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Les figures de Joseph Rey (1779-1855): conspirateur libéral, "philosophe" et socialiste "utopique"

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par Nicolas Boisson
Université de Grenoble 2 - IEP 2001
  

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Les premiers membres de l'Union : la question du « cercle libéral »

Rey partit pour l'Allemagne quelques jours après la première réunion constitutive de l'Union, le 28 février 1816, cherchant à ramener « quelques débris » de sociétés secrètes allemandes au sein de son réseau193(*). Il avait notamment déjà établi des contacts à Heidelberg... Dés lors les premiers recrutements de l'Union furent décidés par les camarades grenoblois de Rey. Ce dernier se chargeant de recruter dans toute la France, notamment à Paris et en Allemagne où il recruta les proscrits Desportes et l'avocat Charles Teste dont Rey avait été le secrétaire. Notons au passage la solennité du rite d'admission, rappelant étrangement celle des Carbonari : « Chaque unioniste à la première assemblée de l'Union qui aura lieu après son admission prendra l'engagement suivant : « Sur mon honneur, je promets de concourir de tout mon pouvoir au but de l'Union, de faire en toute occasion pour mes frères ce que je voudrais qu'ils fissent pour moi, enfin de garder toute ma vie le secret le plus inviolable sur tout ce qui pourra tendre à dévoiler l'existence de l'Union. »194(*). Dés lors « l'admission n'a lieu qu'à l'unanimité des unionistes présents à la délibération (... ) il doit toujours y avoir présent à la délibération au moins la moitié plus un des membres de l'Union... »195(*). Une solidarité et un dévouement totale devaient caractérisés ses membres : « L'Union toute entière doit secours et protection à chacun de ses membres... »196(*), « Tous les membres de l'Union lui doivent un tribut d'efforts pour le but commun. Toutefois, la garantie de leur zèle est uniquement dans le sentiment du devoir, seul mobile de l'Union »197(*).

Les premiers membres de l'Union furent donc choisis avec prudence, essentiellement au sein de la petite élite libérale de l'époque. Il s'agissait en effet bien de former un « cercle » libéral. Le concept de cercle mérite d'être précisé avant de présenter les principaux affiliés et les ramifications territoriales de l'organisation.

L'Union se composant essentiellement de notables : avocats, magistrats, députés libéraux, professeurs, officiers en retraite ou encore en activité...elle avait surtout comme point d'uniformité entre ses membres le caractère bourgeois. Maurice Agulhon dans son ouvrage le Cercle dans la France bourgeoise, étude d'une mutation de sociabilité198(*), souligne la cohésion que conférait aux membres des cercles, sociétés, associations du début du XIXième siècle un regroupement restreint et « borné » par un certain niveau occupé dans l'espace social. Le premier élément essentiel de ces cercles, souvent d'ailleurs à leur origine, est l'amitié existant au préalable ou susceptible de se développer par la suite entre ses membres. Pour cela, l'affiliation s'opère donc souvent au préalable par un examen explicite ou insidieux des opinions politiques du prétendant, voire de ses goûts et de ses moeurs... On observait en effet sous la Restauration « une familiarisation croissante de la bourgeoisie avec l'institution-cercle, avec la facilité, les commodités et la souplesse qu'elle offre, avec l'habitude prise en haut lieu de la tolérer, fait qu'on l'a utilisée de plus en plus à des fins diverses... »199(*) . La remarque d'Agulhon est des plus pertinentes et s'applique parfaitement aux membres de l'Union qui dans leur ensemble témoignent déjà de l'expression politique d'une classe moyenne politiquement encore difficilement « sondable », mais niée dans ses convictions libérales par le régime de la Restauration.

Toujours en s'appuyant sur Agulhon, on note que l'Union symbolise bien la symbiose société-cercle200(*). En effet, souvenons-nous que l'ambition de Rey à travers l'Union était bien de diffuser au maximum l'esprit des idées libérales. Rey insistait sur le fait qu'il ne s'agissait que d'exercer une influence mais ne considérons pas trop naïvement ces voeux pieux et n'oublions pas que ce qui devait être à l'origine qu'une pacifique société de propagande libérale constitua par la suite une des bases principales d'un complot visant à un coup d'Etat... De même, gardons en tête que Rey à la fin de sa vie tenta une carrière politique à partir du même discours un peu flou, voire parfois aux accents mystiques, diffusé au sein de l'Union et en espérant trouver écho auprès de ses anciens amis... Mais refermons cette parenthèse. La mise en réseau des libéraux à laquelle aspirent les Unionistes par le biais de comités locaux illustre bien la nécessité de créer secrètement un mouvement de masse d'une élite dispersée. La démarche de l'Union peut ainsi se résumer aussi par ces observations d'Agulhon sur la structuration d'un groupe politique autour de cercles : « un groupe politique de base, en province également, ce n'est encore rien d'autre qu'une cellule de sociabilité, dans laquelle s'est dégagée une opinion commune. Quant à la politique organisée, ce n'est encore rien d'autre que l'établissement d'une liaison entre ces « sociétés », « cercles », « réunion »... »201(*). L'Union en effet fut un des moteurs principaux de la tentative de coup d'Etat du 19 août et ses membres, notamment Rey, envisageaient bien de rétablir leur propre gouvernement (chapII) après organisation d'un référendum. Dés lors, il n'est peut-être pas interdit de penser que déjà nombre d'affiliés à l'Union envisageaient en son sein leur carrière politique future au sein du parti libéral/républicain202(*)... Revenons à ses membres en 1816 et à son extension.

Nous n'observons là que la formation du noyau dur de l'organisation entre 1816 et 1817, la seconde vague la plus importante fut en réalité constituée par les appels à l'affiliation au projet du 19 août 1820. Le recrutement des premiers membres de l'Union fut essentiellement opéré au sein de l'élite libérale « avérée » du pays alors que le complot soutenu par l'Union dut prendre appui sur une base beaucoup plus hétérogène, mêlant bonapartistes, libéraux « modérés » et « authentiques », civils et militaires, jeunes et plus vieux... Les premiers adhérents et les plus marquants résidaient dans le Dauphiné comme Jean-François Champollion203(*) que nous avons déjà évoqué et qui venait de perdre sa place de bibliothécaire à la ville de Grenoble, l'avocat grenoblois Félix Réal, Bérenger de la Drôme ancien avocat général à la Cour de Grenoble que nous aurons à présenter plus précisément, ou encore Baude de Valence, ancien sous-préfet de l'Empire... Puis l' « Union-mère », nom donné à l'organisation de Grenoble, s'étendit un peu plus dans le Dauphiné sous l'impulsion de Bérenger de la Drôme pour atteindre le Midi de la France. Mais elle ne s'étendit à d'autres régions qu'avec le concours de Rey qui ne cessait de voyager, partant « recruter » le maximum de libéraux, « semant » les « germes » de l'association là où c'était possible...

* 193 Cf, Rey, T 3939, op.cit, p.90.91.

* 194 Statuts de l'Union libérale, article 8

* 195 Statuts de l'Union libérale, article 6

* 196 Statuts de l'Union libérale, article 2

* 197 Statuts de l'Union libérale, article 4

* 198 Maurice Agulhon, Le Cercle dans la France bourgeoise, étude d'une mutation de sociabilité, op .cit, cahiers des annales n°36, Librairie Armand Colin, 1977, voir chapitres VII et VIII.

* 199 Maurice Agulhon, op.cit, p.61.

* 200 Maurice Agulhon, p.60. Si Agulhon part de l'exemple des sociétés de jeux, il n'en opère pas moins un rapprochement avec le mode de regroupement politique de l'époque, qu'il s'agisse des salons ou des sociétés ouvertement politiques. « Le cercle , dans le moment de la civilisation bourgeoise qui s'épanouit au XIXème siècle et dont il reflète quelques caractères majeurs (aisance et loisir, joie de vivre, égalité, laïcité, masculinité), pourrait bien être quelque chose de plus que le moyen d'une fonction spécifique, il pourrait être un modèle assez général de vie collective. », Agulhon, op.cit, p.63.

* 201 Maurice Agulhon, op.cit, p.69,70.

* 202 Comme le note Agulhon : « Un parti (avant la lettre), ne groupe pas des hommes individuels mais des cercles... », op.cit, p.70. Cependant, ne résumons pas trop simplement l'essor que devait connaître le parti républicain dans les années 1830-1840 à de vagues calculs politiques opérés au sein de sociétés secrètes libérales. La question des contingences historiques à travers notamment celle de l'évolution culturelle du pays par la conquête de la classe moyenne à la cause républicaine est un facteur explicatif avéré : « Nous devrons encore une fois nous contenter de présumer une liaison possible entre la démocratie structurelle que constitue la nouvelle socialité et la démocratie politique que constitue la gauche (libérale, puis républicaine) qui finira par gagner la majorité de la « classe moyenne » », Agulhon, op.cit, p.72. Pour une histoire complète mais dense du passage d'un mouvement libéral « élitiste » à la structuration d'une lutte républicaine plus populaire, consulter le classique ouvrage de George Weill, Histoire du parti républicain en France de 1814 à 1870, Félix Alcan éditeur, Paris, 1900, 550 p. Les premiers chapitres I,II,III et IV ont été consultés et relatent, dans un style assez romancé, la naissance de premières sociétés républicaines sous le règne de Charles X et surtout au début de celui de Louis-Philippe dans les années 1830-1832...

* 203 Cf. Georges Weill, Les Mémoires de Joseph Rey, op.cit, p.296.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand