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L'insécurité alimentaire dans la région du Nord au Cameroun: représentations sociales, stratégies de lutte et enjeux

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par Alain Christian ESSIMI BILOA
Université de Yaoundé I - Master en sociologie 2010
  

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III- LA CATÉGORISATION DES PRINCIPALES VICTIMES DE L'INSÉCURITE ALIMENTAIRE

Il apparaît primordial de préciser au préalable, afin de lever toute équivoque qui se poserait, que pendant les périodes à risque, l'insécurité alimentaire ne fait pas une quelconque discrimination au sein des populations. Elle frappe sans distinction de sexe, d'âge, de religion & Cependant, cette insécurité alimentaire n'est pas vécue par tous au même degré en fonction ou à cause du rang que certaines couches sociales occupent sur l'échelle sociale ou sur la pyramide des âges. Dans les paragraphes qui suivent, il est opportun de savoir justement dans quelles mesures certains semblent plus vulnérables à ce phénomène que d'autres.

III-1 Les personnes âgées (plus de 60 ans)

Cette catégorie a été identifiée comme vulnérable dans la mesur où les personnes âgées rencontrées estiment ne plus avoir suffisamment de force pour cultiver la terre. Cela veut dire que ces personnes sont presque improductives ; ce qui les met en situation de dépendance vis-à-vis de leurs enfants ou d'une quelconque personne.

HABIBA, 62 ans, nous apprend que :

« Ça fait plus de 5 ans que je ne travaille plus les champs parce que j'étais tombée malade et le docteur m'a demandé de me reposer parce que je n'ai plus beaucoup la force. Maintenant, je compte sur mes belles-filles pour manger chaque jour. Comme mon premier fils a trois femmes, elles me donnent la nourriture chacun à son tour. Je ne demande pas la nourriture parce que c'est mon enfant qui les a dit de souvent me servir. Elles doivent seulement obéir leur mari sinon elles auront les problèmes avec lui. »

Pendant l'insécurité alimentaire, ces personnes valides dont dépendent les personnes âgées se soucient en premier lieu de leurs progéniture avant de penser à toute autre. Le plus souvent donc, on « oublie » de leur servir un bol de riz ou de mil et se retrouvent entrain de dormir le ventre vide. Tout ce qu'elles peuvent faire, c'est parcourir les maisons de leurs enfants (pour ceux qui sont encore en mesure de le faire) ; ou encore envoyer un enfant demander à manger pour eux dans les différents concessions.

III-2 Les handicapés

On nomme handicap la limitation des possibilités d'interaction d'un individu avec son environnement, causée par une déficience qui provoque une incapacité, permanente ou non et qui mène à un stress et à des difficultés morales, intellectuelles, sociales et/ou physique. Le handicap exprime une défience vis-à-vis d'un environnement, que ce soit en termes d'accessibilité, d'expression, de compréhension ou d'appréhension. Il s'agit donc plus d'une notion sociale et d'une notion médicale.

Le mot handicap vient de l'expression anglaise « hand in cap » ce qui signifie littéralement « la main dans le chapeau ». Dans le cadre d'un troc de biens entre deux personnes, il fallait rétablir une égalité de valeur entre ce qu'on donnait et ce qu'on recevait : ainsi, celui qui recevait un objet d'une valeur supérieure devait mettre dans un chapeau une somme d'argent pour rétablir l'équité. L'expression s'est progressivement transformée en mot puis appliquée au domaine sportif (courses de chevaux notamment) au XVIII ème siècle. En hippisme, un handicap correspondait à la volonté de donner autant de chances à tous les concurrents en imposant des difficultés supplémentaires aux meilleurs.

Historiquement, le handicap se définissait par opposition à la maladie. Le patient était malade tant que son problème pouvait être pris en charge médicalement ; il était reputé handicapé une fois devenu incurable. En 1980, le britannique Philip WOOD a transformé radicalement la vision du handicap en le définisssant comme un désavantage dont est victime une personne pour accomplir un rôle social normal du fait de sa déficience (lésion temporaire ou définitive) ou de son incapacité (réduction partielle ou totale des capacités pour accomplir une activité). Avec la parution de la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé (CIF, CIH-2), l'OMS a introduit une nouvelle typologie du handicap qui prend plus en compte les facteurs environnementaux. Le handicap peut y être défini comme la rencontre d'une déficience avec une situation de la vie quotidienne.

La loi française du 11 février 2005 portant sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées stipule que :

« constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activités ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substancielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles,

mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé envahissant. »

D'après la Classification Internationale des Handicapés, on nomme handicapé « Toute personne souffrant d'une déficience, aspect lésionnel, ou d'une incapacité, aspect fonctionnel, qui limite ou interdit toutes activités considérées comme normales pour un être humain. »

La classification des divers handicaps distingue les handicaps :

- physique : moteur et sensoriel ou relationnel ;

- mental : déficiences intellectuelles et relationnelles durables ;

- associé ou multihandicap : cumul de plusieurs handicaps ;

- polyhandicap : cumul de handicaps moteur, intellectuel et de la communication.

Dans le cadre de cette étude, ce sont principalement les handicapés moteurs et sensoriels qui ont retenu notre attention ; parce qu'étant les plus visibles et ceux que nous avons le plus rencontrés lors de notre séjour sur le terrain.

> Les handicaps sensoriels

La cécité et la surdité sont deux déficits très différents entrainent de la part de l'entourage des réactions diverses. Environ 100 millions de personnes dans le monde sont touchées par ces déficits ,ais nous ne saurions donner ne serait-ce une estimation de cette catégorie dans la région du Nord, faute de statistiques disponibles auprès des services sociaux ou de santé de la région. Qu'à cela ne tienne, nous en avons vu un grand nombre déambuler dans les avenues, les rues, les marchés ou devant les mosquées.

L'importance du déficit sensoriel amène à créer des sous-catégories : c'est ainsi que l'on distinguera de la cécité complète l'amblyoptie qui correspond à une vision de moins de 4/10. La différence est réelle puisque tout amblyopte (ou mal-voyant) peut en principe mener une vie indépendante sans l'aide constante d'une tierce personne.

Un autre aspect du handicap à prendre en compte est sa date de survenue. On devra différencier cécité congénitale et cécité acquise. Psychologiquement, les aveugles-nés sont très différents des jeunes enfants devenus aveugles après l'âge de trois ou quatre ans, alors qu'ils avaient pu bénéficier d'acquisitions dans le domaine visuel. Ces derniers, même lorsqu'ils n'ont pu conserver de souvenir visuel, sont privilégiés par rapport aux aveugles-nés en ce qui concerne

certains domaines de la connaissance, tel celui de la représentation spatiale. Mais les aveugles tardifs peuvent en revanche se trouver défavorisés par de grandes difficultés à développer des moyens de compensation de leur infirmité (par exemple l'apprentissage de l'écriture Braille). Il en est de même chez les sourds et malentendants. Ceux dont l'infirmité a été précoce souffrent de difficultés du raisonnement et de la pensée abstraite qu'on peut raisonnablement rapporter à la privation des communications par le langage.

> Les handicaps moteurs

Ils constituent une catégorie très hétérogène puisqu'on y range les amputations, les atteintes neurologiques centrales et périphériques, les affections musculaires ou ostéoarticulaires. TIDJANI raconte que :

« Pendant les fêtes de fin d'année, mon fils Amadou a eu un accident de moto. C'était tellement grave qu'on lui a amputé la jambe qui avait été broyée lors de l'accident. Maintenant, il ne se déplace plus normalement et ne peut donc plus nous aider à travailler au champ. »

Diverses dans leurs origines, les déficiences motrices le sont également par les réactions qu'elles suscitent. A incapacité égale, le paralysé sentira planer autour de lui une certaine méfiance, alors que l'amputé ne se verra pas demander plus qu'il ne peut faire. Mais en contrepartie, il provoquera, plus que le paralysé, un sentiment de gène et de malaise lié à la mutilation et au symbolisme qui s'y rattache. Le malaise vis-à-vis de certains handicaps moteurs naît aussi de la méconnaissance des accidents neurologiques qui en sont la cause. Le tableau de l'hémiplégie est relativement familier surtout chez le vieillard hypertendu ; ou celui de la paraplégie, que la fréquence des accidents de la circulation a rendu tragiquement quotidien (causant des sections de la moelle épinière). De même les séquelles de la poliomyélite sont facilement identifiées.

Mais le public ne connaît pas les manifestations cliniques des maladies dégénératives du système nerveux central (telles les dégénérescences spino-cérébelleuses DSC ou de l'infirmité motrice cérébrale IMC. Les troubles de motricité volontaires sont dus à une encéphalite de la petite enfance, à un accouchement difficile, à une incompatibilité sanguine.87

C'est peut-être à l'une des causes de ce dernier groupe que la paralysie de SAMADINE est due. Nous pensons qu'elle a très probablement été victime d'une DSC ou d'une IMC bien

87 Guy DREANO, Guide de l'éducation spécialisée, Paris, Dunod, 2002, p.25 et svtes.

qu'elle avance une tout autre raison liée au mauvais sort, à la sorcellerie ou à la mélédiction tel que cela transparaît dans son témoignage :

« Mon père avait eu un problème quand j'étais petite avec un éléveur parce que ses animaux étaient venus manger la nourriture dans notre champ. Mon père l'a accusé chez le djaworo et on lui a demandé de payer ce que ses moutons avaient mangé. Il s'est fâché et a dit à mon père que ça n'allait pas finir comme ça. Un jour, je me suis couché et le matin, je ne pouvais pas me lever. On a tout fait. Rien. Mon père a fait venir un marabout à la maison et c'est lui qui a dit que c'est le type qui avait eu le problème avec mon père qui m'avait lancé une malédiction et que lui, il ne pouvait pas me guérir complètement parce que le gris-gris était trop fort. C'est depuis là que mes pieds sont pliés comme tu vois-là. »

A cause du handicap, les individus voient se réduire inexorablement leur champ de mobilité. Ils sont quasiment improductifs et vivent de ce fait aux crochets de ceux qui sont valides ; ou simplement sont réduits à la mendicité. Il arrive que, lorsque la personne handicapée devient une charge insupportable pour la famille et que les disponibilités alimentaires sont réduites à leur plus simple expression, ledit membre est progressivement abandonné par les siens en étant privé de sa ration alimentaire. Si la période difficile perdure et/ou se durcit, les handicapés sont purement et simplement bannis et exposés à toutes les conséquences dont il a été fait cas antérieurement. Leur handicap les pénalise un peu plus parce que c'est une souffrance à laquelle vient se greffer d'autres souffrances ; s'amplifiant mutuellement.

ATTiTuDEs DEs AcTEuRs FAcE à
L'iNsEcuRiTE ALiMENTAiRE : LEs
sTRATEGiEs DE LuTTE

DEuXiEME pARTiE :

Pour tous les acteurs concernés par l'insécurité alimentaire, la lutte contre ce phénomène apparaît comme une préoccupation vitale. Les stratégies de gestion des situations de pénurie alimentaire mises sur pied sont aussi bien formelles qu'informelles. Les stratégies informelles sont celles qui reposent sur des arrangements entre individus ou ménages ; ou qui font appel à des groupes tels les communautés ou les villages. Les stratégies formelles quant à elles font appel aux mécanismes de l'Etat et ceux des organismes internationaux et autres ONGs. En l'occurrence, il s'agit dans cette étude de la FAO et du PAM.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand