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La condition de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission africaine des Droits de l'Homme et des peuples

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par Josep Martial ZANGA
Université Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit international et communautaire 2008
  

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SECTION I : UNE CONSÉCRATION TACITE DU PRINCIPE DE LA
SOUVERAINETÉ DES ÉTATS

Sans nécessairement employer le terme souveraineté, la Commission semble d'avis avec la doctrine et la pratique internationale que la règle de l'épuisement des voies de recours tend à

43 Com 299/2005 Anuak Justice Council / Ethiopie

44Com. 27/89, 46/90, 49/91, 99/93 Organisation Mondiale contre la Torture et l'Association Internationale de Juristes Démocrates, Commission Internationales de Juristes (CIJ), Organisation Mondiale contre la Torture, Union Interafricaine des Droits de l'Homme/Rwanda

45Pettiti (L E), Decaux (E), Imbert (P-H), op cit, p.592

ménager la souveraineté des États. Cette consécration de la souveraineté des États par la Commission a consisté à reconnaitre avec l'ensemble des juridictions internationales, et à travers la volonté de donner d'abord à l'État l'opportunité de redresser les tors allégués, le principe fondateur qu'est la souveraineté (Paragraphe I). Toutefois la Commission a concomitamment reconnue que la règle de l'épuisement des recours internes permettait de restreindre la mise en jeu de la responsabilité des États (Paragraphe II).

Paragraphe I : Le respect de la juridiction souveraine des États.

La commission affirme clairement que la règle de l'épuisement des recours internes a pour justification de permettre à l'État qui a violé les droits de l'homme « d'avoir l'opportunitéde pouvoir les redresser ».46. Cette volonté de rendre la sanction nationale prioritaire tient des

considérations relatives à la souveraineté des États. Celles-ci ont été développées en droit international coutumier (A) et le principe à été consacré par les autres instruments internationaux des droits de l'homme (B) auxquelles la jurisprudence de la Commission fait largement référence

A - La référence aux fonctions de la règle en droit international
général

L'art 97(c) dispose que « La Commission n'examine une communication que dans la mesure où : La Commission s'est assurée que tous les recours internes disponibles ont été utilisés et épuisés, conformément aux principes de droit international généralement reconnus ». Pour la Commission, l'épuisement des voies de recours internes est un « principe adopté par la Charte Africaine comme par le droit coutumier international ».47Le préalable d'épuiser les recours internes a en effet, d'abord été développé en droit des gens. Cette règle, bien ancrée dans le contentieux international fait désormais partie des règles coutumières48. Certes, il est difficile de dire au regard du phénomène de la conventionalisation du droit coutumier et celui de la coutumièrisation du droit conventionnel si c'est la grande référence à cette règle dans les traités

46Com 54/91, 61/91, 98/93, 164-196/97 et 210/98, Malawi African Association, Amnesty International, Mme Sarr Diop, Union Interafricaine des Droits de l'Homme et Rencontre Africaine des Droits de l-Homme, Collectif des Veuves et Ayants Droit et Association Mauritanienne des Droits de l'Homme c. Mauritanie, 13eme Rapport d'activité.

47Com 249/2002 Institut pour les Droits Humains et le Développement en Afrique pour le compte des Réfugiés Sierra-léonais en Guinée / République de Guinée

48 Affaire de l'Hinterland Hinterland (Suisse. c. États-Unis), Exceptions préliminaires, CIJ 27 Mars 1959, REC CIJ 1959, p.27.

qui a conduit à sa reconnaissance en droit coutumier ou si la reconnaissance conventionnelle n'a fait que suivre une règle coutumière bien établie. En droit international général, deux régimes permettent de rendre compte de cette consécration. Il s'agit d'une part de l'arbitrage international et d'autre part du mécanisme de la protection diplomatique (2). Il importe néanmoins pour mieux comprendre les principes que la règle vise à garantir, de présenter brièvement la notion de souveraineté qui en est le fondement. (1)

1 - Le principe de souveraineté en droit international général

Selon Carré de Malberg, la souveraineté est une notion française à l'origine qui apparaît au moyen âge « où elle a d'abord eu un simple rôle comparatif et servait à désigner le caractère d'une autorité qui est supérieure à une autre pour se spécifier dès le XVIème siècle dans un rôle superlatif où elle ne servait plus qu'à désigner le caractère d'une autorité qui ne relève d'aucune autre et n'admet aucune puissance supérieure ».49 Elle apparaît ainsi comme une construction théorique qui sert à affranchir le roi de l'omnipotence divine, c'est-à-dire, à substituer à la souveraineté de Dieu celle du suzerain.50 Devenue au fil des ans un concept juridique autonome, elle se traduit par ces deux aspects que sont une supériorité absolue au-dedans et une indépendance complète au dehors.

Dans son premier aspect, il s'agit de la possibilité qu'à l'État souverain d'imposer sa volonté à l'intérieur de son territoire, non seulement aux individus, mais à tout groupement publique et ou privé. La souveraineté interne est un « pouvoir de droit originaire et suprême » (Jules Laferière). Envisagée sous l'angle de la compétence étatique, elle se résumerait à l'exclusivité de la compétence, l'autonomie de la compétence, et la plénitude de la compétence. C'est au nom de ce pouvoir supérieur et originaire que l'État déciderait lui-même de sa propre organisation. La souveraineté assoit l'autorité de l'État, se définissant comme les attributs essentiels de l'État, qui lui permettent d'influer directement les politiques sociales, économiques et culturelles d'un groupe identifier de citoyens.

Il appartient donc à l'État de définir le régime des libertés publiques qui s'applique sur son territoire et à sa population. La souveraineté interne implique donc qu'aucune autre autorité ne peut jouir et exercer quelques compétences que ce soit sur le territoire de l'État souverain. Elle

49Benyekhlef (K), « internet : un reflet de la concurrence des souverainetés », lex electronica, vol 8, n° 1 automne 2002, p.6.

50Ibidem, p.7

implique l'exclusivité de juridiction, postulat qui s'applique à tout État. Cette souveraineté absolue au-dedans est complétée par une indépendance totale au dehors.

Le second aspect quant à lui, part de la doctrine que la prééminence du pouvoir étatique se traduit par l'absence de toute sujétion à l'égard d'autres États ou de toute autre autorité. La souveraineté externe est donc la liberté qu'a l'État d'agir sans contrainte extérieure. C'est ce que consacrer l'article 2 de la Charte des Nations Unies qui reconnaît un principe d'égalité souveraine entre États. L'État, n'est pas soumis à un droit Extérieur à lui-même. La paix de Westphalie aura ainsi constitué la naissance d'un ordre international fondé sur la pluralité d'États indépendants qui ne connaissent aucune autorité supérieure à eux. L'Assemblée Générale des Nations Unies condamne depuis 1965 les atteintes à la souveraineté de l'État à travers sa « déclaration pour l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté. » Celle-ci proclame Qu'« aucun État n'a le droit d'intervenir directement ou indirectement pour quelques raisons que ce soit dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre État »51. Ainsi pour qu'un État intervienne dans une affaire qui relève de la compétence première des juridictions d'un autre État, il est nécessaire que cette intervention soit antérieure à l'épuisement des recours internes.

Certes, la souveraineté n'est pas une donnée figée, inaltérable et transcendante. Elle est simplement un concept médiateur du pouvoir et de la force. Des ses origines, la notion s'est transformée pour passer du ciel à la terre, et aujourd'hui encore, le concept est en pleine mutation, puisque les États reconnaissent en même temps les limites imposées par le droit international.

2 - Le rôle de la règle dans la pratique de l'arbitrage international et de la protection diplomatique.

La pratique de l'arbitrage internationale et celle de la protection diplomatique suffisent à démontrer que la règle est un principe bien établi de droit international ayant une justification certaine.

Pour ce qui est de l'arbitrage international, l'article 37 de la Convention de la Haye du 18 octobre 1907 pose clairement que, « l'arbitrage international a pour objet le règlement des

51Résolution 2131 (XX) AG /NU

litiges entre les États par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit. » La pratique de l'arbitrage international52 a prospéré dans le domaine des investissements étrangers53.

Dans les cas de règlement des litiges entre deux États ou un État et un particulier, investisseur étranger, l'épuisement des recours internes est de règle. Il permet de réduire la portée du contentieux des investissements étrangers. C'est une application directe de la doctrine Calvo (1865) dont les postulats sont les suivants : les étrangers ne peuvent pas revendiquer du pays d'accueil plus de droits que les nationaux, spécialement en ce qui concerne la liquidation des dommages subis ; en conséquence, le pays d'origine ne peut pas intervenir dans ce sens en faveur de son citoyen ; au contraire, les étrangers restent soumis exclusivement au droit matériel et à la juridiction de l'État d'accueil.54 Ce n'est qu'après avoir épuisé les recours internes qu'ils peuvent évoquer la protection diplomatique de leur État.

Concernant la protection diplomatique55, le projet d'articles sur la protection diplomatique bien que n'étant pas rentré dans le droit positif, joue un rôle normatif incontestable. Élaboré par la Commission de droit international sous les auspices des Nations Unies, il sert de référence à plus de 150 États parties à la Charte des Nations Unies. En son article 14, il est explicitement reconnu que « l'État de la nationalité ne peut formuler une réclamation internationale à raison d'un préjudice causé à une personne ayant sa nationalité ou une autre personne visée dans l'article 8 avant que la personne lésée ait sous réserve de l'article 16 épuisé

52L'arbitrage international repose avant tout sur le consentement et la confiance des parties. L'arbitrage est le plus souvent rendu par un organe ad hoc établis pour le règlement d'un litige généralement pour une durée indéterminée. Les parties peuvent néanmoins, ce qui est très rare, confier l'arbitrage à un organe permanant qui a d'autres compétences. C'est l'exemple du traité de paix de 1947 qui charge l'Assemblée Générale des Nations Unies comme arbitre pour fixer le sort des colonies italiennes. L'organe ad hoc d'arbitrage peut avoir la forme juridique d'un arbitrage unipersonnel ou d'un arbitrage collégial par commission ou par tribunal

53 La plupart des conventions bilatérales d'investissement exige l'épuisement des voies de recours internes dans un délai précis, celui-ci varie de trois mois à deux ans et plus. A titre d'exemple, la convention sur le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États, prescrit que si les parties s'accordent à soumettre le litige au CIRDI (Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements), l'étranger doit préalablement épuiser les recours internes, à moins qu'une disposition particulière en dispose autrement. (Convention CIRDI art 26, 18 mars 1965). Les parties peuvent s'accorder à écarter cette exigence avant la saisine du tribunal arbitral.

54Calvo (C), Le droit international théorique et pratique, vol II, 5eme édition, Paris 1896, p.348-349, voir également Shea(D), The Calvo Clause : A problem of Inter-American and International Law, Minneapolis 1955, p.16-20.

55 L'article 1er du projet d'articles sur la protection diplomatique définit la protection diplomatique comme consistant

dans « le recours à une action diplomatique ou à d'autre moyens de règlement pacifique par un État qui prend fait et cause en son nom propre pour l'une des personnes ayant sa nationalité en raison d'un préjudice subit par cette dernière, découlant d'un fait internationalement illicite d'un autre État ». Ce faisant, l'État exerce son droit de s'assurer par la personne des ses sujets le respect du droit international public. Ce mécanisme fonctionne sur deux piliers : la nationalité du requérant ou de la victime, et l'épuisement des voies de recours internes.

tous les recours internes ». La règle fait échec à l'applicabilité de la protection diplomatique devant une instance internationale, jusqu'à ce que le règlement national soit épuisé. Il s'agit d'un usage, non pas partiel mais complet et exhaustif des voies de recours internes. La règle assure l'égalité des étrangers devant la loi nationale et les tribunaux devant lesquels les nationaux ou l'État ont été accusés.

Dans l'affaire Hinterland qui opposa la Suisse aux États-Unis, exception préliminaire, le juge international en l'occurrence, celui de la CIJ avait reconnu que « la règle selon laquelle les recours internes doivent être épuisés avant qu'une procédure internationale puisse être engagée est une règle bien établie du droit international coutumier ». Pour la Cour, « les motifs sur lesquels se fonde la règle de l'épuisement des voies de recours internes sont les mêmes, qu'il s'agisse d'une Cour internationale, d'un tribunal arbitrale ou d'une Commission de conciliation». 56Ces motifs se résument à la garantie de l'exercice plein et entier de la souveraineté de l'État territorial sur les individus se trouvant sur son territoire. Comme l'a fait valoir le juge Cordova dans son opinion dissidente à l'occasion de l'affaire Hinterland, l'existence de cette règle tient de « la nécessité absolue d'harmoniser les juridictions internationales et nationales assurant ainsi le respect dû à la juridiction souveraine des États (...) L'on parvient à cette harmonie, à ce respect de la souveraineté des États, en accordant priorité à la juridiction des tribunaux internes de l'État » 57

Au delà de la compétence de la juridiction, l'exception préliminaire du préalable d'épuiser les voies de recours internes doit être d'abord considérée comme dirigée contre la recevabilité de

la requête. La Cour prend acte du fait que, cette règle a été généralement observée dans le cas un État prend faits et cause pour son ressortissant dont les droits auraient été lésés dans un autre

État en violation du droit international. Elle affirme de façon péremptoire que « La règle subordonne l'action judicaire internationale à l'épuisement préalable des recours internes ».

Il ne fait pas de doute qu'en droit international général, la finalité de la règle d'épuisement des voies de recours internes est de ménager la souveraineté des États. Il en est de même en droit international des droits de l'homme.

56Affaire de Hinterland (Suisse. c. États-Unis), Exceptions préliminaires, CIJ 27 Mars 1959 ; voir également Aff. des Concessions Mavrommatis en Palestine (Grèce c. Grande-Bretagne) CPJI 30 Aout 1924 Ser. A.

57 Affaire de l'Hinterland, opinion dissidente du juge Cordova, Recuiel CIJ, 1959, p.45.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus