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L'hypothèque maritime dans le code CEMAC de la Marine marchande

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par Marie Duvale KODJO GNINTEDEM
Université de Yaoundé II - DEA 2008
  

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Paragraphe 2 : Le rang du créancier hypothécaire

151. Si les conditions et la procédure de réalisation de l'hypothèque maritime sont celles de l'hypothèque immobilière - puisque dans les deux cas ce sont les règles de la saisie immobilière qui sont applicables -, l'emprunt ne touche pas le classement des créanciers. En effet, celui-ci ressortit uniquement du droit maritime. Mais comme pour l'hypothèque immobilière le créancier hypothécaire entre en concours tant avec les créanciers privilégiés (A) qu'avec les créanciers non privilégiés (B).

A. La situation du créancier hypothécaire par rapport aux créanciers privilégiés

152. Les créanciers privilégiés sont les créanciers auxquels la loi reconnaît un droit d'être préférés aux autres en raison de la qualité de leur créance. Il peut s'agir de privilèges généraux ou de privilèges spéciaux.

Le droit maritime classe les privilèges en deux catégories : d'une part les privilèges maritimes, c'est-à-dire énumérés par le droit maritime ; d'autre part les privilèges de droit commun dits de second rang220(*). Les privilèges maritimes sont dits de premier rang parce qu'ils sont préférés aux créances hypothécaires, ce qui fragilise les chances de recouvrement des créanciers hypothécaires (1). Quant aux créanciers privilégiés de droit commun, le droit maritime n'ignore pas leur existence, mais ils passent après les créanciers hypothécaires (2).

1. La fragilité de la créance hypothécaire face à la multiplicité des privilèges maritimes

153. Les privilèges maritimes, malgré leur caractère occulte, sont de véritables droits réels, en ce sens qu'ils sont assortis d'un droit de suite. Celui-ci est un droit assez original, qui permet de saisir le navire non pas seulement entre les mains du propriétaire, mais également entre les mains de l'armateur non propriétaire, de l'affréteur ou de l'exploitant du navire221(*). Les privilèges maritimes font l'objet d'une réglementation plus élaborée que celle de l'hypothèque maritime et prime sur celle-ci dans l'ordre de distribution des deniers provenant de la réalisation du navire222(*). Le classement des créanciers privilégiés se fait selon trois principes : un classement par voyage, les créances du dernier voyage l'emportant sur celles d'un voyage précédent ; entre les créances du même voyage, le classement est celui de l'article 73 CCMM ; à l'intérieur d'un même voyage, les créances de même catégorie viennent en concours.

154. KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

On peut reprocher au législateur communautaire d'avoir consacré une longue liste de privilèges maritimes223(*) alors que tout est mis oeuvre sur le plan international pour réduire ces privilèges, et ce faisant augmenter les chances de paiement du créancier hypothécaire. Malgré la référence à la Convention de 1993, le législateur communautaire semble rester dans la logique de la Convention de 1926 qui accordait la priorité de ses règles aux privilèges maritimes. Or, c'est surtout pour améliorer le sort du créancier hypothécaire par rapport aux créanciers privilégiés que les Conventions de 1967 et de 1993 ont vu le jour. Cette situation suscite encore plus d'appréhension lorsqu'on sait que c'est elle qui a retardé le développement de la flotte marchande aux Etats-Unis. En effet, « jusqu'à la première guerre mondiale, l'inscription du mortgage sur les navires est permise par la loi, mais l'interprétation des juridictions conduit à rendre vaine cette garantie qui est primée par de nombreux privilèges224(*). L'intérêt des investisseurs américains ne se tourne pas vers l'édification de la flotte marchande ».

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

Le créancier hypothécaire se retrouve alors dans une situation beaucoup moins avantageuse que les créanciers hypothécaires du droit commun, qui ne sont primés que par deux créances passent ; les autres créanciers privilégiés et chirographaires venant en rang inférieur225(*).Heureusement, les privilèges maritimes sont étroitement limités dans le temps226(*).

En dehors de ces privilèges, le créancier de l'hypothèque maritime bénéficie d'un rang assez confortable, face aux autres créanciers du constituant.

2. La supériorité de la créance hypothécaire sur les privilèges de droit commun

155. Si les privilèges maritimes priment les hypothèques, il n'en est pas de même pour les privilèges de droit commun, quelque soit leur rang d'inscription. Ces privilèges qui sont ceux des articles 106-110 de l'AUS, passent après l'hypothèque maritime. Mais en dérogation à ce qui est dit dans l'article 109 al 2 AUS, le droit de préférence du créancier privilégié ne s'exerce pas par subrogation sur l'indemnité d'assurance du navire. Comme nous l'avons relevé, cette indemnité est le monopole du créancier hypothécaire.

En dehors des privilèges de droit commun, le créancier hypothécaire peut aussi entrer en concours avec d'autres créanciers bénéficiaires de sûretés de droit commun.

B. La situation du créancier hypothécaire face aux créanciers non privilégiés

156. lorsque son droit n'est pas restreint par la convention d'hypothèque, le débiteur peut consentir de nouvelles hypothèques sur son navire. dans ce cas, les créanciers inscrits entreront en concours en cas de saisie du navire. ce conflit est néanmoins facile à régler (2). Mais si le droit des sûretés maritimes ne connaît que l'hypothèque et le privilège, il ne faut pas occulter l'existence d'autres garanties de droit commun qui sont susceptibles d'entrer en conflit avec la garantie hypothécaire (1).

1. Concours entre créanciers non hypothécaires

157. Dans la gamme des sûretés227(*) de droit commun, seules deux sûretés peuvent faire naître un concours entre créanciers hypothécaires et leurs bénéficiaires. Il s'agit de la clause de réserve de propriété et le nantissement du matériel d'équipement professionnel.

158. Il ressort du CCMM que l'acquéreur ne peut hypothéquer le bâtiment de mer que  si le transfert de propriété a été effectif. Sur cette base, il est impossible qu'il puisse avoir concours entre vendeur du navire ayant stipulé une clause de réserve de propriété et créancier hypothécaire. En revanche, l'hypothèque maritime porte sur tous les accessoires du navire et sur ses améliorations futures. L'on peut alors s'interroger sur le sort du vendeur du matériel acquis postérieurement à la constitution de l'hypothèque et qui a aménagé dans son contrat une clause de réserve de propriété.

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

La jurisprudence française décide qu'un tel matériel ne peut être affecté par l'extension de l'hypothèque si celui-ci est matériellement séparable des autres parties du navire228(*). A contrario, lorsque le matériel protégé par une clause de réserve est incorporé au navire, celui-ci devient la propriété du débiteur et accroît l'assiette de l'hypothèque maritime ; le créancier hypothécaire primant alors sur le créancier réservataire.

159. Quant au concours entre créancier hypothécaire et créancier nanti, celui-ci s'est présenté plusieurs fois devant les juridictions françaises229(*). On se trouvait en présence de deux textes qui en des termes clairs donnaient des solutions opposées : l'article 9 de la loi du 18 janvier 1951 sur le nantissement du matériel d'équipement professionnel et l'article 37 de la loi du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer. Le premier déclare que le privilège qu'elle institut s'exerce par préférence à tous les autres privilèges ou créances hypothécaires ; le second précise que l'hypothèque maritime se situe après le privilège maritime, mais avant tout autre privilège.

La tendance dans la jurisprudence ancienne était de faire prévaloir la loi terrestre sur la loi maritime. Mais par un arrêt du 1er juin 1970230(*) qui a fait l'objet de nombreux commentaires, la Cour de Cassation consacre l'inopposabilité du nantissement à l'hypothèque. Pour justifier sa décision, la Cour montre qu'en fait un tel nantissement n'est pas valable, puisque les bâtiments de mer et par conséquent leurs accessoires sont exclus du champ d'application de la loi de 1951.

