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La représentation de l'Afrique et des Africains dans les écrits d'un missionnaire poitevin. Le père Joseph Auzanneau à  Kibouendé (Congo français) 1926-1941

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par Josué Muscadin
Université de Poiters - Master 1 2011
  

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B- La lente restauration du diocèse de Poitiers

L'Eglise poitevine ne constituait pas une exception dans cette France oü la situation religieuse suivait une pente descendante favorisée par le nouveau contexte intellectuel - avec

l'avènement des Lumières - et politique symbolisé par la Révolution de 1789. En effet, si avant la période révolutionnaire il y a eu à Poitiers « un clergé nombreux et instruit »27, on ne peut quelques années plus tard que parler d'un clergé divisé et sans chef28.

Cette division est provoquée par le serment de 1791 que devait prêter tout prêtre. Ceux qui acceptent de remplir cette formalité, les jureurs, sont dans un camp et les réfractaires dans un autre. Ce schisme devait avoir des répercussions sur la population au sein de laquelle est créé un « clivage durable29. »

Cette crise qui affecte le clergé français confronté au problème de la prestation du serment à la Constitution Civile du Clergé du 12 juillet 1790 a changé la physionomie de

27 FAVREAU, Robert (dir.), Le diocèse de Poitiers, Beauchesne, Paris, 1988, p. 188

28 Ibidem

29 VIGIER, Fabrice, Les curés poitevins et la révolution, p. 15

l'Eglise de France. Les subdivisions ecclésiastiques devaient correspondre aux circonscriptions administratives. « Chaque département formera un seul diocèse, et chaque diocèse aura la même étendue et les mêmes limites que le département30. » Ainsi, le diocèse de Poitiers qui s'étendait auparavant sur le Bas et le Moyen Poitou, correspond au début de 1791 au seul département de la Vienne. Transformé en évêché de la Vienne, le diocèse était réduit de moitié ; de sept cent trente-quatre paroisses, il passe au cours de cette période à trois cent soixante-dix-huit.31 A ces difficultés relevant de la politique religieuse de l'Etat d'alors, s'ajoutent des problèmes d'infrastructures pour le fonctionnement du diocèse. Les édifices religieux tombaient en ruine et étaient vandalisés, considérés comme symboles de ce passé avec lequel l'esprit révolutionnaire entend rompre. Aucun projet de restauration ne se manifeste jusqu'au milieu du XIXe siècle oü l'on va prendre de manière systématique des mesures pour restaurer ces monuments. Cette situation ne fait que tarir les vocations pour les missions, le diocèse étant méme dépourvu d'une direction stable. Mais, cet état de fait provoqué par la Révolution, ne fait qu'aiguiser une crise déjà latente. En effet, comme le souligne Stéphane Tamaillon, depuis 1745 le diocèse n'a pas connu de missionnaire ; et ceci, le diocèse brille par son absence sur la scène missionnaire mondiale jusqu'en 1831, date à laquelle Jean Charles Cornay32 part en mission au Tonkin où il sera supplicié en raison de sa foi. Ce missionnaire devait marquer la présence poitevine dans le mouvement missionnaire du XIXe siècle en France. Cette participation n'a pu être effective qu'après un long travail de reconstruction à la fois matérielle et spirituelle. Quels sont donc les facteurs qui ont été à la base de cette relance ?

On peut évoquer les mémes éléments étudiés pour la renaissance de l'idée missionnaire en France, notamment l'impact des institutions comme l'OEuvre de la Propagation de la Foi. C'est à partir des années 1820 que commencent à se manifester des signes de réveil de l'action missionnaire poitevine avec l'abbé Charles de Larnay. Chanoine de la cathédrale de Poitiers, le religieux accepte de prendre la tête de l'OEuvre dès son installation en 1829 dans le diocèse. L'influence de cette association à Poitiers peut se mesurer à l'échelle de son retentissement dans la région. Elle occupe, en effet, la dix-neuvième place dans le classement

30 La loi du 12 juillet 1790, citée dans Fabrice Vigier. Op. cit., p. 19

31 VIGIER, Fabrice, Op. cit., p. 19

32 Jean Charles Cornay (1809-1837), Missionnaire et martyr chrétien, décapité à Tonkin (Vietnam actuel). Il est fêté le premier septembre.

annuel des quatre-vingt diocèses donateurs en 183533. La participation des fidèles à l'oeuvre prouve que l'esprit des missions commence à pénétrer petit à petit la conscience poitevine.

La popularité de l'oeuvre s'étend donc rapidement dans le diocèse de Poitiers comme dans toute la France avec les recommandations et la bénédiction du Saint Siège. En effet, le pape Pie VII accorde en 1823 l'indulgence plénière à l'adresse des membres dans tous les diocèses ; une autre indulgence de cent jours est donnée en échange de la récitation des prières prescrites et de l'aumône faite en faveur des missions ou de toute autre oeuvre de charité ou piété. Les successeurs de Pie VII opteront pour la méme politique. L'influence papale est donc indéniable dans cet intérêt que manifestent les chrétiens de France dont les Poitevins pour cette oeuvre.

A cela, on peut ajouter l'emprise des Annales de la Propagation de la Foi dont le but, rappelons-le, est de pousser à la charité, mais aussi d'éveiller la conscience missionnaire chez les lecteurs. Elle est par définition essentielle à l'oeuvre méme et ne peut être dissociée d'elle. Dans le diocèse de Poitiers, l'abbé de Larnay tient à ce que tous ces fidèles prennent connaissance des différentes publications des Annales. Même les enfants devraient les lire en versant un sou. Théophane Vénard qui connaitra à Tonkin le même sort que son confrère Jean Charles Cornay est membre de l'Oeuvre, donc lecteur des Annales depuis l'âge de 12 ans.

Il est donc possible de prendre en compte ces deux éléments qui ne font finalement qu'un comme facteurs déterminant des vocations missionnaires des séminaristes poitevins qui seront partis parfaire leur formation aux Missions Etrangères de Paris. Pierre Clémenceau, poitevin, dans une lettre de 1853 confirme cette influence : « S'il se fait quelque bien dans ces missions lointaines (...) c'est après Dieu, les associés de la Propagation de la Foi qui en sont l'auteur34. » Cette phrase prononcée par l'apôtre du Siam montre quel rôle a pu jouer l'oeuvre dans la progression des vocations dans le diocèse de Poitiers. Au succès de l'OEuvre, on peut ajouter d'autres associations missionnaires qui apparaitront plus tard dans le diocèse dont le rôle n'est pas différent de celui de cette dernière. C'est le cas de la Congrégation des Pères du Saint-Esprit et l'Immaculé Coeur de Marie dont la présence dans le diocèse date de 1852, soit vingt-trois ans après celle de la Propagation de la Foi. Leur travail consiste à aider les

33 TAMAILLON, Stéphane, Op. cit., f°. 25

34 Cité par Ibidem p. 30

missionnaires des côtes occidentales de l'Afrique. En 1919, Benoit XV recommande aux Evéques d'organiser dans tous les diocèses l'Union Missionnaire du Clergé (U.M.C) Implantée à Poitiers, l'U.M.C. se révèle un facteur d'influence sur les vocations missionnaires au cours du XXe siècle. Elle se dote d'une revue comme les Annales qui est aussi source de motivation et d'information.

Précédemment, le diocèse allait se trouver dans un environnement religieux qui favorise les vocations. Dès le début de ce processus de restauration, plusieurs congrégations qui, certes, ne sont pas forcément missionnaires ont été créées dans le diocèse. La toute première, la Congrégation des Religieuses de Jésus et de Marie de l'Adoration perpétuelle est fondée en 1801. Les Filles de la Croix s'installent en 1807. Approuvée dès 1812, cette congrégation allait connaitre un essor spectaculaire. En 1823, dans les quatorze établissements qu'elle avait dans le diocèse, on ne comptait pas moins de cent dix religieuses. D'autres créations poitevines sont à souligner comme les Filles du Saint-et-immaculé-Coeur-de-Marie reconnue en 1843, et près de Poitiers à Salvert se fonde en 1835 la congrégation des Pauvres Filles de la Sainte-Vierge-et-de-Sainte-Philomène. Toutes ces associations devaient ramener l'esprit du peuple à s'intéresser au fait religieux, d'autant plus qu'elles étaient proches des populations, puisqu'elles travaillaient dans le domaine de l'éducation et de la santé.

Si ces institutions ne prennent pas la méme importance dans le réveil de l'apostolat dans le diocèse poitevin, elles concourent néanmoins au même but. Mais ces facteurs qui sont plutôt d'ordre général n'expliquent pas complètement ce nouveau départ constaté dans le milieu religieux poitevin. L'enthousiasme des poitevins qui allaient se consacrer à l'apostolat semble avoir été motivé par des facteurs locaux dont la prédication fréquente que faisait le Père Lacombe au Grand séminaire de Poitiers. La déclaration de l'abbé Larnay ne laisse pas de doute là-dessus :

« Les accents apostoliques de cet homme de Dieu, le tableau lugubre qu'il traça du dépérissement de la foi dans les missions anciennes entièrement abandonnées des instances pressantes sans talent à son secours, produisirent dans le coeur de tous les séminaristes un effet incroyable d'enthousiasme religieux35

35 A. E. K3-1 Notes de l'abbé de Larnay sur les missionnaires partis en Extreme-Orient.

Selon l'évêque de Poitiers, la seconde génération d'apôtres poitevins est davantage marquée par la lecture des Annales, l'action des oeuvres ou par le prestige des premiers martyrs du diocèse, dont le vénérable Jean-Charles Cornay, qui fut avec Pierre Clemenceau et deux autres prêtres en destination de l'Inde, le premier à partir en Asie en 1831. Il déclare :

« Les vocations sont dues en partie à la lecture des Annales, à la publication des lettres de nos missionnaires apostoliques ainsi qu'à leurs glorieux travaux... Quelques uns de ces

prêtres les plus vertueux sont allés soutenir les grands combats de la foi, partout où l'impiétéet l'idolâtrie lui livrent les plus furieux assauts36! »

L'explication que donne Théophane Vénard à sa vocation apostolique semble confirmer ce point de vue. Son désir d'être missionnaire lui vint après la lecture d'un ouvrage écrit par l'abbé Charles de Larnay sur Jean-Charles Cornay : « Ça a été le rêve de mes jeunes années, quand tout petit bonhomme de neuf ans, j'allais paitre ma chèvre sur les coteaux Bel-Air, je dévorais des yeux la brochure où sont racontées la vie et la mort du vénérable Cornay et je me disais : moi aussi, je veux aller au Tonkin ; moi aussi je veux être martyr37. »

La Semaine liturgique du diocèse de Poitiers, une revue hebdomadaire dont le premier numéro date du 3 mars 1864 n'est pas sans influence sur le choix des jeunes poitevins à devenir missionnaires. En effet, ce journal qui prendra le nom de Semaine religieuse en 1887, est accessible à tout le monde au prix de quinze centimes par semaines ou six francs l'année. Il permet de suivre la vie des apôtres dans une rubrique appelée Les missionnaires à l'étranger qui présente l'état de leurs travaux. Il s'intéresse aussi aux faits religieux locaux, nationaux et internationaux. C'est en ce sens qu'il est utile au missionnaire à l'extérieur qui est censé couper du reste du monde. Le Père Auzanneau parle beaucoup dans ses écrits de cette revue ; il exige qu'on la lui envoie régulièrement. L'exemple du Père Auzanneau n'est pas unique. Les missionnaires qui sont à l'oeuvre en Chine témoignent leur affection pour le journal.38 L'attachement de ces ouvriers apostoliques à cette publication qui peut-être a accompagné leur enfance atteste sans doute son ascendance sur leur choix vocatif.

36 Recueils annuels des Semaines religieuses de 1864 à 1948

37 Lettres de T. Vénard, 20 janvier 1861. Cité dans BOUQUET, Jacques, Lettres de missionnaires poitevins au XIXe et XXe siècle, p. 16

38 Les missionnaires poitevins en Extreme-Orient sont étudiés par Stéphane Tamaillon. Op. cit.

Mais dans ce processus de restauration, un élément nous semble essentiel : l'appui de l'Etat. Bien qu'il faille relativiser cette assistance qui fût, on l'a vu, de courte durée, mais elle ne nous parait pas anodine. En effet, Poitiers figurait parmi les cinquante sièges maintenu dans le cadre du concordat. Le diocèse s'élargit en réintégrant les Deux-Sèvres ; il compte désormais six cent quarante-trois communes, trois cent neuf pour la Vienne, trois cent trentequatre pour l'autre. Trois archidiaconés le composaient : Poitiers, Niort et Châtellerault. Cette extension territoriale devait permettre aussi une augmentation du nombre des prêtres qui malgré tout se révèle insuffisant : dans la Vienne, pour les trente-et-un cures et deux-cent vingt-et-un succursales, il n'y avait que cent quatre-vingt quatre prétres à l'arrivée en 1803 de Mgr Jean-Baptiste Bailly que Bonaparte lui-même avait nommé à la tête du diocèse.39 Ce dernier devait faire un constat qui n'est pas rassurant : « il n'est pas rare de trouver une ignorance profonde dans le peuple40. » Mais, il n'a pas eu la chance d'entreprendre des projets puisqu'il devait mourir brutalement quinze mois plus tard. Sa disparation entraine une instabilité au niveau de la direction du diocèse.

Ce n'est qu'en 1819 que Poitiers connaitra un véritable évêque en la personne de Jean-Baptiste Bouillé qui allait occuper le siège pendant vingt-trois ans. Durant son administration, le diocèse a pu connaitre de grandes difficultés, mais la région a pu se doter d'un grand séminaire pour l'enseignement de la théologie et la préparation aux ordres sacrés. Ce qui devait conduire à la montée d'un clergé local qui devait remplacer les prétres de nationalité étrangère, notamment quelques Espagnols dans la communauté. Malgré tous ces efforts, le niveau religieux des fidèles était resté très bas. En 1826, après une visite pastorale qui devait l'amener dans tout le diocèse, Mgr Bouillé déplorait : « nous avons la certitude que dans plusieurs paroisses il règne une profonde ignorance des vérités les plus essentielles du christianisme41. » L'enseignement du peuple est d'autant plus difficile que dans un grand nombre de paroisses, les fidèles ne savent pas lire, souligne Mgr de Pradt qui a fait un court passage à la tête du diocèse de Potiers entre 1805 et 1807.

Le succès de ces organismes ne doit pas faire oublier le rôle des personnages acteurs de cette restauration. Les dirigeants ont joué un rôle considérable dans cette marche vers le réveil. Une enquête ordonnée par la Constituante en 1848 signale que l'absence de bons

39 FAVREAU, Robert, Op. cit., p. 209

40 Ibid. p. 211

41 Ibid. p. 217

meneurs faisait tort au développement de ce processus : « les populations ont le sentiment religieux mais aucune lumière pour servir de guide à ce sentiment42. » Louis-Edouard Pie fut Monseigneur à Poitiers entre 1849 et 1880. Par ses interventions dans la vie de l'église poitevine, il a réussi à s'imposer dans le diocèse qu'il compare à une monarchie dont il détient le pouvoir sous l'autorité du Pape. Son principe semble résumé dans cette phrase qu'il prononce lors de son sacre en 1849 : « ... rien ne sera fait tant que Dieu ne sera pas replacé au-dessus de toutes les institutions..43 » Son objectif est de combattre l'indifférence des classes aisées teintée d'anticléricalisme. Loin de le considérer comme un obstacle, il s'est servi de l'élan spiritualiste propagé dans la région par la Franc-maçonnerie. Il se livre dans une lutte pour la « régénération de la foi attiédie » qui passe par une purification des moeurs et des esprits dans la société. Si son administration n'a pas connu que de gloire, il tira néanmoins satisfaction de quelques conversions remarquables dont celle de Jules Richard, constituant de 1848, qui devint dans les Deux-Sèvres, un zèle propagandiste.

Voila donc un ensemble de facteurs nationaux et régionaux qui semblent expliquer dans une certaine mesure la reconstruction du diocèse de Poitiers qui devient finalement vers la fin du XIXe siècle l'un des diocèses fournissant plus de futurs missionnaires aux Missions Etrangères de Paris. Le directeur du séminaire, Monsieur Delpeche le certifie en écrivant à l'évêché de Poitiers en 1867:

Nous prions le Seigneur de multiplier les vocations sacerdotales, déjà si florissantes dans le diocèse de Poitiers et de rendre ainsi avec usure à votre grandeur les ouvriers apostoliques qu'elle donne si généreusement pour évangéliser les nations infidèles44. »

42 Ibid. p. 226

43 Idem

44 A. E K3-5. Lettre de Monsieur Delpeche du séminaire des MEP. Paris, le 6 mai 1867

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote