31 décembre 1999. Après la réaction de plusieurs hommes politiques se désolidarisant

de tout appel à l'armée en vue de prendre le pouvoir et de la condamnation de ces propos par des officiels

français, Wade a précisé sa pensée: «L'armée, ce serait l'échec de ma vie [...] mais cela ne veut

pas dire qu'on laissera Diouf faire ce qu'il veut» (Sud Quotidien, 24 janvier 1999). Un peu avant les

élections, il a à nouveau déclaré: «En cas de confiscation du pouvoir, l'armée doit prendre ses responsabilités

» (Sud Quotidien, 18 février 2000).

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein