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La reformulation Rawlsienne des principes de la justice

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par Pénéloppe Natacha MAVOUNGOU
Institut catholique de Toulouse - Master 2 de philosophie 2011
  

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Chapitre 2 : Les principes rawlsiens de la Justice.

Section 1. Le principe d'égale liberté : présentation et signification.

Le premier principe de justice est considéré comme un principe d'égale liberté. Il nous faut, avant de considérer la valeur de la liberté, donner une idée de ce que Rawls entend par égalité lorsqu'il l'inclut dans le premier principe de justice, alors qu'elle semble liée à des questions d'ordre économique. Répondant à la question de savoir en quoi les citoyens peuvent êtres considérés comme égaux, Rawls affirme :

On peut les concevoir comme égaux dans la mesure où ils sont tous considérés comme possédant, au degré minimum essentiel, les facultés morales nécessaires pour s'engager dans la coopération sociale pendant toute leur vie, et pour prendre part à la société en tant que citoyens égaux. Nous tenons la possession de ce degré de facultés pour la base de l'égalité entre les citoyens conçus comme des personnes143(*).

Pour cerner l'idée sous jacente de cette affirmation de Rawls, il est important de ne pas oublier que la théorie de la justice comme équité est une théorie conçue pour une société démocratique. Ce qu'il précise à partir de 1987. Son souhait est en outre de fonder une base morale pour ce type de société car, il estime que la base de l'égalité constitue un minimum de capacité morale pouvant permettre aux citoyens de participer à la vie de la société. C'est pourquoi, dans la situation de départ, tous les partenaires devant participer au choix des principes ont pour base l'égalité des droits. Cette idée d'égalité, au sein du premier principe se comprend davantage en lien avec la liberté.

La liberté est un concept complexe à définir. Mais son caractère incontournable en philosophie politique mérite que l'on y jette un coup d'oeil rapide. Il est certes difficile de déterminer à quel moment un être est libre ou à quel moment il ne l'est plus. Pourtant, la liberté est, en général, considérée comme l'état d'une personne qui n'est pas soumise à une quelconque servitude. Elle donne à chaque être humain la possibilité d'agir selon ses propres choix. Rawls ne déroge pas à cette vision de la liberté qui, tout en étant inhérente à la nature humaine, est une faculté qui commande à l'homme de ne pas faire ce qui va à l'encontre de la loi. La liberté doit toujours tenir compte d'autrui. Aussi Rawls, donne-t-il quelques lignes de la condition de l'exercice de cette liberté :

J'étudierai la liberté en rapport avec les restrictions constitutionnelles et légales [...] Dans ce contexte, des personnes ont la liberté de faire quelque chose si elles sont libres vis-à-vis de certaines contraintes soit de le faire, soit de ne pas le faire et quand leur action (ou leur abstention) est protégée de l'ingérence d'autres personnes144(*).

Dans la position originelle, les individus, recouverts du voile d'ignorance, n'ont aucune idée des positions sociales les uns des autres, puisqu'ils ignorent jusqu'à leur propre situation. La seule chose, c'est la liste des biens premiers qu'ils possèdent et que Rawls définit comme « des conditions sociales et des instruments polyvalents variés qui sont généralement nécessaires pour permettre aux citoyens de développer et d'exercer pleinement leurs deux facultés morales145(*) de façon adéquate, et de chercher à réaliser leur conception déterminée du bien »146(*). Ce qui veut dire que chaque personne a besoin des biens premiers en ce sens qu'ils sont nécessaires dans la structure de base de la société. Ces biens sont à penser dans le contexte d'une conception politique de la justice qui considère les personnes comme des « citoyens et des membres pleinement coopérants de la société, et non pas simplement vus indépendamment de toute conception normative »147(*).

Théorie de la justice donne trois formulations de ce principe148(*). Mais ce qui intéresse ce chapitre, c'est précisément la reformulation présente dans La justice comme équité qui stipule que « chaque personne a une même prétention indéfectible à un système pleinement adéquat de libertés de base égales, qui soit compatible avec le même système de libertés pour tous »149(*). Le contenu est certes le même, mais la présence de nouveaux concepts et expressions montre que l'auteur voudrait préciser et montrer la nature incontournable de ce principe. Il est important de constater que dans cette reformulation Rawls introduit tout d'abord « prétention » et « indéfectible » qui disent l'importance qu'il accorde à ce principe de liberté, de même que son caractère irrévocable. Chaque humain a le droit de revendiquer la liberté qui est un privilège pour chacun et qui ne se flétrit pas. La version anglaise du premier principe affirme : « Each person has the same indefeasible claim to a fully adequate scheme of equal basic liberties wich scheme is compatible with the same scheme of liberties»150(*). Le terme anglais « indefeasible » exprime l'important rôle de ce principe puisqu'il signifie en français « irrévocable ». Par conséquent on pourrait dire que pour John Rawls, chaque être humain a le plein droit, et ce de manière irrévocable, de revendiquer l'égalité des libertés de bases, au sein de n'importe quel système. Il y a, en outre, la présence de l'expression « système pleinement adéquat de libertés de base égales pour tous », qui marque un tournant considérable, par rapport à Théorie de la justice qui parle de « système le plus étendu  de libertés de base ». La nouvelle expression signifie que la solution proposée par Rawls, à travers l'idée de position originelle, constitue une distribution satisfaisante et montre que les libertés de base peuvent être garanties de manière cohérente. Alors que la première expression (celle de Théorie de la justice) est très limitée et pas assez claire pour prétendre à une combinaison des libertés.

Le premier principe reformulé donne une idée de ce en quoi consiste la liberté. D'abord il faut noter que cette liberté, dans le contexte de Rawls, ne consiste pas à nuire à autrui, mais plutôt à le considérer comme un autre soi-même. Ensuite, cette idée de liberté rejoint ce que dit l'adage : « Ma liberté s'arrête là où commence celle des autres ». Ce qui voudrait dire que, dans l'exercice de sa liberté, l'individu doit savoir que tous les autres membres qui partagent la vie sociale avec lui doivent jouir des mêmes droits que lui, c'est pourquoi, en présence des autres, c'est-à-dire dans la société, il doit toujours avoir des limites.

Un autre aspect de cette reformulation, c'est l'insistance de Rawls sur le fait que les libertés forment un système, un ensemble de droits compatibles entre eux. Ceci voulant dire que les libertés et les droits forment un système uni et qu'aucun droit ni aucune liberté ne peut prétendre être au-dessus des autres libertés ou droits, et aussi que chaque humain doit disposer de la même liberté que les autres. C'est pourquoi, introduisant l'idée des libertés de base, il les définit comme des libertés fondamentales que possède tout être humain et qui en aucun cas ne peuvent dépendre d'une réalité autre que la liberté, car elles ne peuvent être limitées qu'au nom de celle-ci. Dans Libéralisme politique, Rawls pose la question fondamentale qui détermine ce qu'il entend par libertés de base : « Quelles sont les libertés qui constituent des conditions sociales essentielles permettant le développement adéquat et le plein exercice des deux facultés de la personnalité morale au cours d'une vie complète ? »151(*). On pourrait dire à la suite de cette interrogation que les libertés de base ce sont des libertés liées à des individus au point qu'elles ne peuvent être violées ni par les autres, ni par l'État. Ce sont donc des libertés qui concernent ce qui est essentiel pour l'épanouissement de la personne humaine. Pour les raisons qui viennent d'être énumérées, Rawls s'emploie, au début de la deuxième partie de La Justice comme équité, à dresser la liste des libertés de base en s'appuyant sur les dimensions historique et analytique.

Une liste des libertés de base peut être établie de deux manières. L'une est historique et consiste à passer en revue des régimes démocratiques variés pour mettre au point une liste de droits et de libertés qui semblent fondamentaux et qui sont efficacement protégés dans ce qui apparaît historiquement comme les meilleurs régimes [...]Une seconde manière de procéder est analytique : nous cherchons quelles libertés fournissent les conditions politiques et sociales qui sont essentielles pour le développement adéquat et le plein exercice des deux capacités morales caractérisant les personnes libres et égales152(*).

Rawls s'appuie sur ces deux aspects d'abord pour montrer qu'aucune conception de la liberté n'a été inventée par lui et qu'il se fonde sur la tradition historique (philosophes et politique, constitutions et déclarations universelles des droits humains) pour préciser sa conception de la liberté. Ensuite il voudrait montrer que toute société dans son organisation devrait prendre en compte la notion de liberté en tant qu'elle constitue un ensemble de libertés susceptibles de participer à l'organisation de la structure de base de la société. Puis de faire comprendre que les libertés doivent aboutir au « respect de soi », car les deux capacités morales dont il est question ici sont le sens de la justice et la conception du bien153(*). Finalement un individu ayant ces deux capacités ne peut en aucun cas sacrifier le respect de soi pour un intérêt économique ou social quelconque, car il est prédisposé, grâce à ses facultés, à s'engager dans la coopération sociale bénéfique pour lui et pour les autres membres de la structure de base de la société.

Le principe d'égale liberté est celui qui concerne les aspects du système social chargé de définir les libertés fondamentales telles qu'elles doivent se donner libre cours dans la structure de base. Dans la position originelle, les personnes ignorent leur situation personnelle et sociale dans la société. « Nous partons d'une situation de non-information, et nous n'introduisons que des informations nécessaires pour que l'accord soit rationnel, mais suffisamment indépendant des circonstances historiques, naturelles et sociales »154(*). Néanmoins, bien au-delà de leur particularité, les personnes ont une idée de ce qui est utile et nécessaire pour l'accomplissement de leur vie en société. La position de non-information dont il est question est l'équivalent de ce que Rawls appelle « le voile d'ignorance». Le moins qu'on puisse dire est que, d'après lui, les personnes, au moment de choisir des normes qui vont régir la structure de base, commencent par énoncer un premier principe susceptible de garantir leurs libertés civiles.

Rawls explique son choix des libertés de base en soulignant que leur statut spécial de libertés de base leur confère une priorité, et c'est ce qui fait que, parmi les libertés de base, on ne retrouve que les libertés fondamentales. Les autres libertés non contenues dans les libertés de base sont prises en compte, une fois les principes de la justice satisfaits. Rawls estime que, au sujet de ces libertés, Théorie de la Justice reste très limitée. Il critique l'idée d'une étendue de liberté de base qui selon lui n'est utile que dans les cas moins importants. Rawls estime en outre que les intérêts rationnels n'y sont pas clairs non plus :

Un grave défaut de Théorie de la justice est que sa description des libertés de base propose deux critères différents et incompatibles, et qu'aucun n'est satisfaisant. L'un consiste à spécifier ces libertés de manière à réaliser le système le plus étendu des libertés. L'autre nous demande d'adopter le point de vue du citoyen égal représentatif rationnel, puis de spécifier le système de libertés à la lumière des intérêts rationnels de ce citoyen tels qu'ils sont connus au stade pertinent de la séquence des quatre étapes155(*).

Pour corriger ce grave défaut, Rawls propose un critère qui indique que le premier principe de justice doit garantir aux citoyens l'exercice du sens de la justice et du bien, en tant qu'elles sont toutes deux des facultés utiles pour les partenaires devant choisir les principes de justice. À ces libertés de base, il faut ajouter le droit à détenir « une propriété individuelle et d'en avoir un usage exclusif »156(*). Posséder ce droit et l'exercer constitue selon Rawls, « l'une des bases sociales du respect de soi-même »157(*). En réalité, Rawls voudrait montrer que la liberté constitue une réalité incontournable si l'on veut prendre en compte tous les autres biens premiers. Sans liberté, les autres biens n'auraient aucune valeur. Une fois dans la position originelle, la première préoccupation des partenaires serait de choisir un principe qui garantirait les libertés de base, nécessaires pour le bien de la personne dans la structure de base. Ensuite ces partenaires s'intéresseraient à la manière dont on pourrait faire usage de ces libertés pour pouvoir assurer la survie de tous les citoyens. C'est pourquoi la liberté serait l'idéal. Ainsi, le rôle des institutions est de garantir les libertés de base aux citoyens comme il le souligne, lorsqu'il parle de système de liberté les plus étendues (ceci voudrait dire que les libertés doivent être compatibles avec la possession de ce même système par tous).

Cette privation qui définit les partenaires lorsqu'ils doivent choisir les principes permet donc de garantir les libertés fondamentales puisqu'elle ne donne de privilège à personne, sinon à tout le monde. C'est pourquoi, la liberté étant supérieure aux autres valeurs, c'est elle que les partenaires commenceront par choisir en d'abord comme premier principe de la justice.

Parmi les libertés de base, il y a donc « la liberté de pensée et la liberté de conscience, les libertés politiques (par exemple le droit de voter et de participer à la vie politique) et la liberté d'association, de même que les droits qui correspondent à la liberté et l'intégrité (physique et psychologique) de la personne »158(*). En, substance de quoi s'agit-il dans ces libertés ? Chez Rawls, la liberté de conscience a une fonction paradigmatique, au sens où elle « fournit le modèle de raisonnement qui permet de déterminer toutes les autres libertés de base »159(*). Rawls rattache la liberté de conscience à l'idée de rationnel. C'est la capacité à former, à promouvoir et à réviser une conception du bien à l'abri de toute contrainte extérieure de la conscience. Chaque partenaire porte en lui une certaine référence ou bien des références du point de vue moral, religieux et culturel, des convictions qu'il n'accepterait pas de voir absorbée par une autre doctrine que la sienne. C'est pourquoi, conscient que sa référence à l'État peut constituer une menace pour la réalisation de la liberté de conscience, Rawls fait appel à la notion de « publicité » dans la justice. C'est en effet à partir de l'esprit « public » que les principes de la justice sont admis par tous les partenaires. L'État ne peut pas intervenir dans la vie privée des personnes, comme leur religion, leur morale, etc.

Quant aux libertés politiques, elles consistent, pour le citoyen, à agir selon sa propre volonté, tout en respectant le droit et sans être entravé par autrui. C'est une forme de liberté liée à l'autodétermination, au sens où le citoyen porte en lui le souci, non seulement pour lui-même, mais pour l'avenir de son pays. C'est ce qui explique la considération du vote comme liberté politique. En la plaçant parmi les libertés de base, Rawls signifie que ces libertés, quoique politiques, sont importantes parce qu'elles prennent en compte le caractère social et publique de l'individu.

Les libertés politiques peuvent encore être comptées comme fondamentales même si elles ne sont que des moyens institutionnels essentiels pour protéger et préserver d'autres libertés fondamentales. Lorsque l'on refuse à des groupes politiquement faibles et à des minorités, le droit de vote, et qu'on les exclut du service politique et du jeu politique, ils sont susceptibles de voir leurs droits et leurs libertés restreints sinon niés. Cela suffit à inclure les libertés politiques dans n'importe quel système exhaustif des libertés fondamentales160(*).

En dernier lieu, Rawls parle de la liberté de la personne et de son intégrité. Il insiste sur les dimensions physiques et psychologiques de la personne. La liberté de la personne ici est entendue non pas comme une action, mais comme une protection de l'intégrité physique et psychologique de la personne. Dans la mesure où elle tient compte du physique et du psychologique, la liberté de la personne implique sa vulnérabilité et une sensibilité qui peut porter atteinte à son intégrité. Cette liberté implique le respect physique, moral et psychologique de la personne. Considérer la personne toujours comme un être humain, jamais comme une chose ou un quelconque objet de satisfaction. On peut ajouter plusieurs aspects comme l'interdiction de toute forme de violence verbale ou physique. Il est à remarquer que Rawls sort toujours la personne de son contexte moral ou dépendant de quelque doctrine englobante, pour mettre en avant la dimension sociale et politique de sa théorie qui est élaborée indépendamment d'une doctrine morale, religieuse ou philosophique. Cela est dû à l'importance qu'il accorde à l'idée de coopération sociale. De tradition libérale, Rawls place la liberté au coeur de sa pensée. Il donne à ce mot une grande valeur, mais ne sépare pas son exercice des conditions adéquates à son exercice. Sans certaines ressources la liberté est littéralement sans valeur. C'est pourquoi en parlant de la liberté, deux idées principales doivent être prises en compte. Premièrement, parler de personnes libres suppose que celles-ci ont conscience qu'elles possèdent de même que les autres citoyens la capacité d'avoir une conception du bien. Thèse qui ne signifie pas que ces personnes font passer l'idée du bien avant celle du juste, mais plutôt qu' « elles sont considérées, en tant que citoyens, comme capables de réviser et de changer cette conception sur des bases raisonnables et rationnelles, et qu'elles peuvent le faire si elles le désirent »161(*). Autrement dit les personnes libres, dans le cadre de l'organisation de la société, peuvent agir, indépendamment de leur conception du bien, pour éviter que celle-ci n'influence la structure de base et que, au cas où elles changeraient de conception du bien, la société n'en pâtisse pas.162(*)C'est à partir de cette idée que Rawls juge nécessaire l'idée d'un consensus par recoupement163(*).

Deuxièmement, Rawls pense que l'idée de personnes libres tient à ce que les citoyens « s'envisagent eux-mêmes comme des sources auto-validantes de revendications valides »164(*). Ce qui veut dire que les citoyens, en tant qu'ils sont membres de la coopération sociale, ont le droit de faire des revendications à l'endroit des institutions pour la prise en compte de leur conception du bien, sans pourtant porter atteinte à la conception politique de la justice. Le plus important, c'est que les conceptions du bien des individus, de même que leurs doctrines morales soient compatibles avec la conception politique de la justice. De cette manière, il y a auto validation.

Il est à constater que l'auteur de Théorie de la Justice lie intimement le deuxième principe au premier qui est la condition même de sa réalisation. Le second principe ne découle pas de la violation de la liberté humaine. Il est un droit fondamental qui oblige à la structure de base de la société de répartir équitablement les ressources. Ce qu'il faut retenir ici, c'est que « dans l'analyse qui dissocie la garantie des droits auxquels la liberté donne lieu et la valeur de la liberté, ma liberté est bien la même que pour les autres membres de la société (elle m'est garantie comme aux autres) »165(*).

Pour Rawls, l'État a des obligations envers chaque individu. Mais c'est la coopération sociale qui est responsable de l'application des principes de la structure de base, principes résultant du choix et de la participation de tous. C'est la structure de base qui donne à la liberté son sens réel, la démarquant ainsi d'une liberté formelle se trouvant dans des textes. La structure de base est le lieu de l'exercice de la liberté. Aucune liberté n'est au-dessus des libertés fondamentales, elles sont toutes égales. Aucun individu n'a plus de liberté que d'autres. La liberté ne peut être sacrifiée à un avantage en revenus, richesse ou autorité. Il est en outre important de ne pas perdre de vue que les libertés fondamentales font partie des biens premiers. Dans cet ordre d'idées, ce principe voudrait simplement signifier que la liberté de chaque individu est fondamentale dans le choix de son avenir et des valeurs qui lui conviennent, tout en sachant qu'il y a une valeur universelle de l'intégrité des personnes qui existe et dont il faut toujours tenir compte. Ceci implique que, dans l'idée des libertés fondamentales de base, il n'est pas possible d'exclure l'idée de respect de soi qui fait également partie des biens premiers, car le respect de soi

comporte le sens qu'un individu a de sa propre valeur, la conviction profonde qu'il a que sa conception du bien, son projet de vie valent la peine d'être réalisés. Ensuite, le respect de soi-même implique la confiance en sa propre capacité à réaliser ses intentions, dans la limite de ses moyens. Quand nous avons le sentiment que nos projets ont peu de valeur, nous ne pouvons plus les continuer avec plaisir ni être satisfaits de leur exécution. Tourmentés par le sentiment de l'échec et traversés de doutes à l'égard de nous-mêmes, nous abandonnons nos entreprises166(*).

Cette idée de respect de soi (self respect, self esteem) a été introduite ici pour souligner le caractère incontournable de la liberté qui est comme le levier de la mise en pratique du respect de soi, parce qu'elle transcende les classes d'origines et toute autre forme de discrimination. Mais Rawls précise dans La justice comme équité que ce bien n'est pas une attitude, mais fait partie des biens premiers sociaux qui aident les citoyens, membres de la structure de base, à prendre en compte leur dimension de personne, pouvant réaliser ses fins en société et d'y développer ses dons naturels. Mais tout cela n'est réalisable que lorsque, en amont, chaque citoyen possède une liberté suffisante pour être maître de lui-même et de ses projets, car c'est quand ses projets sont reconnus, valorisés et acceptés par autrui, et que la structure de base la rend réalisable, que le respect de soi est possible. De plus il est important de ne pas oublier qu'une liberté solitaire n'est pas valable, c'est pourquoi Rawls parle de libertés de base au sens où elles forment un ensemble de droits et libertés les plus importantes à respecter ou même à répartir.

Pour Rawls, lorsque les partenaires sont en position originelle pour le choix des principes, ils sont amenés à choisir en premier le principe d'égale liberté. C'est pourquoi, en fonction de ce premier choix, la priorité lexicale ici voudrait aussi dire que le deuxième principe de la justice ne peut être pris en compte que lorsque le premier est complètement satisfait. C'est ce que voudrait dire, « cette priorité accordée à la liberté garantit donc qu'elle ne doit jamais être mise en balance avec les autres biens premiers »167(*).

Après avoir analysé le premier principe de justice qui est celui d'égale liberté, John Rawls passe au second principe qui est un principe bidimensionnel, au sens où son premier volet concerne l'égalité équitable des chances, tandis que le second, appelé principe de différence s'intéresse à la question des inégalités.

* 143 Ibid., p. 41 (Cette idée de citoyens conçus comme personnes est déjà présente dans Théorie de la Justice, Paragraphe 77).

* 144 Id., Théorie de la justice, op. cit., pp. 238.

* 145 Rawls fait allusion aux deux facultés morales signalées plus haut : le sens de la justice et la capacité du bien.

* 146 Id., La justice comme équité, op. cit., p. 88.

* 147 Ibid., 89.

* 148 Nous ne reprenons pas ici les trois reformulations en intégralité. Nous en donnons seulement les références. La première formulation se trouve dans la section 11, p. 91 ; de Théorie de justice. La deuxième dans la section 13, p.115 ; la troisième dans la section 39, p 287, et la quatrième dans la section 46, p 341.

* 149 Ibid., p. 69.

* 150 John Rawls, Justice as fairness, Cambridge, Harvard University Press, 2001, p. 42.

* 151 Id., Libéralisme politique, op. cit., p. 349.

* 152 Id., La justice comme équité, op. cit., p. 74.

* 153 Dans La justice comme équité, John Rawls souligne que les personnes libres et égales sont les personnes engagées dans la coopération sociale tout au long de leur existence. Ces personnes possèdent les « deux facultés morales » qu'il décrit de la manière suivante : la capacité d'un sens de la justice : comprendre, appliquer, et agir selon (et non seulement en conformité avec) les principes de la justice politiques qui spécifient les termes équitables de la coopération sociale » ; la capacité d'une conception du bien : avoir, réviser et chercher à réaliser rationnellement une conception du bien. », La justice comme équité, op. cit., p. 39.

* 154 Id., Justice et démocratie, op. cit., p. 54.

* 155 Ibid., p. 158.

* 156Ibid., p. 160.

* 157 Ibid., p. 160.

* 158 Ibid., p. 72.

* 159 Ernest-Marie Mbonda, John Rawls, Droits de l'homme et Justice politique, op. cit,. p. 34.

* 160 « The political liberties can still be counted as basic even if they are only essential institutional means to protect and preserve other basic liberties. When politically weaker groups and minorities are denied the franchise and excluded from political office and party politics, they are likely to have their basic rights and liberties restricted if not denied. This suffices to include the political liberties in any fully adequate scheme of basic liberties» John Rawls, Justice as fairness, op. cit., p. 42.

* 161 John Rawls, La justice comme équité, op. cit., p. 43.

* 162 Par exemple, dans le cas des religions. Aujourd'hui, on peut appartenir à un tel groupe religieux qui a des principes valorisant le droit des femmes, et demain on peut se convertir dans un tel autre groupe religieux qui appelle la femme à la soumission totale à l'homme. À supposer que les décisions d'un citoyen vivant ce genre de situation ait influencé sa participation à la construction d'une conception de la justice, quelle pourrait être la suite ?

* 163 Le consensus par recoupement est un concept que Rawls introduit notamment dans Libéralisme politique, en le considérant comme un moyen servant à favoriser les ententes entre les citoyens des sociétés pluralistes : « l'idée de consensus par recoupement est introduite afin de rendre l'idée d'une société bien ordonnée plus réaliste et de l'ajuster aux circonstances historiques et sociales des sociétés démocratiques, qui incluent le fait du pluralisme raisonnable », La Justice comme équité, op. cit., 56.

* 164 Ibid., p. 45.

* 165 Véronique Munoz Darde, La justice sociale, op. cit., p. 26.

* 166 John Rawls, Théorie de la justice, op.cit., pp. 479-480.

* 167 Véronique Munoz Darde, La justice sociale, op. cit., p. 86.

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