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Le Conseil constitutionnel sénégalais et la vie politique

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par Mamadou Gueye
Université Cheikh Anta DIOP de dakar - Doctorant en science politique et droit public 2011
  

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Paragraphe II : L'opportunité des décisions du conseil

Si « recourir au juge, c'est choisir la résolution pacifique des litiges. C'est renoncer à les trancher par la force, accepter de se soumettre à un tiers arbitre et imposer la même attitude à l'adversaire ».68(*) Les décisions du conseil n'arrivent pas à imposer cette attitude, non seulement aux partis politiques mais également les structures telles que « la société civile ». Les décisions du Conseil ne remplissent toujours pas cette fonction de pacification de la vie politique ou d'extinction des conflits politiques qui persistent et remettent toujours en cause l'effectivité de la démocratie sénégalaise. En effet  s'il s'agit de trancher les conflits engendrés par l'application de la Constitution, la question ne s'en trouve pas radicalement transformée : ne décrit-on pas couramment la technique du contrôle de constitutionnalité comme un procédé garantissant l'élimination des rapports de force, par l'assujettissement à un même degré de l'ensemble des protagonistes du système politique ? « Le contrôle juridictionnel des lois écrit M.Favoreu, permet de faire trancher en termes juridiques des conflits d'ordre politique. Il ya une pacification de la vie politique par le contrôle juridictionnel des lois »69(*)

Au Sénégal si les décisions du Conseil sont formellement acceptées, elles n'éteignent pas pour autant les conflits politiques. La bataille juridique est prolongée souvent dans la rue, par les invitations à la marche et par les déclarations à travers la presse qui ont la particularité d'instaurer un semblant de malaise social et politique dans le pays, préjudiciable dans une certaine mesure au pouvoir et à la démocratie sénégalaise.

Les propos de Jacques Attali, conseiller spécial du Président de la République français, après la décision du 16 juillet 1982 qui invalide le mode d'indemnisation des actionnaires privés, expriment le bénéfice que la majorité peut recevoir de l'intervention du Conseil. Ce dernier, dit -il « ayant reconnu la conformité à la constitution des nationalisations, tout le débat de la campagne présidentielle et de la bataille parlementaire sur le caractère constitutionnel des nationalisations est terminée ».70(*) Autrement dit, l'intervention du Conseil a, pour la majorité et l'opposition également, le double avantage d'éteindre la polémique. L'intervention du Conseil confère en réalité à la loi mise en cause une légitimité supplémentaire en atténuant son aspect partisan. Ce qui n'est pas le cas de la réalité constitutionnelle sénégalaise. En effet le droit n'a pas véritablement une emprise sur la vie politique. Cela ne s'explique pas par un défaut de qualité inhérent aux règles constitutionnelles. Ici la juridicisation est marquée par un manque de « reconnaissance sociale », c'est-à-dire par les acteurs du jeu politique, du droit comme mode légitime de représentation et d'expression de la politique, cette légitimité étant conférée par l'usage routinisé des arguments constitutionnels dans le débat politique. Autrement dit le ressort du succès de la juridicisation, de l'efficacité du droit, se trouve ni dans les qualités du texte constitutionnel de 2001 ou de la jurisprudence du Conseil, ni hors du droit, dans la société, dans les rapports de forces politiques ou dans les intérêts et stratégies des acteurs politiques. Le mouvement de juridicisation ne peut se comprendre que dans la relation qui s'établit entre ce que la règle de droit offre en termes de formalisation, de neutralisation et d'objectivation des questions politiques, et ce que les acteurs politiques demandent ou recherchent, à un moment donné, pour atteindre leur objectif. C'est ainsi que, tirant le bilan de neuf année de mandat de Conseiller, le doyen Vedel écrit de manière significative que le Conseil a posé « des règles permanentes et objectives, susceptibles d'opérer indépendamment du pouvoir en place, qu'il soit de droite ou de gauche... »71(*). L'inexistence de cette relation entre la règle de droit et les acteurs politiques se justifie davantage lorsqu'on regarde de près les rapports entre la juridiction constitutionnelle et les partis politiques. Au regard de la jurisprudence de l'ex-Cour Suprême et du Conseil constitutionnel, on se rend compte que les autorités politiques (le Président de la République et les députés de l'Assemblée nationale) ne sont intéressés à la constitutionnalité des lois que sous couleur de leur seul intérêt politiques. Rappelons que le Sénégal n'a enregistré qu'une seule proposition de loi adoptée provenant des députés : ce fut la révision n°76.01 du 19 mars 1976 (Moussa Mbengue) accordant un statut spécial aux anciens présidents de la République. Toutes les autres proviennent de projets présidentiels, et l'on voit mal le président de la République lui-même les attaquer pour inconstitutionnalité, de même que les députés dont l'écrasante majorité appartenait ou appartient encore à la mouvance présidentielle72(*).

D'une manière générale on peut dire que cette situation qui voudrait qu'après les décisions du Conseil soient rendues, le débat se poursuit par d'autres moyens ou d'autres voies, incombe à la responsabilité à la fois aussi du Conseil pour une large part mais aussi des acteurs politiques par leur attitude

CHAPITRE II : LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DANS LA STRATEGIE DE LUTTE DES PARTIS POLITIQUES ET SON APPRECIATION DANS LA VIE POLITIQUE

Dans cette partie nous mettrons l'accent sur les tentatives d'instrumentalisation du Conseil par les partis politiques et comment ces derniers usent du Conseil dans leurs stratégies de lutte. Nous verrons ensuite comment à la fois les partis politiques, la presse et les différents acteurs de la vie politique perçoivent le Conseil. Ce qui nous permettra d'avoir une idée assez précise de l'évaluation de l'activité du Conseil.

* 68 Charles Eisenmann, La justice dans l'Etat, in La Justice, PUF, 1961, p. 21

* 69 L. Favoreu, Actualité et Légitimité du controle juridictionnel des lois en Europe Occidentale, RDP, 1986, p. 1195

* 70 Jacques Attali, le monde du 19 janvier 1982

* 71 Georges Vedel, le Débat 1989, n°55, p. 48

* 72 Mouhamadou Mounirou Sy, La Protection Constitutionnel des Droits Fondamentaux en Afrique : l'exemple du Sénégal, Edition Harmattan 2007, p. 120

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