Il est certes vrai qu'il existe un nantissement du matériel professionnel dans l'AUS, mais pour éviter le conflit, on pourrait objecter avec CONSTANTINI que le nantissement porte sur le matériel d'équipement professionnel et non sur le matériel de construction231(*). Et par matériel d'équipement du navire, il faut comprendre tout ce qui est utile pour atteindre le but commercial auquel il est affecté, aussi bien que le matériel purement nautique nécessaire pour la navigation et la sécurité du bâtiment.232(*)

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

Le concours entre créanciers hypothécaires est beaucoup plus facile à résoudre.

2. Concours entre créanciers hypothécaires

160. Le concours entre créanciers hypothécaires n'a pas été réglementé par le CCMM. Pourtant les codes nationaux antérieurs n'avaient pas ignoré ce conflit. Tel est le cas du Code de la Marine marchande camerounaise. Aux termes de l'article 91 de ce code, « s'il y a plusieurs hypothèques sur le même navire, ou la même part de propriété de navire, le rang des hypothèques entre elles est déterminé par l'ordre de priorité des dates d'inscriptions au registre de l'autorité maritime. Les hypothèques inscrites le même jour viennent en concurrence quelle que soit la différence d'heures de l'inscription ».

En tout cas, en l'absence de disposition nationale, l'on fera application du droit commun des hypothèques immobilières, qui intervient à titre supplétif dans le régime de l'hypothèque maritime.

CONCLUSION DU CHAPITRE I

161. Au départ de la création de l'hypothèque maritime, l'objectif était de prendre parmi les sûretés déjà existantes celle qui conviendrait mieux aux réalités du contexte maritime. Le champ des sûretés n'étant pas aussi diversifié qu'aujourd'hui, le choix s'est porté sur l'hypothèque immobilière, considérée comme la sûreté présentant des garanties fiables pour le créancier. Mais l'impossibilité d'une transposition totale a justifié une adaptation de l'hypothèque à son nouveau milieu. Si elle est aujourd'hui une sûreté originale, l'essence de l'hypothèque a néanmoins été préservée, comme le prouve la présence des traits généraux de l'hypothèque dans le régime de l'hypothèque maritime. L'analyse du CCMM laisse par ailleurs penser que les voies permettant de venir puiser aux sources restent ouvertes.

CHAPITRE II : LE RECOURS AU DROIT COMMUN DES HYPOTHEQUES IMMOBILIERES

162. Bien que le CCMM ait transposé les règles du droit commun hypothécaire à l'hypothèque maritime afin de conserver sa nature hypothécaire, la reconduction n'a pas été totale. En effet, plusieurs aspects de cette sûreté ont été ignorés. On peut voir dans le silence du code l'habilitation à recourir au droit commun pour régler les questions laissées dans l'ombre. Par droit commun, il faut entendre les dispositions qui s'appliquent de façon générale chaque fois qu'une règle particulière n'y déroge pas233(*).Ce droit commun des hypothèques ressort des articles 117 et suivants de l'Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés.

Deux arguments peuvent néanmoins être opposés à ce recours : d'une part, ledit droit commun est prévu pour les immeubles et non pour les meubles; d'autre part, l'hypothèque maritime est une sûreté mobilière et en tant que telle, ce sont à priori les règles communes aux sûretés mobilières qui devraient s'appliquer234(*). Or en prenant en considération la nature hypothécaire de la sûreté, et identité de nature impliquant identité de régime, ces arguments ne doivent pas occulter la nécessité du recours au régime de l'hypothèque immobilière pour combler et interpréter le régime de l'hypothèque maritime (SECTION 1), même si quelques difficultés peuvent apparaître lors de ce recours (SECTION 2).

* 220 Certains auteurs qualifient tous ces privilèges de privilèges maritimes, mais font une distinction entre les privilèges « strictement maritimes et les privilèges quasiment maritimes qui sont les privilèges de droit commun. v. BEURIER (Jean-Pierre) : Traité de droit maritime, Paris, Dalloz, 2006, n° 335.21.

* 221 Art 86 du CCMM.

* 222 Aux termes de l'article 78 du CCMM, « les créances privilégiées énumérées à l'article 73 ci-dessus sont préférées à toute hypothèque quel que soit le rang d'inscription de celle-ci ».

* 223 Aus termes de l'art 73 du CCMM, « sont privilégiées sur le navire, sur le fret du voyage pendant lequel est née la créance privilégiée, sur les accessoires du navire et du fret acquis depuis le début du voyage :

a) les créances pour gages et autres sommes dues au capitaine, aux officiers et autres membres du personnel de bord en vertu de leur engagement à bord du navire, y compris les frais de rapatriement et les cotisations d'assurance sociale payables pour leur compte ;

b) les créances du chef de mort ou de lésion corporelle, survenant à terre ou en mer, en relation directe avec l'exploitation du navire ;

c) les créances exigibles pour assistance et sauvetage du navire ;

d) les créances du chef des droits de port, de canal et d'autres voies navigables ainsi que des frais de pilotage ;

e) les créances délictuelles ou quasi délictuelles en raison de perte ou dommages matériels causés par l'exploitation du navire, autres que ceux occasionnés à la cargaison, aux conteneurs et aux effets personnels des passagers transportés à bord du navire ;

f) les frais de justice exposés pour la vente du navire et la distribution de son prix ;

g) les frais de garde et de conservation du navire depuis son entrée dans le dernier port, en dehors des primes d'assurances ;

h) les créances provenant des contrats passés ou d'opérations effectuées par le capitaine hors du port d'attache, en vertu de ses pouvoirs légaux pour les besoins réels de la conservation du navire ou de la continuation du voyage ;

i) les créances pour les dommages à la cargaison et aux bagages, causés pendant qu'ils sont à bord du navire ».

* 224 ZANETOS (Irène) : L'hypothèque maritime en France et aux Etats-Unis, mémoire pour le D.E.S.S. de transports maritimes et aériens option droit maritime & droit des transports, Université de droit, d'économie et des sciences d'Aix-Marseille, 1999, p. 48.

* 225 Art. 148 AUS.

* 226 Art. 84 CMMC.

* 227 La notion de sûreté est prise dans ce contexte au sens large, c'est-à-dire comme tout moyen permettant au créancier de se prémunir contre le risque d'insolvabilité du débiteur, même s'il procure d'autres avantages ; v. CABRILLAC (Michel), MOULY (Christian) : Droit des sûretés, Paris, Litec, 3e éd, 1995, p.4.

* 228 BONASSIES (Pierre), SCAPEL (Christian) : Traité de droit maritime, Paris, LGDJ, 2006, n°555.

* 229 C A Montpellier, 10 fevrier 1961, D 1962, p. 647 ; note CALAIS - AULOY ; - HEMARD (Jean) : Ventes, transports et autres contrats commerciaux, RTD Com., 1963, t XVI, p. 358.

* 230 Cass. com. 1er juin 1970, navire l'Heureux, DMF 1970.587, D. 681 notes RODIERE ; Gaz. Pal. 1970.2.310.

* 231CONSTANTINI (Mathieu) : Observations sur l'arrêt Chalutier L'heureux, www.plevsi.com/jurisprudence.maritime

* 232 CHAUVEAU (Paul) : Nantissement sur matériel d'équipement et hypothèque maritime, Gazette du Palais, 2, 1970, p.248.

* 233 POLLAUD-DULIAN (Frederic) : Du droit commun au droit spécial - et retour, Mélanges en l'honneur de Yves GUYON, (Aspects actuels du droit des affaires), Dalloz, 2003, p.928

* 234 Ne dit-on d'ailleurs pas que « toute identité de nature implique une identité de régime, et toute différence de nature implique une différence de régime » ? v. BERGEL (Jean Louis) : Différence de nature (égale) différence de régime, RTDC, n°2 1984, n°3, p. 258. Mais en citant le navire, BERGEL lui -même a montré que les classifications juridiques ne sont pas figées, et qu'un autre pan de la réalité juridique montre que « d'autres principes, des dispositions spécifiques, et la complexité des phénomènes » viennent les modifier. BERGEL op. cit., n° 4, p. 252.

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