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L'indemnisation des préjudices résultant de la contrefaçon

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par Alexandre BLONDIEAU
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 Propriété Industrielle et Artistique 2008
  

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C.La pratique jurisprudentielle

Comme nous le verrons par la suite, quant aux réparations de la contrefaçon, tous les tribunaux et les cours n'étaient pas inspirés exclusivement par le principe de la réparation intégrale. Cependant celui-ci demeurait jusqu' à présent la règle officielle. La fidélité à cette règle se manifestait de plusieurs manières, notamment par la méthode d'évaluation des dommages employée par les juges ou encore par le rappel des principes directeurs de la responsabilité civile.

1.La méthode retenue pour l'évaluation des dommages et intérêts

Tout d'abord, l'expression la plus frappante de la règle de la réparation intégrale s'observait dans la méthode retenue par les tribunaux pour quantifier les indemnités à allouer au demandeur. Comme nous l'avons déjà évoqué, celle-ci s'inspirait largement de l'article 1149 du Code civil11. Les juges prenaient donc en considération le gain manqué et les pertes subies par le titulaire, ce qu'ils devraient toujours faire puisque la loi nouvelle impose de prendre en compte « les conséquences économiques négatives » mais plus exclusivement comme nous le verrons plus avant.

a)Le gain manqué (ou « préjudice commercial »)

Il s'agit ici d'évaluer les sommes perdues par le titulaire du droit d'auteur ou de propriété industrielle. Puisque le contrefacteur, par définition, n'a pas demandé d'autorisation d'exploiter au titulaire du droit, ce dernier n'a pas été rémunéré et a perdu des ventes, il y a donc eu un « manque à gagner ». C'est cela qu'il convenait de réparer, mais pas davantage. Il fallait, lorsque cela était possible, établir la masse contrefaisante12, soit le chiffre d'affaire de la contrefaçon. A ce montant était appliqué le taux de marge du titulaire, ce qui revenait à calculer le chiffre d'affaires dont ce dernier avait été privé. La masse contrefaisante était

11 F. Pollaud-Dulian, Droit de la propriété industrielle, Montchrestien, 1999, n°733 : « l'approche inspirée de l'article 1149 du Code civil (gain manqué, perte subie) est une pratique prétorienne, que le Code de la propriété intellectuelle, muet sur ce point, et la nature de l'action n'imposent pas nécessairement ».

12 La jurisprudence rappelle au besoin ce principe : « pour apprécier le préjudice, il convient de prendre en compte l'importance de la masse contrefaisante (...) », Paris, 22 nov. 2002, « Sté d'Exploitation des Ets J. Jacques c./ Sté Christian Dior Couture » : Annales, 2003, p. 199

établie grâce à des critères objectifs : durée de l'exploitation illicite, nombre d'exemplaires fabriqués, commercialisés13, vendus effectivement, leur prix, parfois également leur importance individuelle14. Le titulaire des droits, victime de la contrefaçon a toujours intérêt naturellement à verser aux débats un maximum de pièces tendant à établir l'importance de cette masse contrefaisante.

Le taux de marge que le titulaire aurait pu appliquer pour une telle exploitation était dans la mesure du possible déterminé par rapport à des barèmes pratiqués sur le marché. A défaut, ce taux était théoriquement déterminé par les juges. Le fait, par exemple, que l'auteur en cause jouisse d'une notoriété spécifique dans le domaine considéré venait augmenter d'autant la marge retenue, si cette notoriété n'allait pas de soi, il convenait de la démontrer 15. De même, si cela ne s'imposait pas naturellement, l'auteur devait prouver que de par ses activités il était amené à céder ses droits sur ses oeuvres, par exemple pour des campagnes publicitaires ou promotionnelles16.

Parfois, bien que le chiffre exact des exemplaires contrefaisants vendus fut connu, les tribunaux n'accordaient pas pour autant au titulaire du droit de propriété intellectuelle une somme égale à celle qu'il aurait perçu si un contrat régulier avait été conclu. Par exemple dans une espèce, le tribunal a pris en considération le fait que la grande quantité d'ouvrages vendus n'était pas liée à la seule qualité des oeuvres « mais aussi et surtout au prix très modique (...) proposé aux clients »17. Le principe de la réparation intégrale était donc en l'espèce encore très strictement respecté.

Il arrivait que la connaissance exacte de la masse contrefaisante défavorise les victimes de contrefaçons sur le plan des sommes allouées. Ainsi, dans une espèce, les juges de première instance avaient alloué à un éditeur et à son auteur les sommes de 15 000 euros chacun. La Cour d'appel, forte d'une expertise révélant des chiffres précis sur la masse contrefaisante, avait pu réviser ces montants de moitié au préjudice de l'auteur et de l'éditeur18. Ici encore, nous constatons que le principe de la réparation intégrale avait été appliqué avec rigueur par les juges.

13 Par exemple dans une espèce, la Cour d'appel de Paris considère que l'atteinte portée aux droits patrimoniaux est limitée du fait que seuls 772 flacons contrefaisants sur 1172 aient été proposés en vente, Paris, 16 janv. 2004, « Carole Benzaken c./ Parfumeries Fragonard et autres » : RIDA, avr. 2004, p. 329.

14 Sera par exemple pris en compte pour une contrefaçon de photographies, le format des tirages qui en ont été faits, Paris, 20 sept. 1994 : RIDA, avr. 1995, p. 367.

15 Voir par exemple Paris, 5 mai 2000, « Sté Galerie de France c./ Jacques L'Hoir et autres » : RIDA, avr. 2001, p. 352 où la Cour note que l'auteur « ne produit aucune pièce tendant à établir qu'il bénéficie d'une notoriété particulière » pour justifier l'évaluation faite par les juges de première instance.

16 Paris, 5 mai 2000, préc., note 12.

17 TGI Paris, 4 juin 1997, « Anne Goscinny et Editions Dupuis c./ Esso et autres » : RIDA, janv. 1998, p. 333.

18 Paris, 21 oct. 1992, « Sté Editions Rivage c./ Sté Victor Gollancz et autres », RIDA, janv. 1994, p. 350.

Il pouvait arriver qu'un acte de contrefaçon soit commis sans qu'il y ait eu exploitation d'objets contrefaisants pour autant. Il en allait ainsi par exemple lorsque les juges constataient une contrefaçon par dépôt d'une marque similaire ou identique à une autre déposée antérieurement. L'action en contrefaçon par le titulaire de la marque antérieure pouvait avoir lieu avant que la marque contrefaisante n'ait été exploitée, ainsi seul le dépôt était contrefaisant. En ce cas, des tribunaux ont pu considérer que le titulaire de la marque antérieure n'avait pas réellement subi de préjudice. Ainsi, conformément au principe de la réparation intégrale, les tribunaux n'accordaient en principe pas de dommages et intérêts ou bien une somme d' un franc ou d'un euro symbolique19.

Si le titulaire du droit n'exploitait pas celui-ci, il n'avait droit qu'au paiement du prix d'une licence. Il percevait donc les redevances perdues pour cette exploitation. S'il n'avait jamais concédé de licence sur l'invention ou la marque en cause par exemple, il revenait au juge de fixer un tarif au regard des éléments fournis par les parties. Si le titulaire exploitait son droit mais n'aurait pu exploiter autant que l'a fait le contrefacteur, il convenait de lui accorder deux indemnités distinctes. Il recevait d'une part la marge bénéficiaire qu'il aurait obtenu pour le nombre d'exemplaires qu'il aurait pu exploiter et d'autre part les redevances perdues pour les exemplaires restants. Naturellement, les deux indemnités s'additionnaient sans que cela ne viole l'article 1382 du Code civil en réparant deux fois le même préjudice comme il a pu l'être soutenu20.

Enfin, lorsque l'utilisation illicite n'avait pas enrichi directement le contrefacteur, il convenait pour les juges d'allouer au titulaire du droit le prix d'une licence d'utilisation. En ce cas, l'on utilisait parfois les barèmes habituellement pratiqués pour une telle exploitation. Par exemple, un film publicitaire avait été tourné dans un décor où apparaissait une statue de Maillol clairement identifiable sans autorisation des ayants droit du sculpteur. La Cour de Versailles avait admis le calcul opéré par la SPADEM, en fonction du barème en vigueur à l'époque de la représentation illicite, barème prenant en compte « la durée exacte de l'utilisation de l'oeuvre pendant la campagne de publicité »21. Dans cette affaire, la SPADEM avait, avant

19 Voir par exemple : Paris, 9 mars 2005, « Lindt et Sprungli SA c./ Etablissement Public du Musée et du Domaine de Versailles », PIBD 2005, 809-III-45. Dans cette espèce, la Cour a reconnu que les dépôts de marques étaient constitutifs, même en l'absence d'un usage des produits visés aux dépôts, d'actes de contrefaçon au préjudice du titulaire des marques antérieures. Toutefois, il a été jugé que puisque le préjudice subi était purement symbolique, il serait réparé par l'octroi d'une indemnité de un euro.

20 Cass. Com, 27 oct. 1992, « Mécafrance S.A c./ Gachot », PIBD 1993 , 537-III-76. En l'espèce, le pourvoi soutenait « qu'en sanctionnant la contrefaçon par l'allocation cumulative d'une indemnité pour la perte des ventes manquées et d'une indemnité représentant le taux de redevance qui aurait pu être perçue d'un licencié, la cour d'appel répare deux fois le même préjudice en violation de l'article 1382 du Code civil ».

21 Versailles, 15 janv. 1998, « Sté Movie Box c./ Me Chavaux, Administrateur judiciaire de la SPADEM et autres » : RIDA, juill. 1998, p. 267.

l'assignation, vainement demandé à la société défenderesse de s'acquitter de la rémunération habituelle pour ce type d'utilisation. Il faut remarquer que lorsqu'il s'agit d'oeuvres gérées par des sociétés de gestion collective, il est assez aisé pour ces dernières de fournir le montant exact éludé par le contrefacteur et de satisfaire ainsi au principe de la réparation intégrale. Ainsi, dans une espèce plus récente22 concernant la diffusion des titres du répertoire de la SACEM via des postes de télévision installés dans des chambres d'hôtel, la société d'auteur a demandé, et obtenu du tribunal d'instance la somme de 2598, 12 euros au titre de redevances de droits d'auteurs éludés pendant une période de cinq ans. Les sommes allouées étaient donc exactement celles auxquelles le demandeur aurait pu prétendre en l'absence de contrefaçon, ni plus, ni moins.

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