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La condition de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission africaine des Droits de l'Homme et des peuples

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par Josep Martial ZANGA
Université Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit international et communautaire 2008
  

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B - L'urgence : une dérogation provisoire à la règle

L'urgence peut s'entendre du « caractère d'une situation ou d'un état de faits ou de droit susceptible de causer ou de provoquer un préjudice irréparable ou difficilement réparable s'il n'est porté remède à bref délai ».269Habilitée par l'article 111 de son règlement intérieur, « la Commission africaine a en effet bâti et développé un régime juridique qui techniquement a tout le moins sacrifié pleinement au paradigme de la « culture d'urgence »270. Ce régime juridique conduit à écarter provisoirement l'épuisement des recours internes pour statuer sur la requête en mesure d'urgence. La procédure d'urgence est de manière indirecte une dérogation à la règle d'épuisement des recours internes. Elle n'est mise en oeuvre que dans des circonstances précises (1) et résulte sur l'édiction des mesures provisoires (2).

1 - Les conditions d'admission de l'urgence

Deux conditions nécessaires sont requises pour admettre la procédure d'urgence. D'une part, il faut qu'il y ait un cas d'extrême gravité, et d'autre part, que dans cette situation il existe un risque de préjudice irréparable. Ces conditions ont pour fondement commun la prise en compte du danger qui menace un intérêt ou un droit devant la longueur d'une procédure ordinaire271

La procédure d'urgence est donc fondamentalement préventive, même s'il est admis une urgence en réparation. Elle vise à prévenir l'irréparable dans une situation qui est actuelle.

269Guimdo Dongmo (B-R), le juge administratif Camerounais et l'urgence, recherche sur la place de l'urgence dans le contentieux administratif Camerounais, Thèse de Doctorat, Université de Yaoundé II - Soa, 2004, p. 18.

270Flauss (J.F), « Notule sur les mesures provisoires devant la Commission africaine des droits de l'homme et de peuples » Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme, n°55, 2003, p. 923.

271 Cossa (A), « L'urgence en matière de référé », Gazelle du Palais, 1955, 2, Doc, p.46.

Cette procédure est typiquement dérogatoire à la procédure normale qui écarte ainsi les règles ordinaires gouvernant l'instance, notamment, le préalable d'épuiser les voies de recours internes. Le plaignant qui l'invoque attend de la Commission qu'elle prononce des mesures provisoires.

2 - La portée des mesures provisoires

La Commission a noté que « lorsqu'il est allégé qu'un préjudice peut être causé à la victime, elle agit très rapidement pour demander à l'État de s'abstenir de prendre une quelconque action susceptible de causer un préjudice irréparable jusqu'à ce qu'elle détermine l'examen de l'affaire en profondeur ».272 Les mesures prises sont essentielles pour assurer une protection provisoire liée à l'urgence. La Commission africaine a pris des mesures provisoires portant pour la plupart sur des situations dans lesquelles il y avait menace sur la vie ou/et sur l'intégrité physique des victimes273. Statutairement, les mesures provisoires adoptées par la Commission ne sont revêtues d'aucune force obligatoire. Tout au plus sont elles assimilables à des recommandations274.

Après avoir pris ses mesures, la Commission peut statuer par la suite sur la recevabilité de la communication au titre de l'article 56(5) pour voir si le plaignant a tenté de recourir aux juridictions internes. Si tel n'est pas le cas, rien n'empêche l'organe de déclarer la communication irrecevable. Toutefois, lorsque les mesures n'ont pas été respectées et c'est très souvent le cas, le décès des victimes rend les recours internes forclos, la procédure d'urgence est donc une dérogation provisoire à l'article 56(5).

272Voir note, com.239/2001, Interrights (pour le compte de José Domingno Sikunda) c. Namibie. 273Ibidem, note 9, p.926.

274Lire à ce propos, Jean François Flauss, op cit, p. 926-927.

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

Dans un souci de constance, de régularité et de légalité, la Commission a été amenée à apporter une définition substantielle à la règle de l'épuisement des voies de recours internes. Il s'agissait d'une part, de définir un certain nombre de critères fondamentaux à l'application du principe. Parmi ceux-ci, un critère formel consistant aux modalités du contrôle de l'épuisement des recours internes et trois critères matériels inhérents au principe et préalables à sa mise en oeuvre notamment la disponibilité, la satisfaction et l'effectivité des recours à épuiser. Il s'agissait d'autre part, à travers une application flexible de la règle, de formuler de manière indicative et non limitative les différentes exceptions au principe. Celles-ci ont trait aussi bien aux circonstances exceptionnelles d'ordre politique et juridique et qu'aux circonstances personnelles du requérant. Cette définition fonctionnelle tient compte de la spécificité du contexte africain en matière de protection des droits de l'homme. Si elle guide la pratique de la règle par la Commission, elle est néanmoins appelée à s'enrichir. Il s'agit donc d'une définition en perpétuelle constitution à travers laquelle la Commission travaille à garantir le meilleur de la protection des droits de la Charte tant à l'interne qu'à l'international.

CONCLUSION GENERALE

Il a été question dans cette étude de rendre compte et d'analyser la façon dont la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples appréhende et applique la règle de l'épuisement des voies de recours internes ? Au terme de cette recherche, il y'a lieu d'affirmer, sinon de confirmer, que la pratique de la règle se fait sous un double aspect.

D'une part, en se référant au droit international coutumier et aux autres instruments internationaux de protection des droits de la personne humaine, la Commission réaffirme les fonctions traditionnelles de la règle. Il s'agit d'une simple opération d'emprunt au cours de laquelle l'organe de Banjul se limite à présenter lesdites fonctions de manière générale sans en justifier les fondements. La référence que fait la Commission au droit international général et au droit international des droits de l'homme invite à revisiter ces disciplines. Il se dégage alors que la Commission admet et réaffirme le principe de la subsidiarité des organes internationaux de protection des droits de l'homme dont le corollaire est la primauté des juridictions nationales en matière de contentieux des droits humains. A travers ces principes reconnus dans la jurisprudence de la Commission, la règle vise à ménager la souveraineté des États, à garantir l'effectivité des droits de la Charte dans l'ordre interne, à préserver le rôle supplétif des juridictions internationales, ainsi qu'a permettre la célérité du règlement en évitant les contraintes auxquelles sont tenues de telles juridictions dans un contexte particulier comme celui de la protection des droits de l'homme.

D'autre part, bien qu'il existait également une définition matérielle pourvue par le droit international général et les autres mécanismes de protection des droits de l'homme la Commission, s'est limité à s'en inspirer pour élaborer par elle-même une définition substantielle de la règle. Cette option se justifie par les particularités du contexte africain, qui orientent à une interprétation adaptée aux réalités des États africains plutôt qu'une duplication artificielle d'un standard d'application emprunté à d'autres systèmes. Cette définition substantielle porte sur une édiction restrictive des conditions d'application du principe et une énonciation extensible des exemptions. Elle permet d'affirmer que la Commission procède de manière systématique au contrôle de l'épuisement des recours internes, lesquels doivent au préalable, être disponibles satisfaisants et effectifs, au risque de voir le principe écarté comme lorsqu'il est démontré des circonstances exceptionnelles d'ordre politique et juridique, ou relative à la situation personnelle du requérant.

Ainsi, au moyen d'une méthode de raisonnement dialectique la Commission à déterminer la définition de la règle de droit à la lumière du but poursuivi. Par cette définition la Commission a soupesé de manière concrète et détaillée les intérêts opposés afin de mesurer la conformité de leurs effets respectifs par rapport au but poursuivi. Une telle interprétation et application pro victima laisse tout de même certaine critique. On lui reproche « une acceptation assez généreuse des règlements à l'amiable y compris sous déclaration unilatérale de l'État défendeur ; alors que dans le contexte africain les victimes sont dans une situation particulièrement vulnérable ».275

Cette construction jurisprudentielle d'une définition fonctionnelle et matérielle de la règle a le mérite de satisfaire au double souci d'une jurisprudence constante et d'une absence de formalisme excessif dans l'application du principe. Elle constitue une véritable ligne directrice. La jurisprudence de Banjul rend compte de ce qu'« en interprétant et en appliquant la Charte africaine, la Commission se fonde sur les précédents juridiques de plus en plus nombreux créés par ses décisions prises sur presque quinze ans environ ; elle doit également se conformer à la

Charte africaine, aux normes internationales des droits de l'homme définies dans la Charte quicomprennent les décisions et commentaires généraux des organes des Nations Unies créés par

traités (article 60). Elle doit également tenir compte des principes de droit définis par les États parties à la Charte africaine et aux pratiques africaines, conformément aux normes et critères internationaux (article 61) »276.

A travers cette définition doublement dissuasive de la règle, tant pour les plaignants que pour les États, la Commission assure une protection préventive au seul seuil de la recevabilité des communications. S'il est vrai que cette définition s'harmonise avec l'ensemble de la pratique de la règle devant les autres mécanismes de protection des droits de l'homme, il reste tout autant vrai que ces mécanismes ont apporté des interprétations évolutives de la règle qui devraient inspirer la Commission. Rappelons par exemple à cette fin, que la Commission interaméricaine a choisi de présumer l'épuisement des recours internes, laissant aux États mis en cause le soin d'évoquer la question.277Il y' a là un exemple qui cadre bien avec le contexte africain où les systèmes judicaires ont des sérieuses difficultés à garantir le droit à un procès équitable.

Par ailleurs, bien qu'il semble que l'actuel attelage Cour/Commission, et la future Cour africaine de justice et des droits de l'homme et des peuples, ne devraient pas nécessairement

275Abdelgawad (E.L), « La Charte Africaine des droits de l'homme », op cit, p.122-123.

276Com218/98 Civil Liberties Organisation, Legal Defence Centre, Legal Defence and Assistance Projectc. Nigeria 277Guide pour comprendre et utiliser la Cour Africaine des Droits de l'Homme, p. 52.

conduire à des revirements de jurisprudence quant au contenu de l'épuisement des voies de recours internes tels précisé par la Commission. Il est nécessaire que le nouveau régionalisme africain de protection des droits de l'homme à travers la force obligatoire de ces jugements, amène les États à garantir la bonne administration de la justice. Ceci suppose, qu'il ne devrait pas se limiter à défendre à tout prix le statut quo. Mais plutôt, qu'il devra faire avancer la jurisprudence des droits de l'homme en Afrique à travers des interprétations évolutives de la règle. Autrement dit, il devra être plus sensible à la précarité de la situation des justiciables africains devant les violations de leurs droits par les gouvernements.

Ce faisant, la règle procédurale de l'épuisement des voies de recours internes, produira des effets matériels et normateurs, par la médiation du juge national et international, respectivement juge de droit commun et juge d'exception en matière de droits de l'homme.

BIBLIOGRAPHIE

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote