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La condition de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission africaine des Droits de l'Homme et des peuples

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par Josep Martial ZANGA
Université Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit international et communautaire 2008
  

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B - La Commission : une instance de coordination et d'harmonisation
des jurisprudences nationales.

Contrairement au contrôle national qui tient d'une logique de compétence souveraine, « Le contrôle international procède d'une logique d'harmonisation (et) de coordination ».117De l'avis de la Commission, « l'un des objectifs visés par la condition d'épuisement des voies de recours internes est de donner la possibilité aux juridictions internes de statuer sur des cas avant de les porter devant un forum international, pour éviter des jugements contradictoires par des lois nationales et internationales.»118 En effet, pour la Commission,« Les mécanismes

117Olinga (A-D), « L'effectivité de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », op cit, p.181. 118Com 155/96, Social and Economic Rights Action Center, Center for Economic and Social Rights / Nigeria

internationaux ou les missions ne sont pas des substituts à la mise en oeuvre interne des droits de l'homme mais devraient être considérés comme des outils destinés à assister les autorités nationales dans l'élaboration d'une protection suffisante des droits de l'homme sur leur territoire.»119 Deux affaires suffisent à exposer les observations de la Commission concernant son rôle dans la coordination des ordres internes et internationaux. Il s'agit d'une part de la communication 255/2002 sur l'affaire Garreth Anver Prince c. Afrique du Sud120(1) et d'autre part de la Communication 211/98 Legal Resources Foundation c. Zambie (2).

1 - La négation des interprétations restrictive de la doctrine de la marge d'appréciation et la prééminence du mandat de la Commission

Dans l'affaire Garreth Anver Prince c. Afrique du Sud, le plaignant, un Sud Africain, adepte de la religion rastafari s'était vu refuser l'enregistrement de son contrat de travail à titre d'intérêt public par l'Ordre des avocats du Cap de Bonne Espérance. Le refus était motivé par sa double condamnation pour possession de cannabis au titre de la loi sur la possession et le trafic des drogues. Le plaignant maintenait sa volonté de continuer à consommer du cannabis en raison de ses convictions religieuses sur les vertus de l'herbe. L'affaire avait été examiné par les tribunaux sud africains qui donnèrent raison, au regard de la Constitution, à l'Ordre. La Cour constitutionnelle sud africaine, lors de son jugement avait « établi un juste milieu entre les intérêts opposé dans la société tout en restant consciente du contexte historique et du caractère unique de la société sud africaine. ». Le problème semblait délicat puisque l'Etat défendeur, qui était l'Afrique du sud, avait fait remarquer à la Commission qu'en prenant « une décision qui serait en contradiction avec celle prise par un organe judiciaire hautement appréciée, cela sèmerait inévitablement les germes d'un conflit éventuel entre les systèmes judiciaires nationaux et internationaux et perturberais le juste équilibre entre les nouveaux systèmes des droits de l'homme des États membres de l'UA ».

L'État défendeur, avait prétendu qu'« en utilisant les mêmes sources du droit international que les tribunaux sud africains, la Commission africaine parviendra aux mêmes conclusions que ceux des tribunaux nationaux sud africains ».Il avait été recommandé à l'organe de recourir à deux méthodes d'interprétation afin de rendre pacifique la coexistence entre le

119 Com 268/2003 Ilesanmi c. Nigeria.

120 Toutes les références jurisprudentielles citées dans ce sous paragraphe sont tirées de la Com 255/2002 sur l'affaire Garreth Anver Prince c. Afrique du Sud à l'exception des revoient explicitement évoqués.

système judicaire de l'État défendeur et la Charte africaine. Les deux méthodes se rapportaient au principe subsidiaire et à la doctrine de la marche d'appréciation121

Pour la Commission, les deux doctrines établissent la compétence et les devoirs de l'État défendeur dans la mise en oeuvre de la Charte dans l'ordre interne. Ils justifient l'obligation qu'à le plaignant d'épuiser les recours internes prescrit par la Charte. S'il est vrai qu'elles autorisent aux États membres d'introduire des restrictions, il doit être remarqué que les États procèdent à des interprétations restrictives lesquelles ne doivent en aucun cas remettre en cause la prééminence du mandat de la Commission.

Ces interprétations consistent à élargir le champ de la compétence des autorités nationales et à l'inverse amoindrir celui de la Commission. Selon elle, de telles interprétations si elles ne sont pas rectifiées « équivaudraient à déposséder la Commission africaine de son mandat de suivi et de supervision, de la mise en oeuvre de la Charte africaine ». Elles sont donc à proscrire et l'entendement de la Commission sur la question participe à conforter le primat de son mandat.

En matière de coordination entre les systèmes judiciaires nationaux et l'ordre international le rôle de la Commission est clair. Il consiste à «guider, assister, superviser et inciter les États membres à acquérir des normes plus élevé en matière de promotion et de protection des droits de l'homme ». La doctrine du principe subsidiaire et celle de la marge d'appréciation partent de la présomption que les États membres ont donné plein effet aux droits énoncés par la Charte. Nonobstant la discrétion dont jouissent tous les États membres du fait de ces doctrines « elles ne dénient pas à la Commission africaine son mandat ». Il reviendra à celle-ci de se prononcer si les restrictions à apporter aux libertés et droits de l'homme sont compatibles avec la Charte. Pour ce faire elles se réfèrent a l'article 27(2) qui énonce clairement que les droits garantis par la

121 La Commission a reconnu avec l'État défendeur que la doctrine du principe subsidiaire « guide la Charte africaine comme tout autre instrument des droits internationaux et ou régionaux des droits de l'homme par rapport à son organe de supervision respectif créer a cet effet ». Des lors, les compétences de supervision de l'organe subsidiaire qu'est la commission doivent être exercées dans un cadre restreint par le choix des moyens employés par l'État pour donner vie à la Charte dans l'ordre interne. En effet, la Commission ne devrait en aucun cas « se substituer aux institutions nationales dans l'interprétation et l'application de la législation nationale». Elle ne peut remplacer les procédures internes et nationales trouvées dans l'État défendeur pour mettre en oeuvre la promotion et la protection des droits de l'homme et des peuples prescris par la Charte. Il s'agit d'une construction théorique qui « guide la Commission africaine en ce sens qu'elle considère l'État défendeur comme mieux disposé à adopter des politiques, lignes directrices et règles nationales relatives à la promotion et la profession des droits des peuples ». Elle s'explique par le fait que, l'État connait très bien les besoins et les défis de sa société mieux que la Commission. Quant à la marche d'appréciation, elle est une faculté de discrétion dont jouit l'État dans l'application des droits de l'homme .Elle oblige l'organe de supervision à ne pas examiner les communications in abstracto, mais plutôt à la lumière spécifique de l'État défendeur..

Charte « doivent être exercés en tenant dûment compte des droits des autres, de la sécurité collective, de la moralité et de l'intérêt commun ». Aussi, « les restrictions éventuelles doivent être fondées sur l'intérêt légitime de l'État et les conséquences néfastes de la restriction des droits doivent être strictement proportionnelles et absolument nécessaires pour les avantages à obtenir » (§43). Cette position a prévalu dans le cas Garreth puisque les restrictions étaient compatibles et ne violent aucun droit de la Charte.

Par ailleurs, la Commission par la technique de « l'emprunt interprétatif », assure à travers sa jurisprudence l'harmonisation des jurisprudences nationales.

2 - La règle de l'épuisement des voies de recours internes comme instrument de coordination et d'harmonisation de la jurisprudence nationale et internationale des droits de l'homme.

La commission a fait valoir que la règle de l'épuisement des voies de recours internes
« renforce également la relation subsidiaire et complémentaire existant entre le système
international et les systèmes de protection internes. »122
A travers les juridictions nationales,
l'épuisement des voies de recours internes contribue à l'arrimage des législations nationales au
standard commun qu'est la Charte. L'invocabilité de la jurisprudence de la Commission dans
l'ordre interne participe de ce qui a été appelé « le dialogue des juges entre ordres juridiques », à
l'échelle internationale, entre l'ordre juridique conventionnel africain et l'ordre juridique interne.
Dans l'affaire Legal Resources Foundation c. Zambie, la Commission était appelée à se
prononcer sur la légitimité d'une loi portant modification de la Constitution zambienne aux fins
inavouées de priver l'ancien Président Kenneth Kaunda du droit de candidature aux élections
présidentielles. L'organe de Banjul avait alors fait valoir qu'« un organe créé en vertu
d'instruments internationaux comme la Commission n'a aucune compétence pour interpréter ou
appliquer le droit national. Par contre, un organe comme la Commission peut examiner le
respect d'un traité par un État et donc, dans le cas d'espèce, le respect de la Charte Africaine.
Autrement dit l'exercice consiste à interpréter et à appliquer la Charte africaine plutôt que de
tester la validité du droit national
».123 Ces précisions faites, la Commission avait alors « opérer

122Com 299/2005 Anuak Justice Council c. Ethiopie 123Com 211/98 Legal Resources Foundation c. Zambie

un véritable coup de force institutionnel »124en affirmant que : « Lorsque la Commission estime qu'une mesure législative est incompatible avec la Charte Africaine, son avis oblige l'État concerné à rétablir la conformité dans le respect des dispositions de l'article 7 ».125 Une telle interprétation de sa compétence équivaudrait à inviter indirectement la juridiction constitutionnelle zambienne, à travers le contentieux interne des droits de l'homme, à donner des interprétations évolutives de la constitution qui prennent en compte la Charte. Cette perspective, semble être le seul moyen d'éviter des jugements contradictoires entre les juridictions nationales et la Commission de Banjul. En effet, si l'individu doit rechercher la réparation de la violation auprès des juridictions nationales, les États, et les juridictions nationales, doivent également, chercher à éviter une sanction de la Commission. Ils ne peuvent y parvenir qu'en appliquant un droit interne qui reflète et, s'inspire des principes et de la jurisprudence de la Commission. Il ya de ce fait une incitation de la jurisprudence de la Commission à l'endroit du juge national à appliquer le droit interne de manière compatible avec la jurisprudence de la Commission. En influençant l'interprétation même de la loi fondamentale des États, la Commission s'assurer

d'une certaine façon, qu'aucune norme interne ne puisse échapper à un contrôle de compatibilitéavec les dispositions de la Charte. Ce contrôle de la portée des dispositions constitutionnelles

nationales, permet à la Commission de forger bien qu'elle s'en défende, un standard africain qui gomme progressivement les identités juridiques des États.

Du fait qu'elle intervient avant toute décision au fond, la règle de l'épuisement des voies de recours internes participe, peut-être encore plus, sinon autant que le contenu « matériel » des décisions au fond, à l'harmonisation des droits nationaux autour du standard commun qu'est la Charte126. Cette règle est un « mécanisme boomerang »127, qui instaure une forme de coopération, être les juridictions internes et la Commission aboutissant à une mutation du droit interne, conformément aux dispositions de la Charte. Elle constitue un facteur extérieur qui en induisant une modification du droit interne, fait du juge l'acteur essentiel de la standardisation de l'ordre juridique interne.

124Olinga (A-D), « Les emprunt normatifs de la Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples aux systèmes européen et interaméricain de garantie des droits de l'homme », op ci, p.517.

125Com 211/98 Legal Resources Foundation c. Zambie

126Sudre(F), « Existe-t-il un ordre public européen ? », in Quelle Europe pour les droits de l'homme ? La Cour de Strasbourg et la réalisation d'une « Union plus étroite » (35 années de jurisprudence : 1959-1994), Bruylant, Bruxelles, 1996, p. 49.

127Sudre (F), « L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme sur l'ordre juridique interne», R.U.D.H., 1991, pp. 259-274, p. 265.

Si la Commission a admis que la règle de l'épuisement des recours internes traduit le principe selon lequel la juridiction internationale est une instance supplétive, elle a par ailleurs validé le principe suivant lequel ces juridictions sont exclusivement des organes de derniers recours.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle