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La représentation de l'Afrique et des Africains dans les écrits d'un missionnaire poitevin. Le père Joseph Auzanneau à  Kibouendé (Congo français) 1926-1941

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par Josué Muscadin
Université de Poiters - Master 1 2011
  

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Chapitre VII

LE MILIEU AFRICAIN DANS LA VISION DU PERE AUZANNEAU

A- L'antécédent historique

Considérer que le discours sur l'espace africain est une nouveauté tiendrait du paradoxe. En effet, les propos sur le milieu physique africain remontent très loin dans le temps. La nature africaine fut intégrée dans la vision globale entretenue sur l'Afrique257 depuis les temps anciens. On associait au paysage africain l'image d'une « terre maudite » par référence à la malédiction chamitique, « terre infernale » à cause de l'intensité de la chaleur du soleil et la rigueur des conditions climatiques, « sauvage », n'étant pas encore touché par la « civilisation » et « redoutable » parce qu'il est habité par des créatures ayant une constitution physique « drôle », voire effrayante. Soulignons qu'ainsi qu'on se figurait le monde noir, cette façon de voir le milieu africain reposait en général sur des imaginations pures et simples et sur des considérations théologiques dont l'interprétation ne cache pas l'intention de leurs auteurs. Pour citer François de Medeiros, le type de connaissance sur le pays des Noir à l'époque médiévale se réfère à « un savoir complexe où le réel et l'imaginaire sont étroitement associés258. »

Mais peu à peu avec la naissance de la cartographie moderne, une représentation plus « réaliste » du continent commence à émerger. Ces efforts techniques et scientifiques qui sous-tendent cette discipline permettent de faire le lien entre la représentation de l'espace, de l'Ailleurs et la représentation mentale. Ces cartes, en effet, élaborées par et pour une Europe en pleine expansion, mettent l'accent surtout sur les ressources économiques du continent.

257 Précisons qu'on se servait de deux termes majeurs pour nommer l'Afrique dans l'Antiquité : Africa et Aethiopia. Le premier pour désigner l'ensemble de l'Afrique septentrionale par opposition au second qui concerne la partie sud du continent. Ces appellations ont eu, par ailleurs, plusieurs autres sens. D'oü l'absence de précision dans les textes anciens soulevée par les antiquisants dont Medeiros qui parle d'une confusion dans certains cas.

258 MEDEIROS, François de, L'Occident et l'Afrique. XIIIe-XVe siècle : Image et représentations. Karthala, Paris, 1985, p. 25. [CD-ROM] http://books.google.com/books?id=3ECWkdoIFnQC&pg=PA268&dq=MEDEIROS,+François+de,+L'Occident +et+l'Afrique.+XIIIe-XVe+siècle+:+Image+et+représentations&hl. Consulté le 27/04/2011

Cette cartographie naissante qui s'intéressait davantage aux régions côtières fut donc mise au service de l'idéologie de l'époque. Il s'agit d'un « véritable foisonnement sémiologique et onomastique » motivé par la « recherche de l'or et des esclaves259. » Toujours est-il, au-delà de cette description mettant en avant les richesses de l'Afrique, l'image d'un continent qui « brûle », « noircit » persiste.

Le mythe du bon sauvage du XVIIIe siècle, en tant qu'idéalisation des hommes vivant et plongeant au contact de la Nature, prête à une autre perception du cadre naturel. On associait à celle-ci une image idyllique qui se rapproche de celle d'une humanité proche de ses origines. L'avènement du romantisme contribue, lui aussi, à ce nouveau regard en ce qu'il fait du cadre naturel un de ses thématiques privilégiées. La Nature, en fait, est un lieu de repos, de recueillement pour le romantique ; en s'y arrêtant, il oublie la société, les tracas de la vie mondaine. Il est d'ailleurs naturel à l'esprit romantique qu'on se confie plus aisément à un lac qu'à un ami en chair et en os, par exemple. C'est bien là le signe, à la fois, du dédain des romantiques pour l'univers social et du goût de ces poètes pour la méditation, pour un retour sur soi que la Nature, comme un miroir, ne fait que favoriser. Dans cette perspective, les grandes forêts africaines et le monde physique dans son ensemble, à la faveur de l'exotisme, se voient attribuer des vertus.

Au XIXe siècle, les missionnaires en oeuvre en Afrique se montrent frappés par la beauté majestueuse d'une nature quasi-vierge, « où ils ressentent volontiers et avec un frisson sacré la grandeur de Dieu et de mystère de la présence divine260. » Leur émerveillement concerne surtout les paysages lagunaires et forestiers dont certains contemplent le spectacle. Cette sensibilité dont ils font montre à l'égard de la nature leur porte à observer avec attention tous les éléments de l'environnement africain pour montrer sa fécondité. Les fleuves, les plantes, les courants d'eau, les oiseaux fascinent et donnent l'impression d'une paix profonde nécessaire pour ces prédicateurs se trouvant «sous le zéro équatorial261. » Voilà qui introduit une deuxième idée sur laquelle ont mis l'accent les récits de ces missionnaires : cette nature

259 FALL, Yoro K, L'Afrique à la naissance de la cartographie moderne. Les cartes majorquines XIVe- XVe siècle. Karthala, Paris, 1982, p.161

260 SALVAING, Bernard, Op. cit., p. 194

261 Expression utilisée par les missionnaires du XXe siècle en Afrique équatoriale dont le Père Auzanneau en référence à un livre publié en 1927 par le Père Maurice Briault qui porte le titre de Sous le zéro équatorial. Etudes et scènes africaines.

enchanteresse et grandiose peut à tout moment devenir redoutable. Le milieu africain se révèle dangereux et nuisible du point de vue du climat qui est décrit par tous comme oppressant et malsain, mais aussi de la faune qui renferme des animaux féroces. Ceci étant dit, les missionnaires, note Bernard Salvaing, confrontent la mort quotidiennement. En laissant son pays, l'Apôtre du XIXe siècle « sait que son espérance de vie ne dépasse guère trois ans262. »

Par ailleurs, ces missionnaires considèrent que cette nature si somptueuse et si riche n'est pas maitrisée, donc inexploitée. La facilité de la vie sous les tropiques engendre la paresse et la négligence chez les Noirs qui y trouvent le minimum vital suffisant. Cette « indolence » a aussi une interprétation « religieuse » qui l'attribue à l'influence « abrutissante » du paganisme. On est donc en présence d'une «opposition entre une nature brillante aux vives couleurs et l'humanité dégradée et noire qui l'habite263 Toutefois, la déchéance du Noir due à des causes morales et religieuses est passagère avec sa possible régénération par le christianisme.

Voilà comment fut perçu dans le temps le milieu physique africain. La vision du Père Auzanneau en sera-t-elle tributaire ?

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